Tintin (Les aventures de), tome 16 : Objectif lune de Hergé
Catégorie(s) : Bande dessinée => Aventures, policiers et thrillers
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Comme Jules Verne...
Chaque été, on fête les étoiles du ciel, on prend le temps de lever la tête, on contemple cet astre satellite de la terre, la lune… Au mois de juillet, on peut même célébrer l’anniversaire des premiers pas de l’homme sur cette fameuse lune… Je viens même d’entendre que l’on allait donner le nom de professeur Tournesol à une place d’une grande ville du Sud-Ouest, Bordeaux si j’ai bien retenu… Rien à voir me direz-vous ? Non, au contraire, tout à voir !
Parler de cet album Objectif lune, c’est rendre hommage au professeur Tournesol, un des plus grands savants de notre époque. Il fut brillant, inventif, curieux de tout, à l’origine des lasers, de la télévision, des sous-marins, des réacteurs nucléaires… et j’en oublie obligatoirement tant on ne peut lister toutes ses inventions… Alors, Objectif lune, c’est sa consécration comme astrophysicien, c’est une partie importante de sa biographie, c’est le moment où Hergé décide de nous le révéler dans sa grandeur, dans sa réalité…
Le professeur Tournesol entre dans l’œuvre de Hergé au début du Trésor de Rackham le Rouge, de façon modeste, comme un professeur illuminé et sans grande importance. Pensez donc, sa grande invention serait le lit qui se replie dans la journée pour permettre aux habitants des appartements restreints d’avoir un peu plus de place pour vivre… Mais, par la suite, il prend de l’importance. Dans le duo Les 7 boules de cristal et Le temple du soleil, il est indiscutablement le héros, le centre… Même Haddock a pour lui des mots sympathiques et tendres… Mais, il faut savoir attendre pour mesurer la grandeur d’un homme. Dans Objectif lune, nous allons le retrouver au centre de recherches atomiques de Sbrodj, en Syldavie. Oui, il est si connu et célèbre qu’une nation étrangère lui offre un poste de chercheur, non, encore mieux, un titre de directeur de la section astronautique ! C’est ainsi que, secondé par l’ingénieur Frank Wolff, il prépare une fusée pour aller sur la lune… Mais Tintin et Haddock ignorent encore tout cela quand ils rentrent dans ce bon château de Moulinsart.
Car tout commence par un retour au château de Haddock. Tintin, Milou et le capitaine semblent revenir d’un long voyage, au moins un mois d’absence car ils vont apprendre de Nestor que le professeur Tournesol est parti depuis déjà trois semaines… Mais on ne sait pas où il est… Heureusement, un télégramme arrive de Syldavie pour donner des indications précieuses : « Venez me rejoindre »… Et nous revoilà partis dans une grande aventure !
En haut de la page 2, on peut remarquer que Milou est entrain de tester les escaliers du château. En fait Hergé expérimente les possibilités de cet escalier et il y reviendra par la suite, dans une autre aventure dont nous parlerons par ailleurs. Sur cette même page, dans l’avion de la compagnie syldave, un sinistre personnage fait son apparition, il semble prêter attention aux paroles de Haddock, surtout quand il prononce le nom de Tournesol. On commence à se douter que ce voyage ne sera pas de tout repos… Mais cet homme restera dans l’ombre, on n’en saura pas trop sur lui et Hergé restera plus prudent que dans L’étoile mystérieuse en s’abstenant de lui donner un nom, une appartenance ethnique ou religieuse… Mais nous sommes en 1953 et l’auteur a tiré les leçons du passé, au moins dans les formes…
