Passion simple de Annie Ernaux
Catégorie(s) : Littérature => Francophone
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Je t'attends
La relation adultère. Voila de quoi parle Annie Ernaux. Elle ne fait pas la morale, elle ne fait que relater les faits de cette relation très dure à vivre pour elle, de cet amour trop pauvre.
Elle est amoureuse d'un homme marié, qu'elle attend. Jour et nuit.
L'Amour dans toute sa splendeur, se donner corps et âme à cet homme alors que lui ne prend pas la peine de l'appeler pour avoir de ses nouvelles.
Elle l'attend, lui prépare des surprises, lui fait des cadeaux, elle l'Aime quoi.
Lui ne l'aime pas, et elle le sait, mais elle n'est pas assez forte pour casser cette relation.
Et puis un jour il part, avec sa femme, dans un pays étranger, bien sûr elle n'est pas prévenue. Mais elle l'aime toujours et l'attend, elle espère, elle rêve.
Et puis il l'appelle, elle reconnait sa voix entre dix mille, évidemment. Il lui dit qu'il est là, qu'il passe dans une demi heure. Elle est Heureuse. Ils se voient, font l'amour, et elle n'aura plus jamais de ses nouvelles à lui.
Le choc se produit et plus tard elle pourra l'oublier.
Ce qui est bouleversant dans cette oeuvre c'est que le lecteur attend l'homme avec Elle. J'avais de la peine en la lisant de la peine d'avoir gâché ces quelques années qui auraient pu être du bonheur. Ce qui est rassurant c'est de savoir qu'elle était consciente de son malheur.
Annie Ernaux intitule cette vie "passion simple" .
A mon avis, c'est tout sauf simple.
Les éditions
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Passion simple [Texte imprimé] Annie Ernaux
de Ernaux, Annie
Gallimard / Collection Folio.
ISBN : 9782930000015 ; 6,90 € ; 04/01/1994 ; 76 p. ; Poche
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Aveu froid d'une passion folle (pour un amant qui ne voit en elle qu'une simple distraction sexuelle)
Critique de Eric Eliès (, Inscrit le 22 décembre 2011, 50 ans) - 26 octobre 2024
Je me demandais souvent ce que signifiaient pour lui ces après-midi passés à faire l’amour. Sans doute rien d’autre que faire l’amour. De toute façon, il était inutile de chercher des raisons supplémentaires, je ne serais jamais sûre que d’une chose : son désir ou son absence de désir. La seule vérité incontestable était visible en regardant son sexe.
Aussi, elle multiplie tous les petits gestes pour forcer le destin, se mettant à distribuer des pièces aux mendiants ou à faire des dons à des associations avec la pensée qu’elle en sera récompensée d’un coup de téléphone de son amant, ou cherchant, pour se rassurer, des signes favorables dans les horoscopes des journaux... Annie Ernaux a organisé toute sa vie par rapport à son amant, allant jusqu’à refuser que ses enfants (les seules personnes dont elle craint le jugement) viennent lui rendre visite quand A. est susceptible de passer. Elle s’interdit aussi, même si elle en rêve parfois, de le voir en dehors de leurs rendez-vous, de peur de le croiser avec son épouse et de le compromettre par un geste ou un regard trop tendre, ou jaloux. En conséquence, elle assume de n’être qu’une compagne sexuelle, se réjouissant de lui donner du plaisir et d’entrer dans ses souvenirs, allant jusqu’à se retenir, après son départ, de ranger le désordre ou même de se laver pour garder le plus longtemps possible sur elle les traces de son corps.
J’aurais voulu conserver tel quel ce désordre où tout objet signifiait un geste, un moment, qui composait un tableau dont la force et la douleur ne seront jamais atteintes pour moi par aucun autre dans un musée. Naturellement, je ne me lavais pas avant le lendemain pour garder son sperme.
