Jules
22/10/2008 @ 18:18:15
Excuse-moi Stavroguine mais cela fait un moment que je ne suis retourné sur cette rubrique. C'est pourquoi je ne t'ai pas répondu. Saule a tout à fait raison et toi ausi qund tu dis que Markowitz est très bon pour traduire Dostoïevski.

Il y apporte ces emportements, ces coups de nerfs, c'est un feu d'artifice et je crois que tout cela est très "russe" en tout cas très Dosto avec évanouissements et tout le tremblement (ce dernier m'énerve d'ailleurs un peu par moments...) Pour trouver de tels emportements en littérature française il faut aller chez Zola (l'assommoir, la terre) où chez mon cher Louis-Ferdinand ("Cher" pour ses livres, pas pour la personne)

Moi aussi je trouve Dostoïevki un des plus grands auteurs mondiaux mais plus pour la profondeur de sa pensée que par son style.

A propos de traduction:

Un jour je lisais une page entière dans le monde consacré à ce sujet et un spécialiste expliquait à quel point les traducteurs pouvaient modifier les écritures et même les oeuvres.

Il donnait les exemples suivants:

- Les français sont des descendants de Descarte. Ils aimeraient donc ce qui est logique et structuré. Alors le traducteur fait du logique et du structuré ce qui, pour certains auteurs, ne correspond pas toujours...

- Les Américains sont des gens pressés et pragmatiques. Il faut que cela avance. Dès lors, "Madame Bovary" se voit couper à grands ciseaux un bon paquet de ses descriptions à commencer par celles qui décrivent la cathédrale de Rouen.

Ventes obligent !...

Et ainsi de suite... C'est sur base de ce raisonnement que Markowitz a retraduit pas mal d'auteurs russes et avec bonheur.

Il expliquait également que la formation des traducteurs a aussi fortement évolué. Je crois aussi que les bons auteurs deviennent également de plus en plus exigeants dans le domaine. Yourcenar se bagarrait constamment avec ses traducteurs (voir sa correspondance). Coindreau était le traducteur de Faulkner. Brice Matthieussent est celui de Jim Harrison etc.

Stavroguine 22/10/2008 @ 18:59:30
Excuse-moi Stavroguine mais cela fait un moment que je ne suis retourné sur cette rubrique. C'est pourquoi je ne t'ai pas répondu. Saule a tout à fait raison et toi ausi qund tu dis que Markowitz est très bon pour traduire Dostoïevski.

Il y apporte ces emportements, ces coups de nerfs, c'est un feu d'artifice et je crois que tout cela est très "russe" en tout cas très Dosto avec évanouissements et tout le tremblement (ce dernier m'énerve d'ailleurs un peu par moments...) Pour trouver de tels emportements en littérature française il faut aller chez Zola (l'assommoir, la terre) où chez mon cher Louis-Ferdinand ("Cher" pour ses livres, pas pour la personne)

Moi aussi je trouve Dostoïevki un des plus grands auteurs mondiaux mais plus pour la profondeur de sa pensée que par son style.

A propos de traduction:

Un jour je lisais une page entière dans le monde consacré à ce sujet et un spécialiste expliquait à quel point les traducteurs pouvaient modifier les écritures et même les oeuvres.

Il donnait les exemples suivants:

- Les français sont des descendants de Descarte. Ils aimeraient donc ce qui est logique et structuré. Alors le traducteur fait du logique et du structuré ce qui, pour certains auteurs, ne correspond pas toujours...

- Les Américains sont des gens pressés et pragmatiques. Il faut que cela avance. Dès lors, "Madame Bovary" se voit couper à grands ciseaux un bon paquet de ses descriptions à commencer par celles qui décrivent la cathédrale de Rouen.

Ventes obligent !...

Et ainsi de suite... C'est sur base de ce raisonnement que Markowitz a retraduit pas mal d'auteurs russes et avec bonheur.

Il expliquait également que la formation des traducteurs a aussi fortement évolué. Je crois aussi que les bons auteurs deviennent également de plus en plus exigeants dans le domaine. Yourcenar se bagarrait constamment avec ses traducteurs (voir sa correspondance). Coindreau était le traducteur de Faulkner. Brice Matthieussent est celui de Jim Harrison etc.


