Le Ventre de Paris de Émile Zola

Le Ventre de Paris de Émile Zola

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Martell, le 29 mars 2004 (Inscrit le 27 février 2004, 61 ans)
La note : 5 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 14 avis)
Cote pondérée : 7 étoiles (698ème position).
Visites : 13 478  (depuis Novembre 2007)

Beaucoup de couleurs

Oui, beaucoup de couleurs et des odeurs aussi, mais peu d’action pour ce roman qui se campe exclusivement dans les Halles du XIXe siècle. Il porte bien son titre, Zola nous garde du début à la fin dans le cœur du Paris de ce temps-là. «Lisa» serait mon deuxième choix de titre, le personnage qui se détache nettement c’est bien Lisa, un doux portrait de la lâcheté bourgeoise.
Malgré mon admiration pour les descriptions savoureuses de ce maître de la littérature, le jeu lent et sournois autour de la cupidité ne m’a jamais accroché vraiment. Car en dehors de Florent que j’ai aimé dès le départ celui-là, et qui apporte un élément de tension, il n’y a pas de quoi faire une grande histoire. Ce qui fait la force de ce roman à mon sens, c’est surtout la dénonciation de ceux qui profitent du système et qui digèrent doucement, l’esprit tranquille, convaincus de leur honnêteté.

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Les Halles

9 étoiles

Critique de Monocle (tournai, Inscrit le 19 février 2010, 64 ans) - 10 juillet 2021

LES PERSONNAGES

FLORENT

Né en Provence, avait commencé son Droit à Paris lorsqu’il a perdu sa mère, en 1841. Veuve, celle-ci s’était remariée à un sieur Quenu, originaire d’Yvetot, et elle a laissé un fils du second lit. Sans ressources, Florent abandonne ses études et s’installe rue Royer-Collard, avec le petit Quenu, qu’il élève paternellement. Entré comme professeur dans une pension de la rue de l’Estrapade, il se lie avec un rôtisseur voisin, Gavard, qui apprendra la cuisine à Quenu. Les jeunes gens ont un oncle à Paris, un frère de leur mère, le charcutier Gradelle.

Au coup d’État, dans la fusillade des boulevards, bousculé par la foule, il est tombé, ayant sur lui une jeune femme en chapeau rose, morte, la gorge trouée de deux balles. Ébranlé par cette horrible scène, il s’est laissé arrêter le soir même au pied d’une barricade, on le jette dans une casemate du fort de Bicêtre, il est condamné à la déportation et transporté à Cayenne par la frégate le Canada. C’est alors sept années d’affreuses souffrances, de faim continue, qui le laissent sec, l’estomac rétréci, la peau collée aux os, sept années qu’il continue à vivre dans son rêve de fraternité universelle. Évadé de l’île du Diable, ayant rôdé pendant deux ans à travers la Guyane hollandaise, atteint de la fièvre jaune et guéri par miracle, il a dû faire toutes sortes de métiers ; puis, cédant à l’envie folle de revenir, il a fini par économiser l’argent du voyage ; il débarque au Havre avec quinze francs dans son mouchoir, achète à Vernon ses deux derniers sous de pain et, ramassé mourant, aux portes de Paris, un matin de septembre, il arrive à la Pointe Saint-Eustache, étendu dans la voiture maraîchère de madame François, gris de misère, de lassitude et de faim.

QUENU née GRADELLE

Mère de Florent et veuve de son père, elle se remarie avec Un Quenu, dont elle a un fils. A sa mort, Florent arrêtera ses étude pour pourvoir à l'éducation de son demi-frère.

QUENU

Frère de Florent, que sa mère eut d’un premier lit. Mari de Lisa Macquart et père de Pauline. Né au Vigan. Son père est mort lorsqu’il avait deux ans, le laissant pour tout héritage à sa mère. Madame Quenu avait mis toutes ses espérances en Florent, intelligent et doux, et elle a négligé ce second fils trop gras, trop satisfait. Le petit Quenu galopine avec des culottes percées ; sa mère meurt lorsqu’il a douze ans. Florent qui ne soupçonnait rien retrouve son frère dans une misère d’enfant perdu. Il se prend pour lui d’une tendresse paternelle, l’emmène à Paris et, dévoué jusqu’au sacrifice, abandonne ses études, courant le cachet, élevant ce jeune frère au logis comme un enfant gaie.
Quenu est alors un petit bonhomme tout rond, un peu bêta, il tient une charcuterie, triperie aux quartiers des Halles.

