Mardi 2 août 2022
L’été c’est fait pour lire et rien n’empêche le lecteur amateur de roman policier d’aller relire un texte un peu plus ancien… Certains iront chercher très loin – pourquoi pas une des anciennes maitresses du genre comme Margery Allingham que les éditions Harper Collins nous offrent en rééditions de poche, cet autrice ayant vécu de 1904 à 1966 – d’autres resteront dans notre époque comme moi récemment avec cet excellent roman « Bloody Mairie » de 2004…
Jean-Paul Birrien est un auteur breton que peu de gens connaissent car il n’a pas écrit de très nombreux livres, mais, à chaque fois ce fut assez percutant. Il a été, dans sa carrière professionnelle, lui qui était juriste de formation, directeur général des services municipaux de plusieurs villes du Finistère (Carhaix, Morlaix et Concarneau). Il n’est donc point étonnant de le voir faire évoluer ses personnages dans l’ambiance municipale d’une petite ville de Bretagne… Attention, il s’agit bien de roman et donc aucun lien avec ce qu’il a pu connaitre en travaillant… Enfin, presque aucun… Enfin, si c’était le cas, il n’y est pour rien, bien sûr…
Nous voilà donc à Mervillec-sur-Mer dans un bourg sans histoire ni problème, et nous sommes au moment où l’ancien maire a passé le relais à son gendre sans aucun esprit de népotisme… Cet ancien maire dirige une entreprise de travaux publics, il avait obtenu très souvent des marchés avec la municipalité qu’il dirigeait mais en tout bien tout honneur et ce n’est pas l’arrivée d’un nouveau chef du service financier de la commune qui pourrait bien changer quoi que ce soit à l’ordre établi… Heu, enfin, on va dire que c’est ce qu’il espère… En tous cas, c’est la situation optative sur laquelle il construit son avenir post mairie…
Mais, comme nous sommes dans un roman policier, politique de surcroît, rien ne va se dérouler ainsi que prévu et les morts vont se succéder dans cette bourgade balnéaire… Alors, au départ, lors du premier meurtre que l’on va vivre en direct et sans aucune brume pour masquer la réalité, on trouve qu’il y a comme une exagération de traits… Quand même, oser cela, presque à visage découvert… Mais très vite tout s’enchaine avec une logique implacable, une raison absolue et prévisible, et on sombre dans un drame tragi-comique, une affaire politico-financière, un imbroglio incroyable et improbable dans la réalité… Quoi que… Allez savoir ?
Parce que, quand même, un maire qui confond ses affaires avec celles de la ville, des notables qui sont mouillés jusqu’aux os car ils ont tous obtenu un petit quelque chose qui les condamne au silence, une préfecture et ses services qui couvrent ce qui n’a pas pu être empêché, une presse timorée qui n’ose pas jouer contre un pouvoir établi, un népotisme avéré, une famille intéressée que par l’argent de l’héritage… Tout cela n’est possible que dans un roman ! Ou, alors, disons qu’il faudrait juste rapprocher plusieurs affaires réelles… mais, quand même, quelle caricature de la vie politique ! Ou, alors, il faudrait, peut-être, juste ouvrir les yeux…
Oui, c’est un roman mais on peut bien imaginer sans trop d’efforts que la situation de Mervillec-sur-Mer n’est qu’une addition fictionnelle de plusieurs cas bien réels… et ça fait froid dans le dos tout en offrant au lecteur du plaisir indiscutable ! Reste à savoir si les chevaliers pourfendant la corruption arriveront à vaincre le mal ou succomberont lamentablement dans une corruption postérieure qui n’aura rien à envier à la précédente… Finalement, au-delà du roman, les méchants sont-ils destinés à disparaitre ou rester en place ?
Bon, dans tous les cas, l’été c’est fait pour lire et « Bloody Mairie » est bien un roman passionnant et si vous allez passer vos vacances à Mervillec-sur-Mer, soyez prudents !
L’été c’est fait pour lire et rien n’empêche le lecteur amateur de roman policier d’aller relire un texte un peu plus ancien… Certains iront chercher très loin – pourquoi pas une des anciennes maitresses du genre comme Margery Allingham que les éditions Harper Collins nous offrent en rééditions de poche, cet autrice ayant vécu de 1904 à 1966 – d’autres resteront dans notre époque comme moi récemment avec cet excellent roman « Bloody Mairie » de 2004…
Jean-Paul Birrien est un auteur breton que peu de gens connaissent car il n’a pas écrit de très nombreux livres, mais, à chaque fois ce fut assez percutant. Il a été, dans sa carrière professionnelle, lui qui était juriste de formation, directeur général des services municipaux de plusieurs villes du Finistère (Carhaix, Morlaix et Concarneau). Il n’est donc point étonnant de le voir faire évoluer ses personnages dans l’ambiance municipale d’une petite ville de Bretagne… Attention, il s’agit bien de roman et donc aucun lien avec ce qu’il a pu connaitre en travaillant… Enfin, presque aucun… Enfin, si c’était le cas, il n’y est pour rien, bien sûr…
Nous voilà donc à Mervillec-sur-Mer dans un bourg sans histoire ni problème, et nous sommes au moment où l’ancien maire a passé le relais à son gendre sans aucun esprit de népotisme… Cet ancien maire dirige une entreprise de travaux publics, il avait obtenu très souvent des marchés avec la municipalité qu’il dirigeait mais en tout bien tout honneur et ce n’est pas l’arrivée d’un nouveau chef du service financier de la commune qui pourrait bien changer quoi que ce soit à l’ordre établi… Heu, enfin, on va dire que c’est ce qu’il espère… En tous cas, c’est la situation optative sur laquelle il construit son avenir post mairie…
Mais, comme nous sommes dans un roman policier, politique de surcroît, rien ne va se dérouler ainsi que prévu et les morts vont se succéder dans cette bourgade balnéaire… Alors, au départ, lors du premier meurtre que l’on va vivre en direct et sans aucune brume pour masquer la réalité, on trouve qu’il y a comme une exagération de traits… Quand même, oser cela, presque à visage découvert… Mais très vite tout s’enchaine avec une logique implacable, une raison absolue et prévisible, et on sombre dans un drame tragi-comique, une affaire politico-financière, un imbroglio incroyable et improbable dans la réalité… Quoi que… Allez savoir ?
Parce que, quand même, un maire qui confond ses affaires avec celles de la ville, des notables qui sont mouillés jusqu’aux os car ils ont tous obtenu un petit quelque chose qui les condamne au silence, une préfecture et ses services qui couvrent ce qui n’a pas pu être empêché, une presse timorée qui n’ose pas jouer contre un pouvoir établi, un népotisme avéré, une famille intéressée que par l’argent de l’héritage… Tout cela n’est possible que dans un roman ! Ou, alors, disons qu’il faudrait juste rapprocher plusieurs affaires réelles… mais, quand même, quelle caricature de la vie politique ! Ou, alors, il faudrait, peut-être, juste ouvrir les yeux…
Oui, c’est un roman mais on peut bien imaginer sans trop d’efforts que la situation de Mervillec-sur-Mer n’est qu’une addition fictionnelle de plusieurs cas bien réels… et ça fait froid dans le dos tout en offrant au lecteur du plaisir indiscutable ! Reste à savoir si les chevaliers pourfendant la corruption arriveront à vaincre le mal ou succomberont lamentablement dans une corruption postérieure qui n’aura rien à envier à la précédente… Finalement, au-delà du roman, les méchants sont-ils destinés à disparaitre ou rester en place ?
Bon, dans tous les cas, l’été c’est fait pour lire et « Bloody Mairie » est bien un roman passionnant et si vous allez passer vos vacances à Mervillec-sur-Mer, soyez prudents !
Mardi 3 août 2022
L’été c’est fait pour lire et aussi découvrir notre patrimoine sous toutes ses formes. Nous en avons déjà parlé et donc plongeons immédiatement dans notre sujet du jour, le langage spécifique de la Bourgogne… Alors, je rassure tout le monde, en Bourgogne, on parle le français et cela facilite le tourisme pour le Français. Attention, pour les étrangers, il nous arrive ici de rouler un peu les « r » ce qui donne à la langue anglaise, quand nous nous y essayons, un son particulier que les habitants du Yorkshire ont quelques difficultés à comprendre… Mais, aujourd’hui, en suivant pas à pas Gérard Taverdet et Françoise Dumas, je vous invite à découvrir des mots ou des expressions typiquement d’ici, parfois incompréhensibles pour le visiteur d’un jour…
Certaines expressions sont d’ailleurs très sympathiques. Si un petit garçon s’éloigne discrètement du groupe pour aller satisfaire rapidement dame nature, à son retour, on peut lui dire : Alors, tu as fais ta Saône ! Certes, il s’agissait d’une bien petite Saône, mais quand même, on sait bien que les petites rivières font les grands fleuves !
Si lors d’une visite à la ferme, juste à l’heure de l’apéro, vous ne semblez pas sur le point de partir, vos hôtes de l’après-midi seraient en droit de vous demander si vous n’êtes pas entrain de flairer la meurette, en clair chercher à se faire inviter pour le diner… Même s’il n’y a pas ce soir-là d’œuf en meurette !
Remarquer, si le fermier, le même soir, vous dit qu’il fait sa boite, attentez-vous à ce qu’il ailler chercher une bouteille de derrière les fagots, un vin qu’il fait seulement pour sa consommation familiale et, généralement, on n’est pas trop déçu…
Si vous vous promenez en sous-bois et que vous tombez sur des prunelles encore bien vertes, laissez votre enfant les goûter et il va avoir une réaction de rejet quand le goût fortement amer restera sur ses gencives. Vous pourrez alors lui dire « Tiens, tu as les gences ! » Remarquez que pour ces prunelles que l’on trouve dans toute la France, chaque région a son expression…
Maintenant, si au moment de partir, il se met à pleuvoir comme vache qui pisse, le Bourguignon de Chalon préfèrera dire « Il pleut abeurnonsio » ce qui vient de l’expression, il pleut à remplir nos seaux… « Très beaucoup quoi », comme dirait le jeune aujourd’hui ! A chacun de choisir son expression mais dans tous les cas pas un temps à sortir sans son pépin !
Alors, tous ses mots et ces expressions sont classés dans une « Anthologie des expressions de Bourgogne » que Taverdet et Dumas ont concoctée au fur et à mesure du temps, en écoutant ici où là les gens d’ici s’exprimer… Certes, ce n’est jamais complet et exhaustif puisqu’il s’agit bien d’une anthologie mais c’est une belle arme pour combattre l’oubli qui voudrait ensevelir ces belles expressions bien de chez nous !
Les langages locaux, les expressions d’un territoire, les mots ancestraux d’un peuple ne sont pas des éléments à laisser partir en pertes et profits sans réagir. Il donne le tempo d’une âme enracinée chez elle et c’est ce qui permet à tout un chacun de savoir qui il est et d’où il vient… Les fondements pour trouver le bonheur auquel chacun aspire !
Alors, même si un petit opus ne peut pas tout régler, puisque l’été c’est fait pour lire, n’hésitons pas à chercher ce type d’ouvrages pour sauver un mot, une expression, une façon de communiquer…
Bonne lecture à toutes et à tous !
L’été c’est fait pour lire et aussi découvrir notre patrimoine sous toutes ses formes. Nous en avons déjà parlé et donc plongeons immédiatement dans notre sujet du jour, le langage spécifique de la Bourgogne… Alors, je rassure tout le monde, en Bourgogne, on parle le français et cela facilite le tourisme pour le Français. Attention, pour les étrangers, il nous arrive ici de rouler un peu les « r » ce qui donne à la langue anglaise, quand nous nous y essayons, un son particulier que les habitants du Yorkshire ont quelques difficultés à comprendre… Mais, aujourd’hui, en suivant pas à pas Gérard Taverdet et Françoise Dumas, je vous invite à découvrir des mots ou des expressions typiquement d’ici, parfois incompréhensibles pour le visiteur d’un jour…
Certaines expressions sont d’ailleurs très sympathiques. Si un petit garçon s’éloigne discrètement du groupe pour aller satisfaire rapidement dame nature, à son retour, on peut lui dire : Alors, tu as fais ta Saône ! Certes, il s’agissait d’une bien petite Saône, mais quand même, on sait bien que les petites rivières font les grands fleuves !
Si lors d’une visite à la ferme, juste à l’heure de l’apéro, vous ne semblez pas sur le point de partir, vos hôtes de l’après-midi seraient en droit de vous demander si vous n’êtes pas entrain de flairer la meurette, en clair chercher à se faire inviter pour le diner… Même s’il n’y a pas ce soir-là d’œuf en meurette !
Remarquer, si le fermier, le même soir, vous dit qu’il fait sa boite, attentez-vous à ce qu’il ailler chercher une bouteille de derrière les fagots, un vin qu’il fait seulement pour sa consommation familiale et, généralement, on n’est pas trop déçu…
Si vous vous promenez en sous-bois et que vous tombez sur des prunelles encore bien vertes, laissez votre enfant les goûter et il va avoir une réaction de rejet quand le goût fortement amer restera sur ses gencives. Vous pourrez alors lui dire « Tiens, tu as les gences ! » Remarquez que pour ces prunelles que l’on trouve dans toute la France, chaque région a son expression…
Maintenant, si au moment de partir, il se met à pleuvoir comme vache qui pisse, le Bourguignon de Chalon préfèrera dire « Il pleut abeurnonsio » ce qui vient de l’expression, il pleut à remplir nos seaux… « Très beaucoup quoi », comme dirait le jeune aujourd’hui ! A chacun de choisir son expression mais dans tous les cas pas un temps à sortir sans son pépin !
Alors, tous ses mots et ces expressions sont classés dans une « Anthologie des expressions de Bourgogne » que Taverdet et Dumas ont concoctée au fur et à mesure du temps, en écoutant ici où là les gens d’ici s’exprimer… Certes, ce n’est jamais complet et exhaustif puisqu’il s’agit bien d’une anthologie mais c’est une belle arme pour combattre l’oubli qui voudrait ensevelir ces belles expressions bien de chez nous !
Les langages locaux, les expressions d’un territoire, les mots ancestraux d’un peuple ne sont pas des éléments à laisser partir en pertes et profits sans réagir. Il donne le tempo d’une âme enracinée chez elle et c’est ce qui permet à tout un chacun de savoir qui il est et d’où il vient… Les fondements pour trouver le bonheur auquel chacun aspire !
Alors, même si un petit opus ne peut pas tout régler, puisque l’été c’est fait pour lire, n’hésitons pas à chercher ce type d’ouvrages pour sauver un mot, une expression, une façon de communiquer…
Bonne lecture à toutes et à tous !
Désolé, la précédente est bien la chronique du mercredi 3 août 2022...
Si je retarde mon calendrier je ne vais jamais arriver à la fin de la semaine...
Si je retarde mon calendrier je ne vais jamais arriver à la fin de la semaine...
Jeudi 4 août 2022
L’été c’est fait pour lire et la bande dessinée est bien partie prenante de mes lectures estivales d’autant plus quand elle est de qualité ! La série Agatha d’Olivier Berlion mérite toute votre attention pour une multitude de bonnes raisons dont je vais essayer de faire écho…
Tout d’abord, le scénario est basé sur un thème qui touche profondément notre société. Nous sommes en 1931, en Pologne, et une jeune femme, Agatha, celle qui sera l’héroïne que l’on va suivre durant trois albums – et je serai bien tenté de dire, trois albums seulement car ce ne sera pas ici une série à rallonge – Agatha donc quitte son pays en catastrophe car on la recherche. Elle a commis le pire, elle vient d’avorter dans un pays où c’est strictement interdit… Elle va donc migrer aux Etats-Unis, pays dans lequel elle un peu de famille pour l’aider à s’installer… Même si Berlion ne pouvait pas en 2018 (quand il travaille sur le début de cette série) deviner que la question serait si chaude aux USA en 2022, force est de constater que la première question fondamentale de cette série est bien la liberté de la femme… Liberté de son corps, liberté de mener sa vie, d’être amoureuse, de faire de la musique, d’exister… Le fait qu’elle soit polonaise et que ce soit les Etats-Unis qui lui donnent une seconde chance est aussi un élément qui m’a touché…
Alors, bien sûr, il est question de la migration, du rêve américain, du grand banditisme, de ces très grandes villes américaines, du FBI… mais cela me semble passer au second plan même si rien n’est à minimiser dans cette très bonne histoire !
Le second point fort, pour moi, dans « Agatha » est le rythme. En effet, Olivier Berlion se donne le temps pour chaque scène, chaque séquence, ce qui lui permet de faire vivre ses personnages suffisamment de temps pour que l’on perçoive en profondeur leurs caractères, leurs émotions, leurs amours, leur stupidité parfois. Un peu comme s’il n’y avait plus de personnages secondaires mais seulement des humains essentiels à la vie du monde. J’ai trouvé cela très fort, très bien réalisé, très bien construit… On peut croire parfois que trois albums ne suffisent pas à une telle opération, un tel objectif, mais, en fait, quand c’est bien pensé et mené, c’est juste parfait. Le lecteur profite de ces trois albums, il est immergé dans cette belle histoire et il n’a même pas le temps de s’embêter, de se lasser, d’abandonner la série comme certains l’on fait quand on arrive au tome 27, 31 ou 43…
Le troisième point fort de cette série ou de ce triptyque, c’est la narration graphique. D’abord, le graphisme d’Olivier Berlion est presque parfait ou, de façon à ne pas trop toucher la modestie d’un auteur que j’apprécie beaucoup, disons qu’il est totalement adapté au propos et aux objectifs. A aucun moment, on se demande ce que fait le personnage, pourquoi cette case, quel intérêt à cette scène ? Tout est juste, mesuré, pensé, efficace ! On constate aussi un équilibre qui fonctionne très bien entre texte et dessin. Travaillant seul, il a pu, il a du et il a réussi à trouver le moyen de donner au lecteur toutes les informations nécessaires pour qu’il puisse ressentir, vivre, respirer comme ses personnages. On n’est jamais noyé dans le texte ni perdu dans de grands temps graphiques où le dessinateur se fait plaisir en plantant le lecteur… Non, ici tout coule de source et c’est un grand plaisir pour le lecteur !
Alors, je comprends que le festival de Cognac 2021 lui ait accordé le prix de la meilleure série BD. Ce n’est pas le prix le plus connu et célèbre mais c’est totalement mérité pour Olivier Berlion et pour son « Agatha » qu’il faut lire… Et si vous n’aimez pas le grand banditisme américain, sachez qu’il est là en toile de fond et que ces gangsters deviennent rapidement des personnages qui, eux aussi, pensent, vivent, aiment, haïssent… C’est un cadre pour faire évoluer Agatha comme vous vous en rendrez compte très rapidement en lisant cette très belle série !
Alors, comme l’été c’est fait pour lire, très bonne lecture !
