Le chemin des écoliers de Marcel Aymé

Le chemin des écoliers de Marcel Aymé

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par FranBlan, le 22 février 2010 (Montréal, Québec, Inscrite le 28 août 2004, 82 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 10 étoiles (basée sur 3 avis)
Cote pondérée : 7 étoiles (1 842ème position).
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Lectures inoubliables...

Dans ce deuxième volet de la trilogie de Marcel Aymé sur le thème de la guerre, celui-ci démontre avec toujours autant de justesse, d'empathie et d'absence de jugement, en tournant autour d'une famille durant l'occupation allemande, que la réalité des choix est trop souvent aléatoire et que les circonstances peuvent conduire certains dans des voies extrêmes.
«Je suis une espèce de privilégié. Je n'aurai pas su ce que c'était que la guerre. Elle n'aura rien ajouté à mon poids de misère... Je sais, et je le savais bien avant la guerre, que la souffrance n'élargit pas le coeur et que les grandes épreuves ne nous rendent pas meilleurs. Elles nous recroquevillent sur nous-mêmes et nous condamnent à un égoïsme noir, sans joie. Tout à l'heure, je rentrerai chez moi. Je ne penserai ni aux malheurs de la France, ni aux malheurs de l'Europe. Je resterai enfermé avec mon obsession, comme avec un rat dégoûtant dont il faut subir le contact et les morsures.»
Que dire de ces notes de bas de page, sorte d'exégèse du non-dit dans le texte, astuce tout à fait brillante!
Grâce à elles, le tableau s'élargit encore. Les personnages secondaires croisés au hasard y ont droit à leur biographie résumée. Ça donne une foule de destins manipulés, brisés ou favorisés par la guerre.  Un maelström qui prend les êtres, fait basculer leur destin au hasard, et les expédie dans un camp ou dans l'autre. 
Démonstration servie par la clarté, la netteté, la précision de la langue, et cette ironie propre à Marcel Aymé qui relativise toutes les croyances absolues.
«Mais l'aversion qu'il a toujours eue pour le communisme ne s'inspire plus des mêmes raisons qu'autrefois. Lolivier se moque de lui: "Il t'arrive une aventure insignifiante. Tu étais un bourgeois de gauche et tu es devenu un bourgeois de droite."»
L'intelligence du propos et la qualité de l'écriture de ce grand écrivain comble tous les besoins du lecteur: ceux de l'esprit, de l'âme et du coeur!
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Les éditions

  • Le Chemin des écoliers [Texte imprimé] Marcel Aymé
    de Aymé, Marcel
    Gallimard / Collection Folio.
    ISBN : 9782070361434 ; 11,53 € ; 12/07/1972 ; 252 p. ; Poche
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Le temps de l'Occupation

9 étoiles

Critique de CC.RIDER (, Inscrit le 31 octobre 2005, 66 ans) - 18 mai 2024

À Paris, pendant l’occupation allemande, Michaud, et toute sa famille subissent avec patience les restrictions alimentaires. Pourtant, un matin, au petit déjeuner, lui et ses deux fils mangent sans le faire exprès, une tartine beurrée de plus que leur part. Du coup, son épouse souffrante et sa fille s’en retrouvent privées d’autant. Avec son associé Lolivier, Michaud s’occupe d’un cabinet de gestion immobilière, affaire devenue nettement moins rentable qu’avant-guerre, en raison des loyers impayés et des appartements inoccupés des Juifs enfuis à l’étranger ou déportés en Allemagne, sans oublier le million de prisonniers de guerre retenus dans des camps. Un des fils, Antoine, à quelques semaines de passer son bac, est devenu l’amant d’Yvette, femme mariée dont le conjoint est détenu en Allemagne. Trafiquant sur le marché noir de tout et de n’importe quoi comme d’une quantité phénoménale de cercueils, le jeune homme gagne déjà fort bien sa vie. Tout comme le fils de Lolivier qui lui, fait déjà partie de la pègre. Michaud a des doutes sur les fréquentations de son fils, alors que Lolivier ne se doute de rien…
« Le chemin des écoliers » est un roman social, basée sur une galerie de portraits de gens plus ou moins modestes, plus ou moins compromis avec l’occupant et plus souvent collaborateurs que résistants. Le regard malicieux de Marcel Aymé sur ses personnages est toujours détaché, mais non sans une certaine et juste sévérité. « Qui aime bien châtie bien », dit-on. Il raconte, mais ne juge pas. Le lecteur trouvera dans cet ouvrage des femmes de prisonniers qui trompent leur ennui et leur frustration entre les bras de petits jeunes ou de blonds guerriers teutons, des fortunes obtenues en un temps record grâce à des affaires louches et de petites gens en être réduits quasiment à la misère à cause des privations. Une période particulièrement difficile de notre histoire décrite avec intelligence, finesse et humanité. Le style est toujours parfait et agréable à lire avec une originalité : des notes de bas de page (parfois assez longues) pour décrire le destin, la plupart du temps tragique, de personnages complètement secondaires. Les amateurs d’Histoire, d’humour et de beau langage ne pourront qu’aimer ce charmant opus du grand Marcel !

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10 étoiles

Critique de JEANLEBLEU (Orange, Inscrit le 6 mars 2005, 56 ans) - 16 février 2013

Le propos de ce roman est effectivement de montrer l'importance des hasards dans nos vies. Dans le contexte de l'occupation allemande lors de la guerre quarante (vers 1942) dans un Paris en proie aux privations et aux difficultés du quotidien, tout un ensemble de personnages essaie de s'en sortir. La grande force de Marcel Aymé est de nous plonger directement dans le quotidien de quelques personnages (tournant autour de deux amis Michaud et Lolivier) que les hasards de la guerre amènent à flirter avec les différentes pistes possibles à cette époque (Résistance ? Collaboration ? Marché noir ? Indifférence ? ...). Aucun des personnages n'est un héros ni un salaud. Les personnages secondaires sont presque aussi importants que les "héros" (notamment avec ces notes de bas de page qui annoncent le futur des personnages mineurs croisés dans cette histoire). Le tour de force de Marcel Aymé est d'arriver à mêler tous les sentiments au milieu de ces histoires parfois sordides (amour, relations pères/fils, frères/soeurs, amitiés, ...).
Finalement, le fond et la forme de ce roman se rejoignent pour nous dire que personne n'est meilleur ou pis que les autres !

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