MACQUART LISA épouse QUENU

C’est une Macquart, une fille d’Antoine dans laquelle Fine a mis toute son honnêteté moyenne, son besoin de travail. Seulement, elle apporte en outre une vertu plus égale, des qualité supérieures d’ordre et d’intelligence qui ne sont point de ses parents. Elle est belle, saine, suant le bonheur. Il me la faut à trente-deux ans, dans tout l’épanouissement de sa nature. Elle accueillera d'abord avec joie Florent mais peu à peu cédera à la rumeur et aux commérages qui rebondissent sur elle

MEHUDIN mère

Vieille dame radoteuse, elle déteste Florent d'une haine maladive.


MEHUDIN LOUISE
Surnommée la belle Normande. Poissonnière superbe, d’une beauté hardie, très blanche et délicate de peau, d’œil effronté et de poitrine vivante. Fille aînée de la mère Méhudin, deviendra plus tard madame Lebigre. Auparavant elle se prend d'amitié pour Florent après l'avoir assez mal accueilli. Elle participera elle aussi à l’hallali.


Mais l'acteur principal ne l'oublions pas c'est finalement LES HALLES. Cet endroit hors du temps qui palpite comme un cœur, avec ses lois, ses codes, ses amours et ses haines et surtout la rumeur. Ce qui se chuchote, puis se hurle, ce qui se dénonce, ce qui se venge, ce qui profite. Zola parvient à peindre cette fresque colossale avec une dextérité remarquable. Le texte est aéré et se laisse lire avec bonheur

Une peinture sublime

10 étoiles

Critique de Flo29 (, Inscrite le 7 octobre 2009, 52 ans) - 11 mai 2020

J'ai adoré ce roman qui est pour moi l'un des meilleurs de Zola avec Au bonheur des dames. j'ai vraiment eu l'impression d'être dans un tableau et de découvrir les personnages avec leurs couleurs, leurs odeurs, leurs goûts… D'ailleurs pour moi dans ce roman les Halles sont le personnage principal.
A lire, à faire lire, à relire! Un gros coup de cœur.

Photographique

7 étoiles

Critique de Hamilcar (PARIS, Inscrit le 1 septembre 2010, 69 ans) - 16 juin 2014

"Quels gredins que les honnêtes gens". Tout est dit dans le final. Il y a les gras, il y a les maigres, et ceux ci complotent contre ceux-là. Dans un décorum d'opulence et de bonnes vivres, les Halles et ses maraichers, ses poissons et ses fromages, ses viandes sanguinolentes, il y a aussi les gens. Des gras et des maigres. Zola n'a pas connu Doisneau. Et pourtant. Tous y est. On n'imagine plus les Halles. On les voit. On les sent. L'acier et le verre couvrant un monde qui vit, qui se bat, qui se détruit.
Car restent les gens. Et ceux-là valent qu'on s'y attarde.
Florent échappé du bagne, Lisa et la belle Normande. Muche et Pauline. Et tant d'autres, tellement humains, comme sur un étal. Et qui veut de mon héros romantique? De ma fraiche charcutière et de ma poissonnière?
Evitant pourtant la caricature, Zola nous livre une véritable histoire de gens simples en une critique sociétale encore d'actualité. Car il y aura toujours ceux qui subissent et ceux qui se nourrissent au détriment des autres.
Plus convaincant selon moi que la "Curée" qui le précède dans les Rougon-Macquard, ce "Ventre de Paris" nous régale mais hélas m'a laissé sur la faim quant au drame à venir. Tellement évident quand on connaît les honnêtes gens!

Pauvre Florent...

9 étoiles

Critique de Nathafi (SAINT-SOUPLET, Inscrite le 20 avril 2011, 57 ans) - 8 août 2013

Voici Florent qui arrive un matin aux Halles, l'estomac plus qu'abîmé par des années de bagne et le jeûne forcé depuis son évasion.