L’été c’est fait pour lire et la bande dessinée est bien partie prenante de mes lectures estivales d’autant plus quand elle est de qualité ! La série Agatha d’Olivier Berlion mérite toute votre attention pour une multitude de bonnes raisons dont je vais essayer de faire écho…
Tout d’abord, le scénario est basé sur un thème qui touche profondément notre société. Nous sommes en 1931, en Pologne, et une jeune femme, Agatha, celle qui sera l’héroïne que l’on va suivre durant trois albums – et je serai bien tenté de dire, trois albums seulement car ce ne sera pas ici une série à rallonge – Agatha donc quitte son pays en catastrophe car on la recherche. Elle a commis le pire, elle vient d’avorter dans un pays où c’est strictement interdit… Elle va donc migrer aux Etats-Unis, pays dans lequel elle un peu de famille pour l’aider à s’installer… Même si Berlion ne pouvait pas en 2018 (quand il travaille sur le début de cette série) deviner que la question serait si chaude aux USA en 2022, force est de constater que la première question fondamentale de cette série est bien la liberté de la femme… Liberté de son corps, liberté de mener sa vie, d’être amoureuse, de faire de la musique, d’exister… Le fait qu’elle soit polonaise et que ce soit les Etats-Unis qui lui donnent une seconde chance est aussi un élément qui m’a touché…
Alors, bien sûr, il est question de la migration, du rêve américain, du grand banditisme, de ces très grandes villes américaines, du FBI… mais cela me semble passer au second plan même si rien n’est à minimiser dans cette très bonne histoire !
Le second point fort, pour moi, dans « Agatha » est le rythme. En effet, Olivier Berlion se donne le temps pour chaque scène, chaque séquence, ce qui lui permet de faire vivre ses personnages suffisamment de temps pour que l’on perçoive en profondeur leurs caractères, leurs émotions, leurs amours, leur stupidité parfois. Un peu comme s’il n’y avait plus de personnages secondaires mais seulement des humains essentiels à la vie du monde. J’ai trouvé cela très fort, très bien réalisé, très bien construit… On peut croire parfois que trois albums ne suffisent pas à une telle opération, un tel objectif, mais, en fait, quand c’est bien pensé et mené, c’est juste parfait. Le lecteur profite de ces trois albums, il est immergé dans cette belle histoire et il n’a même pas le temps de s’embêter, de se lasser, d’abandonner la série comme certains l’on fait quand on arrive au tome 27, 31 ou 43…
Le troisième point fort de cette série ou de ce triptyque, c’est la narration graphique. D’abord, le graphisme d’Olivier Berlion est presque parfait ou, de façon à ne pas trop toucher la modestie d’un auteur que j’apprécie beaucoup, disons qu’il est totalement adapté au propos et aux objectifs. A aucun moment, on se demande ce que fait le personnage, pourquoi cette case, quel intérêt à cette scène ? Tout est juste, mesuré, pensé, efficace ! On constate aussi un équilibre qui fonctionne très bien entre texte et dessin. Travaillant seul, il a pu, il a du et il a réussi à trouver le moyen de donner au lecteur toutes les informations nécessaires pour qu’il puisse ressentir, vivre, respirer comme ses personnages. On n’est jamais noyé dans le texte ni perdu dans de grands temps graphiques où le dessinateur se fait plaisir en plantant le lecteur… Non, ici tout coule de source et c’est un grand plaisir pour le lecteur !
Alors, je comprends que le festival de Cognac 2021 lui ait accordé le prix de la meilleure série BD. Ce n’est pas le prix le plus connu et célèbre mais c’est totalement mérité pour Olivier Berlion et pour son « Agatha » qu’il faut lire… Et si vous n’aimez pas le grand banditisme américain, sachez qu’il est là en toile de fond et que ces gangsters deviennent rapidement des personnages qui, eux aussi, pensent, vivent, aiment, haïssent… C’est un cadre pour faire évoluer Agatha comme vous vous en rendrez compte très rapidement en lisant cette très belle série !
Alors, comme l’été c’est fait pour lire, très bonne lecture !
Vendredi 5 août 2022
L’été c’est fait pour lire et comme vous le savez bien, le roman policier fait bien partie de mes lectures estivales. Trouver un policier à son goût n’est pas toujours si simple car les genres sont multiples et ceux qui dévorent avec plaisir un cosy mystery peuvent être perturbés par un thriller et s’ennuyer avec un whodunit… Oh, je vous sens bien paniqués avec tous ces genres que vous ignoriez jusqu’à maintenant… Laissons donc tomber les boîtes dans lesquelles on n’arrive d’ailleurs pas à ranger, enfermer ou classer tous les romans policiers et tournons-nous vers ces enquêtes de Loveday et Ryder, écrites par Faith Martin…
Si cette femme écrit depuis 1993, il faut bien reconnaitre que tous ses romans ne sont pas encore traduits en langue française, ce qui ne facilite pas sa découverte. Le premier de la série de ces polars, « Le corbeau d’Oxford », un polar publié chez Harper Collins avait retenu mon attention dès sa sortie…
Il faut dire qu’il avait plusieurs atouts dans sa manche. Il se déroule à Oxford, au début des années soixante, on a une des premières femmes de la police de la ville et elle apprend l’enquête avec un vieux coroner… Nous sommes dans un classique whodunit : qui a fait le crime, pourquoi, comment le criminel se fait prendre… histoire renforcée par l’aspect « transmission » des savoirs entre les deux personnages…
La vie du commissariat est pleine de problèmes, enfin pour Trudy Loveday : ici, les hommes règnent sans partage, elle n’a que 19 ans et elle est encore stagiaire ! Dire que ses collègues la méprisent est peu dire car au royaume de la misogynie incarnée, elle est bien seule et abandonnée même si un policier lui sourit de temps en temps… Pas le capitaine Jennings qui se demande bien pourquoi on lui a envoyé une femme dont il ne sait que faire… En attendant d’avoir une idée, il la fait patrouiller dans la ville… On ne lui confie une enquête que chaque fois que personne n’en veut, qu’elle semble inutile, risquée pour la carrière…
Quand on l’envoie sur le terrain, on la confie au coroner Clément Ryder, le vieux râleur que personne ne supporte. On se débarrasse ainsi des deux du même coup. Il faut dire que Ryder est un coroner bien particulier. Il fut un grand chirurgien spécialiste du cœur d’Oxford mais comme il se sait atteint de la maladie de Parkinson, il se reconvertit en coroner… Très précis et méticuleux, d’une compétence hors normes dès qu’il s’agit de termes médicaux, obstiné et têtu toujours à la recherche de la vérité et, surtout, ne supportant pas le mensonge devant lui lors des enquêtes… tout chez Ryder fait peur aux policiers et chacun est heureux de voir que c’est la jeune Loveday qui va s’y coller… « Ce n’est pas un cadeau » pensent-ils tous !
Mais les deux vont savoir se trouver : la jeune policière stagiaire est heureuse de se voir confier un véritable travail et le vieux coroner découvre l’intelligence de Loveday. Il se dit que l’on pourrait bien en faire une excellente policière…
Les romans s’enchainent avec plaisir pour le lecteur. L’ambiance est souvent lourde, voire noire et on est bien loin du petit cosy mystery du soir… Loveday n’est maintenant plus stagiaire mais ses collègues ne lui facilitent pas pour autant le travail… Ce n’est toujours qu’une simple femme…
Dans le dernier roman paru, « Feu d’artifice mortel », un homme meurt dans un accident lors de la fête Bonfire Night. Un simple accident dramatique conclut l’enquête jusqu’à ce qu’un journaliste pousse la police à rouvrir le dossier… Cette enquête est encore plus forte que les précédentes car Loveday la mène avec encore plus d’indépendance même si Ryder est bien à ses côtés et elle va se trouver confrontée à une question fondamentale : faut-il aller au bout de ses convictions quand on n’a pas de preuves formelles, faut-il tout faire contre un « assassin » que pourtant on comprend, voire même qui agirait pour une cause légitime ? Loveday est confrontée à ses premiers états d’âme…
Certes, il ne s’agit pas d’un chef d’œuvre absolu mais bien d’un bon roman policier. D’ailleurs, si je n’ai pas encore rangé cette série entre ma collection d’Agatha Christie et celle des romans de Patricia Wentworth, force est de constater que je ne m’en suis pas encore séparé… Alors, puisque l’été c’est fait pour lire, bonne lecture et bel été !
L’été c’est fait pour lire et comme vous le savez bien, le roman policier fait bien partie de mes lectures estivales. Trouver un policier à son goût n’est pas toujours si simple car les genres sont multiples et ceux qui dévorent avec plaisir un cosy mystery peuvent être perturbés par un thriller et s’ennuyer avec un whodunit… Oh, je vous sens bien paniqués avec tous ces genres que vous ignoriez jusqu’à maintenant… Laissons donc tomber les boîtes dans lesquelles on n’arrive d’ailleurs pas à ranger, enfermer ou classer tous les romans policiers et tournons-nous vers ces enquêtes de Loveday et Ryder, écrites par Faith Martin…
Si cette femme écrit depuis 1993, il faut bien reconnaitre que tous ses romans ne sont pas encore traduits en langue française, ce qui ne facilite pas sa découverte. Le premier de la série de ces polars, « Le corbeau d’Oxford », un polar publié chez Harper Collins avait retenu mon attention dès sa sortie…
Il faut dire qu’il avait plusieurs atouts dans sa manche. Il se déroule à Oxford, au début des années soixante, on a une des premières femmes de la police de la ville et elle apprend l’enquête avec un vieux coroner… Nous sommes dans un classique whodunit : qui a fait le crime, pourquoi, comment le criminel se fait prendre… histoire renforcée par l’aspect « transmission » des savoirs entre les deux personnages…
La vie du commissariat est pleine de problèmes, enfin pour Trudy Loveday : ici, les hommes règnent sans partage, elle n’a que 19 ans et elle est encore stagiaire ! Dire que ses collègues la méprisent est peu dire car au royaume de la misogynie incarnée, elle est bien seule et abandonnée même si un policier lui sourit de temps en temps… Pas le capitaine Jennings qui se demande bien pourquoi on lui a envoyé une femme dont il ne sait que faire… En attendant d’avoir une idée, il la fait patrouiller dans la ville… On ne lui confie une enquête que chaque fois que personne n’en veut, qu’elle semble inutile, risquée pour la carrière…
Quand on l’envoie sur le terrain, on la confie au coroner Clément Ryder, le vieux râleur que personne ne supporte. On se débarrasse ainsi des deux du même coup. Il faut dire que Ryder est un coroner bien particulier. Il fut un grand chirurgien spécialiste du cœur d’Oxford mais comme il se sait atteint de la maladie de Parkinson, il se reconvertit en coroner… Très précis et méticuleux, d’une compétence hors normes dès qu’il s’agit de termes médicaux, obstiné et têtu toujours à la recherche de la vérité et, surtout, ne supportant pas le mensonge devant lui lors des enquêtes… tout chez Ryder fait peur aux policiers et chacun est heureux de voir que c’est la jeune Loveday qui va s’y coller… « Ce n’est pas un cadeau » pensent-ils tous !
Mais les deux vont savoir se trouver : la jeune policière stagiaire est heureuse de se voir confier un véritable travail et le vieux coroner découvre l’intelligence de Loveday. Il se dit que l’on pourrait bien en faire une excellente policière…
Les romans s’enchainent avec plaisir pour le lecteur. L’ambiance est souvent lourde, voire noire et on est bien loin du petit cosy mystery du soir… Loveday n’est maintenant plus stagiaire mais ses collègues ne lui facilitent pas pour autant le travail… Ce n’est toujours qu’une simple femme…
Dans le dernier roman paru, « Feu d’artifice mortel », un homme meurt dans un accident lors de la fête Bonfire Night. Un simple accident dramatique conclut l’enquête jusqu’à ce qu’un journaliste pousse la police à rouvrir le dossier… Cette enquête est encore plus forte que les précédentes car Loveday la mène avec encore plus d’indépendance même si Ryder est bien à ses côtés et elle va se trouver confrontée à une question fondamentale : faut-il aller au bout de ses convictions quand on n’a pas de preuves formelles, faut-il tout faire contre un « assassin » que pourtant on comprend, voire même qui agirait pour une cause légitime ? Loveday est confrontée à ses premiers états d’âme…
Certes, il ne s’agit pas d’un chef d’œuvre absolu mais bien d’un bon roman policier. D’ailleurs, si je n’ai pas encore rangé cette série entre ma collection d’Agatha Christie et celle des romans de Patricia Wentworth, force est de constater que je ne m’en suis pas encore séparé… Alors, puisque l’été c’est fait pour lire, bonne lecture et bel été !
Samedi 6 août 2022
L’été c’est fait pour lire, certes, mais pourquoi ne pas profiter de cette saison estivale pour relire les albums des aventures de Tintin ? Je sais, certains n’apprécient pas beaucoup ces bandes dessinées mais les relire c’est aussi prendre le temps de comprendre ce que l’on aime ou pas dans ces albums qui ont, de toute façon, marqué fortement l’histoire de la bande dessinée… Alors, prenons le temps de relire aujourd’hui « Les bijoux de la Castafiore » ! Il se dit dans certains milieux autorisés qu’il s’agit de mon préféré…
Sur la couverture, Tintin nous invite à le suivre en silence… Pourquoi ? Parce que la Castafiore chante devant les caméras de la télévision ? Parce que notre présence pourrait énerver le chat et Milou gentiment couchés sous le piano de maître Wagner ? Parce que nous sommes sur le point de pénétrer dans l’album le plus important, le plus abouti, le plus réussi d’Hergé ? Voyons tout cela d’un peu plus près…
C’est toujours facile de commencer un texte sur les Bijoux par ce que disait l’auteur Hergé : «En commençant cet album, mon ambition était de simplifier encore, de m’essayer à raconter, cette fois, une histoire où il ne se passerait rien.»
Mais cela présente l’inconvénient d’entendre des oiseaux de mauvaise augure/foi dire que puisqu’il n’y a rien dans cet album, on va s’en économiser la lecture ! Et, alors, c’est le drame ! Car ne pas lire un des meilleurs albums d’Hergé, c’est se priver d’un bonheur incroyable, c’est vivre à l’ombre quand le soleil est là à deux pas… Bon, je sais que le soleil cette année n’est pas un ami… Passons…
Je vais donc essayer de vous expliquer tout cela avec simplicité, modération, efficacité car je voudrais bien que tous ceux qui ne l’on pas encore lu puissent le faire rapidement. Il y a quelques années, j’ai fait étudier cet album à des collégiens de sixième. Pour cela j’ai commencé par tenter de convaincre les enseignants de français que l’on pouvait étudier, analyser, travailler sur un épisode des aventures de Tintin. J’avais proposé Les bijoux car c’est celui que j’aimais, je connaissais le plus. Une des enseignantes, une des plus réticentes à la lecture de la bande dessinée, fut la première à venir me voir pour m’avouer qu’elle avait été surprise de tout ce qu’elle avait trouvé, la force du récit, le poids des personnages, la qualité des textes, la maîtrise de l’intrigue… Bref, la plus récalcitrante se retrouvait la plus séduite par « Les bijoux de la Castafiore » ! Et c’est ce qui vous menace dès que vous ouvrirez ce livre…
Lorsqu’Hergé parlait de la simplification de son récit, il voulait dire que, pour une fois, Tintin ne ferait pas ses valises et resterait au château de Moulinsart, la fameuse propriété du capitaine Haddock. Mais, pourtant, les valises seront bien présentes, tout au long de l’histoire, puisque Haddock va tenter de faire faire les siennes pour éviter la Castafiore qui s’invite chez lui, puis Nestor devra porter celles de la diva et de sa suite, sans oublier le départ du rossignol milanais, les bagages de Tournesol quand il partira la rejoindre… car si Tintin ne bouge pas du château, il en passe du monde dans cet album où tout un chacun semble pris de bougeotte… D’ailleurs, puisque nous sommes dans les bagages et les voyages, voici qu’Hergé met en scène des gens du voyage. Mieux ! Il fait comprendre au capitaine Haddock la difficulté de vivre ainsi dans une société qui ne laisse aucune place à la différence : « Eh bien ! Mille sabords ! Vous allez vous installer autre part, c’est moi qui vous le dis ! … Il y a une belle pâture près du château, au bord d’une petite rivière : vous pouvez y venir quand vous voulez…»
Le capitaine Haddock se met, ainsi, à dos, son valet Nestor [«Inviter des Romanichels chez soi !!…»], les Dupond(t) [«Comment, c’est vrai ?… Vous ne pouviez pas le dire plus tôt ?… Les voilà, les coupables !… Des preuves, Nous les trouverons !… Ces gens sont tous des voleurs !…»], mais, heureusement, Tintin garde la tête froide [«Vous avez bien fait de les inviter…Mais ce n’est pas parce que ce sont des Bohémiens que vous avez le droit de les soupçonner. »]. D’ailleurs, soupçonner de quoi ? Oui, j’ai oublié de vous dire que cet album fonctionne autour des fameux bijoux de la Castafiore, on s’en doute un peu avec le titre, mais c’est mieux en le disant… La chanteuse d’opéra est arrivée au château de Moulinsart avec sa caissette de bijoux dont la fameuse émeraude offerte par le Maharadjah de Gopal… Mais comme Bianca Castafiore est toujours dans l’excès, bien désordonnée et sans mémoire, elle passe son temps à chercher ses bijoux, quand elle ne chante pas l’air des bijoux, ce qui est plus normal pour une diva de sa classe… Nous n’entrerons pas ici dans le débat sur la nature des bijoux de la Castafiore, ce sera pour une prochaine fois…
Quand une personne, mondialement connue comme la Castafiore, vient s’installer, temporairement, dans un petit village de Belgique, les journalistes rappliquent à grande vitesse. Hergé en profite pour nous raconter une histoire de paparazzi. Les journalistes n’ont jamais eu le beau rôle dans les aventures de Tintin, puisque le seul bon, l’inégalable, le grand, c’est le reporter Tintin, lui-même. Les deux professionnels de Paris-Flash, Jean-Loup de la Batellerie et Walter Rizotto, sont tout simplement nuls et ridicules. Ils vont transmettre de fausses nouvelles, sans aucune précaution éthique, après avoir croisé Tournesol qui ne comprend rien aux questions, surdité expliquant tout… Quant aux deux lascars du Tempo di Roma, ils n’arriveront à voler les photographies qu’en profitant de la pagaille installée par l’équipe de la télévision (encore les médias à l’œuvre !). Mais il faut dire que ces journalistes italiens avaient osé dire que la Castafiore pesait plus de cent kilos… Crime de lèse-majesté : ils ne sont que goujats, malotrus, rustres, mufles…
Mais, tout cela étant dit, que reste-t-il de l’histoire ? Il ne reste qu’une tranche de vie au château, un lieu paisible où un événement est venu perturber le quotidien de Haddock, Tintin, Tournesol… Mais quel est cet événement ? L’arrivée, des Bohémiens, le passage de la Castafiore et sa suite, Irma et Wagner ? Le vol hypothétique des bijoux ? L’intrusion intempestive des Dupont(d) ?
