Un diable d'homme : Sir Richard Burton ou le démon de l'aventure de Fawn McKay Brodie
(The devil drives : a life of sir Richard Burton)
Catégorie(s) : Littérature => Biographies, chroniques et correspondances , Littérature => Anglophone , Littérature => Voyages et aventures
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Sir Richard Burton ou la fascination pour l'interdit
Voilà un personnage fascinant dont la notoriété (du moins en France) n'est pas du tout à la hauteur de ce qu'elle devrait être!
Homme de terrain, aventurier, explorateur, en même temps qu'érudit d'une immense culture, et j'en passe... ; il fut surtout un esprit étonnamment moderne, remarquablement ouvert dans le contexte de l'Angleterre guindée et pudibonde du XIXème. Ses apports sont en effet nombreux et importants dans de multiples domaines. Citons-en quelques uns.
Il fut un des "deux ou trois grands linguistes de son temps" (il parlera et souvent écrira une quarantaine de langues ou dialectes et sera l'auteur de plusieurs glossaires) . Cet extraordinaire don pour les langues lui permit de pénétrer au coeur de cultures étrangères à la sienne, en particulier orientales. Il pénétra incognito dans La Mecque interdite aux non-musulmans, fut le premier européen à risquer sa vie en pénétrant dans Harar, en Somalie, alors centre de propagation d'un islam fanatique. Il fut l'un des plus grands explorateurs de son temps, partit avec Speke à la recherche des sources du Nil et découvrit le lac Tanganyika...
Doté d'une plume talentueuse, il nous a laissé pas moins de 43 volumes de relations de voyages sur presque tous les continents.
"Ma principale obsession (disait-il) c'est de découvrir".
Mais ce ne sont pas tant les lieux qui l'intéressent que les peuples, les cultures, les moeurs. Cette somme immense de renseignements qu'il est allé collecter à la source, avec une curiosité insatiable, et qu'il aborde avec une intelligence dénuée de préjugés l'ont promu, aujourd'hui, au rang de fondateur (avec d'autres) de l'ethnologie moderne.
Personnage volontiers iconoclaste et provocateur, sa vision des choses témoigne souvent d'une extraordinaire avance sur son temps; par exemple "il tenait le fétichisme africain pour un stade naturel et universel de la religion "là où ses contemporains ne voyaient que moeurs de sauvages arriérés. Ce qui le fascinait, c'était l'exploration de la nature humaine et plus que tout de l'interdit, en particulier toutes les formes de la sexualité voire "ce que la nature humaine a de plus noir, de moins avouable... ". Ainsi, il s'est intéressé de très près à toutes les pratiques, voire les perversions sexuelles mais aussi les pratiques de mutilation du sexe, chez la femme aussi bien que chez l'homme. Il nous a livré également une étude approfondie et des interprétations pertinentes sur les rites sacrificiels et les moeurs extrêmement cruelles alors en cours au Dahomey.
Dans la dernière partie de sa vie, il synthétisera son admiration pour la culture arabe et sa curiosité pour le sexe en se donnant pour but "de prodiguer à l'Occident la sagesse amoureuse (et l'art!) de l'Orient. "Ainsi, il traduira, sans rien expurger, les Mille et une Nuits et se consacrera à la traduction d'ouvrages érotiques, bravant une législation punitive.
Par ailleurs, saluons la rigueur de la biographe Fawn Brodie qui s'est visiblement livrée, dans la préparation de son ouvrage à un remarquable et titanesque travail de compilation de données et à l'instar de Burton, a éprouvé le "constant souci de citer les travaux (en l'occurrence les sources) sur lesquel(le) s il (elle) s'appuie". Même probité: "Burton a eu la grande honnêteté de mentionner en appendice à ses propres livres, le périple de ses prédécesseurs, voire de citer in extenso leur relation". Elle même, fait référence aux "dix biographies de Sir Richard Burton écrites avant elle". Il n'en reste pas moins que la sienne, qui date maintenant de près de 45 ans fait encore référence.
Au delà des faits, elle nous offre une tentative de décryptage de la personnalité de Burton tout à fait intéressante.
Pour finir, je dirai que si la lecture de cet ouvrage n'est pas toujours aussi digeste qu'on pourrait le souhaiter, cela constitue le revers inévitable de la médaille d'un travail sérieux, riche dense et fiable.
P. S: reste à déplorer que le monde français de l'édition ne se soit pas encore attelé à nous offrir des traductions (fidèles) des écrits les plus intéressants de Sir Burton notamment ses récits ethnographiques!
Les éditions
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Un diable d'homme [Texte imprimé], sir Richard Burton ou le démon de l'aventure Fawn Brodie traduit de l'anglais par Gérard Piloquet préface de Michel Le Bris
de Brodie, Fawn McKay Le Bris, Michel (Préfacier) Piloquet, Gérard (Traducteur)
Phébus / Libretto (Paris. 1998).
