La Bête humaine de Émile Zola

La Bête humaine de Émile Zola

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Killeur.extreme, le 19 avril 2005 (Genève, Inscrit le 17 février 2003, 43 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 13 avis)
Cote pondérée : 8 étoiles (529ème position).
Visites : 25 135  (depuis Novembre 2007)

L'instinct de Mort

"la Bête humaine" c'est l'histoire de Jacques Lantier, frère d'Etienne, héros de "Germinal", qui souffre d'un étrange mal: chaque fois qu'il a un rapport charnel avec une femme, il ressent l'envie de la tuer et il lui faut fuir cette femme pour ne pas passer à l'acte, c'est lors d'une de ses crises qu'il est témoin d'un meurtre, la victime Grandmorin est un personnage très important, la justice arrête et condamne un marginal Cabuche....

Zola voulait inclure un roman judiciaire dans sa saga des "Rougon-Macquart". autant vous dire que les personnages n'ont pas la vie facile quand ils ne sont pas victimes, ils sont assassins, voire les deux et quand ils sont innocents aux yeux du lecteur, ils sont coupables au yeux de la justice.

Le Titre "La bête humaine" a plusieurs sources on peut évoquer Jacques Lantier pour ses crises, mais d'autres personnages peuvent donner au roman leur titre.
Zola est peut-être un des premiers, sinon le premier, à étudier le comportement d'un "serial-killeur", un roman pessimiste, car aucun personnage ne rachète l'autre, seul Cabuche, innocent du début à la fin paiera pour deux crimes et l'erreur judiciaire, les manipulations de celle-ci pour éviter le scandale, tout ça est encore, dans certains cas, vérifié de nos jours.

Le Film: Jean Renoir a tiré du roman de Zola un film qui reprend l'intrigue principale, mais laisse tomber les intrigues secondaire, cependant le film est loin d'être décevant, Jean Gabin, habitué aux personnages forts de caractère et de muscle, honnête et droit, se retrouve ici dans un rôle opposé, celui de Lantier, bien entouré par le reste des acteurs et par le talent du réalisateur.

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Tout est dans le titre

10 étoiles

Critique de Monocle (tournai, Inscrit le 19 février 2010, 64 ans) - 15 janvier 2022

Tout d'abord ce livre se caractérise par une description absolument extraordinaire des chemins de fer de la fin du dix neuvième siècle. On s'y croirait. Le roman se vit à la cadence des roues métalliques qui glissent sur les rails... le cliquetis de chaque butée, le souffle de la vapeur de la locomotive de tête, les paysages qui défilent. Puis les hommes qui y travaillent, au mouvement ou au quai, leur vie dans le bâtiment de la gare ou à des postes annexes. Zola frappe fort dans ses descriptions et crée un roman qui se vit de l'intérieur. Nous en sommes au 17ème de la série des Rougon et il est de loin le plus addictif pour le lecteur.
Mais tout cela n'est que le décor... le vif du sujet est bien plus grave et se résume bien dans le titre.

Voici les faits :
25 février 69. À Paris. Roubaud découvrant que Grandmorin a eu Séverine. Meurtre prémédité, départ du train.
Chez les Misard. Analyse de Jacques qui voit le meurtre. Le cadavre trouvé.
Au Havre. Mouvement de la gare. Réveil de Roubaud et de Séverine. Visite au wagon. Jacques ayant vu.
À Rouen. Chez le juge d’instruction. Toute l’affaire. Mme Bonnehon. Les De Lachesnaye. Commencement du ménage à 3.
À Paris. L’idylle entre Jacques et Séverine. Camy-Lamotte et Denizet. L’affaire sera classée.
Mai. Au Havre. Jacques couchant avec Séverine. Roubaud se réorganisant.
Décembre. Train perdu dans la neige. Les Misard. Flore voyant que Jacques et Séverine sont morts.
Décembre. À Paris. Séverine disant à Jacques tout, comment ils ont tué Grandmorin. La manie homicide de J.
Janvier-Février 70. Au Havre. Analyse du ménage à 3. Roubaud désorganisé. Séverine décidée à se débarrasser de lui.
Au Havre, ou à Rouen, ou au milieu. Jacques voulant tuer Roubaud et ne pouvant.
1er avril. L’accident, déterminé par Flore, qui se fait tuer.
2 avril à mi-mai. Dans la maison près des Misard. Jacques amené à tuer Séverine, lui qui ne peut tuer Roubaud.
Partout, à Paris, à Rouen, au Havre. – Le procès repris. Tous les personnages du procès revenant.
Juillet. La Cour d’Assises.