En fait, la vie quotidienne de bourgeois propriétaire que mène le capitaine Haddock est perturbée par un événement majeur [du moins sous l’angle du confort réel], à savoir, la destruction partielle d’une marche de l’escalier… Un bout de marbre se brise et la tranquillité disparaît… « J’y ai introduit le détail vécu du marbrier Boullu qui doit venir réparer la marche d’escalier », mais qui met trop de temps à venir. Cette passivité, fainéantise, négligence professionnelle, aura de très lourdes conséquences. Presque tous les personnages vont choir dans la descente marbrée : Tournesol (page 5), Nestor (pages 6, 11, 12), Haddock (page 7, avec entorse à la cheville gauche qu’il faudra plâtrer, puis page 62 alors que tout semble rentrer dans l’ordre), Irma (page 35), Wagner (page 43), Tintin (même lui n’y échappe pas, page 44)… Mais, les esprits observateurs pourraient faire deux remarques. La première, assez technique, est que l’on ne voit jamais, à deux exceptions près, les chutes elles-mêmes. On ne voit que celle de Nestor où il arrive, avec des efforts étonnants, à retrouver son équilibre in extremis… pour mieux choir la page suivante… et la dernière du capitaine Haddock qui marche sur la marche qui vient juste d’être réparée… « C’est malheureux !… Moi qui revenait justement vous dire d’attendre un jour ou deux avant de poser le pied sur cette marche… ». Décidément, ce marbrier arrive toujours en retard…
Cet épisode de la marche joue un double rôle. Il permet de confirmer que tout va de travers. Dès que le marbre est brisé, tout le monde marche sur la tête… Mais, c’est aussi un très bel exemple de comique de répétition, méthode qui a fait ses preuves depuis très longtemps (« Que diable allait-il faire sur cette galère ! »).
L’angle technique que j’évoquais plus haut est aussi remarquable. En effet, en ne voulant pas montrer toutes les chutes, Hergé fait appel à l’ellipse, et il est maître dans cet aspect de la narration graphique… Irma descend en courant l’escalier. La case suivante, Haddock, dans son salon, entend un Boum caractéristique et s’exclame : « C’est ça !… Toujours la marche ! ». Puis, troisième vignette et dernière de cette séquence, Irma se frotte les fesses (en tout bien tout honneur, nous sommes dans les aventures de Tintin) et semble se remettre difficilement d’avoir chu !
La seule qui ne tombe pas est, assez paradoxalement, Bianca Castafiore. Pourquoi ? Je ne suis pas certain de vous proposer la meilleure solution… Cet album raconte, même si c’est construit sur un quiproquo et une mauvaise interprétation de journalistes, une annonce de mariage, un amour fantasmagorique entre la Castafiore et Haddock… Or, ce dernier ne supporte pas Bianca [ « La Castafiore ici !!! Cataclysme ! Catastrophe ! Calamité ! »], et, pourtant, c’est lui qui va l’empêcher de s’écrouler : « Attention ! La marche ! »… Oui, malgré tout ce qu’il pense, c’est lui le vieux marin solitaire, haïssant l’opéra, ne supportant pas la diva, qui sauve celle que l’on donne comme sa fiancée…
Dans la pseudo relation entre Haddock et Castafiore, il est aussi important de remarquer les noms dont la chanteuse d’opéra décore le pauvre marin : Bartock, Kappock, Koddack, Mastock, Kosack, Hammock, Kolback… Pourquoi une telle pitrerie ? Pour montrer que pour la Castafiore, un homme n’est qu’une denrée secondaire, la preuve elle n’arrive pas à retenir son nom ? Ou, peut-être plus crédible, pour accentuer les origines inconnues du capitaine ? N’oublions pas que dans Le secret de la Licorne et Le trésor de Rackham le rouge, nous apprenons que Haddock est un descendant d’un bâtard du roi soleil… Et cela nous met en évidence la question de l’identité chez Hergé, lui-même fruit d’un secret de famille… Oui, parfois, la bande dessinée peut être plus grave que ce que l’on croit : une aventure ouvre sur l’autobiographie, sur le fort intérieur de l’auteur…
Question langage, les Dupond(t) se déchaînent aussi avec lapsus, contrepèteries incomplètes, erreurs de vocabulaire… Je dirais même plus calembours à trois sous… Ils sont en très grande forme, au sommet de leur bêtise, et l’affaire de la disparition des bijoux va permettre une mise en couleurs de cette stupidité incarnée, doublement incarnée ! Quand ils arrivent, ils pulvérisent leurs deux chevaux sur le camion de la télévision, ils suspectent tout le monde, de Tintin à la pauvre Irma, se mangent des coussins envoyés par la Castafiore, se prennent les pieds dans les fils, ont des idées préconçues sur les gens du voyage [comme tous les policiers du monde, diront certains…], se font agresser, verbalement seulement, par la Castafiore, embrassent des arbres pour éviter des branches qui tombent, égarent une émeraude dans de la belle herbe verte… Bref, les anciens agents X33 et X33 bis (cf. Les cigares du Pharaon, première version) sont toujours aussi bêtes et il ne faut pas compter sur eux pour retrouver les bijoux disparus…
Cet album est une galerie de portraits où l’on retrouve aussi le fameux Séraphin Lampion, l’assureur volubile ami de cette « vielle branche de Haddock », qui vient « serrer la pince à ce vieux pirate », qui félicite « le vieux flibustier » dès l’annonce des fiançailles avec Bianca Castafiore… et qui trouve, enfin, une personne pour lui claquer la porte au nez et le faire taire… Merci la Castafiore, personne n’avait réussi avant toi ! Cet album est bien le tien…
Je suis certain d’avoir lu, ici, le meilleur album d’Hergé, celui qui m’accompagne depuis 1963, date de sa parution en album. Il faut préciser qu’il est paru en feuilleton dans le Journal de Tintin entre l’été 1961 et l’été 1962, il y a donc environ 60 ans ! Le relisant tous les ans, au moins une fois, je peux affirmer qu’il est un compagnon parfait des bons et mauvais jours… Ce serait, probablement, l’album de bédé que je prendrais avec moi pour partir sur une île déserte, mais je ne suis pas pressé car j’aime bien ma bibliothèque avec ses milliers d’albums qui me font rêver entre mes lectures des Bijoux…
Mais puisque l’été c’est fait pour lire, prenez le temps de vous replonger dans ce petit bijou de la bande dessinée… Bonne lecture et désolé d’avoir été beaucoup plus long que d’habitude !
L’été c’est fait pour lire, certes, mais pourquoi ne pas profiter de cette saison estivale pour relire les albums des aventures de Tintin ? Je sais, certains n’apprécient pas beaucoup ces bandes dessinées mais les relire c’est aussi prendre le temps de comprendre ce que l’on aime ou pas dans ces albums qui ont, de toute façon, marqué fortement l’histoire de la bande dessinée… Alors, prenons le temps de relire aujourd’hui « Les bijoux de la Castafiore » ! Il se dit dans certains milieux autorisés qu’il s’agit de mon préféré…
Sur la couverture, Tintin nous invite à le suivre en silence… Pourquoi ? Parce que la Castafiore chante devant les caméras de la télévision ? Parce que notre présence pourrait énerver le chat et Milou gentiment couchés sous le piano de maître Wagner ? Parce que nous sommes sur le point de pénétrer dans l’album le plus important, le plus abouti, le plus réussi d’Hergé ? Voyons tout cela d’un peu plus près…
C’est toujours facile de commencer un texte sur les Bijoux par ce que disait l’auteur Hergé : «En commençant cet album, mon ambition était de simplifier encore, de m’essayer à raconter, cette fois, une histoire où il ne se passerait rien.»
Mais cela présente l’inconvénient d’entendre des oiseaux de mauvaise augure/foi dire que puisqu’il n’y a rien dans cet album, on va s’en économiser la lecture ! Et, alors, c’est le drame ! Car ne pas lire un des meilleurs albums d’Hergé, c’est se priver d’un bonheur incroyable, c’est vivre à l’ombre quand le soleil est là à deux pas… Bon, je sais que le soleil cette année n’est pas un ami… Passons…
Je vais donc essayer de vous expliquer tout cela avec simplicité, modération, efficacité car je voudrais bien que tous ceux qui ne l’on pas encore lu puissent le faire rapidement. Il y a quelques années, j’ai fait étudier cet album à des collégiens de sixième. Pour cela j’ai commencé par tenter de convaincre les enseignants de français que l’on pouvait étudier, analyser, travailler sur un épisode des aventures de Tintin. J’avais proposé Les bijoux car c’est celui que j’aimais, je connaissais le plus. Une des enseignantes, une des plus réticentes à la lecture de la bande dessinée, fut la première à venir me voir pour m’avouer qu’elle avait été surprise de tout ce qu’elle avait trouvé, la force du récit, le poids des personnages, la qualité des textes, la maîtrise de l’intrigue… Bref, la plus récalcitrante se retrouvait la plus séduite par « Les bijoux de la Castafiore » ! Et c’est ce qui vous menace dès que vous ouvrirez ce livre…
Lorsqu’Hergé parlait de la simplification de son récit, il voulait dire que, pour une fois, Tintin ne ferait pas ses valises et resterait au château de Moulinsart, la fameuse propriété du capitaine Haddock. Mais, pourtant, les valises seront bien présentes, tout au long de l’histoire, puisque Haddock va tenter de faire faire les siennes pour éviter la Castafiore qui s’invite chez lui, puis Nestor devra porter celles de la diva et de sa suite, sans oublier le départ du rossignol milanais, les bagages de Tournesol quand il partira la rejoindre… car si Tintin ne bouge pas du château, il en passe du monde dans cet album où tout un chacun semble pris de bougeotte… D’ailleurs, puisque nous sommes dans les bagages et les voyages, voici qu’Hergé met en scène des gens du voyage. Mieux ! Il fait comprendre au capitaine Haddock la difficulté de vivre ainsi dans une société qui ne laisse aucune place à la différence : « Eh bien ! Mille sabords ! Vous allez vous installer autre part, c’est moi qui vous le dis ! … Il y a une belle pâture près du château, au bord d’une petite rivière : vous pouvez y venir quand vous voulez…»
Le capitaine Haddock se met, ainsi, à dos, son valet Nestor [«Inviter des Romanichels chez soi !!…»], les Dupond(t) [«Comment, c’est vrai ?… Vous ne pouviez pas le dire plus tôt ?… Les voilà, les coupables !… Des preuves, Nous les trouverons !… Ces gens sont tous des voleurs !…»], mais, heureusement, Tintin garde la tête froide [«Vous avez bien fait de les inviter…Mais ce n’est pas parce que ce sont des Bohémiens que vous avez le droit de les soupçonner. »]. D’ailleurs, soupçonner de quoi ? Oui, j’ai oublié de vous dire que cet album fonctionne autour des fameux bijoux de la Castafiore, on s’en doute un peu avec le titre, mais c’est mieux en le disant… La chanteuse d’opéra est arrivée au château de Moulinsart avec sa caissette de bijoux dont la fameuse émeraude offerte par le Maharadjah de Gopal… Mais comme Bianca Castafiore est toujours dans l’excès, bien désordonnée et sans mémoire, elle passe son temps à chercher ses bijoux, quand elle ne chante pas l’air des bijoux, ce qui est plus normal pour une diva de sa classe… Nous n’entrerons pas ici dans le débat sur la nature des bijoux de la Castafiore, ce sera pour une prochaine fois…
Quand une personne, mondialement connue comme la Castafiore, vient s’installer, temporairement, dans un petit village de Belgique, les journalistes rappliquent à grande vitesse. Hergé en profite pour nous raconter une histoire de paparazzi. Les journalistes n’ont jamais eu le beau rôle dans les aventures de Tintin, puisque le seul bon, l’inégalable, le grand, c’est le reporter Tintin, lui-même. Les deux professionnels de Paris-Flash, Jean-Loup de la Batellerie et Walter Rizotto, sont tout simplement nuls et ridicules. Ils vont transmettre de fausses nouvelles, sans aucune précaution éthique, après avoir croisé Tournesol qui ne comprend rien aux questions, surdité expliquant tout… Quant aux deux lascars du Tempo di Roma, ils n’arriveront à voler les photographies qu’en profitant de la pagaille installée par l’équipe de la télévision (encore les médias à l’œuvre !). Mais il faut dire que ces journalistes italiens avaient osé dire que la Castafiore pesait plus de cent kilos… Crime de lèse-majesté : ils ne sont que goujats, malotrus, rustres, mufles…
Mais, tout cela étant dit, que reste-t-il de l’histoire ? Il ne reste qu’une tranche de vie au château, un lieu paisible où un événement est venu perturber le quotidien de Haddock, Tintin, Tournesol… Mais quel est cet événement ? L’arrivée, des Bohémiens, le passage de la Castafiore et sa suite, Irma et Wagner ? Le vol hypothétique des bijoux ? L’intrusion intempestive des Dupont(d) ?
En fait, la vie quotidienne de bourgeois propriétaire que mène le capitaine Haddock est perturbée par un événement majeur [du moins sous l’angle du confort réel], à savoir, la destruction partielle d’une marche de l’escalier… Un bout de marbre se brise et la tranquillité disparaît… « J’y ai introduit le détail vécu du marbrier Boullu qui doit venir réparer la marche d’escalier », mais qui met trop de temps à venir. Cette passivité, fainéantise, négligence professionnelle, aura de très lourdes conséquences. Presque tous les personnages vont choir dans la descente marbrée : Tournesol (page 5), Nestor (pages 6, 11, 12), Haddock (page 7, avec entorse à la cheville gauche qu’il faudra plâtrer, puis page 62 alors que tout semble rentrer dans l’ordre), Irma (page 35), Wagner (page 43), Tintin (même lui n’y échappe pas, page 44)… Mais, les esprits observateurs pourraient faire deux remarques. La première, assez technique, est que l’on ne voit jamais, à deux exceptions près, les chutes elles-mêmes. On ne voit que celle de Nestor où il arrive, avec des efforts étonnants, à retrouver son équilibre in extremis… pour mieux choir la page suivante… et la dernière du capitaine Haddock qui marche sur la marche qui vient juste d’être réparée… « C’est malheureux !… Moi qui revenait justement vous dire d’attendre un jour ou deux avant de poser le pied sur cette marche… ». Décidément, ce marbrier arrive toujours en retard…
Cet épisode de la marche joue un double rôle. Il permet de confirmer que tout va de travers. Dès que le marbre est brisé, tout le monde marche sur la tête… Mais, c’est aussi un très bel exemple de comique de répétition, méthode qui a fait ses preuves depuis très longtemps (« Que diable allait-il faire sur cette galère ! »).
L’angle technique que j’évoquais plus haut est aussi remarquable. En effet, en ne voulant pas montrer toutes les chutes, Hergé fait appel à l’ellipse, et il est maître dans cet aspect de la narration graphique… Irma descend en courant l’escalier. La case suivante, Haddock, dans son salon, entend un Boum caractéristique et s’exclame : « C’est ça !… Toujours la marche ! ». Puis, troisième vignette et dernière de cette séquence, Irma se frotte les fesses (en tout bien tout honneur, nous sommes dans les aventures de Tintin) et semble se remettre difficilement d’avoir chu !
La seule qui ne tombe pas est, assez paradoxalement, Bianca Castafiore. Pourquoi ? Je ne suis pas certain de vous proposer la meilleure solution… Cet album raconte, même si c’est construit sur un quiproquo et une mauvaise interprétation de journalistes, une annonce de mariage, un amour fantasmagorique entre la Castafiore et Haddock… Or, ce dernier ne supporte pas Bianca [ « La Castafiore ici !!! Cataclysme ! Catastrophe ! Calamité ! »], et, pourtant, c’est lui qui va l’empêcher de s’écrouler : « Attention ! La marche ! »… Oui, malgré tout ce qu’il pense, c’est lui le vieux marin solitaire, haïssant l’opéra, ne supportant pas la diva, qui sauve celle que l’on donne comme sa fiancée…
Dans la pseudo relation entre Haddock et Castafiore, il est aussi important de remarquer les noms dont la chanteuse d’opéra décore le pauvre marin : Bartock, Kappock, Koddack, Mastock, Kosack, Hammock, Kolback… Pourquoi une telle pitrerie ? Pour montrer que pour la Castafiore, un homme n’est qu’une denrée secondaire, la preuve elle n’arrive pas à retenir son nom ? Ou, peut-être plus crédible, pour accentuer les origines inconnues du capitaine ? N’oublions pas que dans Le secret de la Licorne et Le trésor de Rackham le rouge, nous apprenons que Haddock est un descendant d’un bâtard du roi soleil… Et cela nous met en évidence la question de l’identité chez Hergé, lui-même fruit d’un secret de famille… Oui, parfois, la bande dessinée peut être plus grave que ce que l’on croit : une aventure ouvre sur l’autobiographie, sur le fort intérieur de l’auteur…
Question langage, les Dupond(t) se déchaînent aussi avec lapsus, contrepèteries incomplètes, erreurs de vocabulaire… Je dirais même plus calembours à trois sous… Ils sont en très grande forme, au sommet de leur bêtise, et l’affaire de la disparition des bijoux va permettre une mise en couleurs de cette stupidité incarnée, doublement incarnée ! Quand ils arrivent, ils pulvérisent leurs deux chevaux sur le camion de la télévision, ils suspectent tout le monde, de Tintin à la pauvre Irma, se mangent des coussins envoyés par la Castafiore, se prennent les pieds dans les fils, ont des idées préconçues sur les gens du voyage [comme tous les policiers du monde, diront certains…], se font agresser, verbalement seulement, par la Castafiore, embrassent des arbres pour éviter des branches qui tombent, égarent une émeraude dans de la belle herbe verte… Bref, les anciens agents X33 et X33 bis (cf. Les cigares du Pharaon, première version) sont toujours aussi bêtes et il ne faut pas compter sur eux pour retrouver les bijoux disparus…
Cet album est une galerie de portraits où l’on retrouve aussi le fameux Séraphin Lampion, l’assureur volubile ami de cette « vielle branche de Haddock », qui vient « serrer la pince à ce vieux pirate », qui félicite « le vieux flibustier » dès l’annonce des fiançailles avec Bianca Castafiore… et qui trouve, enfin, une personne pour lui claquer la porte au nez et le faire taire… Merci la Castafiore, personne n’avait réussi avant toi ! Cet album est bien le tien…
Je suis certain d’avoir lu, ici, le meilleur album d’Hergé, celui qui m’accompagne depuis 1963, date de sa parution en album. Il faut préciser qu’il est paru en feuilleton dans le Journal de Tintin entre l’été 1961 et l’été 1962, il y a donc environ 60 ans ! Le relisant tous les ans, au moins une fois, je peux affirmer qu’il est un compagnon parfait des bons et mauvais jours… Ce serait, probablement, l’album de bédé que je prendrais avec moi pour partir sur une île déserte, mais je ne suis pas pressé car j’aime bien ma bibliothèque avec ses milliers d’albums qui me font rêver entre mes lectures des Bijoux…
Mais puisque l’été c’est fait pour lire, prenez le temps de vous replonger dans ce petit bijou de la bande dessinée… Bonne lecture et désolé d’avoir été beaucoup plus long que d’habitude !