A moins qu’elle n’ait voulu tomber enceinte pour essayer de garder un lien indéfectible avec A. et éviter qu’il ne la quitte à jamais ? En tout cas, sa passion folle frôle parfois l’aveuglement et la plus crasse stupidité :
Une nuit, l’envie de passer un test de détection du sida m’a traversée : « Il m’aurait au moins laissé cela. »
à tel point qu’on se dit qu’il a été salutaire pour Annie Ernaux de n’avoir pas vécu sa vie d’adulte à notre époque, tant elle coche toutes les cases de la proie facile des escrocs à l’amour qui arnaquent leurs victimes sur les sites de rencontre. Finalement, comme elle s’y attendait, Annie Ernaux finit par être quittée quand A est mutée hors de Paris. Elle s’accroche néanmoins à l’espoir d’un retour, essaye vainement de forcer le destin puis se détache progressivement, reprenant goût à la vie ordinaire, jusqu’à ce qu’elle reçoive, quelques mois plus tard, un coup de téléphone de A., qui est de passage à Paris. Il veut savoir s’il peut passer la voir. Elle déborde de joie à en pleurer, l’accueille à bras ouverts ; ils font l’amour et se quittent à nouveau, cette fois pour toujours, elle le sait… Elle commence alors la rédaction de ce petit livre, non pour raconter (elle ne veut pas le compromettre) mais pour garder trace, pour elle, sans se soucier d’être lu, même par lui (elle se défend donc, dans une notule, d’être exhibitionniste).
Que dire de ce petit livre, de moins de 80 pages, que j’ai lu en moins d’une heure ? Il n'est pas nul, car émouvant par la mise à nu d’un amour passionné et non réciproque, mais irritant par son écriture neutre et clinique, qui ne transmet aucune émotion (à part la souffrance de l’attente) et surtout par l’attitude de l’auteure, à la fois stupide jusqu’à l’aveuglement et pleine de suffisance. Le couple formé par Annie Ernaux, qui semble être tombée en adoration naïve jusqu’à la stupidité parce qu’elle se sent désirable, et A., qui semble n’avoir pour lui que d’être beau et qui en profite pour s’amuser, est, d’une certaine façon, affligeant de banalité. L’écriture d’Annie Ernaux est d’ailleurs aussi plate que son histoire et, au final, je ne comprends pas son désir de publier cet opuscule : certes, l’écriture peut avoir valeur de souvenir et de catharsis, pour surmonter et tourner la page d’une histoire amoureuse qui l’a profondément et intimement marquée, mais pourquoi la divulguer et, même si elle s'en défend, la déballer ? En fait, même si Annie Ernaux prend soin d’affirmer qu’elle n’est pas exhibitionniste, elle l’est sans doute beaucoup et sa conception de l’écriture, qu’elle expose en tout début d’ouvrage, s’appuie d’ailleurs sur la pornographie. Evoquant un film X diffusé sur Canal + qu’elle regarde en crypté, elle évoque son émotion du dévoilement d’un spectacle (le va-et-vient des sexes) qui a été censuré pendant des millénaires et s’affiche désormais à la fois dans toute son intensité et sa banalité, « aussi facile à voir qu’un serrement de mains ». Je ne crois pas me souvenir qu’elle ait eu l’audace de reprendre cette image dans son discours de réception du prix Nobel mais son ambition d’écrivaine est simplement de parvenir à la même intensité que la pornographie :
Il m’a semblé que l’écriture devrait tendre à cela, cette impression que provoque la scène de l’acte sexuel, cette angoisse et cette stupeur, une suspension du jugement moral
J’avoue que je ne comprends pas l’attribution du Nobel de littérature à Annie Ernaux. Je suis aussi très irrité par sa propension à tout ramener aux origines sociales. Quand elle évoque que A. préfère regarder « Santa Barbara » que lire un livre, elle souligne que, si A avait été français, elle l’aurait interprété comme un signe sur ses origines sociales. Je pense que si Annie Ernaux avait été en face de moi quand j’ai lu cette phrase, je l’aurais giflée. De quel droit se permet-elle ? Il y a des ouvriers et des paysans qui ont une sensibilité artistique, et parviennent à s’épanouir, comme des bourgeois sans autre intérêt que leurs affaires et leurs comptes en banque. La vision du monde d’Annie Ernaux me semble parfois insupportablement étroite et bornée.
AUTOBIOGRAPHIE D’UNE PASSION AMOUREUSE DÉVORANTE!
Critique de Septularisen (, Inscrit le 7 août 2004, - ans) - 12 octobre 2022
Pour le reste, il faut suivre les petits «cailloux blanc», disséminés ici et là, dans le livre… Au détour d’une phrase, d’une ligne, d’un paragraphe, nous apprendrons donc qu’il a 35 ans, qu’il est diplomate, qu’il vient d’un pays de l’Est, qu’il a les yeux verts, qu’il fume, qu’il aime boire (beaucoup d’ailleurs…), et rouler vite, qu’il est beau, qu’il ressemble à l’acteur Alain DELON (*1935)…
Nous n’en saurons pas plus, en effet, il n’y a qu’un seul problème à la passion de Mme. ERNAUX, c’est que… cet homme est marié! L’écrivaine est très lucide, et sait donc, dès le début de son histoire, qu’un jour il va la quitter, l’abandonner et qu’elle restera seule…
Comme toujours avec Annie ERNAUX, c’est très court, moins de 200 pages, d’un style très épuré, très simple, vraiment accessible au plus grand nombre, cela se lit en quelques heures... C’est très beau, chaque phrase est très bien écrite, comme ciselée, on a vraiment l’impression qu’il n’y a pas un mot en trop, pas un mot qui n’est pas à sa place exacte. C’est une écriture «distanciée», un peu comme si Mme. ERNAUX se regardait elle-même vivre cette passion.