C’est au moment où nous réalisons que cette histoire tourne à l’espionnage, qu’elle présente de nombreux dangers potentiels, tant pour Tournesol que pour nos amis cherchant à le rejoindre, que Hergé va s’offrir une petite série de gags avec notre cher capitaine… Notre marin est un grand amateur de whisky et on veut lui mettre de l’eau minérale dans son alcool, lors du voyage – quel scandale ! – et à l’aéroport de Klow, un douanier, après avoir découvert la réserve de whisky de Haddock, lui demande une petite amende de 875 khors de droits de douane… On croit que Hergé s’égare mais en fait dans cette histoire on va pouvoir constater qu’un grand nombre de frasques de Haddock sont créées pour alléger l’histoire. Tournesol sera le savant, Tintin le sauveur et Haddock le clown… Un peu simplificateur mais très proche de ce que le lecteur va découvrir de page en page… Pour ce qui est de Haddock, c’est facile à vérifier…page 4, il se retrouve avec sa casquette complètement enfoncée, page 5, Haddock subit un lavage de tête à l’eau minérale, page 7, il s’assomme en sortant de la voiture, page 8, re-choc avec Tournesol qui l’embrasse en gardant son casque, page 11, il prend feu en voulant fumer avec l’appareil auditif de Tournesol, page 13, il tombe à la renverse en visitant la centrale nucléaire, page 16, le voilà repeint en rouge pour l’hiver, page 26, le gag de la chaise devrait plaire à tous les lecteurs ayant gardé une âme d’enfant… On pourrait continuer la liste jusqu’à la fin de l’album, mais je préfère vous laisser effectuer une lecture spéciale en regardant toutes les anecdotes avec le capitaine Haddock dans cet album… A vous de jouer ! Mais, en fin d’album, lorsque la tension est la plus forte, Haddock ne sera plus là pour faire rire et on oubliera facilement son encyclopédie en trois volumes…
Mais le comique ne viendra pas seulement de Haddock. D’ailleurs le capitaine n’est là que la première étape du rire, il fait rire mais en laissant le lecteur dans l’histoire. Le « comique impasse », celui qui égare le lecteur, est incarné par le duo, classique mais irremplaçable, des Dupondt… Dès leur arrivée, en confondant tenue grecque avec tenue syldave, ils donnent le ton général de leurs interventions et il faut bien comprendre que ce décalage total finira dans la tragédie car s’ils… mais c’est encore trop tôt pour en parler…
Mais n’est-il pas temps de parler de ces Dupondt… Quand j’étais petit, je croyais que c’étaient des jumeaux, mais je me trompais. Dupond et Dupont, deux orthographes de nom, deux personnes distinctes, deux origines différentes… Hergé a probablement pensé et pris modèle sur deux jumeaux de sa famille, mais il veut aussi montrer que pour lui mes policiers sont uniformisés par leurs tenues, leurs formations, leurs missions… Ils les montrent d’une bêtise incroyable depuis leur première apparition et ce n’est pas dans cet album qu’ils retrouveront un peu de crédibilité… Mais puisqu’ils sont différents comment fait-on pour distinguer Dupond et Dupont ? En fait, ce n’est pas très compliqué : Dupond, d comme droite, a une moustache qui tombe de façon droite… Dupont, t comme tordue, a une moustache qui se rebelle en tombant… Et voilà, maintenant, vous saurez comment les distinguer ce qui ne vous apportera rien au niveau de l’histoire, mais vous pourrez faire chercher les autres…
Mais dans Objectif lune, on va assister à une super séquence Dupondt… Durant 39 vignettes, sur trois pages, Hergé s’amuse avec ces deux imbéciles heureux. Rien de nouveau pour le lecteur, pas d’avancée dans l’histoire, juste une présentation de la bêtise incarnée avec les Dupondt qui finissent par arrêter un squelette ! Mais page 25, quand la séquence est enfin terminée, Hergé nous montre que le drame, lui, est bien en train de se mettre en place, c’est sobre mais efficace, moquerie et récit fondamental se suivant de très près… « OK ! Leur fusée est à nous !… »
Car, Objectif lune, est bien avant tout, une histoire forte. Tournesol veut envoyer une fusée sur la Lune pour permettre à l’homme de fouler le sol du satellite naturel de la Terre pour la première fois. Cet album est celui de la préparation, le suivant, On a marché sur la lune, sera celui de la réalisation comme nous avions eu chez Jules Verne De la terre à la lune et Autour de la lune… Mais, si on peut parler de science fiction, on peut aussi dire qu’il s’agit de politique fiction car Hergé se lance dans la conquête de l’espace juste avant que les Etats-Unis et l’URSS se fassent une guerre terrible pour cette aventure dans l’espace… Mais voilà, les Syldaves aidés par Tournesol seront les plus rapides…