LES PERSONNAGES PRINCIPAUX

JACQUES LANTIER.
En 1869, à 26 ans, Jacques est un grand et beau garçon. Il ressemble d’abord à sa mère, puis à son père, mais en beau. Figure régulière, ronde et blanche sous le charbon, des mâchoires trop fortes. Beaux yeux noirs, grands et droits. Nez correct, aquilin, Bouche ferme et bien dessinée, très brun de cheveux. Il a les cheveux frisés, en touffes, très drus, et il les porte demi ras. Il n’a que les moustaches épaisses et noires. Le menton nu est rond, ferme, énergique. L’ensemble est vigoureux, franc, mais toute la physionomie s’assombrit par moments, sous l’empire du rongement de l’idée fixe. (revenir sur ce portrait : le criminel né). Yeux larges, noirs, semés de points d’or, se troublant [quelques mots illisibles], malaise allant jusqu’à la souffrance, mouvement de recul de tout le corps. – Grand, bien proportionné, et l’air d’un monsieur quand il est débarbouillé, avec des extrémités très fines relativement. Ce qui peut être un sujet de surprise. Pourtant, ne pas oublier les signes du criminel né dans tout ce portrait physique. Il faudrait garder le type physique des criminels nés et l’embellir.

- SEVERINE ROUBAUD.
25 ans. Portrait physique ; une brune avec des yeux bleus. Taille moyenne, très souple, fausse maigre avec de petits os. – Pas jolie à première vue : la face longue, la bouche grande avec des dents admirables. Un teint très blanc et satiné. Puis, à la regarder, l’étrangeté, le charme de ses grands yeux bleus, sous ses épais cheveux noirs, et sous des sourcils noirs très fournis, trop même. De plus en plus séduisante, troublante, à mesure qu’on la regarde. Petites mains et petits pieds.
Fille cadette d’un jardinier au service des Grandmorin. Sa mère est morte en couches, et Séverine entrait dans sa treizième année lorsqu’elle a perdu son père. Le président Grandmorin, dont elle était la filleule, est devenu son tuteur, il l’a gardée près de sa fille Berthe. Les deux compagnes sont allées au même pensionnat de Rouen, elles passaient leurs vacances au château de Doinville ; c’est là que, docile et ignorante, la petite Aubry s’est pliée aux désirs honteux du vieux président ; plus tard, simplement désireuse d’arranger les choses, elle s’est laissé marier avec Roubaud, un employé de l’Ouest. Dans l’éclat de ses vingt-cinq ans, elle semble grande, mince et souple, grasse pourtant avec de petits os ; elle n’est point jolie d’abord, la face longue, la bouche forte, éclairée de dents admirable ; mais à la regarder, elle séduit par le charme, 1’étrangeté de ses longs yeux bleus, des yeux de pervenche, sous son épaisse chevelure noire. Mariée depuis trois ans, Séverine reste une grande enfant passive, d’une affection filiale, où l’amante ne s’est point éveillée ; elle aime à se faire cajoler et couvrir de baisers qu’elle ne rend pas, et cette femme, qui a connu les lubricités anormales d’un vieillard, reste sans vice, dans sa demi inconscience de fille douée, chaste malgré tout. Un instant d’oubli, un insignifiant mensonge qu’elle n’a pas su maintenir, révèle tout son passé à Roubaud, et Séverine ne comprend rien à la soudaine fureur de ce jaloux pour qui elle n’a qu’une calme affection de camarade ; elle se laisse arracher toute la vérité, des détails affolants qui jettent l’homme à la folie du sang ; et, complètement dominée par son mari, instrument d’amour devenu instrument de mort, elle accepte la complicité d’un assassinat : Grandmorin est attiré dans un guet-apens, et c’est elle qui, de tout son corps, pèse sur les jambes de la victime, pendant que le meurtrier enfonce le couteau. Les sens de Séverine ne s’éveillent que plus tard, dans les bras de Jacques Lantier. Comme celui-ci a deviné le crime, elle n’a d’abord eu qu’une pensée, le sentir à elle, tout à elle, faire de lui sa chose pour n’avoir plus à le craindre ; puis, elle s’est mise à l’aimer de tout son cœur vierge.