D'emblée j'ai plongé dans l'ambiance de ce lieu, j'ai eu mal pour le jeune homme aussi, affamé, qui, par fierté, refuse quoi que ce soit de la part de la marchande qui l'a amené jusque là.
Il ne craquera qu'arrivé chez son demi-frère, où il avouera qu'il a faim.

Sa belle-soeur, Lisa, tient avec lui une charcuterie bien placée et renommée. Les affaires marchent, c'est tout naturellement qu'ils hébergent Florent, mais se gardent bien d'avouer réellement qui il est et le font passer pour le cousin de la jeune femme.

Florent, de retour à Paris, dans ce quartier qui grouille de toutes part, ces odeurs de fleurs, de fruits, de poisson, se voit justement attribuer une place d'inspecteur intérimaire à la marée...

Doux et naïf, sujet aux commérages, un peu déconnecté de la réalité, et désireux de se venger de ce gouvernement qui l'a condamné à tort, il ne se rend pas compte de ce qui se trame autour de lui.

"Les gras et les maigres", opposition dominante dans ce roman, certains quémandant quelque nourriture parmi les étals, d'autres mangeant à leur faim et gaspillant sans gêne aucune...

Le Ventre de Paris

8 étoiles

Critique de Exarkun1979 (Montréal, Inscrit le 8 septembre 2008, 45 ans) - 11 juillet 2012

J'avais essayé de lire ce roman il y a 13 ans mais j'avais arrêté parce que je le trouvais ennuyant. J'ai fait une nouvelle tentative et je dois dire que j'ai été agréablement surpris. Tout au long du livre, les descriptions de nourriture m'ont vraiment donné faim.

Le sort de Florent est très triste. C'est une bonne personne entouré de gens hypocrites où tout tourne autour de la nourriture et de l'apparence. Il est un maigre entouré de gros. C'est ce qu'explique Claude Lantier à Florent pour lui faire comprendre pourquoi il n'est pas bien dans le milieu des Halles.

On a donc ici un autre excellent roman de Zola.

Les Halles de Paris

9 étoiles

Critique de Emira17 (/, Inscrite le 9 juillet 2010, 27 ans) - 21 décembre 2011

Après avoir lu les deux premiers tomes des Rougon-Macquart que j'ai eu du mal à lire, j'ai retrouvé le style de Zola que j'aime beaucoup dans "Le ventre de Paris". Finalement, là où Zola excelle le plus, selon moi, c'est lorsqu'il décrit le monde de la paysannerie, de la petite bourgeoisie et des plus pauvres de l'Empire. Il fait partie des écrivains qui arrivent à faire passer des émotions, à faire ressentir des sentiments, à faire sentir des odeurs, voir des couleurs...
Bien qu'il n'y ait aucune empathie de sa part (c'est dommage je trouve mais compréhensible dans le but qu'il s'était fixé). En revanche, il n'en va pas de même pour le lecteur. Moi j'ai beaucoup aimé le personnage de Florent, grand rêveur un peu naïf. Mais Lisa est également un portrait très précis de ces commerçants ou petits bourgeois égoïstes qui préfèrent fermer les yeux sur la misère et le malheur de ceux à qui l'Empire a moins réussi.
Sinon, ce livre ne recèle pas beaucoup d'action, plutôt une atmosphère tranquille et honnête au milieu des innombrables descriptions des étalages de nourriture, de légumes, fruits, poissons, charcuterie... des Halles, le vrai "coeur" de Paris.
Bref, j'ai beaucoup plus aimé ce livres que les deux précédents.

Moins emballée que par les précédents

7 étoiles

Critique de PA57 (, Inscrite le 25 octobre 2006, 41 ans) - 18 juin 2011

Les Halles de Paris, ce monstre de nourriture, est le thème de ce roman de Zola. La nourriture y abonde, l'embonpoint est signe de bonne santé et de prospérité.
J'ai moins apprécié ce roman que La fortune des Rougon ou La Curée. Les descriptions y sont toujours aussi magnifiques, cependant, j'ai beaucoup moins aimé l'absence de caractère du personnage principal, Florent, et ces intrigues qui n'en sont pas vraiment, ce côté "politique". Cependant, malgré ce bémol, c'est tout de même une lecture que j'ai apprécié, on se sent emporté dans ces Halles, on en sentirait presque ses odeurs, on en entendrait presque son brouhaha permanent.