Le plus étonnant et le véritable «substrat» de ce livre est donc l’amour, la passion «dévorante», le désir, le besoin charnel, physique de cet amant. La description clinique qu’en fait Mme. ERNAUX est saisissante. En effet, elle ne nous cache rien, - c’est simple, quelquefois, on se prend vraiment pour un voyeur caché, en train de regarder un couple d’amoureux -, elle nous raconte p. ex. ne plus passer l’aspirateur, et ne plus utiliser le sèche-cheveux de peur de ne pas entendre le téléphone sonner, puisque cela pourrait être un appel de son amant pour lui fixer un rendez-vous…
Elle est prête à tout, prête à tout faire, prête à renoncer à tout, prête à toutes les humiliations, à toutes les compromissions, prête à tout perdre, tout sacrifier pour sa concupiscence, pour cet amour qui finalement… n’en est pas un! Une telle abnégation, un tel laisser-aller pour une passion amoureuse, le tout exposé dans une écriture unique, que demander de plus à un livre?..
Rappelons que Mme. Annie ERNAUX est lauréate du Prix Nobel de Littérature 2022.
PS : J’ai aussi été frappé par la ressemblance entre «Passion simple» et «L’Amant» (1) de Marguerite DURAS (1914 – 1996). Dans les deux cas c’est très (trop?) court, autobiographique et bien sûr d’un style direct et très dépouillé. Les deux histoires sont aussi très identiques, puisque en plus de la passion à «outrance», on a aussi l’un des deux amants plus âgé et plus fortuné que l’autre…
(1) : Cf. : Ici sur CL : https://critiqueslibres.com/i.php/vcrit/6029
Le titre illustre le récit
Critique de Ddh (Mouscron, Inscrit le 16 octobre 2005, 83 ans) - 18 avril 2017
La narratrice rencontre A. S'en suit le coup de foudre. L'amant est marié, sans enfant ; une belle situation mais c'est un étranger venant de l'Est. La narratrice est bouleversée et sa vie prend une nouvelle tournure. Tout son quotidien vit au rythme des rencontres et entre celles-ci, c'est le voisinage qui lui rappelle son amant. Celui-ci doit quitter Paris, occupations obligent. La vie de la narratrice en est chamboulée.
Heureusement, ce sujet d'adultère est traité avec mesure, sans vulgarité. Le comportement de la narratrice est finement analysé. Belle élégance dans le style.
little Sneak Preview
Critique de Yotoga (, Inscrite le 14 mai 2012, - ans) - 9 juin 2013
Comment peut-on aimer si fort sans avoir de retour ? Comment le quotidien complet peut être comblé par l'attente ? Comment l’être peut être ressenti comme parfait sans échanger aucun dialogue ensemble, seulement des fluides corporels ?
Impensable et incompréhensible pour moi, ce roman propose une approche de l'autre côté du miroir. L’objet sexuel pense et se permet de ressentir ! Ici, l'auteur décrit la passion pure, sans relation humaine, juste le manque corporel comme une drogue intense.
En feuilletant les premières pages j'ai pensé à un livre graou-graou comme les Anne Bert mais pas du tout. Je dois reconnaitre que réussir à écrire un livre entier sur un thème qui suffirait à une nouvelle est une performance. Il me manque tout de même de la substance, du psychologique ou du philosophique... Comme dans "jours sans faims, de Vigan" : elle y décrit son quotidien d'anorexique avec finesses, analyses et décalage. Ce qu'il me manque ici.
Mais ce livre est un bon départ pour une discussion autour d'une bière. Qu'attendent les personnes qui ont des histoires avec des personnes mariées ?
Une passion n'est pas l'autre...
Critique de Virgile (Spy, Inscrit le 12 février 2001, 45 ans) - 27 août 2012
Le titre est bien choisi, on ne peut pas dire que ce récit regorge d'artifices. Le contraste entre les deux livres est frappant.