Merci pour ta réponse Jules. Je suis tout à fait d'accord avec toi que le rôle du traducteur est primordial dans la façon dont un public étranger va appréhender une oeuvre donnée. Après, je trouve l'exemple du traducteur américain peut-être un peu caricatural: on doit certainement pouvoir trouver des versions expurgées de Madame Bovary aux USA (un peu comme on en trouve chez nous pour les enfants - je me rappelle avoir lu L'Illyade et l'Odyssée pour la première fois en 6ème sur une version de 100 pp. pour chacun) mais je suis sûr qu'on doit pouvoir trouver des versions intégrales au pays de l'Oncle Sam quand même. C'est pas (qu') un pays d'incultes. Ne serait-ce que pour les new yorkais et les san franciscains.
Et quant au style de Dostoïevski, autant que je puisse en juger à travers la traduction, moi, je l'adore. Je le trouve très proche du parlé, surtout dans ses oeuvres mineures où les phrases sont alternativement courtes et coupées de tas de virgules, qu'il dévie, fait une remarque en à-côté... Je le trouve assez proche de Céline finalement (bien qu'il soit vrai que c'est dommage de toujours devoir relativiser l'admiration qu'on porte à l'écrivain en raison du caractère méprisable de l'homme...).

Saule

avatar 22/10/2008 @ 20:07:53
une remarque en à-côté... Je le trouve assez proche de Céline finalement (bien qu'il soit vrai que c'est dommage de toujours devoir relativiser l'admiration qu'on porte à l'écrivain en raison du caractère méprisable de l'homme...).

Je radote encore... mais j'ose espérer que Céline n'était pas méprisable (malgré ses idées méprisables, puisque il semble qu'il était anti-sémite). Dans un livre de Kenzaburo Oé, dont je reparle régulièrement sur les forums, "Une existence tranquille", il y a une jeune fille japonaise qui fait une thèse sur Céline et qui montre une certaine humanité chez cet homme. C'est très intéressant. Il faut lire Rigodon pour le voir.

Saint Jean-Baptiste 22/10/2008 @ 21:35:55
Aie ! Saule !
Je crois que nous manquons de maturité pour parler sereinement de ces sujets... Tu ne crois pas ?
;-))

Saule

avatar 22/10/2008 @ 21:42:43
Non, ça n'a rien à voir, c'est juste le personnage de Céline (que je ne connais pas vraiment) qui me semble difficile à cerner .

J'ai lu "Voyage au bout de la nuit", et on sent dans ce livre que Céline est intéressé par la misère humaine, et le livre est en partie biographique. Et dans Rigodon, il est en pleine débacle allemande, en fuite dans l'allemagne bombardée, et il prend en charge une bande d'orphelins dont personne ne veut. Il les appelle affectueusement "mes petits crètins". C'est ce côté de Céline que Oé met en avant dans son livre.

Mais à côté de ça il semble que le personnage avait des idées exécrables (anti-sémitisme). Je crois que Jules pourra mieux parler de Céline, c'est lui le spécialiste :-).

Stavroguine 22/10/2008 @ 21:44:43
une remarque en à-côté... Je le trouve assez proche de Céline finalement (bien qu'il soit vrai que c'est dommage de toujours devoir relativiser l'admiration qu'on porte à l'écrivain en raison du caractère méprisable de l'homme...).

Je radote encore... mais j'ose espérer que Céline n'était pas méprisable (malgré ses idées méprisables, puisque il semble qu'il était anti-sémite). Dans un livre de Kenzaburo Oé, dont je reparle régulièrement sur les forums, "Une existence tranquille", il y a une jeune fille japonaise qui fait une thèse sur Céline et qui montre une certaine humanité chez cet homme. C'est très intéressant. Il faut lire Rigodon pour le voir.


Je suis en partie d'accord, Céline - l'homme - n'était sûrement pas entièrement méprisable. Le côté médecin des pauvres, notamment, traduit un humanisme plutôt admirable. Mais y a quand même d'autres côtés beaucoup moins glorieux dans le personnage. Mais d'une manière générale, c'est sûr que, comme tout le monde, il n'avait pas une personnalité unidimensionnelle, Céline n'est pas le Mal. Mais bon, quand même, l'homme est moins admirable que l'écrivain.

Feint

avatar 22/10/2008 @ 21:48:40
C'est vrai que Céline est touché par la misère humaine.
En même temps... J'ai écouté une fois sur France-Culture des extraits de Bagatelle... Tant de haine... J'en ai encore froid dans le dos. Je préfère penser que c'était pathologique.