Dans Objectif lune, nous aurons donc une aventure scientifique, un emballage plein d’humour – de tout cela nous avons déjà parlé – mais il y aura aussi la partie d’espionnage. Et pour cela, il faut une avancée scientifique – ce sera la fusée nucléaire de Tournesol – une nation étrangère désireuse de venir voler un secret – la Bordurie – et un traître – mais je ne vais pas vous donner son nom tout de suite car je pense que si l’un d’entre vous lisait cet album pour la première fois, le suspens demeurerait jusqu’au deuxième épisode de cette histoire – et nous voilà partis dans cette grande aventure…
Mais un des personnages essentiels de cette histoire est un objet qui va faire très rapidement le tour de la terre, au sens propre comme au sens figuré, que l’on peut acheter, malheureusement à prix d’or, en petit format ou en très grand… Il s’agit de cette fameuse fusée rouge et blanche, que l’on découvrira d’abord en petit format avec le prototype X-FLR 6 puis en version définitive à la page 42, le jour où Tournesol veut prouver à Haddock qu’il n’est pas un zouave… Mais voilà, ce jour là, un drame va se produire et personne ne l’avait envisagé : Tournesol, en faisant visiter la fusée, tombe, se cogne la tête et perd la mémoire… Le mammouth – le nom sous lequel les espions le désignent – ne peut plus continuer son travail de préparation au voyage lunaire… Le projet va-t-il capoter à cause d’une anodine chute ? Non ! Le capitaine Haddock va finir par aider Tournesol à revenir dans la réalité et pourtant le capitaine n’est pas celui qui souhaite le plus aller sur la lune puisque au moment d’embarquer il dit à Baxter, le directeur de la base : « Ecoutez, Monsieur Baxter, si vous y tenez vraiment, si je puis vous céder ma place… »… Mais, rassurez-vous, les passagers pour la lune vont bien embarquer, Tournesol, Tintin, Milou, Haddock et Wolff… Et voilà notre fusée qui décolle…
Mais avant de lire la suite des aventures dans l’espace de nos héros préférés, prenons encore quelques minutes pour découvrir les petites séquences consacrées à Milou, avec un chat, page2, avec une porte, page 7, avec sa tenue spéciale, page 12, 14 et 16, avec des ours, page 20 et 21, avec Wolff, page 27, avec la pipe de Haddock, page 31, avec une souris, page 38, lors de son essayage de scaphandre lunaire, page 51 et, enfin, lors du décollage de la fusée…
Comme nous l’avons déjà vu ensemble, il arrive parfois qu’Hergé nous fasse quelques clins d’œil, en particulier en dessinant des proches, des membres de son équipe des studios Hergé, c’est le cas dans cet album… A vous de chercher, par exemple, ce cher Edgar P Jacob, l’auteur des aventures de Blake et Mortimer, mais aussi un grand collaborateur d’Hergé, en particulier pour la mise en couleur de certains albums dans les années de guerre…
Il ne nous restera plus qu’à lire prochainement la suite de cette histoire tout à la gloire scientifique du professeur Tournesol dans On a marché sur la lune…
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Une belle prospective
Critique de Mimi62 (Plaisance-du-Touch (31), Inscrit le 20 décembre 2013, 71 ans) - 2 juin 2021
Je l'avais lue à l'époque où la conquête de l'espace (on ne parle pas encore de la Lune !) n'était qu'un fruit de l'imagination, même si les recherches étaient déjà bien avancées)
Je l'ai relue dans l'album qui fut celui de mon enfance, donc une édition de 1953.
J'ai retrouvé avec un plaisir immense ce style de dessin qui a rendu Hergé mondialement connu et qui me séduit tant par sa précision, l'absence de superflu, l'aisance de lecture. Chaque trait a son importance. Le paradoxe réside en ce que ce dessin qui simplifie la réalité et donc n'est pas conforme à la réalité le rend terriblement réaliste. Il nous concentre sur l'important, évitant d'être dérouté par des éléments accessoires, ce qui par conséquent nécessite une lecture approfondie de l'image pour y saisir tout ce qui est porteur d'information.
J'ai repris ce livre après avoir suivi le décollage vers la navette spatiale du spationaute français et après lu "La bombe".