Dimanche 7 août 2022
L’été c’est fait pour lire et cet été, souvenez-vous en, nous tentons de nous intéresser régulièrement aux contes… Vous savez, ces histoires que l’on prend le temps de lire ou raconter aux enfants en commençant par « Il était une fois… » Seulement, voilà, on a le lecteur adulte qui prend un livre et qui s’y tient. Il ne sort pas du chemin tracé par l’auteur et, quoi qu’il puisse arriver, il va jusqu’à la dernière page, la dernière ligne, le dernier mot… Il y a aussi celui qui dès qu’il a prononcé « Il était une fois…» est plongé si profondément dans l’histoire qu’il prend la liberté de se l’approprier, de la faire vivre… et quand il arrive à la fin, lui et l’enfant sortent ensemble d’un « espace » particulier où personne ne pourra jamais les retrouver… D’ailleurs, ce conte ne sera jamais vécu une deuxième fois de la même façon… Enfin, il y a l’adulte qui aimerait bien prendre cette liberté de conteur mais n’ose pas… Il se tient au livre de façon stricte car il craint de s’égarer et de perdre l’enfant avec lui… « Il était une fois… » mais il ne faudrait pas que ce soit la dernière quand même…
Voilà pourquoi j’ai choisi aujourd’hui un livre un peu particulier, « Raconte à ta façon… Le Petit Chaperon Rouge » ! On va prendre des libertés, avec l’enfant, mais guidé pour être sûr de revenir ensemble…
Dans un livre très bien fait, simple et accessible à tous, en particulier à ceux qui ne savent pas encore lire, les auteurs, Sonia Chaine et Adrien Pichelin, nous permettent de raconter, avec nos mots, nos expression, nos accents et nos envies, le conte bien connu du « Petit Chaperon Rouge » !
Bien sûr, ce conte traditionnel a été remis en formes plusieurs fois avec de grands auteurs comme Charles Perrault ou les Frères Grimm. Il ne s’agit pas d’oublier cela mais de laisser à tout un chacun la possibilité de s’approprier le conte. Un conte vivant est bien celui qui est rendu dynamique, concret, par chacun de ceux qui le racontent…
Et on oublie bien souvent que les enfants, même les plus petits, sont souvent porteur de versions passionnantes à condition de ne pas les emprisonner dans des versions stéréotypées. Ici, il n’y a pas de texte et tout est possible !
Pour les adultes qui auraient peur de rester silencieux devant un tel ouvrage, les auteurs ont prévu de mettre à votre disposition une antisèche bien faite avec un texte minimaliste pour chaque page. Vous êtes sauvés ! Il n’y aura pas de blanc ! En fait, il n’y en aurait pas eu car les enfants, eux, ont toujours quelque chose à raconter quand ils voient le chaperon rouge, même réduit à un triangle rouge, entrer dans la forêt verte… Pire quand il rencontre le loup, une paire de ciseaux diabolique noire…
Oui, j’ai oublié de vous préciser que pour faire simple les personnages du conte sont schématisés par des formes de couleur… on peut ainsi travailler aussi sur les mots, les formes, les couleurs… L’air de rien cet ouvrage simplissime est aussi très pédagogique ce qui devrait rassurer certains parents…
Pour moi, c’est surtout le type d’outil qui peut accompagner l’esprit créatif de l’enfant en l’enrichissant au niveau vocabulaire, en l’aidant à structurer sa pensée, en lui permettant de raconter des histoires à ses parents et ce n’est pas rien !
Voilà pourquoi je l’ai offert, un jour, à certains de mes petits enfants. Comme les auteurs ont fait plusieurs « Raconte à ta façon… » – Le Petit Poucet, Boucle d’Or, Le Petit Chaperon Rouge, Roule galette, Le Chat botté, Les Trois petits Cochons… – il y en a pour tous les goûts et donc pour tous ceux que vous aimez, ou tout simplement pour vous préparer à raconter tous ces merveilleux conte à celui ou celle que vous aimez… « Il était une fois… » et à vous de jouer, seul ou en duo pour une histoire qui vous conduira au pays du bonheur ! Je précise, pour ceux qui seront partants que ces ouvrages sont édités chez Flammarion jeunesse…
Alors, comme l’été c’est fait pour lire, bonne lecture !
L’été c’est fait pour lire et cet été, souvenez-vous en, nous tentons de nous intéresser régulièrement aux contes… Vous savez, ces histoires que l’on prend le temps de lire ou raconter aux enfants en commençant par « Il était une fois… » Seulement, voilà, on a le lecteur adulte qui prend un livre et qui s’y tient. Il ne sort pas du chemin tracé par l’auteur et, quoi qu’il puisse arriver, il va jusqu’à la dernière page, la dernière ligne, le dernier mot… Il y a aussi celui qui dès qu’il a prononcé « Il était une fois…» est plongé si profondément dans l’histoire qu’il prend la liberté de se l’approprier, de la faire vivre… et quand il arrive à la fin, lui et l’enfant sortent ensemble d’un « espace » particulier où personne ne pourra jamais les retrouver… D’ailleurs, ce conte ne sera jamais vécu une deuxième fois de la même façon… Enfin, il y a l’adulte qui aimerait bien prendre cette liberté de conteur mais n’ose pas… Il se tient au livre de façon stricte car il craint de s’égarer et de perdre l’enfant avec lui… « Il était une fois… » mais il ne faudrait pas que ce soit la dernière quand même…
Voilà pourquoi j’ai choisi aujourd’hui un livre un peu particulier, « Raconte à ta façon… Le Petit Chaperon Rouge » ! On va prendre des libertés, avec l’enfant, mais guidé pour être sûr de revenir ensemble…
Dans un livre très bien fait, simple et accessible à tous, en particulier à ceux qui ne savent pas encore lire, les auteurs, Sonia Chaine et Adrien Pichelin, nous permettent de raconter, avec nos mots, nos expression, nos accents et nos envies, le conte bien connu du « Petit Chaperon Rouge » !
Bien sûr, ce conte traditionnel a été remis en formes plusieurs fois avec de grands auteurs comme Charles Perrault ou les Frères Grimm. Il ne s’agit pas d’oublier cela mais de laisser à tout un chacun la possibilité de s’approprier le conte. Un conte vivant est bien celui qui est rendu dynamique, concret, par chacun de ceux qui le racontent…
Et on oublie bien souvent que les enfants, même les plus petits, sont souvent porteur de versions passionnantes à condition de ne pas les emprisonner dans des versions stéréotypées. Ici, il n’y a pas de texte et tout est possible !
Pour les adultes qui auraient peur de rester silencieux devant un tel ouvrage, les auteurs ont prévu de mettre à votre disposition une antisèche bien faite avec un texte minimaliste pour chaque page. Vous êtes sauvés ! Il n’y aura pas de blanc ! En fait, il n’y en aurait pas eu car les enfants, eux, ont toujours quelque chose à raconter quand ils voient le chaperon rouge, même réduit à un triangle rouge, entrer dans la forêt verte… Pire quand il rencontre le loup, une paire de ciseaux diabolique noire…
Oui, j’ai oublié de vous préciser que pour faire simple les personnages du conte sont schématisés par des formes de couleur… on peut ainsi travailler aussi sur les mots, les formes, les couleurs… L’air de rien cet ouvrage simplissime est aussi très pédagogique ce qui devrait rassurer certains parents…
Pour moi, c’est surtout le type d’outil qui peut accompagner l’esprit créatif de l’enfant en l’enrichissant au niveau vocabulaire, en l’aidant à structurer sa pensée, en lui permettant de raconter des histoires à ses parents et ce n’est pas rien !
Voilà pourquoi je l’ai offert, un jour, à certains de mes petits enfants. Comme les auteurs ont fait plusieurs « Raconte à ta façon… » – Le Petit Poucet, Boucle d’Or, Le Petit Chaperon Rouge, Roule galette, Le Chat botté, Les Trois petits Cochons… – il y en a pour tous les goûts et donc pour tous ceux que vous aimez, ou tout simplement pour vous préparer à raconter tous ces merveilleux conte à celui ou celle que vous aimez… « Il était une fois… » et à vous de jouer, seul ou en duo pour une histoire qui vous conduira au pays du bonheur ! Je précise, pour ceux qui seront partants que ces ouvrages sont édités chez Flammarion jeunesse…
Alors, comme l’été c’est fait pour lire, bonne lecture !
Lundi 8 août 2022
L’été c’est fait pour lire et puisque nous avons déjà parlé de vocabulaire, de mots, de langages, nous allons prolonger cette rapide étude par un langage spécifique, surprenant et très connu, le langage du capitaine Haddock qui a lui seul est un trésor de notre langue…
Commençons juste par rafraichir toutes les mémoires… Ce personnage a fait sa première apparition dans un album d’Hergé, en 1941, Le crabe aux pinces d’or… Magnifique album que beaucoup d’enfants lisent sans réaliser qu’il s’agit d’une histoire de trafic d’opium et sans comprendre plus l’alcoolisme de ce capitaine Haddock… Mais cet histoire est celle d’un salut d’un homme par un autre au nom de l’amitié et de la parole donnée et cette amitié qui nait sous nos yeux durera jusqu’à la dernière histoire…
Le pauvre capitaine Haddock, alcoolique invétéré, homme en dérive totale, est prêt à tuer, dès qu’il le voit pour la première fois, Tintin avant de s’écrouler et de pleurer… Faire un héros de cette loque humaine est quelque chose d’étonnant et surprenant, et Hergé aime nous surprendre ! D’ailleurs, on va assister tout au long de ces aventures, non pas à la résurrection du capitaine mais à une longue évolution marquée par la volonté régulière de maitriser son alcoolisme, son caractère, sa violence parfois, une violence essentiellement verbale, bien sûr !
Cette violence linguistique est absolument extraordinaire car Hergé va jouer avec cela sans aucune limite et sans pour autant tomber sous le coup de la censure qui scrute ces albums destinés à la jeunesse… Pour cela, il va ressortir une pléiade de mots courants parfois inusités et les transformer en insultes, jurons et autres chapelets d’invectives sans fin…
Tout d’abord, ces insultes font partie de ses armes au capitaine. Il les utilise pour marquer son territoire, chasser l’ennemi, l’agonir même ou le faire disparaitre définitivement. Mais ces insultes ne sont ni vulgaires, ni ordurières, ni argotiques… Ce sont juste des mots…
Par exemple, quand les Dupondt sont mal venus, il les traite simplement de « Cloportes ! Négriers ! Coléoptères ! Sapajous ! » et c’est juste terrible tout en étant acceptable… Les Dupondt, d’ailleurs, finissent bien par fuir devant cette avalanche de mots…
Dans l’album de son apparition, Le crabe aux pinces d’or, Haddock met ainsi en déroute – du moins le croit-il – une troupe de rebelles juste avec des jurons sans fin… « Sauvages ! Aztèques ! Grenouilles ! Chenapans !... Ectoplasmes ! Marins d’eau douce ! Bachi-bouzouks ! Zoulous ! Doryphores !... » Quelle efficacité !
Alors, si tous les mots ne sont pas inconnus, si certains mots ou expression auront un avenir plus pérenne que d’autres, ce langage a nécessité de la part d’un tintinologue confirmé, Albert Algoud, la rédaction complète d’un dictionnaire pour aider le jeune lecteur à bien identifier ce qu’était un moratorium, un phlébotome ou rhizopode ! « L’intégrale des jurons du Capitaine Haddock » d’Albert Algoud est indiscutablement à dévorer cet été après avoir relu « Le crabe aux pinces d’or »…
Mais reste le plus délicat : utiliser dès cet été cette richesse de vocabulaire ! Celui qui vous aura brûlé la priorité deviendra un « Satrape », celui qui se mettra trop près de vous sur le sable chaud, un « Sacripant », celui qui vous doublera dans la file du musée, un « Hydrocarbure » sans oublier, bien sûr, le « Marin d’eau douce » qui vous rentrera dedans avec son matelot gonflable quand vous tenterez de nager en paix… Et d’un seul coup, la vie sera plus belle… Enfin presque !
Alors, puisque l’été c’est fait pour lire, bonne lecture et enrichissez sans limites vos capacités d’insultes et votre vocabulaire….
L’été c’est fait pour lire et puisque nous avons déjà parlé de vocabulaire, de mots, de langages, nous allons prolonger cette rapide étude par un langage spécifique, surprenant et très connu, le langage du capitaine Haddock qui a lui seul est un trésor de notre langue…
Commençons juste par rafraichir toutes les mémoires… Ce personnage a fait sa première apparition dans un album d’Hergé, en 1941, Le crabe aux pinces d’or… Magnifique album que beaucoup d’enfants lisent sans réaliser qu’il s’agit d’une histoire de trafic d’opium et sans comprendre plus l’alcoolisme de ce capitaine Haddock… Mais cet histoire est celle d’un salut d’un homme par un autre au nom de l’amitié et de la parole donnée et cette amitié qui nait sous nos yeux durera jusqu’à la dernière histoire…
Le pauvre capitaine Haddock, alcoolique invétéré, homme en dérive totale, est prêt à tuer, dès qu’il le voit pour la première fois, Tintin avant de s’écrouler et de pleurer… Faire un héros de cette loque humaine est quelque chose d’étonnant et surprenant, et Hergé aime nous surprendre ! D’ailleurs, on va assister tout au long de ces aventures, non pas à la résurrection du capitaine mais à une longue évolution marquée par la volonté régulière de maitriser son alcoolisme, son caractère, sa violence parfois, une violence essentiellement verbale, bien sûr !
Cette violence linguistique est absolument extraordinaire car Hergé va jouer avec cela sans aucune limite et sans pour autant tomber sous le coup de la censure qui scrute ces albums destinés à la jeunesse… Pour cela, il va ressortir une pléiade de mots courants parfois inusités et les transformer en insultes, jurons et autres chapelets d’invectives sans fin…
Tout d’abord, ces insultes font partie de ses armes au capitaine. Il les utilise pour marquer son territoire, chasser l’ennemi, l’agonir même ou le faire disparaitre définitivement. Mais ces insultes ne sont ni vulgaires, ni ordurières, ni argotiques… Ce sont juste des mots…
Par exemple, quand les Dupondt sont mal venus, il les traite simplement de « Cloportes ! Négriers ! Coléoptères ! Sapajous ! » et c’est juste terrible tout en étant acceptable… Les Dupondt, d’ailleurs, finissent bien par fuir devant cette avalanche de mots…
Dans l’album de son apparition, Le crabe aux pinces d’or, Haddock met ainsi en déroute – du moins le croit-il – une troupe de rebelles juste avec des jurons sans fin… « Sauvages ! Aztèques ! Grenouilles ! Chenapans !... Ectoplasmes ! Marins d’eau douce ! Bachi-bouzouks ! Zoulous ! Doryphores !... » Quelle efficacité !
Alors, si tous les mots ne sont pas inconnus, si certains mots ou expression auront un avenir plus pérenne que d’autres, ce langage a nécessité de la part d’un tintinologue confirmé, Albert Algoud, la rédaction complète d’un dictionnaire pour aider le jeune lecteur à bien identifier ce qu’était un moratorium, un phlébotome ou rhizopode ! « L’intégrale des jurons du Capitaine Haddock » d’Albert Algoud est indiscutablement à dévorer cet été après avoir relu « Le crabe aux pinces d’or »…
Mais reste le plus délicat : utiliser dès cet été cette richesse de vocabulaire ! Celui qui vous aura brûlé la priorité deviendra un « Satrape », celui qui se mettra trop près de vous sur le sable chaud, un « Sacripant », celui qui vous doublera dans la file du musée, un « Hydrocarbure » sans oublier, bien sûr, le « Marin d’eau douce » qui vous rentrera dedans avec son matelot gonflable quand vous tenterez de nager en paix… Et d’un seul coup, la vie sera plus belle… Enfin presque !
Alors, puisque l’été c’est fait pour lire, bonne lecture et enrichissez sans limites vos capacités d’insultes et votre vocabulaire….
Mardi 9 août 2022
L’été c’est fait pour lire et il est parfois bien difficile de choisir un ouvrage que ce soit en bibliothèque, en librairie ou chez un bouquiniste… Alors, certains me diront que le bouquiniste, la bibliothécaire ou le libraire sont là pour aider et guider le futur lecteur… Ce n’est pas faux mais faut-il avoir une telle personne dans ses connaissances, cet acteur du livre doit-il encore être libre, avoir du temps et envie d’écouter… Bref, toutes les conditions ne sont pas si simples à réunir…
Il faut constater que les livres sont très nombreux, les parutions incessantes, les sollicitations étouffantes et cette incertitude du lecteur devient presque angoissante… Comment, tu n’as pas encore lu le nouveau roman de … Ah, la nouvelle traduction de … est surprenante ! Sans compter les nouvelles présentations, les changements de couverture, les appareils critiques présents ou absents, pertinents ou sans aucun intérêt…
Ah, j’oubliais les milliers et milliers de livres écrits dans le passé et qui sont pour les uns ou les autres des incontournables de notre patrimoine ou des façons de perdre son temps… Parfois, le lecteur peut être pris d’un vertige angoissant… Il est là à s’amuser à chercher un ouvrage à lire, se perd dans des fadaises incroyables, relis de bien médiocres textes alors qu’il réalise soudainement qu’il n’a pas encore tout lu Dostoïevski, Tolstoï, Balzac ou Zola !
Mais qui pourrait lui assurer que la lecture d’un texte de ses grands auteurs soit la garantie d’un beau moment de lecture ? Ici, ce n’est pas comme à l’école où la référence absolue du savoir – ici vous pouvez glisser le nom du prof qui vous a le plus angoissé, de la maitresse qui vous faisait peur ou même personnaliser le « programme officiel » qui justifiait tous les non choix libres – indiquait au pauvre lecteur apprenait le chemin obligatoire de la sagesse… Fallait-il aimer Villon, Molière, Lamartine ou Baudelaire ? Oublier Montaigne, Pascal, Chénier ou Poe ? Les choix que l’on nous a imposés dans notre jeunesse étaient-ils incontournables ? Combien de trésors nous sont-ils tombés dans les mains sans que ce fût prévisible ou imposé ? Chacun d’entre nous peut ainsi lister sans peine les auteurs qui ont réjoui sa vie de lecteur et qu’il a découverts sur le chemin estival de la liberté…
Mais on pourrait aussi dresser une liste étonnante de tous les grands auteurs qu’il n’a jamais lus, jamais aimés ou dont il n’a pas pu terminer un ouvrage… Mieux, plus fort encore, les livres ou auteurs qu’il croyait détester et qu’un jour il découvre et finit même par porter aux nues…
Oui, comme il est difficile de trouver le bon livre pour profiter de sa lecture sans retenue, avec bonheur et sérénité ! Hier, par exemple, je ne savais pas quoi lire, j’étais hésitant et j’arpentais dubitatif ma bibliothèque… Soudain, je tombe sur un petit livre illustré, un petit roman de Timothée de Fombelle, « Quelqu’un m’attend derrière la neige »… C’était un ami qui me l’avait conseillé et je crois qu’après l’avoir acheté, je l’avais oublié, tout simplement… Alors, je l’ai lu, j’ai adoré et je vous en parlerai dès demain…
Il était arrivé lentement jusqu’à moi… Un conseil d’ami mais parfois ils sont si nombreux que l’on ne retient pas tout. Une référence que je trouve en librairie et ce n’est pas toujours le cas car chacun sait bien que tous les livres ne sont pas disponibles, que certains sont même à des prix exorbitants quand on les trouve d’occasion… Un livre qui entre chez moi, qui se glisse dans un rayon et commence à prendre la poussière… Puis, soudain, il sort et devient une découverte, un ami, un souvenir, une émotion que l’on a envie de partager avec les autres…
Qui sait, un livre qui deviendra un conseil, que vous finirez par trouver et qu’un jour, poussés par je ne sais quel hasard vous allez lire… mais, au fait, le hasard existe-t-il ?