- ROUBAUD
39 ans. Taille moyenne, mais très fort, très râblé. Roux, cheveux, moustaches et favoris très drus, très frisés. Face ronde et colorée. Sanguin, le sang à la peau. Gros yeux marrons et vifs. Bouche solide. Le front bas, la tête un peu plate, avec le cou très court et la nuque grasse. Le corps d’une extraordinaire vigueur. Des muscles saillants.

Comme caractère moral : très honnête, très droit. Mais borné. Une volonté énorme, obstination dans ses projets. Il a voulu arriver, il est arrivé uniquement par son travail et son bon sens. Très estimé de ses chefs pour sa ponctualité, sa correction, sa solidité. Seulement, on ne compte pas beaucoup sur son intelligence.
Sous-chef de gare au Havre. Mari de Séverine Aubry. Il est né dans le Midi, à Plassans, d’un père charretier. Sorti du service avec les galons de sergent-major, longtemps facteur mixte à la gare de Mantes, passé facteur chef à celle de Barentin, il a connu là Séverine, filleule du président Grandmorin, et l’a longtemps désirée de loin, avec la passion d’un ouvrier dégrossi, pour un objet délicat qu’il juge précieux. Le roman de son existence a été d’obtenir cette jeune fille, de quinze ans moins âgée que lui, et qui lui semblait d’une essence supérieure ; pour comble de fortune, le président a doté l’épouse et accordé sa protection au mari : c’est le lendemain de la cérémonie que Roubaud est passé sous-chef.

Il est de taille moyenne, mais d’une extraordinaire vigueur ; la quarantaine approche, sans que le roux ardent de ses cheveux frisés ait pâli ; sa barbe, qu’il porte entière, reste drue, elle aussi, d’un blond de soleil. Il a la tête un peu plate, un front bas marqué de la bosse des jaloux, une nuque épaisse ; sa face ronde et sanguine est éclairée de deux gros yeux vifs. Ses notes d’employé sont très bonnes, il est solide à son poste, ponctuel, honnête, d’un esprit borné, mais très droit, toutes sortes de qualités excellentes. Ou le soupçonne seulement d’être républicain ; à un petit crevé de sous-préfet qui s’entêtait à monter en première classe avec un chien, il s’est oublié à dire : « Vous ne serez pas toujours les maîtres ! » Cc serait une disgrâce inévitable, sans le tout-puissant appui du précieux Grandmorin. Mais au moment même où Roubaud s’émerveille des bienfaits que lui vaut l’amitié d’un si haut personnage, il apprend brusquement la vérité : Séverine qu’il aime, qui est sa femme depuis trois ans, a été toute jeune débauchée par cet homme, elle a subi ses impuissantes caresses de vieux.

Mordu alors d’une jalousie atroce, il éprouve une faim de vengeance qui lui tord le corps et ne lui laissera plus aucun repos, tant qu’il ne l’aura pas satisfaite. De ses poings d’ancien homme d’équipe, redevenant parfois la brute inconsciente de sa force, il a contraint sa femme à lui dire toute la vérité ; comme malgré tout il l’aime encore, il va mettre quelque chose de solide entre eux en la rendant complice de l’assassinat qu’il médite. C’est dans l’express du Havre que le président Grandmorin est égorgé par le mari, pendant que la femme pèse sur ses jambes pour empêcher toute résistance.