Combat des gros contre les maigres :)

8 étoiles

Critique de Kaftoli (Laval, Inscrit le 29 mai 2010, 59 ans) - 19 février 2011

Zola me fascine toujours. Après avoir été ému par la cruauté dans La Curée, après avoir été aussi choqué par la cupidité des personnages, je suis plongé avec plaisir dans Le Ventre de Paris (enfin, plonger au sens métaphorique, on s'entend). Dans La Curée, je me souviens d'une scène où les bourgeois se ruaient sur la nourriture, dévorant comme des goinfres les cuisses de poulets et les saucissons; dans le roman suivant, on assiste à des descriptions, pas toutes efficaces, de l'abondance de légumes, de fruits, de viandes, de charcuterie, de fleurs...
Dès le premier chapitre, le lecteur est plongé dans les descriptions des Halles et de l'abondance de nourriture, laquelle contraste avec Florent, affamé et malingre. Ce procédé donne l'impression de vertige que doit éprouver le personnage, en raison de toutes ces longues énumérations de victuailles: « Il appuyait de toutes ses forces sa poitrine contre ce lit profond de nourriture, pour se serrer l'estomac, pour l'empêcher de crier. Et, derrière, les neuf autres tombereaux, avec leurs montagnes de choux, leurs montagnes de pois, leurs entassements d'artichauts, de salades, de céleris, de poireaux , semblaient rouler lentement sur lui et vouloir l'ensevelir, dans l'agonie de sa faim, sous un éboulement de mangeaille.» (p. 39)
En fait, le roman raconte la vaine tentative d'intégration du maigre Florent, révolutionnaire dans l'âme, dans ce monde ventru, gras, engoncé dans l'abondance et un certain confort insouciant. C'est la description de la tension entre la maigreur vue comme étant malsaine, douteuse, voire risquée et les rondeurs, l'embonpoint qui devient un signe de santé, d'opulence et de réussite.

J'ai mal à mon ventre

9 étoiles

Critique de TELEMAQUE (, Inscrit le 9 février 2006, 76 ans) - 9 décembre 2006

ZOLA Le ventre de Paris

Ce roman prend sa place dans le cycle des Rougon-Macquart, tout au début après la Fortune des Rougons et la Curée. On y rencontre un membre de la famille, Claude Lantier, le peintre, et on y évoque un des Rougon que l'on a vu agioter dans "La Curée".
Nous sommes à Paris, pendant la période libérale du Second Empire, et l'action se déroule sur un temps relativement court, une année environ, pendant laquelle un élément, Florent va être assimilé, puis rejeté, vomi par cet organisme.
Le ventre de Paris c'est métaphoriquement le quartier des Halles où ont été récemment construits les pavillons par Victor Baltard, et cette personnification d'un quartier tend à faire de la ville, lieu de toutes les digestions, un organisme physiologique. La ville a un ventre; c'est l'endroit où grouille, où s'échange, où se transforme la nourriture qui arrive chaque petit matin, à la nuit, comme honteusement, venant des abattoirs, des plaines maraîchères où se trouvent maintenant les banlieues, et des lointaines pêcheries. Dans ce livre les beaux quartiers sont des quartiers de viande. Ce ne sont encore que cadavres d'animaux réduits en carcasses, monceaux de verdure, fruits, légumes, volailles vivantes qui ne seront égorgées que plus tard dans les sous sols, poissons qui finiront dans les viviers de la Belle Normande, une des poissonnières protagoniste de l'oeuvre. Les fruits et légumes s'amoncellent pendant le court temps entre leur arrivée et leur vente aux grossistes et petits détaillants traîne misère qui fréquentent le lieu.
Les descriptions de Zola évoquent des tableaux, portraits légumiers d'Arcimboldo, tables croulantes de bouffe de Breughel, pleins de sensations olfactives, du "Courbet qui pue".
Florent, le héros idéaliste et naïf a quitté le bagne de Cayenne sans y être vraiment autorisé par l'autorité: il s'est évadé. Son périple l'a ramené à Paris, chez lui, et signe du destin c'est mourant de faim qu'il aboutit aux Halles juché sur la charrette de légumes de la bonne Madame François. Le malheur de Florent c'est qu'il est rétif au bonheur personnel: il n'envisage que la bonheur collectif. Il est devenu un révolutionnaire, un des ces agités romantiques tel qu'on en voit dans la littérature et la réalité russe de l'époque: un utopiste mais aussi un incompris.
Ce n'est pas un crime qui l'a amené au bagne, ou plutôt si, ce que Hugo avait nommé "un Crime", le coup d'Etat du 2 Décembre. Il n'avait pas participé activement à la défense des libertés publiques menacées, il n'avait pas fait le coup de feu sur une barricade du faubourg Saint Antoine. Non, simple passant il avait seulement essayé d'assister une de ces pauvres victimes qu'une balle avait cueillie dans la fleur de sa jeunesse. Et c'est le sang de la belle mitraillée, dont il était taché qui l'avait fait embarquer par des policiers puis condamner à la déportation.