Alors, comme l’été c’est fait pour lire, je reviendrai demain vous parler de cet ouvrage… Bonne lecture !
L’été c’est fait pour lire et il est parfois bien difficile de choisir un ouvrage que ce soit en bibliothèque, en librairie ou chez un bouquiniste… Alors, certains me diront que le bouquiniste, la bibliothécaire ou le libraire sont là pour aider et guider le futur lecteur… Ce n’est pas faux mais faut-il avoir une telle personne dans ses connaissances, cet acteur du livre doit-il encore être libre, avoir du temps et envie d’écouter… Bref, toutes les conditions ne sont pas si simples à réunir…
Il faut constater que les livres sont très nombreux, les parutions incessantes, les sollicitations étouffantes et cette incertitude du lecteur devient presque angoissante… Comment, tu n’as pas encore lu le nouveau roman de … Ah, la nouvelle traduction de … est surprenante ! Sans compter les nouvelles présentations, les changements de couverture, les appareils critiques présents ou absents, pertinents ou sans aucun intérêt…
Ah, j’oubliais les milliers et milliers de livres écrits dans le passé et qui sont pour les uns ou les autres des incontournables de notre patrimoine ou des façons de perdre son temps… Parfois, le lecteur peut être pris d’un vertige angoissant… Il est là à s’amuser à chercher un ouvrage à lire, se perd dans des fadaises incroyables, relis de bien médiocres textes alors qu’il réalise soudainement qu’il n’a pas encore tout lu Dostoïevski, Tolstoï, Balzac ou Zola !
Mais qui pourrait lui assurer que la lecture d’un texte de ses grands auteurs soit la garantie d’un beau moment de lecture ? Ici, ce n’est pas comme à l’école où la référence absolue du savoir – ici vous pouvez glisser le nom du prof qui vous a le plus angoissé, de la maitresse qui vous faisait peur ou même personnaliser le « programme officiel » qui justifiait tous les non choix libres – indiquait au pauvre lecteur apprenait le chemin obligatoire de la sagesse… Fallait-il aimer Villon, Molière, Lamartine ou Baudelaire ? Oublier Montaigne, Pascal, Chénier ou Poe ? Les choix que l’on nous a imposés dans notre jeunesse étaient-ils incontournables ? Combien de trésors nous sont-ils tombés dans les mains sans que ce fût prévisible ou imposé ? Chacun d’entre nous peut ainsi lister sans peine les auteurs qui ont réjoui sa vie de lecteur et qu’il a découverts sur le chemin estival de la liberté…
Mais on pourrait aussi dresser une liste étonnante de tous les grands auteurs qu’il n’a jamais lus, jamais aimés ou dont il n’a pas pu terminer un ouvrage… Mieux, plus fort encore, les livres ou auteurs qu’il croyait détester et qu’un jour il découvre et finit même par porter aux nues…
Oui, comme il est difficile de trouver le bon livre pour profiter de sa lecture sans retenue, avec bonheur et sérénité ! Hier, par exemple, je ne savais pas quoi lire, j’étais hésitant et j’arpentais dubitatif ma bibliothèque… Soudain, je tombe sur un petit livre illustré, un petit roman de Timothée de Fombelle, « Quelqu’un m’attend derrière la neige »… C’était un ami qui me l’avait conseillé et je crois qu’après l’avoir acheté, je l’avais oublié, tout simplement… Alors, je l’ai lu, j’ai adoré et je vous en parlerai dès demain…
Il était arrivé lentement jusqu’à moi… Un conseil d’ami mais parfois ils sont si nombreux que l’on ne retient pas tout. Une référence que je trouve en librairie et ce n’est pas toujours le cas car chacun sait bien que tous les livres ne sont pas disponibles, que certains sont même à des prix exorbitants quand on les trouve d’occasion… Un livre qui entre chez moi, qui se glisse dans un rayon et commence à prendre la poussière… Puis, soudain, il sort et devient une découverte, un ami, un souvenir, une émotion que l’on a envie de partager avec les autres…
Qui sait, un livre qui deviendra un conseil, que vous finirez par trouver et qu’un jour, poussés par je ne sais quel hasard vous allez lire… mais, au fait, le hasard existe-t-il ?
Alors, comme l’été c’est fait pour lire, je reviendrai demain vous parler de cet ouvrage… Bonne lecture !
Mercredi 10 août 2022
Mercredi 10 août 2022
L’été c’est fait pour lire, certes, mais j’aurais pu commencer cette chronique estivale par « Il était une fois, un transporteur de glace italienne… » ou même par « Il était une fois, une hirondelle voyageuse qui voulait atteindre le grand nord comme si quelqu’un… » ou même encore par « Il était une fois un migrant désespéré qui voulait quitter son pays pour… ». Oui, on aurait pu commencer de façon très diverse et si cette histoire avait été une fable de La Fontaine on aurait dit comme titre : Le livreur de gelati, l’africain et l’hirondelle… Tout simplement !
Bien, quelques explications préliminaires. Nous sommes dans une grande nouvelle illustrée, presque un petit roman. Il est signé Timothée de Fombelle et il est illustré par Thomas Campi. Le titre est simple : Quelqu’un m’attend derrière la neige. Un titre qui nous apportera, je n’en doute pas un instant, un petit vent de fraicheur dans cette journée qui s’annonce chaude…
Journée chaude, voire plus… N’hésitez pas à vous mettre à l’ombre, avec un bon livre… D’ailleurs, lire à voix haute à ceux que l’on aime ne consomme pas trop d’énergie et donc on peut valider cette activité aujourd’hui…
Nos trois personnages sont chacun sur leurs trajectoires. Tout commence par une hirondelle qui migre pour aller fêter Noël au soleil même si les hirondelles ne fêtent pas Noël… Quoi que, allez savoir…
Le livreur, lui, quoi qu’il puisse arriver, doit livrer sa glace artisanale italienne à Londres. Il s’agit d’un produit indispensable pour les fêtes de fin d’année. Il a quitté Gènes et il tente de rester concentré sur la route car le voyage va être long…
Un africain, amputé d’un bras, recueille, lui, une hirondelle. Il va la sauver d’une mort certaine mais malgré l’attachement bien réel à l’animal, il va la laisser repartir dès qu’elle pourra prendre son envol…
Enfin, Gloria, appelons-là ainsi et vous découvrirez en lisant ce magnifique ouvrage de qui il s’agit réellement, file à toute allure à un rendez-vous important, vital même serait-on tenté d’affirmer…
Bien sûr, il n’est pas question de tout vous raconter ici, c’est vous qui allez lire cette belle histoire à ceux que vous aimez transformant un temps calme à l’ombre en instant magique, plein de pureté, qui fera attendre en douceur et sérénité l’heure où l’on pourra se remettre en mouvement et, qui sait, prendre de l’altitude pour partir vers les pays plus frais… ou, tout simplement, le moment d’aller se baigner dans la rivière, le lac, l’étang ou l’océan…
Ce qui est merveilleux avec ce livre c’est que l’on retrouve une véritable exigence littéraire pour un texte destiné à la jeunesse. Pourquoi faudrait-il alimenter nos jeunes avec des textes faibles, mal traduits et sans aucune profondeur alors que nous avons tout pour les tirer vers le haut, en leur transmettant le goût des histoires humaines de qualité, le plaisir des mots, la musique de la poésie…
D’ailleurs, de musique, il en est bien question car Freddy, le livreur, aime écouter sa cassette en conduisant… J’imagine d’ailleurs très bien la scène suivante : je suis assis dans un transat, à l’ombre, entrain de manger une glace italienne, avec un beau fond musical et une conteuse me racontant la destinée de Freddy, Gloria et notre ami africain… Car, magie du conte et de l’oralité, même quand on connait l’histoire, on peut encore et encore en profiter !
Alors, comme l’été c’est fait pour lire aux autres : « Il était une fois… » !
L’été c’est fait pour lire, certes, mais j’aurais pu commencer cette chronique estivale par « Il était une fois, un transporteur de glace italienne… » ou même par « Il était une fois, une hirondelle voyageuse qui voulait atteindre le grand nord comme si quelqu’un… » ou même encore par « Il était une fois un migrant désespéré qui voulait quitter son pays pour… ». Oui, on aurait pu commencer de façon très diverse et si cette histoire avait été une fable de La Fontaine on aurait dit comme titre : Le livreur de gelati, l’africain et l’hirondelle… Tout simplement !
Bien, quelques explications préliminaires. Nous sommes dans une grande nouvelle illustrée, presque un petit roman. Il est signé Timothée de Fombelle et il est illustré par Thomas Campi. Le titre est simple : Quelqu’un m’attend derrière la neige. Un titre qui nous apportera, je n’en doute pas un instant, un petit vent de fraicheur dans cette journée qui s’annonce chaude…
Journée chaude, voire plus… N’hésitez pas à vous mettre à l’ombre, avec un bon livre… D’ailleurs, lire à voix haute à ceux que l’on aime ne consomme pas trop d’énergie et donc on peut valider cette activité aujourd’hui…
Nos trois personnages sont chacun sur leurs trajectoires. Tout commence par une hirondelle qui migre pour aller fêter Noël au soleil même si les hirondelles ne fêtent pas Noël… Quoi que, allez savoir…
Le livreur, lui, quoi qu’il puisse arriver, doit livrer sa glace artisanale italienne à Londres. Il s’agit d’un produit indispensable pour les fêtes de fin d’année. Il a quitté Gènes et il tente de rester concentré sur la route car le voyage va être long…
Un africain, amputé d’un bras, recueille, lui, une hirondelle. Il va la sauver d’une mort certaine mais malgré l’attachement bien réel à l’animal, il va la laisser repartir dès qu’elle pourra prendre son envol…
Enfin, Gloria, appelons-là ainsi et vous découvrirez en lisant ce magnifique ouvrage de qui il s’agit réellement, file à toute allure à un rendez-vous important, vital même serait-on tenté d’affirmer…
Bien sûr, il n’est pas question de tout vous raconter ici, c’est vous qui allez lire cette belle histoire à ceux que vous aimez transformant un temps calme à l’ombre en instant magique, plein de pureté, qui fera attendre en douceur et sérénité l’heure où l’on pourra se remettre en mouvement et, qui sait, prendre de l’altitude pour partir vers les pays plus frais… ou, tout simplement, le moment d’aller se baigner dans la rivière, le lac, l’étang ou l’océan…
Ce qui est merveilleux avec ce livre c’est que l’on retrouve une véritable exigence littéraire pour un texte destiné à la jeunesse. Pourquoi faudrait-il alimenter nos jeunes avec des textes faibles, mal traduits et sans aucune profondeur alors que nous avons tout pour les tirer vers le haut, en leur transmettant le goût des histoires humaines de qualité, le plaisir des mots, la musique de la poésie…
D’ailleurs, de musique, il en est bien question car Freddy, le livreur, aime écouter sa cassette en conduisant… J’imagine d’ailleurs très bien la scène suivante : je suis assis dans un transat, à l’ombre, entrain de manger une glace italienne, avec un beau fond musical et une conteuse me racontant la destinée de Freddy, Gloria et notre ami africain… Car, magie du conte et de l’oralité, même quand on connait l’histoire, on peut encore et encore en profiter !
Alors, comme l’été c’est fait pour lire aux autres : « Il était une fois… » !
Jeudi 11 août 2022
L’été c’est fait pour lire et c’est aussi, quand l’occasion se présente, un temps particulier qui permet de souvenir… Jean-Jacques Sempé nous a quittés et nous sommes d’abord un peu tristes car nous avions été beaucoup à avoir ri de bon cœur en lisant les aventures du Petit Nicolas. Souvent ce personnage qui nous rappelait notre enfance a effacé de la mémoire collective tous les autres travaux du dessinateur Sempé. Pourtant, il en a dessiné des scènes cocasses, des personnages hilarants, des rencontres atypiques à hurler de rire…
Ce Bordelais était né en 1932 et tout n’avait pas été facile au départ. Milieu modeste, dettes familiales, disputes parentales et départ jeune de la maison pour aider la famille avec des petits travaux… Progressivement, il prend conscience que dessiner est un plaisir, un bonheur et probablement son objectif principal dans la vie… Il arrive à vendre, ici ou là, quelques dessins mais c’est encore laborieux… Puis ce sera Paris, le jazz, la capitale, des amitiés… Sagan, Tati, Prévert … Il est rêveur, poète, insouciant… Et il y aura la rencontre décisive avec René Goscinny, celle qui change sa vie et qui va faire de lui, en plusieurs temps, un dessinateur adoré du public… Mais je ne voulais pas vous parler en premier du Petit Nicolas, que j’adore par ailleurs, mais d’un recueil beaucoup moins connu…
Ce recueil, « Quelques philosophes », nous montre « monsieur tout le monde » entrain de reconstruire le monde, en train de philosopher sans en avoir l’air un peu comme un certain monsieur Jourdain en pleine prose… Serions-nous des Descartes en plein déni ? Mieux, peut-on être philosophe sans le savoir ? Ou, plus probablement, ne passe-t-on pas son temps à blablater sottement en croyant philosopher hautement ?
En quelques traits de crayon, Sempé nous met face à la réalité, sans aucune précaution, sans ménagement, et nous ne pouvons que rire de ces phrases qui nous rappellent bien des interventions dont nous étions fiers comme Artaban… C’est ça la vie, notre vie… Le Petit Nicolas, c’était notre jeunesse alors qu’ici c’est notre vie que nous arpentons en quelques traits…
Que penser de cet homme courbé dans son salon qui se livre à un ami ? « Le drame, c’est que même mes extravagances sont ordinaires… ». Ah, vous le connaissez aussi…
Comment ne pas éclater de rire quand on entend ? « Quand je suis déprimé, les raisons pour lesquelles je suis déprimé sont profondes, existentielles, fondamentales. Il m’arrive d’être heureux, bien sûr. Mais les raisons pour lesquelles je suis heureux sont si futiles, si ténues, que ça me déprime.» Si on refuse d’en rire, alors il ne reste plus qu’à en pleurer…
On pourra toujours se consoler avec cet homme qui se livre avec simplicité sur la plage… « J’ai essayé le christianisme… puis le socialisme… Le marxisme… Maintenant, je vais essayer l’érotisme… » S’il le faisait avec un peu plus de conviction, je crois qu’il arriverait presque à nous convaincre. Allez savoir ?
Je terminerai mon évocation du grand Sempé et mon invitation à la lecture de ce petit opus en citant ce qui se révèle la grande vérité de la vie : « J’aurais aimé être normal et avoir du génie ». Simple. Il suffisait d’y penser…
Sempé était vraiment un artiste et raconteur d’histoires minimalistes. Quelques coups de crayon et il nous emmène au bout de l’humanité dans le rire, les larmes, la réflexion. Tiens ! Si c’était lui le vrai philosophe ?
Alors, comme l’été c’est fait pour lire relisez quelques pages du grand Sempé !
L’été c’est fait pour lire et c’est aussi, quand l’occasion se présente, un temps particulier qui permet de souvenir… Jean-Jacques Sempé nous a quittés et nous sommes d’abord un peu tristes car nous avions été beaucoup à avoir ri de bon cœur en lisant les aventures du Petit Nicolas. Souvent ce personnage qui nous rappelait notre enfance a effacé de la mémoire collective tous les autres travaux du dessinateur Sempé. Pourtant, il en a dessiné des scènes cocasses, des personnages hilarants, des rencontres atypiques à hurler de rire…
Ce Bordelais était né en 1932 et tout n’avait pas été facile au départ. Milieu modeste, dettes familiales, disputes parentales et départ jeune de la maison pour aider la famille avec des petits travaux… Progressivement, il prend conscience que dessiner est un plaisir, un bonheur et probablement son objectif principal dans la vie… Il arrive à vendre, ici ou là, quelques dessins mais c’est encore laborieux… Puis ce sera Paris, le jazz, la capitale, des amitiés… Sagan, Tati, Prévert … Il est rêveur, poète, insouciant… Et il y aura la rencontre décisive avec René Goscinny, celle qui change sa vie et qui va faire de lui, en plusieurs temps, un dessinateur adoré du public… Mais je ne voulais pas vous parler en premier du Petit Nicolas, que j’adore par ailleurs, mais d’un recueil beaucoup moins connu…
Ce recueil, « Quelques philosophes », nous montre « monsieur tout le monde » entrain de reconstruire le monde, en train de philosopher sans en avoir l’air un peu comme un certain monsieur Jourdain en pleine prose… Serions-nous des Descartes en plein déni ? Mieux, peut-on être philosophe sans le savoir ? Ou, plus probablement, ne passe-t-on pas son temps à blablater sottement en croyant philosopher hautement ?
En quelques traits de crayon, Sempé nous met face à la réalité, sans aucune précaution, sans ménagement, et nous ne pouvons que rire de ces phrases qui nous rappellent bien des interventions dont nous étions fiers comme Artaban… C’est ça la vie, notre vie… Le Petit Nicolas, c’était notre jeunesse alors qu’ici c’est notre vie que nous arpentons en quelques traits…
Que penser de cet homme courbé dans son salon qui se livre à un ami ? « Le drame, c’est que même mes extravagances sont ordinaires… ». Ah, vous le connaissez aussi…
Comment ne pas éclater de rire quand on entend ? « Quand je suis déprimé, les raisons pour lesquelles je suis déprimé sont profondes, existentielles, fondamentales. Il m’arrive d’être heureux, bien sûr. Mais les raisons pour lesquelles je suis heureux sont si futiles, si ténues, que ça me déprime.» Si on refuse d’en rire, alors il ne reste plus qu’à en pleurer…
On pourra toujours se consoler avec cet homme qui se livre avec simplicité sur la plage… « J’ai essayé le christianisme… puis le socialisme… Le marxisme… Maintenant, je vais essayer l’érotisme… » S’il le faisait avec un peu plus de conviction, je crois qu’il arriverait presque à nous convaincre. Allez savoir ?
Je terminerai mon évocation du grand Sempé et mon invitation à la lecture de ce petit opus en citant ce qui se révèle la grande vérité de la vie : « J’aurais aimé être normal et avoir du génie ». Simple. Il suffisait d’y penser…
Sempé était vraiment un artiste et raconteur d’histoires minimalistes. Quelques coups de crayon et il nous emmène au bout de l’humanité dans le rire, les larmes, la réflexion. Tiens ! Si c’était lui le vrai philosophe ?
Alors, comme l’été c’est fait pour lire relisez quelques pages du grand Sempé !
Vendredi 12 août 2022
L’été c’est fait pour lire et comme je l’ai souvent dit, en France, on aime bien les anniversaires liés aux dates de naissance et de mort des auteurs, aux dates de parution voire de traduction des œuvres, bref tout est prétexte à célébration et donc pour moi à relecture… Mais ce n’est là qu’un jeu artificiel, on est bien d’accord.
