Passion simple
de Annie Ernaux

critiqué par Brunette, le 30 juin 2002
(Crosne - 43 ans)


La note:  étoiles
Je t'attends
La relation adultère. Voila de quoi parle Annie Ernaux. Elle ne fait pas la morale, elle ne fait que relater les faits de cette relation très dure à vivre pour elle, de cet amour trop pauvre.
Elle est amoureuse d'un homme marié, qu'elle attend. Jour et nuit.
L'Amour dans toute sa splendeur, se donner corps et âme à cet homme alors que lui ne prend pas la peine de l'appeler pour avoir de ses nouvelles.
Elle l'attend, lui prépare des surprises, lui fait des cadeaux, elle l'Aime quoi.
Lui ne l'aime pas, et elle le sait, mais elle n'est pas assez forte pour casser cette relation.
Et puis un jour il part, avec sa femme, dans un pays étranger, bien sûr elle n'est pas prévenue. Mais elle l'aime toujours et l'attend, elle espère, elle rêve.
Et puis il l'appelle, elle reconnait sa voix entre dix mille, évidemment. Il lui dit qu'il est là, qu'il passe dans une demi heure. Elle est Heureuse. Ils se voient, font l'amour, et elle n'aura plus jamais de ses nouvelles à lui.
Le choc se produit et plus tard elle pourra l'oublier.
Ce qui est bouleversant dans cette oeuvre c'est que le lecteur attend l'homme avec Elle. J'avais de la peine en la lisant de la peine d'avoir gâché ces quelques années qui auraient pu être du bonheur. Ce qui est rassurant c'est de savoir qu'elle était consciente de son malheur.
Annie Ernaux intitule cette vie "passion simple" .
A mon avis, c'est tout sauf simple.
AUTOBIOGRAPHIE D’UNE PASSION AMOUREUSE DÉVORANTE! 8 étoiles

Dans ce livre autobiographique, Mme. Annie ERNAUX (*1940) nous raconte la passion amoureuse qu’elle a eue au cours de l’année 1989, pour un mystérieux homme dont nous ne connaitrons d’ailleurs jamais le nom, puisque l’auteur se contente de nous le désigner avec l’initiale A. En effet, si l’auteur ne nous cache rien sur sa vie et sa passion «débordante» pour cet homme, lui n’a pas demandé à être dans ce livre, et donc elle ne nous dira rien sur lui…

Pour le reste, il faut suivre les petits «cailloux blanc», disséminés ici et là, dans le livre… Au détour d’une phrase, d’une ligne, d’un paragraphe, nous apprendrons donc qu’il a 35 ans, qu’il est diplomate, qu’il vient d’un pays de l’Est, qu’il a les yeux verts, qu’il fume, qu’il aime boire (beaucoup d’ailleurs…), et rouler vite, qu’il est beau, qu’il ressemble à l’acteur Alain DELON (*1935)…
Nous n’en saurons pas plus, en effet, il n’y a qu’un seul problème à la passion de Mme. ERNAUX, c’est que… cet homme est marié! L’écrivaine est très lucide, et sait donc, dès le début de son histoire, qu’un jour il va la quitter, l’abandonner et qu’elle restera seule…

Comme toujours avec Annie ERNAUX, c’est très court, moins de 200 pages, d’un style très épuré, très simple, vraiment accessible au plus grand nombre, cela se lit en quelques heures... C’est très beau, chaque phrase est très bien écrite, comme ciselée, on a vraiment l’impression qu’il n’y a pas un mot en trop, pas un mot qui n’est pas à sa place exacte. C’est une écriture «distanciée», un peu comme si Mme. ERNAUX se regardait elle-même vivre cette passion.

Le plus étonnant et le véritable «substrat» de ce livre est donc l’amour, la passion «dévorante», le désir, le besoin charnel, physique de cet amant. La description clinique qu’en fait Mme. ERNAUX est saisissante. En effet, elle ne nous cache rien, - c’est simple, quelquefois, on se prend vraiment pour un voyeur caché, en train de regarder un couple d’amoureux -, elle nous raconte p. ex. ne plus passer l’aspirateur, et ne plus utiliser le sèche-cheveux de peur de ne pas entendre le téléphone sonner, puisque cela pourrait être un appel de son amant pour lui fixer un rendez-vous…
Elle est prête à tout, prête à tout faire, prête à renoncer à tout, prête à toutes les humiliations, à toutes les compromissions, prête à tout perdre, tout sacrifier pour sa concupiscence, pour cet amour qui finalement… n’en est pas un! Une telle abnégation, un tel laisser-aller pour une passion amoureuse, le tout exposé dans une écriture unique, que demander de plus à un livre?..

Rappelons que Mme. Annie ERNAUX est lauréate du Prix Nobel de Littérature 2022.