Florent est un romantique, il n'a pas de chance et pire que tout il fait des mauvais choix.
Le monde dans lequel il aboutit est celui des boutiquiers, des harengères mais aussi des vrais et faux comploteurs. Son frère a acquis une position comme charcutier, grâce à l'esprit avisé de sa femme, la belle Lisa. Il a pu profiter du courant libéral (libéralisme économique et ébauche de libéralisme politique qui marque l'Empire à ce moment) propice aux affaires: "l'Empereur voulait le plaisir de tous les gens comme il faut". Recueilli par ce frère il refuse dans un premier temps la part d'héritage à laquelle il a droit, vivote aux crochets du couple de charcutiers et commence à se compromettre avec des apprentis révolutionnaires. Sa condition d'évadé a été soigneusement cachée dans le quartier. Las, les commérages, les mauvaises intentions des petits, des mesquins l'obligent à occuper la place que sa famille le pressait d'accepter. Malgré cette position acquise contre sa volonté (sous la pression de sa belle-soeur et en dépit de sa répugnance à travailler pour un gouvernement qu'il abhorre, il occupe la place de contrôleur aux Halles) il devient la cible de la méchanceté publique.
Tout ce que l'humain peut avoir d'ignominieux se déchaîne pour le faire choir. Nul ne saurait avoir de cesse que ne soit percé à jour le secret de cet homme maigre dont l'aspect jure dans ce monde de gros gras satisfaits. Et sa peau, sa peau de maigre, seule chose qu'il a sur les os avec les vêtements de seconde main de son frère, on l'aura. Ce sera le triomphe des gros et gras emmenés pourtant par la famélique Melle Saget qui a voué cet autre famélique à sa perte. Un maigre trahi par une maigre? La Saget aimerait tant faire partie du monde des gras bien nourris, elle qui quémande sa nourriture, la troque contre les ragots qu'elle colporte.
On en veut à Florent, nous lecteurs, de sa propre bêtise, de son aveuglement, de cet état de "pitoyable comploteur" dans un "petit monde de comploteurs aigris" dans lequel il se complait et où il cohabite avec ce Gavard qui rêve, ce pourtant nanti, de donner un "grand coup de balai", alors même que l'Empire sort de sa phase autoritaire.
Au lieu d'accepter le bonheur simple que lui offre la bonne Mme François, rare personnage doué de tendresse de cette pitoyable histoire, ce benêt, ce songe-creux, fait son propre malheur.
Les bien pensants finiront par faire "son affaire au Rouge" et une fois leurs querelles vidées (oh l'inimitié entre la belle Lisa la charcutière et la belle Normande la poissonnière!) tout le quartier réconcilié avec lui-même pourra continuer ses activités alimentaires. " Jamais les gens de moeurs paisibles n'avaient engraissé si bellement" . L'Empire et la libre entreprise cristallisent "tout l'espoir des médiocres".

Un regard tel celui de Zola, porté sur notre époque, serait le bienvenu.

Les tripes

8 étoiles

Critique de Joachim (, Inscrit le 24 mars 2006, 44 ans) - 24 mars 2006

Je trouve que c'est un grand roman, malgré la place du drame, que l'on peut juger insuffisante... car c'est avant tout un roman de style. Le personnage principal n'est pas vraiment un personnage, il est une sorte d'œil et d'oreille ambulants ramassé et déversé sur les Halles au milieu des légumes ; la grande originalité, c'est la fusion des personnages avec le Milieu, au premier chef Lisa avec sa vitrine de charcuterie, la poissonnière avec ses sandres...