Il y a quelques années, sur une radio en Lorraine, j’animais une émission culturelle hebdomadaire avec des chroniqueurs – oui, cette espèce radiophonique existait déjà à la fin des années quatre-vingt – et j’avais dans mon équipe un grand spécialiste des anniversaires. En fait, ce professeur de littérature et romancier, parlait de ce qu’il voulait, avec toute liberté, puis trouvait un titre à sa chronique… « Aujourd’hui, chers amis, nous fêtons les 237 ans de la parution de cet ouvrage que nous allons relire avec plaisir… » « Comme chacun le sait, il y a 468 ans naissait, en Lorraine, ce poète qui, bien qu’oublié aujourd’hui, mérite d’être remis à l’honneur… » Du coup, chaque semaine, nous fêtions un anniversaire mais, surtout, nous pouvions dépoussiérer un ou plusieurs ouvrages pour leur redonner, sinon de la jeunesse ou de la notoriété, au moins un peu de lumière… Parfois, on a eu des témoignages dans ce sens, cela permettait à certains auditeurs attentionnés de découvrir un petit trésor caché depuis trop longtemps…
Alors, pourquoi vous parler aujourd’hui d’anniversaire ? Tout simplement parce que durant l’été 1952, il y a soixante dix ans, paraissait en feuilleton dans le Journal de Tintin, la première histoire du journaliste Guy Lefranc, « La grande menace ». Soixante-dix ans, pour un reporter, c’est quand même l’âge d’une retraite méritée et légitime. Pourtant, depuis la disparition de son créateur, Jacques Martin, en 2010, Lefranc continue d’enchanter ses lecteurs avec, reconnaissons-le bien simplement, des hauts et des moins hauts. Plusieurs scénaristes, plusieurs dessinateurs et donc à chacun des fans de préférer les uns ou les autres…
Par contre, est-il bien que le héros survive à son créateur initial ? Pour le cas spécifique des aventures de Lefranc, la question est relativement facile à trancher. C’est bien Jacques Martin, lui-même, qui avait décidé qu’il en soit ainsi. En fait, très rapidement, il avait mesuré qu’il ne pourrait pas seul mener de front ses deux grandes séries, Alix et Lefranc, tout en travaillant au studio Hergé et produisant des pages avion ou auto pour le Journal de Tintin… Il a donc, comme Hergé ou Peyo, constitué une équipe autour de lui… C’est Bob de Moor, le grand dessinateur de bandes dessinées, qui le premier arriva en renfort et dessina le quatrième tome de la série, « Le repère du loup », en 1970, en fait, il y a cinquante deux ans… Comme quoi, tout est affaire d’anniversaire !
Dans les jours qui viennent, je vais vous présenter quelques albums de cette série Lefranc car non seulement elle a été créée il y a soixante-dix ans mais, en plus, Jacques Martin étant alsacien, c’est dans cette belle petite ville de Molsheim que se tiennent deux expositions exceptionnelles à cette occasion. Je vais avoir la chance d’aller les visiter jeudi prochain et avant même de vous en parler je voulais réviser avec vous le sujet…
Il a aujourd’hui 33 albums dans cette série, les 16 premiers avec des scenarios de Jacques Martin lui-même, puis avec des scénaristes qui tentent de prolonger cette série, tantôt avec des idées de Jacques Martin lui-même, tantôt avec des histoires qui viennent se glisser entre deux albums… On a même pu constater quelques petites erreurs ici ou là comme des incohérences avec l’âge de Jean Le Gal, le fameux Jeanjean qui accompagne Guy Lefranc dans plus d’une dizaine d’histoires…
Pour ceux qui ne connaitraient pas du tout la série, il faut, à mon avis, commencer la lecture par « La grande menace » dont nous parlerons très vite. Après, deux possibilités : soit vous lisez dans l’ordre des parutions, soit vous lisez dans l’ordre chronologique de la vie de Guy Lefranc. Dans les deux cas, comme l’été c’est fait pour lire, bonne lecture !
Quant à ceux qui connaissent mais n’aiment pas, patience, nous reparlerons d’autres ouvrages dans quelques jours…
L’été c’est fait pour lire et comme je l’ai souvent dit, en France, on aime bien les anniversaires liés aux dates de naissance et de mort des auteurs, aux dates de parution voire de traduction des œuvres, bref tout est prétexte à célébration et donc pour moi à relecture… Mais ce n’est là qu’un jeu artificiel, on est bien d’accord.
Il y a quelques années, sur une radio en Lorraine, j’animais une émission culturelle hebdomadaire avec des chroniqueurs – oui, cette espèce radiophonique existait déjà à la fin des années quatre-vingt – et j’avais dans mon équipe un grand spécialiste des anniversaires. En fait, ce professeur de littérature et romancier, parlait de ce qu’il voulait, avec toute liberté, puis trouvait un titre à sa chronique… « Aujourd’hui, chers amis, nous fêtons les 237 ans de la parution de cet ouvrage que nous allons relire avec plaisir… » « Comme chacun le sait, il y a 468 ans naissait, en Lorraine, ce poète qui, bien qu’oublié aujourd’hui, mérite d’être remis à l’honneur… » Du coup, chaque semaine, nous fêtions un anniversaire mais, surtout, nous pouvions dépoussiérer un ou plusieurs ouvrages pour leur redonner, sinon de la jeunesse ou de la notoriété, au moins un peu de lumière… Parfois, on a eu des témoignages dans ce sens, cela permettait à certains auditeurs attentionnés de découvrir un petit trésor caché depuis trop longtemps…
Alors, pourquoi vous parler aujourd’hui d’anniversaire ? Tout simplement parce que durant l’été 1952, il y a soixante dix ans, paraissait en feuilleton dans le Journal de Tintin, la première histoire du journaliste Guy Lefranc, « La grande menace ». Soixante-dix ans, pour un reporter, c’est quand même l’âge d’une retraite méritée et légitime. Pourtant, depuis la disparition de son créateur, Jacques Martin, en 2010, Lefranc continue d’enchanter ses lecteurs avec, reconnaissons-le bien simplement, des hauts et des moins hauts. Plusieurs scénaristes, plusieurs dessinateurs et donc à chacun des fans de préférer les uns ou les autres…
Par contre, est-il bien que le héros survive à son créateur initial ? Pour le cas spécifique des aventures de Lefranc, la question est relativement facile à trancher. C’est bien Jacques Martin, lui-même, qui avait décidé qu’il en soit ainsi. En fait, très rapidement, il avait mesuré qu’il ne pourrait pas seul mener de front ses deux grandes séries, Alix et Lefranc, tout en travaillant au studio Hergé et produisant des pages avion ou auto pour le Journal de Tintin… Il a donc, comme Hergé ou Peyo, constitué une équipe autour de lui… C’est Bob de Moor, le grand dessinateur de bandes dessinées, qui le premier arriva en renfort et dessina le quatrième tome de la série, « Le repère du loup », en 1970, en fait, il y a cinquante deux ans… Comme quoi, tout est affaire d’anniversaire !
Dans les jours qui viennent, je vais vous présenter quelques albums de cette série Lefranc car non seulement elle a été créée il y a soixante-dix ans mais, en plus, Jacques Martin étant alsacien, c’est dans cette belle petite ville de Molsheim que se tiennent deux expositions exceptionnelles à cette occasion. Je vais avoir la chance d’aller les visiter jeudi prochain et avant même de vous en parler je voulais réviser avec vous le sujet…
Il a aujourd’hui 33 albums dans cette série, les 16 premiers avec des scenarios de Jacques Martin lui-même, puis avec des scénaristes qui tentent de prolonger cette série, tantôt avec des idées de Jacques Martin lui-même, tantôt avec des histoires qui viennent se glisser entre deux albums… On a même pu constater quelques petites erreurs ici ou là comme des incohérences avec l’âge de Jean Le Gal, le fameux Jeanjean qui accompagne Guy Lefranc dans plus d’une dizaine d’histoires…
Pour ceux qui ne connaitraient pas du tout la série, il faut, à mon avis, commencer la lecture par « La grande menace » dont nous parlerons très vite. Après, deux possibilités : soit vous lisez dans l’ordre des parutions, soit vous lisez dans l’ordre chronologique de la vie de Guy Lefranc. Dans les deux cas, comme l’été c’est fait pour lire, bonne lecture !
Quant à ceux qui connaissent mais n’aiment pas, patience, nous reparlerons d’autres ouvrages dans quelques jours…
Samedi 13 août 2022
L’été c’est fait pour lire et je vous avais promis que nous prendrions le temps d’ouvrir ensemble le premier album des aventures de Guy Lefranc, « La grande menace »… Nous y voilà donc !
Avant d’être critique, voire même négatif, il semble important de repositionner les éléments de façon contextuelle pour éviter toute forme de jugement trop rapide… Nous sommes dans l’après-guerre avec plusieurs magazines jeunesse, destinés en tout premier lieu aux garçons, les filles ayant leurs titres spécifiques. Nous sommes aussi avec une loi sur les publications « jeunesse » de 1949 qui avait pour but de protéger la jeunesse, de limiter l’impact des publications venant de l’étranger et qui garantissait aux parents des histoires « morales »… Donc, dans Lefranc, au départ, il y aura surtout des hommes, les femmes seront très absentes, il n’y aura presque pas de sang, de mort, de violence inutile… Bref, une forme d’histoire un peu aseptisée… C’est ainsi ! Il ne pouvait pas en être autrement dans Le journal de Tintin qui va publier cette histoire, en France, en feuilleton, entre juillet 1952 et septembre 1953… Oui, les jeunes, prenez-en de la graine, à cette époque-là, il fallait faire preuve de patience pour avoir la fin d’une histoire…
L’histoire sera publiée en album en 1954, un album de 60 planches, comme les aventures de Tintin…
Pour ceux qui dans cet album verraient des liens possibles avec Tintin ou Blake et Mortimer, disons, rappelons ou précisons que Jacobs, Hergé et Martin travaillaient dans le même magazine et même ensemble à certaines occasions. Jacobs et Martin ont été des membres du studio Hergé… Dans certains personnages secondaires, j’ai trouvé des traces graphiques d’Olrik ou de certains méchants des aventures de Tintin… Des clins d’œil probables mais pas certains, volontaires ou pas…
Mais revenons-en au contenu de cette histoire presque aussi risquée pour la planète que « Le secret de l’Espadon » de Jacobs… Une organisation mondiale de banditisme, de terrorisme dirait-on aujourd’hui, menace la France. De l’or en grande quantité ou explosion d’une grande ville avec une arme qui ressemble à un V1 ou un V2… Cette organisation de « méchants » est dirigée par le super méchant de la série que l’on retrouvera très souvent, Axel Borg. Le cœur de l’histoire se déroule en Alsace, l’Alsace que Jacques Martin connait si bien… On aura même une séquence dans le château du Haut Koenigsbourg… On traversera Obernai, la gare de Strasbourg, Riquewihr et d’autres hauts lieux de l’Alsace, des Vosges… Martin joue à domicile !
Quant aux personnages, on découvre Guy Lefranc reporter pris par hasard dans cette affaire, Jeanjean, un jeune scout lui aussi embarqué par inadvertance dans ce scénario diabolique et qui deviendra un ami de Guy malgré la grande différence d’âge et on trouve aussi l’inspecteur Renard, le digne représentant des forces de l’ordre qui sera aussi régulièrement convoqué dans ces albums Lefranc…
La première partie de l’album me semble assez réaliste et très bien construite tandis que la seconde est plus hyperbolique avec des aspects politique, militaire et terroriste moins crédibles. Mais c’est aussi ce que j’avais ressenti avec « Le secret de l’Espadon »…
Il n’en demeure pas moins que cet album est rentré chez moi probablement vers 1966, en tous cas si je me réfère à la date d’impression de mon exemplaire qui ne m’a jamais quitté, et je l’ai beaucoup lu et relu, c’est lui qui m’a fait aimer la série à laquelle je suis resté fidèle même si pour certains albums ce ne fut pas le coup de foudre… Quant au meilleur, du moins à mon avis, c’est celui que je vous présenterai dès la prochaine fois…
Alors, comme l’été c’est fait pour lire, bonne lecture à toutes et à tous !
L’été c’est fait pour lire et je vous avais promis que nous prendrions le temps d’ouvrir ensemble le premier album des aventures de Guy Lefranc, « La grande menace »… Nous y voilà donc !
Avant d’être critique, voire même négatif, il semble important de repositionner les éléments de façon contextuelle pour éviter toute forme de jugement trop rapide… Nous sommes dans l’après-guerre avec plusieurs magazines jeunesse, destinés en tout premier lieu aux garçons, les filles ayant leurs titres spécifiques. Nous sommes aussi avec une loi sur les publications « jeunesse » de 1949 qui avait pour but de protéger la jeunesse, de limiter l’impact des publications venant de l’étranger et qui garantissait aux parents des histoires « morales »… Donc, dans Lefranc, au départ, il y aura surtout des hommes, les femmes seront très absentes, il n’y aura presque pas de sang, de mort, de violence inutile… Bref, une forme d’histoire un peu aseptisée… C’est ainsi ! Il ne pouvait pas en être autrement dans Le journal de Tintin qui va publier cette histoire, en France, en feuilleton, entre juillet 1952 et septembre 1953… Oui, les jeunes, prenez-en de la graine, à cette époque-là, il fallait faire preuve de patience pour avoir la fin d’une histoire…
L’histoire sera publiée en album en 1954, un album de 60 planches, comme les aventures de Tintin…
Pour ceux qui dans cet album verraient des liens possibles avec Tintin ou Blake et Mortimer, disons, rappelons ou précisons que Jacobs, Hergé et Martin travaillaient dans le même magazine et même ensemble à certaines occasions. Jacobs et Martin ont été des membres du studio Hergé… Dans certains personnages secondaires, j’ai trouvé des traces graphiques d’Olrik ou de certains méchants des aventures de Tintin… Des clins d’œil probables mais pas certains, volontaires ou pas…
Mais revenons-en au contenu de cette histoire presque aussi risquée pour la planète que « Le secret de l’Espadon » de Jacobs… Une organisation mondiale de banditisme, de terrorisme dirait-on aujourd’hui, menace la France. De l’or en grande quantité ou explosion d’une grande ville avec une arme qui ressemble à un V1 ou un V2… Cette organisation de « méchants » est dirigée par le super méchant de la série que l’on retrouvera très souvent, Axel Borg. Le cœur de l’histoire se déroule en Alsace, l’Alsace que Jacques Martin connait si bien… On aura même une séquence dans le château du Haut Koenigsbourg… On traversera Obernai, la gare de Strasbourg, Riquewihr et d’autres hauts lieux de l’Alsace, des Vosges… Martin joue à domicile !
Quant aux personnages, on découvre Guy Lefranc reporter pris par hasard dans cette affaire, Jeanjean, un jeune scout lui aussi embarqué par inadvertance dans ce scénario diabolique et qui deviendra un ami de Guy malgré la grande différence d’âge et on trouve aussi l’inspecteur Renard, le digne représentant des forces de l’ordre qui sera aussi régulièrement convoqué dans ces albums Lefranc…
La première partie de l’album me semble assez réaliste et très bien construite tandis que la seconde est plus hyperbolique avec des aspects politique, militaire et terroriste moins crédibles. Mais c’est aussi ce que j’avais ressenti avec « Le secret de l’Espadon »…
Il n’en demeure pas moins que cet album est rentré chez moi probablement vers 1966, en tous cas si je me réfère à la date d’impression de mon exemplaire qui ne m’a jamais quitté, et je l’ai beaucoup lu et relu, c’est lui qui m’a fait aimer la série à laquelle je suis resté fidèle même si pour certains albums ce ne fut pas le coup de foudre… Quant au meilleur, du moins à mon avis, c’est celui que je vous présenterai dès la prochaine fois…
Alors, comme l’été c’est fait pour lire, bonne lecture à toutes et à tous !
L'été c'est fait pour lire et j'aurais pu vous parler dès maintenant de Salman Ruhdie... mais je vais prendre le temps de relire un ou deux des livres que j'ai dans ma bibliothèque avant de l'évoquer... et en espérant qu'il ne souffre pas trop suite à cette agression terrible et injustifiée !
Dimanche 14 août 2022
L’été c’est fait pour lire et de façon assez naturelle j’ai choisi de rendre hommage à la série Lefranc à l’occasion de l’anniversaire des soixante-dix ans de la sortie du premier album, « La grande menace ». Occasion, aussi de rappeler qu’il faut aller voir ces expositions extraordinaires et uniques qui retracent le travail de Jacques Martin à Molsheim…
Ceux qui me connaissent savent mon attachement à cette série qui a été présente dans mes lectures bédé de jeune adulte. Je ne saurais dire exactement quelle fut la première histoire de Lefranc qui s’est retrouvée dans les mains. Si je remonte très loin, c’est « La grande menace » qui demeure un repaire absolu avec « Le repaire du loup ». Certes, je n’oublie pas « Les portes de l’enfer » ou « Opération Thor » qui appartiennent à ma culture bédé. D’ailleurs, si je prends le temps d’évoquer « Le repaire du loup » c’est parce que cet épisode compte énormément pour moi. Il permet à « mon » héros de se retrouver dans la montagne alors que j’ai habité dans l’Isère au moment de mon adolescence. Chalet, barrages, neige, ski autant d’éléments de l’histoire qui étaient concrets pour moi. En plus, je faisais partie de ceux qui attendaient avec une certaine impatience la suite des aventures de Guy Lefranc… Le travail de Bob de Moor sur cet album est remarquable mais il fut sans suite… d’où une nouvelle attente et impatience !
Mon rapport avec la série a changé avec « Les portes de l’enfer » qui est cette fois dessiné par Gilles Chaillet. Gilles, au fil du temps et d’interview en interview, allait devenir au fil du temps un véritable «ami» pour moi. Il a toujours accepté les interviews et les rencontres, fait preuve de sympathie et chaleur, et mes engagements sociaux et associatifs devaient correspondre à des valeurs qu’il partageait… Nos discussions – mais il était très bavard – duraient toujours beaucoup plus longtemps que le temps strictement imparti à l’interview radio et sa mort a laissé un grand vide. Cette série Lefranc reste pour moi un des « lieux » de survie de Gilles Chaillet…
Bien sûr, cette série est avant toute chose la création de Jacques Martin qui avait trouvé là un thème contemporain pour souffler entre ses périodes « Alix ». Gilles Chaillet voulait travailler sur Alix au départ, mais le maître ne souhaitait pas avoir d’aide sur ce qu’il considérait comme son chef d’œuvre et c’est ainsi que Gilles Chaillet avait dessiné du « Lefranc » comme d’autres après lui. Jacques Martin a su – certes poussé par ses problèmes de vue au départ – s’entourer de nombreux artistes pour prolonger son œuvre. C’est ainsi qu’aujourd’hui ces/ses grandes séries qui nous ont bercés survivent…
Alors il y aura toujours des voix pour critiquer cette bande dessinée, ce genre trop classique, archétype de la bédé franco-belge, fruit de la ligne claire, copie des élèves de fameux Hergé. Oui, tout cela n’est pas entièrement faux d’autant plus que des dessinateurs comme Bob de Moor ont aussi travaillé sur Tintin… mais tout cela n’est rien au regard du rêve qu’ils nous ont donné à un moment. Alix et Lefranc sont des héros de mon enfance et adolescence comme Tintin, Mortimer, Astérix, Blueberry, Barbe Rouge, Tanguy et Laverdure, Lucky Luke… Vous ne pourrez rien y changer ! Et tant pis si je suis indulgent avec certaines des reprises…
Cette fois, regardons l’épisode « Les enfants du bunker » qui se déroule après « Noël Noir » qui lui-même se situait après « La grande menace ». Ce type de précision permet de comprendre un peu mieux le comportement des personnages, la nature de l’attachement de Jean-Jean à Lefranc, l’ambiance de l’histoire… Pour ceux qui ne connaissent pas encore la série, cela peut paraitre un peu obscur mais c’est comme pour des sagas comme Stars Wars, il faut une certaine initiation qui passe par la lecture des albums, tous les albums…
Jean-Jean part faire un camp de scout avec une troupe qu’il ne connaît pas. Il est le petit jeune car il vient de quitter les « louveteaux » pour devenir éclaireur… Bien sûr le camp ne va pas se dérouler comme prévu et c’est tout l’intérêt de l’album.
