Notre quelque part de Nii Ayikwei Parkes
(Tail of the blue bird)
Catégorie(s) : Littérature => Anglophone , Littérature => Africaine
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Une histoire africaine
De nos jours, dans un petit village de la forêt ghanéenne, en bordure d'une route que vient de faire construire un ministre pour sa jeune maîtresse, celle-ci découvre par hasard, en poursuivant un bel oiseau bleu (d'où le titre original), des restes nauséabonds - humains? on ne sait pas - au beau milieu de la case d'un villageois disparu depuis quelque temps. "C'était le mal, c'était rouge et ça bougeait" déclarera la jeune femme à la police. De quoi s'agit-il? Y-a-t-il eu crime?
Suite à l'impuissance des policiers, oublieux des usages, à faire parler les villageois, Kayo, un jeune homme de la capitale, frais émoulu des universités anglaises, détenteur d'un diplôme de médecin légiste, est diligenté sur le terrain, dans des conditions ubuesques et coercitives, par un responsable de la police nationale sans scrupules, soucieux de promotion plus que de vérité.
Sous le prétexte d'une enquête policière qui parviendra néanmoins à maintenir jusqu'au bout la curiosité du lecteur, l'auteur nous entraîne aux côtés de Kayo, son personnage principal, au cœur d'une confrontation entre une Afrique urbaine, moderne, celle des jeunes générations de la capitale Accra, qui ont intégré les nouvelles technologies, le mode de vie et la mentalité occidentales et une Afrique traditionnelle, en retrait, incarnée par les anciens du village en les personnes de Yao Poku, le chasseur-conteur, et Oduro, le féticheur-guérisseur, dépositaires de ce qui (a) fait l'essence de la culture africaine, ses valeurs passées, son rapport au temps, à l'environnement, sa tradition orale et surtout ses croyances.
Le jeune médecin légiste, à qui on a transmis le respect des anciens, assisté du policier Garba, va parvenir à gagner leur confiance dans sa quête de vérité. Peu à peu, en parallèle à ses investigations menées selon les méthodes scientifiques les plus modernes, nous allons pénétrer avec lui un univers où règne l'irrationnel et son cortège de mystère, de malédictions et de sortilèges qui pourraient bien offrir une explication à ce que la science peine à comprendre. Au travers de sa démarche, Kayo revalorise en quelque sorte, cette part d'inconnu, au sens propre du terme, qui irrigue la culture de ses racines, ce "quelque part" qu'il porte aussi en lui et interroge les limites de notre savoir: " peut-être Kayo serait-il (...) mieux équipé pour comprendre la vie s'il ne croyait pas en l'existence de vérités scientifiques absolues."
En ce sens, le roman introduit une dimension plus profonde qu'il n'y paraît au premier abord.
Une autre dimension très présente est celle de la critique socio-politique de beaucoup de ces "démocraties" africaines où la collusion des pouvoirs et une corruption endémique gangrènent le système et ne garantissent que de manière très aléatoire les droits des citoyens.
Mais ce qui confère avant tout à ce livre son charme et son originalité, c'est sa langue, savoureuse à souhait, élaborée par l'auteur au travers de l'oralité du discours. Dans ces causeries qui tiennent lieu d'interrogatoires, autour du vin de palme, on appréciera le langage imagé (souvent en rapport avec la faune locale), teinté d'ironie parfois, émaillé d'adages empreints de sagesse, qui donne au récit du chasseur sa coloration si particulière. Mais au-delà, Parkes a su, dans tous ses dialogues (nombreux), jouer avec maestria à la fois de la langue classique du colonisateur (le "grand anglais" de la version originale), de la langue twi (l'une des multiples langues autochtones), et d'une sorte de pidgin issu des deux qui applique parfois à l'une, semble-t-il, des tournures de l'autre, et dont les dosages varient en fonction du contexte et du niveau émotionnel des interlocuteurs. La résultante en est un savant et joyeux mélange pour le plus grand bonheur du lecteur.
Soulignons le beau travail de traduction de Sika Fakambi qui a su transposer avec talent cette inventivité et a d'ailleurs reçu pour ce faire, le prix Laure Bataillon 2014.
Une réussite pour ce premier roman d'un auteur par ailleurs poète, à suivre.