- FLORE.
18 ans. Une grande fille forte, blonde, d’une beauté rude et puissante. À 18 ans, très formée déjà, gros bras, hanches solides, buste large, gorge ronde. Une statue antique, sous ses vêtements lâches (éviter mes autres types de la Trouille, de Lydie, etc.) Donc puissante et pas jolie, mais belle, à caractère. Les traits accusés, front bas avec sa toison blonde crépue, toute frisée. Le nez fort, la bouche épaisse, les joues à grands. Yeux gris, très beaux. – Elle fait le travail d’un homme.
La fille aînée de madame Misard (tante Phasie). Quand sa mère est devenue impotente, elle l’a remplacée comme garde-barrière, à la Croix-de-Maufras. C’est une grande fille de dix-huit ans, blonde, forte, à la bouche épaisse, aux grands yeux verdâtres, au front bas, sous de lourds cheveux. Les hanches solides, les bras durs d’un garçon, elle n’est point jolie, mais de tout son être robuste et souple, monte une sauvage énergie de volonté. On cite d’elle des traits de dévouement, des sauvetages, de rudes besognes accomplies sans effort ; dédaigneuse du mâle, ayant presque assommé l’aiguilleur Ozil, qui essayait de la prendre, elle est vierge et guerrière. On lui croit la tête dérangée.

LA LISON
Une machine d’express de la Compagnie de l’Ouest, la machine du mécanicien Jacques Lantier. En dehors du numéro qui la désigne, elle porte selon l’usage le nom d’une gare du réseau ; le sien est Lison, une station du Cotentin. Mais Jacques, par tendresse, en a fait un nom de femme, la Lison, comme il dit, avec une grâce caressante. Il l’aime parce qu’elle est douce, obéissante, facile au démarrage, d’une marche régulière et continue, grâce à sa bonne vaporisation. D’autres machines, identiquement construites, montées avec le même soin, ne montrent aucune de ses qualités. C’est que la structure d’une machine n’est pas tout ; il y a aussi l’âme, le mystère de la fabrication, ce quelque chose que le martelage ajoute au métal, que le tour de main de l’ouvrier donne aux pièces : la personnalité de la machine, la vie. Jacques aime la Lison en mâle reconnaissant, elle part et s’arrête vite, ainsi qu’une cavale vigoureuse et docile ; elle lui gagne des sous, grâce aux primes de chauffage, car elle vaporise si bien qu’elle fait de grosses économies de charbon ; le seul reproche qu’elle mérite, c’est d’exiger beaucoup de graisse ; elle en a une faim continue, il faut ça à son tempérament et Jacques se contente de dire, avec son chauffeur Pecqueux, en manière de plaisanterie, qu’à l’exemple des belles femmes, elle a le besoin d’être graissée trop souvent.

PECQUEUX
43 ans. Chauffeur. Un grand gaillard, grand normand rouge, avec de gros os, fort, cuit par le feu et la fumée. Une face large, avec des pommettes saillantes, une forte mâchoire, un front proéminent et bas. Des yeux gris. Rouge de cheveux, des cheveux frisés, des poils rares de barbe. Le teint rouge et hâlé couleur de brique. De grandes mains et de grands pieds.