Sans entrer dans tous les éléments de cette histoire, elle est basée sur une part de mystère et de fantastique renouant ainsi avec certains albums passés comme « Les portes de l’enfer » ou « L’apocalypse ». C’est un aspect qui m’a convaincu et rendu la lecture très plaisante.
C’est donc un bon album de la série qui permet de penser que ces différentes reprises de Lefranc, loin de tuer définitivement le personnage après la mort du créateur – Jacques Martin est mort en 2010 – lui ont redonné de l’énergie sans dénaturer l’esprit de l’ensemble. Une création dans la fidélité.
C’est ce qui explique que les fans de la série lui restent fidèles tandis que ceux qui n’étaient pas sensibles à ce style y restent assez opposés. C’est aussi là que réside la liberté du lecteur et comme l’été c’est fait pour lire, bonne lecture estivale !
L’été c’est fait pour lire et de façon assez naturelle j’ai choisi de rendre hommage à la série Lefranc à l’occasion de l’anniversaire des soixante-dix ans de la sortie du premier album, « La grande menace ». Occasion, aussi de rappeler qu’il faut aller voir ces expositions extraordinaires et uniques qui retracent le travail de Jacques Martin à Molsheim…
Ceux qui me connaissent savent mon attachement à cette série qui a été présente dans mes lectures bédé de jeune adulte. Je ne saurais dire exactement quelle fut la première histoire de Lefranc qui s’est retrouvée dans les mains. Si je remonte très loin, c’est « La grande menace » qui demeure un repaire absolu avec « Le repaire du loup ». Certes, je n’oublie pas « Les portes de l’enfer » ou « Opération Thor » qui appartiennent à ma culture bédé. D’ailleurs, si je prends le temps d’évoquer « Le repaire du loup » c’est parce que cet épisode compte énormément pour moi. Il permet à « mon » héros de se retrouver dans la montagne alors que j’ai habité dans l’Isère au moment de mon adolescence. Chalet, barrages, neige, ski autant d’éléments de l’histoire qui étaient concrets pour moi. En plus, je faisais partie de ceux qui attendaient avec une certaine impatience la suite des aventures de Guy Lefranc… Le travail de Bob de Moor sur cet album est remarquable mais il fut sans suite… d’où une nouvelle attente et impatience !
Mon rapport avec la série a changé avec « Les portes de l’enfer » qui est cette fois dessiné par Gilles Chaillet. Gilles, au fil du temps et d’interview en interview, allait devenir au fil du temps un véritable «ami» pour moi. Il a toujours accepté les interviews et les rencontres, fait preuve de sympathie et chaleur, et mes engagements sociaux et associatifs devaient correspondre à des valeurs qu’il partageait… Nos discussions – mais il était très bavard – duraient toujours beaucoup plus longtemps que le temps strictement imparti à l’interview radio et sa mort a laissé un grand vide. Cette série Lefranc reste pour moi un des « lieux » de survie de Gilles Chaillet…
Bien sûr, cette série est avant toute chose la création de Jacques Martin qui avait trouvé là un thème contemporain pour souffler entre ses périodes « Alix ». Gilles Chaillet voulait travailler sur Alix au départ, mais le maître ne souhaitait pas avoir d’aide sur ce qu’il considérait comme son chef d’œuvre et c’est ainsi que Gilles Chaillet avait dessiné du « Lefranc » comme d’autres après lui. Jacques Martin a su – certes poussé par ses problèmes de vue au départ – s’entourer de nombreux artistes pour prolonger son œuvre. C’est ainsi qu’aujourd’hui ces/ses grandes séries qui nous ont bercés survivent…
Alors il y aura toujours des voix pour critiquer cette bande dessinée, ce genre trop classique, archétype de la bédé franco-belge, fruit de la ligne claire, copie des élèves de fameux Hergé. Oui, tout cela n’est pas entièrement faux d’autant plus que des dessinateurs comme Bob de Moor ont aussi travaillé sur Tintin… mais tout cela n’est rien au regard du rêve qu’ils nous ont donné à un moment. Alix et Lefranc sont des héros de mon enfance et adolescence comme Tintin, Mortimer, Astérix, Blueberry, Barbe Rouge, Tanguy et Laverdure, Lucky Luke… Vous ne pourrez rien y changer ! Et tant pis si je suis indulgent avec certaines des reprises…
Cette fois, regardons l’épisode « Les enfants du bunker » qui se déroule après « Noël Noir » qui lui-même se situait après « La grande menace ». Ce type de précision permet de comprendre un peu mieux le comportement des personnages, la nature de l’attachement de Jean-Jean à Lefranc, l’ambiance de l’histoire… Pour ceux qui ne connaissent pas encore la série, cela peut paraitre un peu obscur mais c’est comme pour des sagas comme Stars Wars, il faut une certaine initiation qui passe par la lecture des albums, tous les albums…
Jean-Jean part faire un camp de scout avec une troupe qu’il ne connaît pas. Il est le petit jeune car il vient de quitter les « louveteaux » pour devenir éclaireur… Bien sûr le camp ne va pas se dérouler comme prévu et c’est tout l’intérêt de l’album.
Sans entrer dans tous les éléments de cette histoire, elle est basée sur une part de mystère et de fantastique renouant ainsi avec certains albums passés comme « Les portes de l’enfer » ou « L’apocalypse ». C’est un aspect qui m’a convaincu et rendu la lecture très plaisante.
C’est donc un bon album de la série qui permet de penser que ces différentes reprises de Lefranc, loin de tuer définitivement le personnage après la mort du créateur – Jacques Martin est mort en 2010 – lui ont redonné de l’énergie sans dénaturer l’esprit de l’ensemble. Une création dans la fidélité.
C’est ce qui explique que les fans de la série lui restent fidèles tandis que ceux qui n’étaient pas sensibles à ce style y restent assez opposés. C’est aussi là que réside la liberté du lecteur et comme l’été c’est fait pour lire, bonne lecture estivale !
Lundi 15 août 2022
L’été c’est fait pour lire et depuis quelques jours nous naviguons paisiblement dans la série Lefranc, celle qui a été créée en 1952, il y a soixante-dix ans, par Jacques Martin, grand auteur de bandes dessinées, né en Alsace d’où cet hommage en expositions cet été à Molsheim…
Mais pourquoi continuer de lire cette série reprise par de nombreux auteurs alors que Martin est décédé depuis plus de dix ans ? Il faut dire que lorsque l’automne approche, dans le calendrier mais surtout dans nos vies, il nous prend l’envie de revenir à certaines belles époques de notre passé. Nous disons bien « belles époques » même si quand nous nous donnons le temps d’une analyse plus poussée ces époques n’étaient pas si belles que cela. Il en est de même pour les séries de bandes dessinées de notre jeunesse. Le souvenir est vif, pétillant, euphorisant, mais à la relecture nous déchantons parfois…
Alors qu’en est-il de ces reprises, vous savez ces histoires qui continuent longtemps après la mort des auteurs avec un travail de prolongation mené par des auteurs qui ne manquent pas de talent, mais dont l’imagination ne supporte peut-être pas d’être enfermée dans le carcan du souvenir… Souvenirs de lectures, souvenir de l’auteur, souvenir des personnages, souvenirs appropriés par chacun de ceux qui va lire la reprise… Quelle pression !
Pourquoi dire tout cela avant de présenter cet album des aventures de Lefranc, « L’enfant Staline » ? Pour relativiser les remarques qui vont suivre, pour expliquer un attachement à une série qui a bercé mon adolescence… Pensez donc, la série est née en 1952, je n’étais même pas né !
« L’enfant Staline » se déroule en 1953. En effet, pour ceux qui suivent cela de loin, les nouveaux albums, ces fameuses reprises, viennent s’insérer entre les albums de la série initiale ou après, selon un plan parfaitement suivi des éditeurs. L’équipe Régric et Robberecht s’est donc replongée dans cette période de la guerre froide. 1953, c’est l’année de la mort de Joseph Staline…
J’ai donc lu avec avidité cet album pour me replonger dans le bon vieux temps. Le premier point positif de ce travail réside indiscutablement dans la qualité graphique. Le dessinateur Régric confirme qu’il est bien devenu un auteur de Lefranc, à part entière. Certes, il reste dans un classicisme à la Jacques Martin, mais c’était bien une condition pour récupérer la série. Par contre, il rend la narration graphique, album après album, plus dynamique. Deuxième point, le scénario est bien intégré dans cette Guerre froide et le fait d’aller à Moscou renforce cet aspect. Par contre, c’est en tous cas mon avis, le scénario lui-même est un peu trop simple. Dès le départ, on pourrait deviner ce qui va se passer avec très peu d’erreur. Le suspense n’est pas assez intense… A la limite, la seule question qui demeure relève du comment et non du quoi ni du pourquoi !
Il s’agit donc bien d’un album pour les anciens lecteurs et les nostalgiques de la série. J’ai tenté de le faire lire à des collégiens et à mes étudiants mais sans aucun succès… Enfin, cette aventure manque un peu de réalisme et je ne suis pas certain qu’un agent comme Bond, 007, réussirait la mission avec autant de brio… Un peu facile…
Et pourtant, il y a quelques jours, j’ai pris le temps de le relire et j’ai trouvé que cela ne fonctionne pas si mal, malgré tout… Mais suis-je impartial, objectif ? A vous de juger car comme l’été c’est fait pour lire, il ne vous reste plus qu’à plonger dans une histoire de politique soviétique, de science fiction et d’espionnage, « L’enfant Staline »…
Et pour les curieux, les inconditionnels, les fans de bandes dessinées, les voyageurs qui passent par Molsheim… N’oubliez pas ce duo d’expositions pour découvrir Jacques Martin !
L’été c’est fait pour lire et depuis quelques jours nous naviguons paisiblement dans la série Lefranc, celle qui a été créée en 1952, il y a soixante-dix ans, par Jacques Martin, grand auteur de bandes dessinées, né en Alsace d’où cet hommage en expositions cet été à Molsheim…
Mais pourquoi continuer de lire cette série reprise par de nombreux auteurs alors que Martin est décédé depuis plus de dix ans ? Il faut dire que lorsque l’automne approche, dans le calendrier mais surtout dans nos vies, il nous prend l’envie de revenir à certaines belles époques de notre passé. Nous disons bien « belles époques » même si quand nous nous donnons le temps d’une analyse plus poussée ces époques n’étaient pas si belles que cela. Il en est de même pour les séries de bandes dessinées de notre jeunesse. Le souvenir est vif, pétillant, euphorisant, mais à la relecture nous déchantons parfois…
Alors qu’en est-il de ces reprises, vous savez ces histoires qui continuent longtemps après la mort des auteurs avec un travail de prolongation mené par des auteurs qui ne manquent pas de talent, mais dont l’imagination ne supporte peut-être pas d’être enfermée dans le carcan du souvenir… Souvenirs de lectures, souvenir de l’auteur, souvenir des personnages, souvenirs appropriés par chacun de ceux qui va lire la reprise… Quelle pression !
Pourquoi dire tout cela avant de présenter cet album des aventures de Lefranc, « L’enfant Staline » ? Pour relativiser les remarques qui vont suivre, pour expliquer un attachement à une série qui a bercé mon adolescence… Pensez donc, la série est née en 1952, je n’étais même pas né !
« L’enfant Staline » se déroule en 1953. En effet, pour ceux qui suivent cela de loin, les nouveaux albums, ces fameuses reprises, viennent s’insérer entre les albums de la série initiale ou après, selon un plan parfaitement suivi des éditeurs. L’équipe Régric et Robberecht s’est donc replongée dans cette période de la guerre froide. 1953, c’est l’année de la mort de Joseph Staline…
J’ai donc lu avec avidité cet album pour me replonger dans le bon vieux temps. Le premier point positif de ce travail réside indiscutablement dans la qualité graphique. Le dessinateur Régric confirme qu’il est bien devenu un auteur de Lefranc, à part entière. Certes, il reste dans un classicisme à la Jacques Martin, mais c’était bien une condition pour récupérer la série. Par contre, il rend la narration graphique, album après album, plus dynamique. Deuxième point, le scénario est bien intégré dans cette Guerre froide et le fait d’aller à Moscou renforce cet aspect. Par contre, c’est en tous cas mon avis, le scénario lui-même est un peu trop simple. Dès le départ, on pourrait deviner ce qui va se passer avec très peu d’erreur. Le suspense n’est pas assez intense… A la limite, la seule question qui demeure relève du comment et non du quoi ni du pourquoi !
Il s’agit donc bien d’un album pour les anciens lecteurs et les nostalgiques de la série. J’ai tenté de le faire lire à des collégiens et à mes étudiants mais sans aucun succès… Enfin, cette aventure manque un peu de réalisme et je ne suis pas certain qu’un agent comme Bond, 007, réussirait la mission avec autant de brio… Un peu facile…
Et pourtant, il y a quelques jours, j’ai pris le temps de le relire et j’ai trouvé que cela ne fonctionne pas si mal, malgré tout… Mais suis-je impartial, objectif ? A vous de juger car comme l’été c’est fait pour lire, il ne vous reste plus qu’à plonger dans une histoire de politique soviétique, de science fiction et d’espionnage, « L’enfant Staline »…
Et pour les curieux, les inconditionnels, les fans de bandes dessinées, les voyageurs qui passent par Molsheim… N’oubliez pas ce duo d’expositions pour découvrir Jacques Martin !
Mardi 16 août 2022
L’été c’est fait pour lire et nous continuons à cheminer dans les aventures de Lefranc, créées il y a 70 ans par Jacques Martin…
On dit souvent que les mythes sont des histoires appelées à disparaitre et, en fait, les mythes perdurent, perdurent presque jusqu’à la fin des temps… Alors, les mythes existent-ils en bandes dessinées ? Délicate question qui a été traitée, souvent de façon médiocre, y compris lors de tables rondes durant certains festivals à Montreuil, Saint-Malo ou Angoulême. J’aurais tendance à déclarer que les mythes éternels, ceux dont on parlait il y a quelques instants, n’existent pas en bandes dessinées. Par contre, je suis persuadé qu’il y a bien des séries mythiques, générationnelles, qui restent dans nos mémoires et dont on n’arrive que très difficilement à se détacher.
Par exemple, il est ainsi pour moi de séries comme Tintin, Blueberry, Alix, Lefranc, Cubitus, Sillage… Rien n’est jamais éternel, même pour moi il arrive que je les délaisse quelque peu… Mais, malgré tout, elles sont souvent là. Je crois qu’il ne se passe pas une année sans que je relise au moins un album des aventures de Tintin. C’est d’ailleurs assez souvent les mêmes que je relis : Le crabe aux pinces d’or, L’affaire Tournesol, Les bijoux de la Castafiore… Mais, remarquez que cette série Tintin est comme morte ou figée dans le temps. Du coup, il n’y a pas de découverte, juste des relectures. Par contre, avec les aventures de Lefranc, il y a des nouveautés ce qui ravive le plaisir…
Lefranc est une série qui a été créée par Jacques Martin, auteur de bande dessinée français, qui a réjoui des milliers et des milliers de lecteurs. Alix, Lefranc, Jehn, Orion, Loïs… Les séries ne manquent pas et le phénomène générationnel existe bien car vous ne connaissez pas et n’aimez pas les mêmes en fonction de votre âge… j’étais adolescent quand j’ai découvert cette merveille, ce premier album de la série, « La grande menace ». C’est pour moi un chef d’œuvre qui, avec un autre de la série, « Le repaire du loup », irait bien au panthéon de mes albums préférés avec « Les bijoux de la Castafiore », « La marque jaune », « Le Pied-tendre », « La marque de Raspoutine », « Le cavalier perdu »… et me voilà fâché avec tous ceux que je n’ai pas cité ! Néanmoins, j’ai été séduit par ce journaliste aventurier Guy Lefranc et j’ai aimé suivre ses nouvelles aventures au fur et à mesure que les auteurs venaient se frotter au mythe. Ils furent nombreux d’ailleurs à participer à la construction du personnage avec ou après Jacques Martin : Bob de Moor, Gilles Chaillet, Christophe Simon, Francis Carin, André Taymans, Jacquemart, Weber, Drèze, Régric, Delperdange, Maury, Robberecht, Seiter et, cet épisode, « Mission Antarctique », François Corteggiani et Christophe Alvès…
Alors certains diront qu’il n’y a rien de neuf dans cette histoire, que Lefranc est toujours un personnage ambigu, que Borg le méchant est de plus en plus curieux et blablabla… Moi, je réponds, la série est toujours bien dessinée, peut-être même de mieux en mieux ; Lefranc me fascine et il me permet de m’identifier au héros sans difficulté ; la série s’est améliorée entre autre avec la complexification des intrigues, avec la présence de femmes, avec un peu plus de politique, de diplomatie, de réflexion…
Il n’en demeure pas moins que la série continue à avoir la guerre froide comme cadre général ce qui donne à la série un petit côté vieillot ce qui en fait aussi son charme… Ne le nions pas, nous qui avons connu la fameuse guerre froide, les chasses aux espions, la hantise de voir les Russes débarquer à chaque instant… Ah, vous n’y croyiez pas réellement ? Faisons comme si…
J’ai lu cet album, « Mission antarctique » avec beaucoup de plaisir. Certes, l’intrigue est un peu tirée par les cheveux au départ car il faut y croire à cette base militaire nazie dans les années cinquante… Par contre, après, ça fonctionne parfaitement… Bon, pour cette fois, il n’y aura pas de reportage dans son journal, on ne sait pas ce qu’est devenu exactement Axel Borg, mais, heureusement, il retrouve Jeanjean pour quelques jours de vacances mérités…
Le lecteur que je fus durant quelques instants est satisfait et il a tendance à penser que ces lectures mythiques, à défaut d’être grandes et immortelles, sont pour le moins plaisantes et comme l’été c’est pour lire, lisons !
L’été c’est fait pour lire et nous continuons à cheminer dans les aventures de Lefranc, créées il y a 70 ans par Jacques Martin…
On dit souvent que les mythes sont des histoires appelées à disparaitre et, en fait, les mythes perdurent, perdurent presque jusqu’à la fin des temps… Alors, les mythes existent-ils en bandes dessinées ? Délicate question qui a été traitée, souvent de façon médiocre, y compris lors de tables rondes durant certains festivals à Montreuil, Saint-Malo ou Angoulême. J’aurais tendance à déclarer que les mythes éternels, ceux dont on parlait il y a quelques instants, n’existent pas en bandes dessinées. Par contre, je suis persuadé qu’il y a bien des séries mythiques, générationnelles, qui restent dans nos mémoires et dont on n’arrive que très difficilement à se détacher.