Saint Jean-Baptiste 22/10/2008 @ 22:08:04
J'ai lu un recueil de lettres qu'il écrivait d'Afrique.
C'est vraiment l'affreux colon, exploiteur, profiteur, âpre au gain, et tout et tout.
À part ça, je n'ai lu que Le Voyage où il fait preuve d'une belle humanité.
Mais je suis loin d'être "le" spécialiste de Céline...

Saule

avatar 22/10/2008 @ 22:35:49
Un autre auteur dont j'aime énormément l'œuvre mais dont je me méfie de la pensée, c'est Mishima : il y a un coté morbide avec une exaltation de la mort, du corps et de sa beauté, et puis le sens de l'honneur et le nationalisme, ça me déplait. Mais ses romans ont une force et une puissance d'attraction incroyable.

A considérer je préfère un Kenzaburo Oé qui écrit sur son fils handicapé et qui montre comment un être faible et handicapé peut aussi être une source de force.

Débézed

avatar 23/10/2008 @ 00:26:20
Un autre auteur dont j'aime énormément l'œuvre mais dont je me méfie de la pensée, c'est Mishima : il y a un coté morbide avec une exaltation de la mort, du corps et de sa beauté, et puis le sens de l'honneur et le nationalisme, ça me déplait. Mais ses romans ont une force et une puissance d'attraction incroyable.

A considérer je préfère un Kenzaburo Oé qui écrit sur son fils handicapé et qui montre comment un être faible et handicapé peut aussi être une source de force.


Je ne sais pas si tu as lu "M/T et les merveilles de la forêt" de Oé mais dans ce livre, assez complexe, il relie son fils handicapé à la mythologie japonaise et en fait le descendant des héros de celle-ci. C'est très poignant de voir comme se père magnifie son fils pour en faire oublier le handicap. Je crois que ce fils était assez lourdement handicapé.

Jules
25/10/2008 @ 16:35:29
Stavroguine (c'est facile, je suis occupé à le relire) il est évident qu'il doit exister de sérieuses traductions de "Madame Bovary" aux US. Béotiens, oui, mais pas tous !

Quant aux "Démons" par exemple il est évident que les différences entre la nouvelle traduction et l'ancienne sont très grandes. Notamment au niveau de l'intensité des émotions, des réactions etc.

Cela dit, de façon générale, s'il est vrai que le style de Dosto rend très bien les émotions ressenties par un personnage, il n'en demeure pas moins que nombreuses sont les phrases alambiquées et qu'il convient de relire pour bien les comprendre.

Oui, nous pourrions dire que Dosto utilise assez souvent un style proche du langage parlé et c'était véritablement son souhait. D'ailleurs il ne l'utilise pas pour Varvara Petrovna par exemple. Mais c'est également parce qu'elle reste maîtresse d'elle même. Stavroguine est un torturé très mal dans sa peau (et on le comprend) toujours sujets à un paquet d'émotions qu'il ne maîtrise en rien.

Bon ! Je serais le spécialiste de Céline, dit Saule. Mais il y a plusieurs Céline même comme écrivain. Dans "Le voyage", il n'en était pas encore au "!..." après trois ou quatre mots. Dans "Mort à crédit" pas encore tout à fait non plus. Est-ce en partie par le fait que nous ne sommes pas encore arrivé au Céline profondément aigris ?

Non pas vraiment ! Céline va volontairement utiliser le langage populaire et de Montmartre en particulier. Il est évident que cette langue est beaucoup plus vivante, qu'elle permet de mieux transmettre ses émotions. C'est dans ce sens qu'il va aussi utiliser les "!..." Cela aussi fait ressortir les sentiments.

N'oublions pas que Céline n'était pas d'accord avec le "au commencement était le verbe". Il passait son temps à dire "Au commencement était l'émotion" Et après tout ne fallait-il pas d'abord une émotion avant que de vouloir parler pour la transmettre ?

En plus, il faut voir ses corrections !... Il écrivait presque 5000 pages pour en avoir 500 ! Ses épreuves corrigées étaient bourrées de nouvelles corrections et il était un obsédé de la musique de la phrase, que Lucchini rend si bien d'ailleurs. Nombreux sont ceux qui pensent qu'il est facile d'écrire comme lui. Ecrire en argot est facile, mais écrire comme Céline est une autre affaire !