Au moral, un rigoleur, gai compagnon, ivrogne et noceur. Toujours après les femmes, violent avec elles. Quand il est saoul, il devient dangereux, sournois alors et capable d’une violence. Intelligence très bornée. Bonne bête au fond.
Son existence est réglée : il a deux femmes, une à chaque extrémité du parcours, son épouse Victoire à Paris, pour les nuits qu’il y couche, et Philomène Sauvagnat, au Havre, pour les heures d’attente qu’il passe là-bas. Entre Victoire trop grasse et Philomène trop maigre, il répète par farce qu’il n’a plus besoin de chercher ailleurs. Pecqueux a un dévouement de chien pour son mécanicien, Jacques Lantier, qui couvre ses vices ; tous deux forment avec leur machine, la Lison, un vrai ménage à trois, uni par la même besogne et les mêmes dangers, sans jamais une dispute. Plus tard, cette bonne entente est rompue, la Lison meurt dans la catastrophe de la Croix-de-Maufras, Philomène excite la colère jalouse du chauffeur en se montrant trop empressée à plaire au mécanicien, la vie devient un enfer sur l’étroit plancher où vivent les deux rivaux, leur haine grandit et, un jour où le train emporte vers la Prusse dix-huit wagons de soldats criants et chantants, Pecqueux en qui une ivresse mauvaise a déchaîné la brute, saisit brusquement Jacques à bras-le-corps pour le pousser hors de la plate-forme ; cramponnés l’un à l’autre, ils sont entraînés sous les roues par la réaction de la vitesse et ces deux hommes, qui avaient longtemps vécu en frères, sont coupés, hachés dans leur étreinte, réduits à l’état de troncs sanglants, se serrant encore comme pour s’étouffer.


LISTE ALPHABETIQUE DES PERSONNAGES


Bessière
Bonnehon (Mme)
Cabuche
Camy-Lamotte
Cauche
Chaumette
Chaumette Fils
Colin
Dabadie
Dauvergne
Dauvergne (Claire)
Dauvergne (Henri)
Dauvergne (Sophie)
Denizet
Ducloux (La)
Flore
Grandmorin (Le Président)
Grandmorin (Berthe)
Guichon (Mlle)
Lachesnaye (De)
Lantier (Jacques)
Laurent
Lebleu
Lebleu (Mme)
Leboucq
Leboucq (Mme)
Lison (La)
Louis
Louisette
Mélanie
Misard
Moulin
Moulin (Mme)
Ozil
Pecqueux
Phasie (Tante)
Roubaud
Roubaud (Mme) = Aubry (Séverine)
Sauvagnat
Sauvagnat (Philomène)
Simon (La Mère)
Vandorpe
Victoire (La Mère)

Roman passionnant et moderne

10 étoiles

Critique de Pucksimberg (Toulon, Inscrit le 14 août 2011, 44 ans) - 6 juillet 2014

Jacques Lantier, conducteur de train, souffre d'un mal dont il ne parvient pas à guérir. Il ressent un besoin pressent de commettre un crime lors de pulsions sexuelles. Il tombe sous le charme de Séverine, épouse du sous-chef de gare Roubaud. Ce dernier témoigne d'une infinie violence contre son épouse quand il apprend qu'elle a été abusée par Grandmorin, un homme qui l'avait adoptée. Roubaud souhaite éliminer cet homme afin d'assouvir sa soif de vengeance.

Ce roman de Zola est fort, dense et magnifiquement rédigé si l'on considère les descriptions du train qui basculent rapidement dans le fantastique ou l'épique. Tout d'abord, cette oeuvre est un roman du crime. L'auteur, tel un scientifique, dissèque la pensée de ces hommes et de ces femmes qui passent au meurtre, analyse les mouvement de leurs pensées. En ce sens, Jacques Lantier est assez troublant et les descriptions de Zola rendent ces pulsions inquiétantes lorsqu'il entrelace le vocabulaire de la sexualité et celui du crime. C'est aussi bien évidemment un roman sur les gares. Le monde ferroviaire est décrit avec justesse, à une époque où les trains symbolisent le progrès et fascinent. Pour finir, ce roman permet une satire du système judiciaire où le lecteur découvre toute la malhonnêteté des représentants de ce monde qui s’arrangent bien souvent avec la réalité.

Ce roman a du rythme, Zola sait attiser la curiosité du lecteur qui suit le quotidien de nombreux personnages en prise avec l'amour, la jalousie et la violence. Ce roman n 'est en rien édulcoré et possède quelque chose de contemporain qui séduit encore le lecteur d'aujourd'hui. Et puis quelle force dans la narration ! Certaines scènes sont inoubliables, comme l'acte violent et fou de Flore, cette scène où Jacques en larmes s'agrippe au sol afin de ne pas commettre l'irréparable et cette scène finale que je ne cesserais pas de relire !