PS : J’ai aussi été frappé par la ressemblance entre «Passion simple» et «L’Amant» (1) de Marguerite DURAS (1914 – 1996). Dans les deux cas c’est très (trop?) court, autobiographique et bien sûr d’un style direct et très dépouillé. Les deux histoires sont aussi très identiques, puisque en plus de la passion à «outrance», on a aussi l’un des deux amants plus âgé et plus fortuné que l’autre…

(1) : Cf. : Ici sur CL : https://critiqueslibres.com/i.php/vcrit/6029

Septularisen - Luxembourg - 56 ans - 12 octobre 2022


Le titre illustre le récit 7 étoiles

Récit d'une passion éperdue mais finalement banale, voire anodine.
La narratrice rencontre A. S'en suit le coup de foudre. L'amant est marié, sans enfant ; une belle situation mais c'est un étranger venant de l'Est. La narratrice est bouleversée et sa vie prend une nouvelle tournure. Tout son quotidien vit au rythme des rencontres et entre celles-ci, c'est le voisinage qui lui rappelle son amant. Celui-ci doit quitter Paris, occupations obligent. La vie de la narratrice en est chamboulée.
Heureusement, ce sujet d'adultère est traité avec mesure, sans vulgarité. Le comportement de la narratrice est finement analysé. Belle élégance dans le style.

Ddh - Mouscron - 82 ans - 18 avril 2017


little Sneak Preview 2 étoiles

Tout ce qui est positif dans ce livre, est tout ce qui n'a pas été écrit, tous les sentiments que le contenu font monter après la lecture.

Comment peut-on aimer si fort sans avoir de retour ? Comment le quotidien complet peut être comblé par l'attente ? Comment l’être peut être ressenti comme parfait sans échanger aucun dialogue ensemble, seulement des fluides corporels ?

Impensable et incompréhensible pour moi, ce roman propose une approche de l'autre côté du miroir. L’objet sexuel pense et se permet de ressentir ! Ici, l'auteur décrit la passion pure, sans relation humaine, juste le manque corporel comme une drogue intense.

En feuilletant les premières pages j'ai pensé à un livre graou-graou comme les Anne Bert mais pas du tout. Je dois reconnaitre que réussir à écrire un livre entier sur un thème qui suffirait à une nouvelle est une performance. Il me manque tout de même de la substance, du psychologique ou du philosophique... Comme dans "jours sans faims, de Vigan" : elle y décrit son quotidien d'anorexique avec finesses, analyses et décalage. Ce qu'il me manque ici.

Mais ce livre est un bon départ pour une discussion autour d'une bière. Qu'attendent les personnes qui ont des histoires avec des personnes mariées ?

Yotoga - - - ans - 9 juin 2013


Une passion n'est pas l'autre... 7 étoiles

Après avoir lu "Blesse, ronce noire" (http://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/21880), récit poétique d'une passion incestueuse je me suis plongé dans "Passion Simple".

Le titre est bien choisi, on ne peut pas dire que ce récit regorge d'artifices. Le contraste entre les deux livres est frappant.

Contrairement à Brunette dans la critique principale je n'ai pas ressenti cette passion comme un malheur éprouvant, il me semble plutôt que l'auteure en a tiré de grands bonheurs, au point de parler du fait que pouvoir vivre une telle passion est un luxe.

Ce n'est pas tant le côté adultère qui ressort dans ce livre, on est plutôt dans une sorte de description digne d'un entomologiste de la passion que cette femme a vécue. C'est court et efficace.

Virgile - Spy - 44 ans - 27 août 2012


Dépendance à l'être aimé 8 étoiles

Lire Annie Ernaux, c'est accepter de s'enfoncer dans sa douleur.

Souvent, j'ai ouvert un de ses livres et jamais je n'avais accepté d'aller très loin. Le style ne me plaisait pas. Trop froid. Impersonnel. Cette fois, un conseil m'a décidé à accepter d'aller au bout de ce récit. Non sans mal car si les livres sont des miroirs dans lesquels l'on peut se reconnaître, celui-ci m'a plongé au coeur d'une partie de moi-même. Autant cela peut être délicieux quand c'est de bon qu'il s'agit, autant une douleur peut être réactivée par des mots justement placés, des sensations connues décrites d'une façon qui nous les fait coller à notre peau. Est-ce aussi à cela que l'on peut reconnaître un "bon" livre ? Peut-on aimer lire un livre qui ne nous fait pas du bien ? Me vient la pensée de la note. Si je lie le chiffre que je dois définir au plaisir que j'ai éprouvé pendant ma lecture, c'est un "1" que je dois mettre; si je le lie à la faculté, à travers ses mots, qu'a Annie Ernaux à toucher au plus juste le sujet, je m'incline et mets un "4". Faut-il avoir ressenti ces sentiments pour être touché par les mots d'Annie Ernaux ? Pour comprendre toute l'ambiguïté de la passion, sa singularité, sa dualité ? J'aurais tendance à le penser. Sans l'avoir vécu, peut-on comprendre des phrases comme celles-ci ? : "J'ai découvert de quoi on peut être capable, autant dire de tout. Désirs sublimes ou mortels, absence de dignité, croyances et conduites que je trouvais insensées chez les autres tant que je n'y avais pas moi-même recours. A son insu, il m'a reliée davantage au monde"

