Oeuvres complètes, tome 5, Les trois roses jaunes de Raymond Carver
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Catégorie(s) : Littérature => Anglophone , Littérature => Nouvelles
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Un magnifique bouquet
Oui, ces sept nouvelles, les dernières écrites et publiées du vivant de Raymond Carver composent un superbe bouquet littéraire. L’écrivain est mort en 1988 à l’âge de cinquante ans et le Sunday Times titrait à la une du 2 août : « Le Tchékhov américain est mort ». Probablement le journaliste avait-il lu ce recueil de nouvelles dont la dernière, qui donne son titre à l’ensemble, raconte admirablement la mort de Tchékhov. Je ne sais si Carver est le Tchékhov américain. Ce genre de comparaison n’a aucune importance, sauf celle de frapper le lecteur. Mais je sais que Carver n’a pas besoin de cette filiation pour se révéler un grand écrivain.
L’auteur de ces trois roses jaunes est à son zénith. Le style est toujours aussi concis et sobre, les personnages ressemblent à ceux des recueils précédents si ce n’est que les « récitants » ont cessé de boire, Carver aussi. Ils sont divorcés, plutôt mal que bien, comme Craver. Tous craquent pour une raison ou une autre, souvent une fêlure qui devient béance. Comme Carver, atteint d’un cancer ? Dans une des nouvelles, « Intimité », celui qui écoute sans réagir la détresse d’une femme qu’il a abandonnée est probablement un écrivain. N’est-ce pas Carver nous racontant son histoire ? C’est peut-être cette proximité avec ce qu’il a vécu qui donne à ces nouvelles une telle authenticité et une telle émotion.
Les thèmes sont les mêmes que ceux abordés dans ses livres antérieurs, la mort de Tchékhov faisant belle exception. La difficulté de l’amour, ces moments de crève-cœur même si « au bout d’un moment la tristesse passe et je pense à autre chose », le désespoir d’une femme larguée et que son ex vient revoir, peut-être pour « chercher de la matière » pour son prochain livre et qui est « inconsolable, répète-t-elle. Inscris le mot dans ton petit carnet. C’est le mot le plus triste du monde, j’en parle d’expérience ». Des gens sans importance mais qui se disent « comme il faut », avec leurs problèmes de famille, une mère instable qui déménage une fois encore, s’éloignant de son fils qui sent bien qu’il ne la reverra jamais ou cet ouvrier exploité sans vergogne par sa famille parce qu’il ne sait pas dire non. Des moments minuscules qui pourtant vous blessent pour la vie. « Quelque chose est en train de nous arriver mais quoi ? » Insensiblement on glisse d’un sujet parfois anodin à un autre essentiel, tel ce couple dans une nuit d’insomnie. Carver a l’art d’instiller le doute avant le regret et peut-être le remords ou cette peur de l’avenir qui effraye ces deux amants mis en face de la brutale réalité d’un mari intimant à sa femme de déguerpir sous huit jours : « Je sais bien ce qu’elle cherchait : un signe qui lui aurait dit que j’étais prêt à tout lui sacrifier. J’ai marmonné « une semaine… » et j’ai baissé le nez dans ma tasse. Le café avait refroidi. »
Un livre attachant par son humanité, séduisant par son style, parfaitement moderne dans sa description de cette Amérique "provinciale".
Oui, un très beau bouquet admirablement composé.
Les éditions
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Les trois roses jaunes [Texte imprimé] Raymond Carver traduit de l'anglais (États-Unis) par François Lasquin
de Carver, Raymond Lasquin, François (Traducteur)
Editions de l'Olivier
ISBN : 9782879296623 ; 15,20 € ; 03/02/2011 ; 181 p. ; Broché
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