Extraits:
" Elle portait une façon de jupe petit, petit là. Et ça montrait toutes ses cuisses (...) mais les jambes de la fille étaient comme les pattes de devant de l'enfant de l'antilope - maaaigre seulement! (...) Son chauffeur portait kaki de haut en bas comme les colons d'en temps d'avant..."
"Tu sais, nos femmes peuvent choisir elles-mêmes leurs maris. A condition que les parents soient d'accord"
"Nul ne doit se détourner de l'éléphant pour aller lancer des pierres au petit oiseau"
N.B: On trouvera sur le site de l'éditeur un lexique en référence à ce titre qu'il sera intéressant de consulter a posteriori. Ce choix de ne pas l'inclure dans l'édition papier me paraît finalement judicieux pour mieux préserver la qualité de notre immersion dans la langue du roman.
Les éditions
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Notre quelque part [Texte imprimé], roman Nii Ayikwei Parkes traduit de l'anglais (Ghana) par Sika Fakambi
de Parkes, Nii Ayikwei Fakambi, Sika (Traducteur)
Zulma / Z a (Paris)
ISBN : 9782843047701 ; 9,95 € ; 17/03/2016 ; 275 p. ; Poche -
Notre quelque part [Texte imprimé], roman Nii Ayikwei Parkes traduit de l'anglais (Ghana) par Sika Fakambi
de Parkes, Nii Ayikwei Fakambi, Sika (Traducteur)
Zulma
ISBN : 9782843046759 ; EUR 21,00 ; 06/02/2014 ; 301 p. ; Broché
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moi, je suis restée ailleurs
Critique de Ellane92 (Boulogne-Billancourt, Inscrite le 26 avril 2012, 49 ans) - 26 juillet 2017
Bref, je n'ai pas été charmée par cette façon d'écrire qui revient régulièrement tout au long du livre. Quant à l'histoire, je crois bien que je n'ai pas tout compris. Il y a quelque chose qui pue dans la case de Koffi Atta dans le village d'Accra, et comme l'amie d'un ministre passe par là, il faut absolument découvrir ce qu'il en est. Le chef aux dents longues de policiers pas hyper compétents décide de faire appel à un chef de laboratoire médecin légiste pour résoudre cette affaire et se faire valoir. Il n'hésite pas à enlever et à emprisonner le médecin légiste pour le convaincre de mener l'enquête, et voilà Kayo Odamtten se rendant au village avec son sac contenant ses instruments d'analyse et beaucoup de pression pour découvrir quelque chose rapidement. En plus de l'objet suspect qui sent mauvais, il fera connaissance avec les personnalités fortes du village : le chasseur, le sorcier, etc qui lui raconteront un conte. Et là, conte et réalité se mélangent pour faire émerger une vérité quant à cette affaire.
Non, vraiment, j'ai beau y revenir, j'ai peiné à lire ce livre, je n'ai pas apprécié la prose, et je n'ai pas compris l'histoire. S'il y avait un "Notre quelque part", et bien moi, je suis restée ailleurs !
"Twin Peaks" africain
Critique de Elko (Niort, Inscrit le 23 mars 2010, 48 ans) - 5 juillet 2017
La restitution de la langue est le point fort de ce récit ainsi que sa galerie de personnages. Sans oublier la poésie et l’expérience d’un village africain. Mais ils ne compensent pas la lenteur et l’inanité de l’enquête ni certains passages qui m’ont échappé (entre réalité et mysticisme). Dommage.
Retour aux racines
Critique de Tistou (, Inscrit le 10 mai 2004, 68 ans) - 18 juin 2017
Et plus précisément de la situation d’un jeune diplômé parti faire ses études de médecine et sa spécialité de légiste en Angleterre. Kayo Odamtten, c’est son nom, rencontre bien quelques problèmes à faire reconnaître sa spécialité mais au moins trouve-t-il un poste de biochimiste même s’il est confronté lui aussi au népotisme de ceux qui sont installés au sommet de la pyramide sociale ghanéenne.
Pour terminer la comparaison entamée, on ne retrouve pas dans « Notre quelque part » le désespoir sans rémission de « Congo Inc. », mais là ça peut très bien tenir aux personnalités des deux auteurs ?