Pour la musique de la phrase, mieux rendre un bruit ou une émotion, il n'hésitait pas à inventer des verbes, des adjectifs, des mots. J'ai un jour tenté de les compter dans un de ses livres. Après cinquante pages j'ai abandonné, il y en avait trop "avions" égale "taravions" par exemple parce qu'ils mitraillent...

A ceux qui lui rprochaient son style il répondait: "Van Gogh a eu le droit de peindre des églises tordues et moi je n'aurais pas le droit d'écrire comme je le veux ?...

Le personnage... Là, il y a aussi pas mal à en dire. Tout d'abord il n'a jamais eu des parents aussi pauvres qu'il le dit. Il a même pu aller dans des écoles privées en Angleterre et en France... Céline en remet toujours quelques couches mais cela ne change rien à la qualité de l'oeuvre. Il est le roi des grands emportements, des grandes colères et même des rages.

Son antisémitisme lui venait surtout de son père qui, comme énormément de Français de l'époque (l'affaire Dreyfus n'est pas loin) l'étaient. Mais ses écrits sont tout simplement inadmissibles. "Bagatelle pour un massacre" par exemple est un nlivre illisible, insupportable !

Il n'en demeure pas moins que ces écrits ont eu de l'influence ! Quant à lui, médecin, toute la guerre il a soigné des Juifs dans des caves sans les avoir jamais dénoncés. En plus, des réunions de résistants se tenaient dans l'appartement face au sien sur le pallier. Il n'a jamais dénoncé. Il partait du principe qu'il n'en avait rien à foutre.

Céline était un véritable asocial. Il critiquait tout et chacun. Et notons au passage que ses écrits antisémites n'ont pas empêché Sartre d'aller lui demander pendant la guerre d'intervenir auprès des Allemands pour qu'il puisse jouer une de ses pièces !... Il l'envoya à la gare en disant qu'il n'en avait pas le pouvoir ni les relations pour le faire. Sartre, persuadé du contraire lui en a toujours voulu.

Il est cependant certain que Céline devait bien pencher un peu vers les nazis. Après tout ils allaient remettre de l'ordre dans le foutu bordel que la France connaissait.

Mais de façon tout à fait générale Céline avait de très nombreux défauts. Il était très égoïste, très peu fiable en amitié, rarement reconnaissant (voir avec son avocat qui le défendait gratuitement à Paris pendant qu'il était exilé au Danemark) A propos du Danemark, heureusement qu'il y était ! Autrement, en France, il aurait été fusillé. D'ailleurs le gouvernement français avait lui-même demandé aux Danois de la garder le temps que les choses se tassent. Il a eu son procès et s'en est sortis et notamment grâce à des témoignages de Juifs et de résistants qu'il n'avait pas dénoncé.

Céline était aussi terriblement âpre et cupide. Il se plaignait toujours de ne rien avoir alors qu'il avait de l'or planqué au Danemark et était loin d'être pauvre.

A ce propos il vaut le coup de lire sa correspondance avec Gallimard aux lendemains de la guerre. Non seulement il lui donne tous les noms d'oiseaux possibles mais il ne cesse de demander plus d'argent en prétendant qu'il a à peine de quoi manger !

Non, vraiment, sur le plan humain c'est un personnage déplaisant ! Bien loin d'un Giono (qui a aussi eu des ennuis après la guerre).

Certains ne hurlaient pourtant pas à la lune dès que son nom était cité comme Tartre (comme il appelait Sartre) ou Roger Vaillant et d'autres. Marcel Aymé par exemple l'a toujours soutenu. Il ne lui en a pourtant pas été particulièrement reconnaissant quant à son avocat parisien, pour seul honoraire, il lui a légué le moulage en plâtre de sa main !... Trop généreux !...

Mais quel écrivain ! "Le style, pas les idées" disait-il constamment. Il considérait que tout avait déjà été dit et que les idées venaient de toute façon quand le style était bon.

Mais oui, il a aussi soigné beucoup de pauvres gratuitement... Il y a de tout chez cet homme !

Je m'arrête ici mais nous pourrions en parler des heures...

( A lire le petit recueil "Entretiens avec le professeur Y" )

Prince jean 26/10/2008 @ 02:01:56
MERCI Jules.

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