ISBN : 9782752905550 ; 14,80 € ; 05/05/2011 ; 658 p. ; Broché -
Un diable d'homme: Sir Richard Burton ou le démon de l'aventure
de Brodie, Fawn
Phébus
ISBN : 9782859402266 ; 14,07 € ; 20/02/1992 ; 624 p. ; Broché
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Fine lame, explorateur et féru de poésie
Critique de Kostog (, Inscrit le 31 juillet 2018, 52 ans) - 7 juillet 2019
En face, une époque victorienne guindée, pudibonde et hypocrite dans laquelle l’énergumène Richard Burton fait figure de diable sorti de sa boîte.
Fawn Brodie a rédigé une bibliographie très complète et honnête faisant en sorte de n’oublier aucun aspect du personnage ce qui n’était pas si facile, Richard Burton ayant écrit des pages et des pages sur les autres, mais se mettant relativement peu en scène lui-même. Elle décrit probablement assez bien la relation qui unit Burton à son épouse, Isabel née Arundell, femme dévouée et courageuse, mais bigote à n’en plus finir et qui brûlera d'inestimables manuscrits afin, à ses yeux, de ne pas ternir la postérité de son défunt mari.
Avec une telle vie, il est manifeste que le lecteur, comme l’écrit Elko, aurait apprécié un récit qui tienne davantage du roman d'aventures que de la biographie classique. Mais, il est difficile de reprocher à l’auteur ce qui ne ressortissait pas de ses intentions. Gageons que la vie de Richard Burton n’a pas fini de faire rêver écrivains, scénaristes et auteurs de bandes dessinées qui s’affranchiront davantage de la poussière de la réalité au profit des chimères de l’explorateur.
Un personnage romanesque
Critique de Elko (Niort, Inscrit le 23 mars 2010, 48 ans) - 2 août 2016
D'abord le sujet. Fascinant. Richard Francis Burton aura vécu une demi-douzaine de vies d'homme à lui seul. Surtout connu pour ses explorations et notamment celle de la recherche des sources du Nil, il fut entre autre espion, géomètre, ethnologue, traducteur, consul, archéologue, poète, ... Il aura sillonné une bonne partie du monde de Damas à Salt Lake City, de l'Islande au lac Tanganyika. Et laissé une volumineuse œuvre tant par ses relations de voyages, que par ses traductions et ses essais poétiques. Le personnage est également insaisissable, mystérieux, torturé. Sa relation avec sa femme (Isabel Burton qui elle aussi méritera ses propres biographies) ne manque pas d'intérêt. Pour finir son caractère impétueux et anticonformiste, si peu british, en fait un personnage romanesque, bien loin de ses compatriotes plus conventionnels tels Livingstone ou Stanley.
Quant à sa biographie elle offre un contraste étrange. Alors qu'elle brosse le portrait d'un homme haut en couleur, iconoclaste et dont l'appétit de vivre est prodigieux, Fawn Brodie aborde son sujet d'une façon un peu trop universitaire, sclérosée dans un excès de citations. Cette rigueur scientifique alourdit considérablement la fluidité de lecture. De plus à l'instar de Burton qui semblait coutumier des "notes infrapaginales" dans ces divers relations, Fawn Brodie en abuse jusqu'à la nausée du lecteur surchargeant inutilement une biographie déjà consistante. Non seulement chaque citation (et il y en a presque à toutes les pages) est dûment référencée et localisée mais de nombreuses annotations complètent sans véritable intérêt le texte (par exemple en parlant de la sortie d'un recueil de poésie il est précisé que "le prix public serait de 2 livres 12 shillings et de 2 livres 2 shillings seulement si le paiement était effectué avant le 1er décembre 1888"...). Pour finir et c'est peut-être l'élément le plus dommageable à mon sens, l'ouvrage pèche par son exhaustivité linéaire. Tout est délivré tel quel, peu de mise en perspective. Le cheminement chronologique pas toujours évident et le détail des nombreuses querelles qui émaillent la vie de Burton émoussent au fil des pages l'intérêt d'une vie pourtant hors norme.
Quand on lit la biographie d'un des derniers grands aventuriers on s'attend pour le moins à un voyage extraordinaire, à des péripéties mémorables. Pour cet homme aux appétits insatiables, j'aurais préféré une biographie moins austère, plus vivante et légère, et pourquoi pas avec un parti pris pour éclairer les zones d'ombre.
Quoi qu'il en soit ce livre donne envie de lire Burton dans le texte, notamment sa traduction des Mille et une Nuits et son Pèlerinage à la Mecque.
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