Les Provinciales de Bruno Bayen, Blaise Pascal, Louis-Charles Sirjacq

Catégorie(s) : Théâtre et Poésie => Théâtre

Critiqué par Jean Meurtrier, le 18 février 2008 (Tilff, Inscrit le 19 janvier 2005, 49 ans)
La note : 3 étoiles
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Pascal met la pression

A la Sorbonne, le jugement inéquitable d’Antoine Arnauld, membre des Solitaires et par conséquent adepte de Cornélius Jansen d’Ypres, rendu par la majorité jésuite avec l’appui des dominicains symbolise la lutte entre les deux ordres. Principal thème de discorde: les jansénistes estiment que la grâce divine se mérite alors que les jésuites, Escobar en tête, assurent qu’elle accompagne d’office tout un chacun dès sa naissance. L’imprimeur Sylvestre et le philosophe Blaise Pascal défendent farouchement la cause janséniste en éditant une série de lettres sévères à l’égard de leurs adversaires.
Par l’entremise d’une marquise, Pascal rencontre un jésuite et rentre dans son jeu pour mieux saisir l’ampleur de la démagogie complaisante et perverse de la fraternité. Par une suite de démonstrations bafouant les limites de la logique, le «compagnon de Jésus» en arrive à des postulats aberrants, légitimant antre autres l’égoïsme des riches, la sodomie entre prêtres, l’assassinat ou la traîtrise.
La lutte est inégale. Les jésuites viennent à bout de l’abbaye janséniste de Port-Royal et de l’imprimerie de Sylvestre. Les Solitaires continuent néanmoins le combat clandestinement, revigorés par la guérison miraculeuse de Marguerite Périer, la nièce de Blaise Pascal, interprétée comme une manifestation du soutien de Dieu à leur cause.
Cette pièce est une adaptation théâtrale des «Lettres à un provincial» écrites par Blaise Pascal sous le nom de Louis de Montalte. De longs passages issus des textes originaux ont été réutilisés sous forme de dialogue, de quoi partager avec le public l’argumentation raffinée de Blaise Pascal, scientifique exceptionnel qui a donné son nom à l’unité de pression. Tardivement saisi d’une grande piété, il s’est reconverti comme écrivain et philosophe.
Malheureusement, au-delà du beau verbe, le spectateur non averti risque de bailler plus souvent qu’à son tour, assommé par un long prologue confus et indigeste. L’adaptation moderne, du moins dans sa première partie, se veut-elle délibérément inaccessible pour une question de prestige? La complexité de la forme est aux antipodes de la simplicité du fond clairement expliqué dans le dossier qui accompagne la pièce. Les acteurs sont également en droit de regretter d’interpréter des rôles aussi ternes, répétitifs et vides d’émotion.
Malgré l’éloquence du raisonnement de Pascal, les idées défendues sont dépassées. Cependant, par son universalité, la dénonciation de la corruption de pensée des jésuites reste d’actualité. Un beau passage sur l’opposition de la violence à la vérité mérite aussi le détour. Bien entendu, ma note sanctionne l’adaptation, pas l’œuvre originale du génie auvergnat.

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