Par exemple, il est ainsi pour moi de séries comme Tintin, Blueberry, Alix, Lefranc, Cubitus, Sillage… Rien n’est jamais éternel, même pour moi il arrive que je les délaisse quelque peu… Mais, malgré tout, elles sont souvent là. Je crois qu’il ne se passe pas une année sans que je relise au moins un album des aventures de Tintin. C’est d’ailleurs assez souvent les mêmes que je relis : Le crabe aux pinces d’or, L’affaire Tournesol, Les bijoux de la Castafiore… Mais, remarquez que cette série Tintin est comme morte ou figée dans le temps. Du coup, il n’y a pas de découverte, juste des relectures. Par contre, avec les aventures de Lefranc, il y a des nouveautés ce qui ravive le plaisir…
Lefranc est une série qui a été créée par Jacques Martin, auteur de bande dessinée français, qui a réjoui des milliers et des milliers de lecteurs. Alix, Lefranc, Jehn, Orion, Loïs… Les séries ne manquent pas et le phénomène générationnel existe bien car vous ne connaissez pas et n’aimez pas les mêmes en fonction de votre âge… j’étais adolescent quand j’ai découvert cette merveille, ce premier album de la série, « La grande menace ». C’est pour moi un chef d’œuvre qui, avec un autre de la série, « Le repaire du loup », irait bien au panthéon de mes albums préférés avec « Les bijoux de la Castafiore », « La marque jaune », « Le Pied-tendre », « La marque de Raspoutine », « Le cavalier perdu »… et me voilà fâché avec tous ceux que je n’ai pas cité ! Néanmoins, j’ai été séduit par ce journaliste aventurier Guy Lefranc et j’ai aimé suivre ses nouvelles aventures au fur et à mesure que les auteurs venaient se frotter au mythe. Ils furent nombreux d’ailleurs à participer à la construction du personnage avec ou après Jacques Martin : Bob de Moor, Gilles Chaillet, Christophe Simon, Francis Carin, André Taymans, Jacquemart, Weber, Drèze, Régric, Delperdange, Maury, Robberecht, Seiter et, cet épisode, « Mission Antarctique », François Corteggiani et Christophe Alvès…
Alors certains diront qu’il n’y a rien de neuf dans cette histoire, que Lefranc est toujours un personnage ambigu, que Borg le méchant est de plus en plus curieux et blablabla… Moi, je réponds, la série est toujours bien dessinée, peut-être même de mieux en mieux ; Lefranc me fascine et il me permet de m’identifier au héros sans difficulté ; la série s’est améliorée entre autre avec la complexification des intrigues, avec la présence de femmes, avec un peu plus de politique, de diplomatie, de réflexion…
Il n’en demeure pas moins que la série continue à avoir la guerre froide comme cadre général ce qui donne à la série un petit côté vieillot ce qui en fait aussi son charme… Ne le nions pas, nous qui avons connu la fameuse guerre froide, les chasses aux espions, la hantise de voir les Russes débarquer à chaque instant… Ah, vous n’y croyiez pas réellement ? Faisons comme si…
J’ai lu cet album, « Mission antarctique » avec beaucoup de plaisir. Certes, l’intrigue est un peu tirée par les cheveux au départ car il faut y croire à cette base militaire nazie dans les années cinquante… Par contre, après, ça fonctionne parfaitement… Bon, pour cette fois, il n’y aura pas de reportage dans son journal, on ne sait pas ce qu’est devenu exactement Axel Borg, mais, heureusement, il retrouve Jeanjean pour quelques jours de vacances mérités…
Le lecteur que je fus durant quelques instants est satisfait et il a tendance à penser que ces lectures mythiques, à défaut d’être grandes et immortelles, sont pour le moins plaisantes et comme l’été c’est pour lire, lisons !
Mercredi 17 août 2022
L’été c’est fait pour lire et comme nous l’avons vu c’est en 1952 que Jacques Martin, l’auteur de bandes dessinées et pas l’amuseur public, ouvre les aventures de Guy Lefranc par un remarquable album, « La grande menace ». Je n’étais pas encore lecteur de bédés car pas encore né et comme le rythme de parution fut assez lent, j’avoue que je n’avais pas trop de retard quand je me mis à la lecture de cette série, avec ce premier opus puis avec l’histoire « Le repaire du loup » qui se déroulait dans les Alpes suisses…
Cette série a connu de nombreux changements de dessinateur dans un premier temps, Jacques Martin laissant le dessin à Bob de Moor, puis Gilles Chaillet, Christophe Simon, Francis Carin… Au décès de Jacques Martin, la série va continuer avec des scénaristes et dessinateurs nombreux qui apporteront chacun leur touche personnelle à cette création…
C’est ainsi qu’est sorti le vingt-huitième album de la série, signé François Corteggiani au scénario et Christophe Alvès au dessin, « Le principe d’Heisenberg »… Et, comme à chaque nouvelle parution de cette série, j’ai été fidèle au rendez-vous et j’ai lu cet album avec le même enthousiasme… Guy Lefranc, pour moi, c’est une bonne compagnie, un ami de jeunesse, une personne sur qi je peux compter…
Cet album se déroule à la fin des années cinquante – c’est du moins ce que je pense car je n’ai pas cru voir l’année précisée – et on y retrouvera, mais dans un rôle un peu effacé, l’inspecteur Renard, ami du journaliste Guy Lefranc qui, lui, travaille toujours pour Le Globe. C’est une affaire d’espionnage où il sera aussi question d’énergie, d’écologie, de science… On est donc bien dans un Lefranc très classique et ce n’est pas du tout pour me déplaire…
On peut noter que le grand méchant de la série, Axel Borg, n’est pas là. Ce personnage a fait son apparition dès le premier album et on le retrouve très régulièrement. Depuis que la série a été reprise, il continue de s’opposer à Guy Lefranc et il leur arrive même parfois d’être alliés par circonstances…
L’histoire va se dérouler dans la région de l’Aubrac. C’est dans cet univers naturel que les faits vont avoir lieu : un horrible crime à la hache… Mais Guy Lefranc est alerté par son ami l’inspecteur Renard – qui séjourne dans la région pour ses vacances familiales – sur le fait que les apparences pourraient bien être trompeuses et que ce crime pourrait cacher une affaire d’une toute autre amplitude…
Le lecteur va ainsi plonger dans une bonne vieille et solide histoire d’espionnage qui risque de déstabiliser ceux qui n’ont pas l’habitude du genre tandis que les autres vont se régaler de cette immersion dans une époque où les méchants ne peuvent être que marxistes, communistes et soviétiques ! Derrière tout cela, on va retrouver le fantasme d’une énergie plus propre ou moins sale – à votre convenance – et d’un nucléaire plus acceptable… Il y aura les différentes officines, les lobbies, les journalistes amateurs de scoop et les savants manipulés… Il y aura les apparences et la réalité des faits et… notre super Guy Lefranc toujours prêt à aider et comprendre même s’il ne peut pas écrire tout cela dans ses reportages… On finit même par se demander comment il peut vivre sans jamais écrire pour Le Globe… Non ?
Un bon album, très bien construit, dessiné avec rigueur dans l’esprit de la série avec un petit plus car Christophe Alvès ose quelques gros plans, quelques vignettes pleines de dynamisme… C’est la suite de la révolution graphique de cette série où chaque dessinateur fait bouger les choses à sa façon tout en restant dans les canons de la série… Le mouvement graphique dans l’immobilité apparente en quelque sorte !
Clairement, j’aime cette série et j’assume de lui rester fidèle. Elle m’a enchanté durant mon adolescence et continue de me faire passer des beaux moments de lecture et comme l’été c’est fait pour lire… bonne lecture !
L’été c’est fait pour lire et comme nous l’avons vu c’est en 1952 que Jacques Martin, l’auteur de bandes dessinées et pas l’amuseur public, ouvre les aventures de Guy Lefranc par un remarquable album, « La grande menace ». Je n’étais pas encore lecteur de bédés car pas encore né et comme le rythme de parution fut assez lent, j’avoue que je n’avais pas trop de retard quand je me mis à la lecture de cette série, avec ce premier opus puis avec l’histoire « Le repaire du loup » qui se déroulait dans les Alpes suisses…
Cette série a connu de nombreux changements de dessinateur dans un premier temps, Jacques Martin laissant le dessin à Bob de Moor, puis Gilles Chaillet, Christophe Simon, Francis Carin… Au décès de Jacques Martin, la série va continuer avec des scénaristes et dessinateurs nombreux qui apporteront chacun leur touche personnelle à cette création…
C’est ainsi qu’est sorti le vingt-huitième album de la série, signé François Corteggiani au scénario et Christophe Alvès au dessin, « Le principe d’Heisenberg »… Et, comme à chaque nouvelle parution de cette série, j’ai été fidèle au rendez-vous et j’ai lu cet album avec le même enthousiasme… Guy Lefranc, pour moi, c’est une bonne compagnie, un ami de jeunesse, une personne sur qi je peux compter…
Cet album se déroule à la fin des années cinquante – c’est du moins ce que je pense car je n’ai pas cru voir l’année précisée – et on y retrouvera, mais dans un rôle un peu effacé, l’inspecteur Renard, ami du journaliste Guy Lefranc qui, lui, travaille toujours pour Le Globe. C’est une affaire d’espionnage où il sera aussi question d’énergie, d’écologie, de science… On est donc bien dans un Lefranc très classique et ce n’est pas du tout pour me déplaire…
On peut noter que le grand méchant de la série, Axel Borg, n’est pas là. Ce personnage a fait son apparition dès le premier album et on le retrouve très régulièrement. Depuis que la série a été reprise, il continue de s’opposer à Guy Lefranc et il leur arrive même parfois d’être alliés par circonstances…
L’histoire va se dérouler dans la région de l’Aubrac. C’est dans cet univers naturel que les faits vont avoir lieu : un horrible crime à la hache… Mais Guy Lefranc est alerté par son ami l’inspecteur Renard – qui séjourne dans la région pour ses vacances familiales – sur le fait que les apparences pourraient bien être trompeuses et que ce crime pourrait cacher une affaire d’une toute autre amplitude…
Le lecteur va ainsi plonger dans une bonne vieille et solide histoire d’espionnage qui risque de déstabiliser ceux qui n’ont pas l’habitude du genre tandis que les autres vont se régaler de cette immersion dans une époque où les méchants ne peuvent être que marxistes, communistes et soviétiques ! Derrière tout cela, on va retrouver le fantasme d’une énergie plus propre ou moins sale – à votre convenance – et d’un nucléaire plus acceptable… Il y aura les différentes officines, les lobbies, les journalistes amateurs de scoop et les savants manipulés… Il y aura les apparences et la réalité des faits et… notre super Guy Lefranc toujours prêt à aider et comprendre même s’il ne peut pas écrire tout cela dans ses reportages… On finit même par se demander comment il peut vivre sans jamais écrire pour Le Globe… Non ?
Un bon album, très bien construit, dessiné avec rigueur dans l’esprit de la série avec un petit plus car Christophe Alvès ose quelques gros plans, quelques vignettes pleines de dynamisme… C’est la suite de la révolution graphique de cette série où chaque dessinateur fait bouger les choses à sa façon tout en restant dans les canons de la série… Le mouvement graphique dans l’immobilité apparente en quelque sorte !
Clairement, j’aime cette série et j’assume de lui rester fidèle. Elle m’a enchanté durant mon adolescence et continue de me faire passer des beaux moments de lecture et comme l’été c’est fait pour lire… bonne lecture !
Jeudi 18 août 2022
L’été c’est fait pour lire et je ne pouvais pas évoquer cette série des aventures de Lefranc sans parler à un moment d’un album écrit par Jacques Martin et dessiné par Gilles Chaillet. D’une part, je dois avouer que cette chronique a été la plus difficile à écrire car j’ai été ami avec Gilles Chaillet, il a toujours accepté de venir participer à mes émissions, a répondu avec chaleur à mes questions et nous avons presque toujours prolongé nos discussions autour d’un bon verre… Une de nos dernières rencontres fut dans une brasserie proche de la gare du Nord à Paris… Il fallait donc que je fasse une chronique sur un album en oubliant mes liens avec le dessinateur…
Il fallait aussi un album de qualité, représentatif de la série et qui apportait un éclairage particulier sur la série et ses personnages. Après avoir relu quelques beaux albums, j’ai décidé de vous présenter «Opération Thor»… et j’espère que vous allez me suivre dans cette lecture accompagnée !
On va commencer par constater que cet album marque le retour d’Axel Borg aux affaires. Il avait été arrêté et mis en prison, le revoilà dans une opération terrible après une libération rocambolesque dont nous aurons quelques détails. Mais, et c’est aussi un point important, c’est pour moi un album particulier sur les relations entre Guy Lefranc, le bon, et Axel Borg, le méchant. En effet, au départ, on sent que Borg regarde Lefranc comme une personne respectable. Il le fait enlever non pour l’éliminer mais pour qu’il soit le témoin objectif et médiatique de sa réussite. Du coup, Lefranc n’est plus son ennemi mais une sorte de personnage neutre qu’il faut protéger et garder en vie… Certes, Lefranc n’est pas un « gentil » qui peut se faire « endormir » par le « méchant » et, du coup, il redeviendra l’ennemi, bien sûr…
Côté personnage, on retrouve Jeanjean, mais ce n’est plus un enfant fragile, c’est un ado plus, un très jeune adulte. Il est toujours protégé par Lefranc mais il est capable de prendre des décisions, de faire de la plongée, de comprendre les enjeux de l’opération menée par Borg… Bref, l’enfant laisse la place au jeune adulte.
Maintenant, venons-en, plus précisément, à l’opération Thor elle-même. Elle a un fond historique réel car ce n’est pas une simple invention de Jacques Martin, d’Axel Borg ou de ses commanditaires. Il faut aller du côté de l’opération Bernhard pour comprendre l’origine du projet. Je ne peux pas vous en dire beaucoup plus car le scénariste reste très évasif durant de longues planches. Que fait Borg ? Pourquoi a-t-il eu besoin de Lefranc ? Que va-t-il se passer ? Disons seulement qu’il s’agit bien de la reprise d’une idée des nazis pour déstabiliser l’Angleterre. Cette fois-ci ce sera celle d’un mystérieux groupe influent qui veut nuire aux Américains…
Dans cet album, je trouve que l’on voit Gilles Chaillet commencer à maitriser ses personnages, à mettre tout son talent au service du scénario et ce n’est pas surprenant de voir que juste après il va créer sa propre série, « Vasco », mais c’est une autre histoire…
Puisqu’une exposition est consacrée à la passion automobile de Martin à travers la série Lefranc, à Molsheim, signalons que cet album commence avec une pointe de vitesse de Lefranc au volant d’une Range Rover puis une trentaine de pages sans aucune voiture puisque l’histoire se déroule sous et sur l’océan… Quand les quatre roues reviennent c’est pour permettre au lecteur – que dis-je, à Guy et Jeanjean – de se cacher… quelques gros plans permettent d’identifier des voitures dont une Plymouth… Passion, quand tu nous tiens !
Alors, irais-je jusqu’à dire que « Opération Thor » est le meilleur des albums de Lefranc dessiné par Gilles Chaillet ? Trop difficile de répondre à cette question mais je l’ai relu avec beaucoup de plaisir et je ne peux que vous conseiller d’en faire autant puisque l’été c’est fait pour lire !
L’été c’est fait pour lire et je ne pouvais pas évoquer cette série des aventures de Lefranc sans parler à un moment d’un album écrit par Jacques Martin et dessiné par Gilles Chaillet. D’une part, je dois avouer que cette chronique a été la plus difficile à écrire car j’ai été ami avec Gilles Chaillet, il a toujours accepté de venir participer à mes émissions, a répondu avec chaleur à mes questions et nous avons presque toujours prolongé nos discussions autour d’un bon verre… Une de nos dernières rencontres fut dans une brasserie proche de la gare du Nord à Paris… Il fallait donc que je fasse une chronique sur un album en oubliant mes liens avec le dessinateur…
Il fallait aussi un album de qualité, représentatif de la série et qui apportait un éclairage particulier sur la série et ses personnages. Après avoir relu quelques beaux albums, j’ai décidé de vous présenter «Opération Thor»… et j’espère que vous allez me suivre dans cette lecture accompagnée !
On va commencer par constater que cet album marque le retour d’Axel Borg aux affaires. Il avait été arrêté et mis en prison, le revoilà dans une opération terrible après une libération rocambolesque dont nous aurons quelques détails. Mais, et c’est aussi un point important, c’est pour moi un album particulier sur les relations entre Guy Lefranc, le bon, et Axel Borg, le méchant. En effet, au départ, on sent que Borg regarde Lefranc comme une personne respectable. Il le fait enlever non pour l’éliminer mais pour qu’il soit le témoin objectif et médiatique de sa réussite. Du coup, Lefranc n’est plus son ennemi mais une sorte de personnage neutre qu’il faut protéger et garder en vie… Certes, Lefranc n’est pas un « gentil » qui peut se faire « endormir » par le « méchant » et, du coup, il redeviendra l’ennemi, bien sûr…
Côté personnage, on retrouve Jeanjean, mais ce n’est plus un enfant fragile, c’est un ado plus, un très jeune adulte. Il est toujours protégé par Lefranc mais il est capable de prendre des décisions, de faire de la plongée, de comprendre les enjeux de l’opération menée par Borg… Bref, l’enfant laisse la place au jeune adulte.
Maintenant, venons-en, plus précisément, à l’opération Thor elle-même. Elle a un fond historique réel car ce n’est pas une simple invention de Jacques Martin, d’Axel Borg ou de ses commanditaires. Il faut aller du côté de l’opération Bernhard pour comprendre l’origine du projet. Je ne peux pas vous en dire beaucoup plus car le scénariste reste très évasif durant de longues planches. Que fait Borg ? Pourquoi a-t-il eu besoin de Lefranc ? Que va-t-il se passer ? Disons seulement qu’il s’agit bien de la reprise d’une idée des nazis pour déstabiliser l’Angleterre. Cette fois-ci ce sera celle d’un mystérieux groupe influent qui veut nuire aux Américains…
Dans cet album, je trouve que l’on voit Gilles Chaillet commencer à maitriser ses personnages, à mettre tout son talent au service du scénario et ce n’est pas surprenant de voir que juste après il va créer sa propre série, « Vasco », mais c’est une autre histoire…
Puisqu’une exposition est consacrée à la passion automobile de Martin à travers la série Lefranc, à Molsheim, signalons que cet album commence avec une pointe de vitesse de Lefranc au volant d’une Range Rover puis une trentaine de pages sans aucune voiture puisque l’histoire se déroule sous et sur l’océan… Quand les quatre roues reviennent c’est pour permettre au lecteur – que dis-je, à Guy et Jeanjean – de se cacher… quelques gros plans permettent d’identifier des voitures dont une Plymouth… Passion, quand tu nous tiens !
Alors, irais-je jusqu’à dire que « Opération Thor » est le meilleur des albums de Lefranc dessiné par Gilles Chaillet ? Trop difficile de répondre à cette question mais je l’ai relu avec beaucoup de plaisir et je ne peux que vous conseiller d’en faire autant puisque l’été c’est fait pour lire !
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