J'ai été très impressionné par le parallèle technique que l'on peut établir entre cette ouvrage et la réalité 70 ans plus tard. Certes tout n'est pas identique à la réalité des choses mais dans l'esprit nombre d'éléments sont très bien anticipés. Le plus décalé, selon ma perception, tient en ce que Tournesol travaille seul et est capable de résoudre l'ensemble des problèmes que présente une telle aventure.
Très intéressant également est de constater que juste après avoir terminé la lecture de cette BD, il était annoncé que des projets de fusées à propulsion nucléaire devraient être terminés dans les quelques années à venir. L'imaginaire rejoint la réalité !
Comme à l'habitude, le scénario est bien mené, avec ses passages de tension croissante, les moments d'humour et les inévitables interactions des "méchants".
Cette BD a probablement vieilli mais je ne l'ai pas perçu et le déroulé continue de captiver le lecteur.
Mon premier Tintin
Critique de Windigo (Amos, Inscrit le 11 octobre 2012, 42 ans) - 26 octobre 2014
Un scientifique (Tournesol) invente une fusée pour aller sur la Lune, Tintin, Milou, Haddock, et les Dupondt le suivent dans son aventure lunaire. Il y a aussi les espions qui veulent à tout prix avoir les notes du professeur Tournesol. Et la colère du capitaine Haddock, puis celle de Tournesol m'ont bien fait rire.
Bref, je vais me plonger dans la suite, On a marché sur la Lune.
Critique éclair
Critique de Marcel11 (Paris, Inscrit le 23 juin 2011, 26 ans) - 27 avril 2013
Remarquable
Critique de Bookivore (MENUCOURT, Inscrit le 25 juin 2006, 42 ans) - 12 mars 2012
On ne s'ennuie pas et une fois le tome fini, une seule envie, prendre le suivant pour lire la suite !
Objectif Lune
Critique de Exarkun1979 (Montréal, Inscrit le 8 septembre 2008, 45 ans) - 18 mai 2011
Une BD d'anticipation ?
Critique de Nance (, Inscrite le 4 octobre 2007, - ans) - 5 décembre 2009
À l’époque où la bande dessinée a été tirée, on est dans la science-fiction pure, l’intrigue se passe avant Apollo 11 et Spoutnik ! J’aime beaucoup, les dessins sont fantastiques et l’histoire, c’est parfois du chinois, mais j’ai passé un excellent moment de lecture et j’avais hâte de lire la suite.
Un rêve de gosse
Critique de Blue Boy (Saint-Denis, Inscrit le 28 janvier 2008, - ans) - 21 octobre 2009
L’histoire est passionnante, et les incohérences scientifiques en dépit du perfectionnisme notoire d’Hergé ajoutent au charme de l’histoire. Les jurons du Capitaine paraissent souvent désuets mais les échanges entre ce dernier et le professeur Tournesol sont toujours aussi drôles. Ce qui reste surtout fascinant, c’est la manière tout de même assez réaliste dont Hergé a anticipé un des plus grands événements du XXème siècle, même si aujourd’hui on n’est pas sûr à 100% qu’il s’est vraiment produit… La BD reste un must de toute façon.
Du coup, cela m’a donné envie de me replonger dans toute la collection… Nostalgie quand tu nous tiens…
Mon Préféré
Critique de Nouillade (, Inscrite le 13 mars 2008, 33 ans) - 16 juin 2008
Un moment fort
Critique de Veneziano (Paris, Inscrit le 4 mai 2005, 47 ans) - 29 mars 2008
Préparatifs mouvementés
Critique de Ketchupy (Bourges, Inscrit le 29 avril 2006, 44 ans) - 5 novembre 2006
Tintin, Milou et Haddock sont embarqués - bon gré, mal gré - par Tournesol dans la plus extraordinaire de leurs aventures. Ce premier volet traite de la préparation technique et logistique d’un tel voyage (apparemment physiquement ils sont au top !). Mais cette préparation ne va pas se faire sans péripéties, dont certaines très humoristiques.
Le passage où Tryphon se met dans une colère folle après que le capitaine l’ait traité de zouave est un instant mémorable !
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