Meurtres sur toute la ligne

10 étoiles

Critique de Pierrequiroule (Paris, Inscrite le 13 avril 2006, 43 ans) - 20 août 2013

Depuis son enfance, Jacques Lantier est en proie à des pulsions assassines. Devenu mécanicien au Havre, il fait la connaissance du sous-chef de gare Roubaud et de Séverine, sa charmante épouse. Une nuit, alors que Jacques lutte avec ses démons intérieurs, il aperçoit dans un train lancé à pleine vitesse une scène de meurtre: un homme, en qui il reconnaîtra plus tard Roubaud, en égorge un autre avant de jeter le cadavre sur la voie. Mais, subjugué par la belle Séverine, Lantier hésite à dénoncer le coupable. Dès lors le trio criminel est formé. La femme, le mari et l'amant deviennent inséparables, unis par des liens complexes, dont le désir, la haine et la culpabilité ne sont pas exclus. Autour de ces protagonistes gravite une foule de personnages secondaires appartenant au monde du rail : le chauffeur Pecqueux et sa maîtresse Philomène, la famille du stationnaire Misard, le président Grandmorin, membre du conseil d’administration de la compagnie ferroviaire… Tout ce petit monde cache les plus noirs instincts, les vices les plus sordides, qui éclatent quelquefois en tragédie sur la ligne Le Havre-Paris.

Ce roman publié en 1890 est un volet de la grande fresque des Rougon-Macquart. Dans ce gigantesque projet, Zola se propose d’égaler la « Comédie humaine » de Balzac en racontant le destin d’une famille française sous le Second Empire. Après Gervaise (personnage de « l’Assommoir »), nous suivons ici son fils Jacques, frère cadet d’Etienne qui apparaît dans « Germinal ». Zola est le théoricien du naturalisme, ce courant qui a pour ambition d’offrir « une reproduction exacte de la vie » en littérature. Et il est vrai que l’auteur produit là un roman très documenté. Grâce à sa connaissance du monde ferroviaire, il décrit les machines et les gestes professionnels avec exactitude. Mais à y regarder de plus près, Zola semble voir la vie par le biais d’un verre déformant. Impossible de nier son penchant pour le sordide, pour les réalités les plus humbles ou les plus triviales. Ce roman en est une bonne illustration. Il s’agit d’une étude quasi clinique de la psychologie criminelle. Toutes les facettes du meurtre sont explorées. Il y a le meurtre crapuleux – celui du père Misard qui empoisonne sa femme pour l’argent -, le crime dicté par la jalousie – dont Roubaud et Flore offrent des exemples -; et puis il y a l’assassinat gratuit, cet acte purement bestial que médite Jacques Lantier à chaque fois qu’il désire une femme. Le mécanicien est ainsi présenté comme porteur d’une tare congénitale. Sous le regard scientifique de l’écrivain naturaliste, Jacques devient le descendant d’une longue lignée d'alcooliques qui lui ont transmis leur folie homicide. Car l'hérédité, au même titre que le milieu social, détermine les actions des personnages de Zola.

C’est un roman d’une violence rare, un concentré de scènes sordides ou sanglantes. Y sont décrits dans un style plutôt cru un horrible accident ferroviaire, un suicide et pas moins de quatre meurtres, sans oublier la violence conjugale, l’ivrognerie et l’adultère présents à chaque page. Il y a donc là une surenchère dans la laideur plutôt qu’une plate illustration de la réalité. Tout y est placé sous le signe de l’instinct, qu’il exprime la possession, la conservation ou la destruction. Zola nous montre ainsi l’homme primitif. Pendant les crises meurtrières de Jacques, c'est "l'autre", la bête avide de sang, qui prend le contrôle, annihilant sa volonté et sa conscience. D’ailleurs la locomotive Lison, personnage à part entière, est une métaphore de cette force brute qui se déchaîne sans freins – Zola compare souvent cette machine à un animal furieux.