A lire pour le coup de foudre que subit Lisa-Quenu devant l'or du vieux (reprise de Splendeurs et misères des courtisanes ?), les crabes dévoreurs de forçats évadés, la consistance du sang pour le boudin, et la Bataille des Gros contre les Maigres.

J'ai moins apprécié celui-ci

7 étoiles

Critique de Nirvana (Bruxelles, Inscrite le 7 avril 2004, 52 ans) - 15 avril 2005

Florent a été envoyé au bagne, à Cayenne pour le meurtre de deux gendarmes, mais, innocent, il s'en est évadé. De retour à Paris, il se réfugie chez son demi-frère, le charcutier Quenu, qu'il a élevé. Celui-ci, avec sa femme Lisa, règne dans les Halles, dans leur charcuterie prospère et soignée. Pour éviter la honte et les commérages, Florent est présenté comme un lointain cousin, et est poussé au poste d'inspecteur des Halles, travaillant donc pour l'Empire alors qu'il ne songe qu'à s'en venger, le jugeant coupable de ses années d'emprisonnement. Plein de rancoeurs, il va retomber bien vite dans la politique et les complots, ce qui le mènera à sa perte.

Malgré ce que j'en dis, il y a moins de machinations et de politique dans ce volet. Le personnage principal ici, ce sont les Halles, ville dans la ville, avec ses codes, ses puissants et ses parvenus, sa débauche de nourriture, ses harangues de maraîchères, ses enfants du ruisseau, ses commerçants aspirant à être vus comme des "personnes qui ont réussi".
Zola décrit avec toujours autant de talent et de succès les envies et les travers humains, dans une catégorie de population à laquelle il consacre ce roman: les petits commerçants. Il dresse un tableau complet de leurs commérages, leurs envies de s'élever socialement, leurs besoins d'être "comme il faut", leur égoïsme et leur hypocrisie derrière la façade des apparences.
Il le fait avec une flamboyance de couleurs, un véritable tableau de nourritures diverses, où l'on passe de la fraîcheur du fruit tout juste cueilli à la pourriture de légumes oubliés, des odeurs enchanteresses du marché aux fleurs à l'odeur pestilentielle de marée. Un parallèle à faire avec la nature humaine?
J'ai, en comparaison avec les autres romans de la série, moins apprécié celui-ci, non pour les descriptions qui sont toujours aussi révélatrices du talent de Zola, mais les complots politiques m'ont semblé plus pesants, la lecture se faisant dès lors plus ardue..

Génie sublime...

10 étoiles

Critique de FranBlan (Montréal, Québec, Inscrite le 28 août 2004, 82 ans) - 16 novembre 2004

Les Halles..., fascination mêlée de répulsion pour l'orgie de nourriture, l'obscénité des appétits, la débauche de mangeaille, exaltation de la nature splendide et répugnante, célébration d'un culte fabuleusement païen: tout conspire à faire vibrer la fibre poétique, à exciter la sensibilité artistique.
La modernité zolienne s'enivre de descriptions: rose "On ne voyait encore, dans la clarté brusque et tournante des lanternes, que l'épanouissement charnu d'un paquet d'artichauts, les verts délicats des salades, le corail des carottes, l'ivoire mat des navets...
Maintenant, je ne porterai plus jamais le même regard sur l'étal d'un marché..., je suis déterminée à faire la lecture complète des Rougon-Maquart; les deux premiers tomes, aussi fascinants soient-ils, ne m'auront jamais voué, comme la lecture du "Ventre de Paris", à une admiration inconditionnelle de Zola.
La lecture d'un aussi grand talent me rend meilleure!

Et le Ventre ?

10 étoiles

Critique de Alcofribas nasier (, Inscrit le 27 février 2004, 54 ans) - 29 mars 2004

Il me semble que l'on oublie deux choses très importantes, entre autres, au sujet de ce roman, savoir :
- les Halles de Paris n'existent plus et le texte de Zola est un fabuleux témoignage de la vie de cette machine;

- Le Ventre de Paris est un poème de l'architecture contemporaine (verre + acier).

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