La Branche argentine de Carole Zalberg
Catégorie(s) : Littérature => Francophone , Littérature => Romans historiques , Littérature => Voyages et aventures
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Le roman comme remède à l’oubli
Georges Perec avait le projet d’un livre, qu’il aurait intitulé "L’Arbre", dans lequel il aurait raconté les tribulations de sa famille juive à travers les pays traversés et les aléas de l’histoire. Il n’a jamais mené à bien cette entreprise monumentale.
Carole Zalberg, elle, est venue à bout de son livre car elle avait, plus modestement, circonscrit son sujet à une Branche de son arbre : celle qui, durant la Seconde Guerre mondiale, a choisi l’Argentine comme refuge face au risque de la déportation dans les camps de la mort.
L’Arbre, « (très) incomplet », figure d’ailleurs en fin de volume pour aider le lecteur à s’y retrouver parmi les protagonistes.
Si le livre, récit plus que roman, semble en grande partie inspiré par la famille de l’autrice, celle-ci a choisi de métamorphoser la matière biographique en matériau romanesque, notamment en modifiant les noms des personnages. C’est ainsi que la romancière Carole Zalberg, par exemple, s’incarne dans la romancière Marie Zalman, l’une des deux héroïnes.
La trame s’articule en deux parties – « Partir » et « Demeurer » – correspondant aux deux étapes de l’odyssée argentine : le voyage et l’installation sur place.
À l’intérieur de chaque partie, la narration alterne entre deux points de vue : celui d’Ella, dont nous assistons à la longue traversée en bateau, en 1942, et à l’installation à Buenos Aires en 1943 (et, plus tard, aux tragiques événements liés à la dictature militaire) ; et celui de Marie qui, à Paris, en 2023, découvre l’existence de la « branche Argentine », puis, en 2024, part en avion sur les traces d’Ella pour retrouver, à Buenos Aires, des cousins inconnus qu’elle sent à la fois si lointains et si proches.
Une familiarité rapproche Marie d’Ella, sautant par-dessus huit décennies. Chacune est comme hélée par le passé familial matérialisé dans des documents, vieilles lettres, archives, photographies… Ella en est à ce point hantée qu’elle perdra peu à peu contact avec la réalité, tout comme le père de Marie, dont la mémoire est dévorée par la maladie d’Alzheimer. Il semble que la tentative de la romancière consiste à sauver grâce à l’écriture des pans de l’histoire familiale voués à la disparition.
L’un des mérites du récit de Carole Zalberg est de montrer les douloureux parallélismes que propose – hélas – l’Histoire « avec sa grande Hache », pour reprendre une expression de Perec : c’est ainsi que les atrocités du nazisme envers les Juifs se perpétuent, en Argentine, dans les « disparitions » d’opposants durant la dictature ; et l’antisémitisme du XXe siècle trouve un écho, en 2024, dans le traumatisme déclenché par le sinistre 7 octobre et ses suites.
La belle couverture du roman nous invite à un voyage vers l’Argentine et le passé, mais nous y rejoignons aussi notre présent et des préoccupations toujours trop actuelles. Quant à Carole Zalberg, elle poursuit ici avec sincérité son propre voyage de vie et de mots, celui-ci riche déjà d’une vingtaine de titres.
Les éditions
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La Branche argentine
de Zalberg, Carole
Le Soir venu
ISBN : 9782940797141 ; 17,95 € ; 02/10/2025 ; 208 p. Broché
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