« La bête humaine » contient aussi une puissante critique sociale. L’action se déroule sur 18 mois, de février 1869 à juillet 1870, et se termine avec l’entrée en guerre contre la Prusse. La France est alors sous la coupe d’un Empire déclinant. Zola montre ici l’inefficacité et même la corruption de la justice par le biais du Secrétaire général Camy-Lamotte. Celui-ci détruit une preuve décisive de l’affaire Roubaud pour sauvegarder la réputation du régime. Le président Grandmorin est une autre illustration de cette déchéance au sommet de l’Etat. Quant au juge Denizet, il est pétri d’orgueil et incapable de voir la vérité. Ce simulacre de justice va briser le seul innocent de l’affaire, Cabuche, un brave vagabond desservi par son physique bestial.

Malgré cette violence presque sauvage – ou précisément à cause d’elle -, « La bête humaine » est un immense roman, impossible à oublier. A cette étude psychologique et sociale, des plus intéressantes, s’ajoute un art consommé du suspense et une écriture presque visionnaire. Il y a quelque chose de fantastique dans cette locomotive qui fend la nuit ou la neige à une vitesse d’enfer. Quant aux descriptions de la Gare Saint-Lazare, elles rappellent immanquablement les peintures impressionnistes datant de cette même époque.

Noir profond.

10 étoiles

Critique de Lynch (Perpignan, Inscrit le 15 avril 2007, 48 ans) - 10 décembre 2011

Ma découverte de Zola . Oui, je n'avais pas encore lu un seul roman de cet auteur et autant le dire de suite ce ne sera pas mon dernier. Je me suis complètement plongé dedans, du début à la fin. Le style: beau, poétique et simple à la fois. L'histoire : noire, cruelle, fluide dans sa construction. Certaines scènes me reviendront longtemps en mémoire. Des scènes pour la plupart dures et violentes, tristes aussi. des scènes que l'on voit, que l'on vit , dont on reste imprégné grâce à la force du style de l'auteur, ses mots, son sens de la narration, sa capacité à donner à certains passages une force, une tension et parfois un suspense insoutenable, sa force de description.
J'ai hâte de découvrir le reste de l'oeuvre de cet auteur dont j'attends beaucoup après cette belle découverte.

la machine, l'homme et la bête

10 étoiles

Critique de Augustus (, Inscrit le 6 juillet 2011, 58 ans) - 19 juillet 2011

Jacques Lantier est un conducteur de train, qui croit dominer une machine qui en fait le domine. Car la bête humaine, c'est l'homme et la machine à la fois, tous deux emportés dans un destin meurtrier. Magnifique allégorie sur la modernité, à travers le drame d'un seul homme.

Un train d'enfer vers le havre.

2 étoiles

Critique de Hexagone (, Inscrit le 22 juillet 2006, 53 ans) - 5 juin 2011

J'avais conservé un bon souvenir du " ventre de Paris ". Je me suis promis de lire des classiques et Zola me paraissait être un bon compromis pour reprendre les lectures ardues. Cette bête humaine m'a fâché avec Zola. Lecture difficile, histoire abracadabrantesque, un chapelet de crimes et une fin sordide. Et je cherche, pour aller où, pour dire quoi. Je vais avoir du mal à refaire confiance à Zola, chat échaudé craint l'eau froide. La note n'engage que moi, je me suis ennuyé, j'ai du cravacher pour finir le livre et étais à deux doigts de l'abandon. Bonne lecture.

La bête humaine

9 étoiles

Critique de Exarkun1979 (Montréal, Inscrit le 8 septembre 2008, 45 ans) - 18 mai 2011

J'adore Zola. C'est sûrement mon écrivain français préféré. J'aime beaucoup sa vision réaliste de l'être humain. Ce livre est mon deuxième préféré de cet auteur après Germinal.

Je ne l'ai pas fini.

