Lucky Luke, tome 32 : La diligence de René Goscinny (Scénario), Morris (Dessin)

Lucky Luke, tome 32 : La diligence de René Goscinny (Scénario), Morris (Dessin)

Catégorie(s) : Bande dessinée => Aventures, policiers et thrillers , Bande dessinée => Humour

Critiqué par Shelton, le 5 mai 2013 (Chalon-sur-Saône, Inscrit le 15 février 2005, 68 ans)
La note : 9 étoiles
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Attention, elle va bientôt partir...

Quand Morris a rencontré pour la première fois René Goscinny, aux Etats-Unis, il a tout de suite compris qu’il venait de se passer quelque chose de fort. Il pensait s’être fait un ami mais il n’imaginait pas que le jeune homme un peu barré avec qui il avait ri dès la première heure allait devenir son scénariste et qu’il allait transformer la série Lucky Luke en un chef d’œuvre du genre, le western humoristique en bédé… De plus, l’abandon des éditions Dupuis, qui enfermaient trop la série dans une histoire pour enfant, pour les éditions Dargaud et le magazine Pilote allait permettre aux auteurs de prendre de l’envergure et de transformer la série en travail pour un beaucoup plus large public avec des parodies, caricatures, allusions politiques, sociales, historiques…

Or, cet épisode de La diligence est vraiment à la charnière. Il est encore pré-publié par le magazine Spirou, mais c’est le premier album des aventures de Lucky Luke aux éditions Dargaud en 1968… Presqu’une renaissance !

Avant d’arriver à cet album lui-même, je voudrais encore préciser un élément sur lequel on n’insiste pas assez à mon avis. Morris, de son véritable nom, Maurice De Bevere, est l’homme d’une seule série, d’une seule histoire, d’un seul personnage… Tous les autres auteurs de bandes dessinées ont tenté plusieurs expériences, avec plus ou moins de succès, tandis que lui n’a tiré qu’une seule fois, la bonne. Il faut avouer, par contre, que le personnage de Lucky Luke dans les premières histoires n’est pas très sympathique. Il est rustre, assez violent, et seul Morris n’aurait probablement pas réussi à le rendre si populaire. C’est Goscinny qui en particulier va lui enlever son aspect trop violent, va insuffler avec talent l’humour et va créer cet esprit spécifique qui fonctionne encore…

La diligence est avant tout un moyen de transport mythique dans le western. C’est à la fois un lieu de rencontre car quand on doit voyager plusieurs jours de suite ensemble dans un espace, somme toute restreint, on finit par connaître l’autre, pour le meilleur ou le pire. C’est aussi le vecteur d’enrichissement de tous les bandits de grand chemin qui vont stopper et dévaliser la diligence et ses voyageurs. C’est encore l’ultime rempart contre les attaques des Indiens. Enfin, pour limiter notre liste, c’est l’enjeu majeur dans le combat entre route et voie ferrée : la diligence doit passer partout pour démontrer qu’elle est plus efficace que le train…

Dans cet album d’une grande qualité tant graphique que scénaristique, nous allons retrouver tous ces aspects sans aucune exception. La Wells Fargo & Co, société bien réelle qui avait été créée en 1852 – Goscinny adore mélanger histoire et fiction – et qui possédait entre autre des diligences, subit de nombreuses attaques. Elle embauche Lucky Luke pour escorter une diligence qui transportera de l’or vers la Californie, de Denver à San Francisco pour être précis…

Cette aventure vient aussi montrer que Lucky Luke n’est pas seulement un cow-boy. Il travaille pour un certain nombre d’organismes. C’est une sorte d’agent de sécurité même si on ne le voit pas souvent empocher d’argent. Il vit, il mange, va au saloon… Mais on ne sait pas exactement où il vit ni de quoi il vit précisément… Le mystère de ce cow-boy solitaire…

Nous allons avoir une diligence avec ses passagers. Beaucoup de clichés du western avec un joueur de poker tricheur, un couple très disparate, un prêcheur, un photographe en quête de scoop, un vieux chercheur d’or et le meilleur « fouet » de la compagnie pour conduire cette diligence à bon port. Ce dernier est la caricature de l’acteur Wallace Beery. Son créneau avec la diligence, en début d’album, est remarquable !

Il y aura de multiples bandits dont un certain Black Bart. C’est là encore une particularité des scénarios écrits par Goscinny et illustrés par Morris. Ils s’appuient toujours ou presque sur des personnages réels. Black Bart fut le fantôme poète détrousseur de diligences qui laissait derrière lui des papiers avec de petits poèmes de sa composition…

Enfin, il y aura, aussi des Indiens, des auberges pour les nuits, des traitrises et lâchetés, des combats et des parties de poker truquées, des difficultés d’itinéraires et des problèmes techniques… Bref, la complète !

Pour le bien de la compagnie et l’honneur de Lucky Luke, je vous rassure, tout se finira bien. Le lecteur lui naviguera de gag en surprise, le suspense n’est pas extraordinaire mais largement suffisant pour que vous lisiez la diligence sans laisser tomber la bédé de vos mains…

Une très bonne histoire de Lucky Luke qui illustre parfaitement la construction des albums et la capacité de Goscinny à parodier le western dans toutes ses dimensions… On y trouve même la caricature d’un célèbre cinéaste en patron de saloon…

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