La dépendance à l'être aimé (ici un homme marié) est poussée à son paroxysme et le récit, froid et distant, nous donne envie de nous éloigner de ce mal-être profond, de cette non-vie. La vie de la narratrice est mise en apnée le temps de cette passion - elle parle d'anesthésie - puis ensuite c'est de douleur puissante qu'il s'agit. Pourquoi cette attente, pourquoi cette vie en suspens, cette respiration interdite là où est le sentiment ? Il faut attendre la fin du récit - car ce n'est assurément pas un roman - pour trouver une explication à ce creux d'amour qui ne pourra pas être rempli. Une explication mais pas l'explication.

Je retrouve ces phrases de Christian Bobin : "Le couple c'est le lieu de la vie soustraite. La passion c'est le lieu de la vie divisée. Et l'amour ce n'est ni ceci ni cela".

Garance62 - - 61 ans - 3 octobre 2009


Obsession mal soignée 4 étoiles

Pour ma part, j’ai trouvé que l’histoire en tant que telle ne contenait aucune surprise, et que l’unique phrase inscrite en quatrième de couverture résumait entièrement le contenu du livre ; «À partir du mois de septembre de l’année dernière, je n’ai plus rien fait d’autre qu’attendre un homme : qu’il me téléphone ou qu’il vienne chez moi». Tout le long du récit, j’ai eu l’impression que la seule chose qui aurait pu m’accrocher à l’histoire aurait été de me reconnaître dans la passion destructrice de l’auteure, mais heureusement pour moi, ça n’est pas arrivé.

Pour ce qui est de la forme, je n’ai pas compris pourquoi Annie Ernaux s’est acharnée à mettre des notes en bas de page dans les pensées détraquées de son personnage, un peu à la manière d’ouvrage de référence alors que le thème est la passion, voire l’obsession pour un amour. D’ailleurs, ça contraste également avec les paragraphes en aparté, qui tentent vraisemblablement de donner une impression de journal intime dans lequel l’auteur aurait livré ses pensées de façon décousue. Bref, il y a beaucoup de matière à analyse dans ce petit roman, mais je ne suis ni psychologue ni experte en littérature, et je laisse donc le soin de celle-ci à d’autres qui auront envie de pousser leur lecture un peu plus loin !

Gabri - - 37 ans - 8 mai 2007


Totalement creux 2 étoiles

Le style est d'une platitude affligeante, et le contenu bien convenu. J'espère que ça se veut autobiographique, sinon ce livre est quasiment dénué de tout intérêt, outre la description aguichante et pathétique du premier chapitre.

Veneziano - Paris - 46 ans - 5 mai 2005


Pas passionnant 2 étoiles

Je partage l'avis de Sahkti. J'ai lu cette plaquette lors de sa sortie, debout dans les rayons d'un supermarché. Je me souviens que cela m'avait paru mince, plat, simpliste, convenu (si vous désirez plus d'adjectifs, utilisez un dictionnaire de synonymes)

Lucien - - 68 ans - 12 juillet 2004


Passion trop ordonnée 2 étoiles

"Passion simple" appartient à cette catégorie de livres pour lesquels j'ai dû me faire violence afin de connaître la fin. Le style de l'auteur m'a profondément agacée. Aucune spontanéité, une impression désagréable de froideur et de correction après coup, ce qui est très dommage étant donné que ce bouquin parle de passion et que je trouvais très intéressante l'idée de ces confessions intimes d'une femme prête à se réduire au rang de carpette par passion pour un homme. Un air de déjà vu, de vécu, de terrain connu qui m'a poussée à aller plus loin dans ma lecture. Mais au lieu de se livrer telle quelle, animal blessé prêt à tous les sacrifices, c'est progressivement (et rapidement) une femme un peu distante qui nous raconte son histoire. On y perd le naturel, l'attachement, la sympathie du départ. L'écriture manque de chaleur et de vivacité. La passion, ça doit respirer et pas être soigneusement alignée de manière faussement désordonnée.

Sahkti - Genève - 50 ans - 7 juillet 2004


Se perdre 8 étoiles

En fait, ce livre traite du même sujet que celui que j'ai critiqué et qui s'intitule "Se perdre". Ce dernier bouquin a été écrit bien plus tard que le premier. Il reprend les agendas de l'auteure où elle notait scrupuleusement tous les coups de téléphone de son amoureux, ses visites, les cadeaux, ses états d'esprit de l'époque. Mais il s'agit du même homme qui disparaitra ensuite complètement de sa vie, sans un mot d'adieu..

Darius - Bruxelles - - ans - 1 juillet 2002