Contrairement à Brunette dans la critique principale je n'ai pas ressenti cette passion comme un malheur éprouvant, il me semble plutôt que l'auteure en a tiré de grands bonheurs, au point de parler du fait que pouvoir vivre une telle passion est un luxe.
Ce n'est pas tant le côté adultère qui ressort dans ce livre, on est plutôt dans une sorte de description digne d'un entomologiste de la passion que cette femme a vécue. C'est court et efficace.
Dépendance à l'être aimé
Critique de Garance62 (, Inscrite le 22 mars 2009, 62 ans) - 3 octobre 2009
Souvent, j'ai ouvert un de ses livres et jamais je n'avais accepté d'aller très loin. Le style ne me plaisait pas. Trop froid. Impersonnel. Cette fois, un conseil m'a décidé à accepter d'aller au bout de ce récit. Non sans mal car si les livres sont des miroirs dans lesquels l'on peut se reconnaître, celui-ci m'a plongé au coeur d'une partie de moi-même. Autant cela peut être délicieux quand c'est de bon qu'il s'agit, autant une douleur peut être réactivée par des mots justement placés, des sensations connues décrites d'une façon qui nous les fait coller à notre peau. Est-ce aussi à cela que l'on peut reconnaître un "bon" livre ? Peut-on aimer lire un livre qui ne nous fait pas du bien ? Me vient la pensée de la note. Si je lie le chiffre que je dois définir au plaisir que j'ai éprouvé pendant ma lecture, c'est un "1" que je dois mettre; si je le lie à la faculté, à travers ses mots, qu'a Annie Ernaux à toucher au plus juste le sujet, je m'incline et mets un "4". Faut-il avoir ressenti ces sentiments pour être touché par les mots d'Annie Ernaux ? Pour comprendre toute l'ambiguïté de la passion, sa singularité, sa dualité ? J'aurais tendance à le penser. Sans l'avoir vécu, peut-on comprendre des phrases comme celles-ci ? : "J'ai découvert de quoi on peut être capable, autant dire de tout. Désirs sublimes ou mortels, absence de dignité, croyances et conduites que je trouvais insensées chez les autres tant que je n'y avais pas moi-même recours. A son insu, il m'a reliée davantage au monde"
La dépendance à l'être aimé (ici un homme marié) est poussée à son paroxysme et le récit, froid et distant, nous donne envie de nous éloigner de ce mal-être profond, de cette non-vie. La vie de la narratrice est mise en apnée le temps de cette passion - elle parle d'anesthésie - puis ensuite c'est de douleur puissante qu'il s'agit. Pourquoi cette attente, pourquoi cette vie en suspens, cette respiration interdite là où est le sentiment ? Il faut attendre la fin du récit - car ce n'est assurément pas un roman - pour trouver une explication à ce creux d'amour qui ne pourra pas être rempli. Une explication mais pas l'explication.
Je retrouve ces phrases de Christian Bobin : "Le couple c'est le lieu de la vie soustraite. La passion c'est le lieu de la vie divisée. Et l'amour ce n'est ni ceci ni cela".
Obsession mal soignée
Critique de Gabri (, Inscrite le 28 juillet 2006, 38 ans) - 8 mai 2007
Pour ce qui est de la forme, je n’ai pas compris pourquoi Annie Ernaux s’est acharnée à mettre des notes en bas de page dans les pensées détraquées de son personnage, un peu à la manière d’ouvrage de référence alors que le thème est la passion, voire l’obsession pour un amour. D’ailleurs, ça contraste également avec les paragraphes en aparté, qui tentent vraisemblablement de donner une impression de journal intime dans lequel l’auteur aurait livré ses pensées de façon décousue. Bref, il y a beaucoup de matière à analyse dans ce petit roman, mais je ne suis ni psychologue ni experte en littérature, et je laisse donc le soin de celle-ci à d’autres qui auront envie de pousser leur lecture un peu plus loin !
Totalement creux
Critique de Veneziano (Paris, Inscrit le 4 mai 2005, 47 ans) - 5 mai 2005
Pas passionnant
Critique de Lucien (, Inscrit le 13 mars 2001, 69 ans) - 12 juillet 2004
Passion trop ordonnée
Critique de Sahkti (Genève, Inscrite le 17 avril 2004, 50 ans) - 7 juillet 2004
Se perdre
Critique de Darius (Bruxelles, Inscrite le 16 mars 2001, - ans) - 1 juillet 2002
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