Elle, par bonheur, et toujours nue de Guy Goffette
Catégorie(s) : Littérature => Francophone
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Elle, par Bonnard, et toujours nue...
Quel joli roman ! Poétique, léger, au sens propre du terme, il offre au vu de tous et dans les plus belles couleurs l'histoire de Pierre Bonnard, de sa passion pour Marthe, son modèle quasi-exclusif.
Un peintre différent des autres, qui peignait pour son propre plaisir sans réellement s'identifier à quelque mouvement que ce soit, qui aimait la vie d'artiste plus que l’art lui-même, qui utilisait le langage des couleurs et des formes pour donner une autre vie à ce qu’il avait dans les yeux. Il fera distraitement partie du groupe des « Nabis », peintres-prophètes qui répandent l'heureuse parole : la couleur fait tout.
Et puis, c’est la rencontre, qui bouleverse le cœur et ses points de repères. Une femme qui dit s'appeler Marthe de Méligny mais qui cachera longtemps la faible et fragile Maria Boursin. C’est la passion, le point d'ancrage qui sera dans l'existence de Bonnard la constance inéluctable.
C’est l’apparition des nus dans l’art de Bonnard. Marthe au bain, regardant une revue, à sa toilette, préparant le dîner. Marthe partout et inaltérable malgré les années qui coulent. C'est la Vie et rien d’autre.
Un roman délicat, frais dont la passion couve sous la douceur. L’écriture de Guy Goffette dans ce roman est de celles qui se lisent à haute voix, lentement, à la limite du murmure. Elle glisse sur les pages et est aussi colorée que les peintures de Bonnard.
« La couleur est une femme qui se gagne lentement, regard après regard, caresse après caresse. On sait tout de suite que ce sera long, un combat sans cesse recommencé avec la lumière. (…) Car il s'agit maintenant de donner des voyelles aux couleurs et que la lumière chante, sur une partition sans fausses notes, pour l’Ïil qui écoute et se tait. Que la chair se mette à parler du bonheur d'être vive et que nous frémissions de l’entendre rire comme si, jetés dans ses bras, nous étions couverts en un instant de notre feuillage unique et de toutes ses couleurs. »
Les éditions
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Elle, par bonheur, et toujours nue [Texte imprimé] Guy Goffette
de Goffette, Guy
Gallimard / Collection Folio
ISBN : 9782070423125 ; 6,90 € ; 31/03/2002 ; 156 p. ; Poche
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L’homme qui aimait la femme
Critique de Bolcho (Bruxelles, Inscrit le 20 octobre 2001, 76 ans) - 23 mai 2005
Où l’on trouve :
« (…) dans ce mouvement, toute cambrée à contre-jour, elle m’aspergea, comme une brassée de fougères mouillées, du parfum de sa chair et me fit défaillir.»
« (…) une passante au petit chien que le vent contre l’horizon plaque et va déshabiller, et qui lutte, et c’est une danse avec des courbes où la couleur se grise. »
« (…) les jambes des femmes qui font bouger la terre sous les froufrous sont ses pinceaux de rêve. »
Vous aussi vous pensez à un film n’est-ce pas ? Pinceaux ou compas, peu importe, c’est toujours la Terre qui bouge et le temps qui fuit.
Truffaut donc, mais Rimbaud aussi, dans ce « il s'agit maintenant de donner des voyelles aux couleurs » que nous cite Bluewitch.
Et le temps toujours, que Bonnard arrête presque en peignant Marthe toujours jeune alors que « Est-ce la quarantaine, Marthe, qui vous abat ainsi de l’intérieur comme une maison dans les flammes quand la façade reste intacte ? ».
L’art ou la vie ?
Le portrait de Dorian Gray ou ceux de Marthe ?
"Comme c'est triste! Je vais devenir vieux, horrible, effrayant. Mais ce tableau n'aura jamais un jour de plus qu'en cette journée de juin... Si seulement ce pouvait être le contraire! Si c'était moi qui restais jeune, et que le portrait lui vieillit! Pour obtenir cela, pour l'obtenir, je donnerais tout ce que j'ai! Oui, il n'y a rien au monde que je refuserais de donner! Je donnerais mon âme pour l'obtenir! " (Oscar Wilde)
Goffette nous fait lui aussi hésiter, avec Bonnard sans doute, entre l’instant où le vent plaque la robe entre les cuisses de la passante et l’éternité d’Elle, par bonheur, et toujours nue.
Mais, comme le dit Claudel si justement cité dans le livre : « Chut ! si nous faisons du bruit, le temps va recommencer. »
Tant pis, je vous mets un dernier extrait, parce qu’il ne peut que parler aux amateurs de littérature que nous sommes tous.
« Poucette endormie sur ses jambes, Pierre consacre quelques heures à la relecture de ses auteurs favoris. Hier, c’était La Fontaine (…) ; avant-hier, Verlaine ; aujourd’hui Proust dont il recommence la Recherche ; demain, ce sera tout Mallarmé (…). Tant de beautés, et aucune qui console de mourir. »
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