Kayo Odamtten est donc revenu au pays. Il n’a pas trouvé de place de médecin légiste correspondant à sa spécialité mais au moins une place correspondant à son niveau de formation. Même s’il se fait exploiter. Il a retrouvé ses amis et l’on sent un bonheur certain chez ceux-là. Mais voilà que, par la grâce de la curiosité indiscrète de la maîtresse d’un ministre, une « chose » indéfinie, pouvant aussi bien être des restes humains qu’un fœtus pourrissant ou … ( ?), est trouvée dans une case. Maîtresse de ministre, ses désirs sont des ordres et la police doit mettre ceci au clair. Or le service de médecine légale installé s’avère incompétent à résoudre le problème. D’où la pression qui est exercée sur Kayo pour que, finalement, alors qu’on ne voulait pas de lui en médecine légale, il intervienne. Et c’est à ce moment que le roman prend réellement son essor puisque tout ceci se passe loin de la capitale, dans le pays réel et le thème du roman n’est autre finalement que la rencontre d’un Ghanéen formé scientifiquement à l’anglaise avec les us et coutumes, les croyances de son pays. Et c’est traité de manière très réjouissante, avec un poil de paranormal qui vient pointer le bout de son nez (on est en Afrique quand même !).
Les personnages coutumiers sont fort sympathiques et l’histoire laisse au final une impression de rêve éveillé. Une belle incursion au Ghana !
La queue de l’oiseau bleu
Critique de Pacmann (Tamise, Inscrit le 2 février 2012, 59 ans) - 9 juin 2017
Comme le souligne Monocle, le fil rouge de l’enquête policière est plus un prétexte pour décrire l’ambiance, les mentalités et les règles de cette société à la fois nonchalante et violente qu’on peut retrouver dans beaucoup d’anciennes colonies.
Il n’empêche que j’ai eu des difficultés à aller au bout de l’histoire, charmante, mais trop peu emballante pour séduire.
Columbo au Ghana.
Critique de Monocle (tournai, Inscrit le 19 février 2010, 64 ans) - 12 avril 2017
Kwadwo Okai Odamtten dit Kayo va se retrouver embarqué sans le vouloir dans une enquête policière.
On comprend assez vite que l'enquête en question passe au second plan et n'est qu'un prétexte pour que l'auteur nous raconte son Ghana coloré avec poésie et humour.
Il y a dans ce très bon livre ce savoureux parler africain, ces images à la fois naïves et moqueuses qui font que la lecture en est très agréable.
Et que dire de ces codes ? de ces lois de bienséance tacites, du respect des Anciens et des traditions ?
Tout cela est admirablement transcrit et Nii Ayikwei Parkes mérite bien une recommandation bienveillante.
Un curieux roman
Critique de Marvic (Normandie, Inscrite le 23 novembre 2008, 66 ans) - 20 mars 2017
On partage la vie de Kwadwo Okai Odamtten dit Kayo, pendant quelques semaines. Semaines qui nous permettront de découvrir le Ghana, un pays tout en contrastes, conjuguant avec brio des univers en totale opposition, que ce soit culturellement, intellectuellement, socialement.
Kayo est docteur en médecine légale après une formation britannique. Mais un tel poste n'existe pas au Ghana où la police résout tous les crimes à presque 100 %.
Pourtant la découverte d'une masse informe et ensanglantée, par la maîtresse d'un ministre va lui permettre d'exercer ses compétences à la suite d'une demande "élégante" de Donkor, le principal de la police.
N.A. Parkes mêle avec un incroyable talent une enquête policière "classique" avec les histoires africaines, les légendes, ainsi que les problèmes liés à de nombreux pays africains, la corruption, le pouvoir, l'argent ; sans oublier la beauté, le patrimoine de ce pays.
Son héros, qualifié de " Monsieur-Un-Homme-En-Vaut-Mille", sera la formidable preuve de l'adaptation de la tradition à la modernité, ou devrais-je dire, de la modernité à la tradition.
"Vous croyez que, grâce que j'ai fait mes études à l'étranger, j'ai oublié ce que c'est d'être ghanéen ?"
Une lecture déroutante au début, avant de plonger dans cet univers où se côtoient avec une telle réussite deux mondes, tout en suivant un héros bien sympathique, sans oublier l'omniprésence de l'humour.
Un curieux mais superbe roman !
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