3 étoiles

Critique de Elora30 (, Inscrite le 18 mai 2011, 52 ans) - 18 mai 2011

Trop noir.

La déchéance de l'humain

10 étoiles

Critique de Opalescente (, Inscrite le 8 novembre 2005, 42 ans) - 23 avril 2008

Aucun espoir pour l'humanité. C'est immédiatement ce qui m'est venu à l'esprit une fois la dernière page refermée.

En effet, Zola dépeint sans complaisance (mais avec un goût certain pour le macabre, il faut l'avouer) des gens qui pourraient être à peu près heureux mais qui pourtant se précipitent toujours volontairement vers la violence, et sa suite logique : le malheur.

Que ce soit l'hérédité (mise en avant pour Jacques Lantier, issu d'une famille de dégénérés alcooliques) ou la passion et son alter ego la jalousie, les héros ne peuvent échapper à une fin inéluctablement tragique, emportant avec eux les rares innocents, les derniers humains au coeur bon.

Personne ne semble y échapper, et le Bête Humaine se fait le miroir d'une pensée redondante qui traverse tout le roman : l'humain est voué à s'auto-détruire.

Un chef-d'oeuvre noir.

Homme ou machine?

10 étoiles

Critique de Drgrowl (Saint-Lambert, Inscrit le 2 juin 2007, 35 ans) - 14 juin 2007

Je parlais justement de ce livre (lu pour mes cours) avec un camarade qui me disait; mais quel drame qu'est la Bête humaine! Non, lui dis-je, une critique sociale choquante plutôt.

Oui, Zola, qui adorait la laideur, explore dans la Bête humaine les dernières envies préhistoriques qui se cachent encore dans l'homme. Amour, jalousie, avarice, barbarie... Tous ces aspects souvent refoulés de l'homme n'égalent pourtant pas l'envie la plus incompréhensible, la plus animale et si grossière, celle de tuer. Jacques en souffre, il veut tuer, il angoisse... Il doit tuer!

Jacques est-il vraiment la Bête humaine? Ne serait-ce pas plutôt les autres? Tout ceux-là qui basent leur existences sur la logique, niant toutes vérités tel un troupeau suivant leur berger: le mensonge.

Une lecture profonde, parfois coupée de descriptions longues mais souvent nécessaires, la Bête humaine vous amènera à vous poser la question suivante: Suis-je homme ou machine?

Les cause du mal de Jacques Lantier ?

8 étoiles

Critique de Frychar (NICE, Inscrit le 2 mars 2005, 76 ans) - 24 juin 2006

Qu'est-ce qui a rendu Jacques Lantier inhumain ?
-Son hérédité ? Zola avait des préjugés que l'on pourrait presque qualifier de racistes sur l'hérédité. Une lignée d'alcooliques... Un atavisme qui remonte a plusieurs générations....
-Un travail abrutissant ? Comme dans "les temps moderne" de Charlie Chaplin, bien plus tard....
-Sa formation ? Jacques Lantier a fait "les arts et métiers" et a donc reçu une formation plutôt basée sur les chiffres... Zola lui-même était arithmomaniaque. Il avait une superstition basée sur les chiffres...
On peut supposer que l'année 1853 a traumatisé Zola:
Son père ingénieur a fait faillite en 1853...
Le baron Haussmann que Zola détestait pour avoir défiguré Paris et auquel Zola fait allusion dans la curée:
"Vers le commencement de 1853,Aristide Saccard.."
Zola fait naître Victor Rougon ,décrit comme une autre bête humaine, en 1853...

Et dans "la bête humaine" le premier crime a lieu au "poteau 153" (kilomètre 153) !!!

terrible

9 étoiles

Critique de Titibouzou (, Inscrite le 8 mai 2005, 52 ans) - 8 mai 2005

il a fallu que j'attende 25 ans pour commencer à lire les grands classiques, la bête humaine retrace une vie dure au début du siècle, malgré ses très très longs passages descriptifs, j'ai beaucoup aimé ce livre

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