Un pays à l'aube de Dennis Lehane
( The given day)
Catégorie(s) : Littérature => Anglophone
Moyenne des notes : (basée sur 13 avis)
Cote pondérée : (430ème position).
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A l'aube de l'Amérique moderne
Attention chef d'oeuvre ! Ne pas s'arrêter aux critiques dithyrambiques de la presse qui nous ont quand même laissé penser qu'on avait là un récit complexe et aride, bien loin du divertissement qu'on attendait d'un thriller. Car c'est là que le bât blesse. Qu'est-ce qui a pris Payot et Rivages d'éditer cet opéra sublime dans la collection Rivages Thriller quitte à désorienter les fidèles de Dennis Lehane. Mais que ceux-ci se rassurent : certes l'auteur n'a pas écrit un thriller conventionnel et à proprement dit. Il a fait bien plus que cela en mettant au service de ce roman fleuve, dans la plus pure tradition littéraire contemporaine américaine, toute sa maîtrise du récit, du suspense et de la mise en scène. Les personnages sont dépeints avec une puissance narrative flamboyante qu'on ne lit pas tous les jours. Les dialogues ciselés leur donnent vie avec une justesse époustouflante, à tel point que jamais l'ennui n'est à l'angle de la page et c'est peu dire puisque le roman en compte plus de 700. Il faut associer à cette réussite le talent de la traductrice, Isabelle Maillet.
Pourquoi d'autres, qui souvent masquent la vacuité du fond ou la médiocrité de la forme de leurs écrits en nous noyant dans une multitude de personnages secondaires, n'ont pas suivi l'exemple de Lehane qui a la bonne idée d'ouvrir son épopée par la liste des protagonistes. Grâce à ce repère malin, le lecteur est toujours à la page.
Bien sûr, il faut s'accrocher et dépasser les quarante premières pages et une longue description d'un match de base-ball qui risque d'abandonner en route le lecteur francophone bien étranger à cette institution sportive nationale. Mais au-delà on entre de plain-pied dans cette Amérique qui s'ouvre à la modernité en même temps que se clôt la Grande Guerre. On découvre une Amérique d'une violence inouïe, réactionnaire et puritaine, convaincue que l'anarchisme, le communisme, les Noirs et les ouvriers qui luttent pour la reconnaissance de leurs droits ne font qu'un seul et unique ennemi, sans aucun discernement.
Dennis Lehane endosse à la perfection le costume de maître de cérémonie sur le théâtre où il convie les héros de l'Amérique avec un panache démesuré et un souffle épique qui ne tarit jamais. Cet auteur dont on louait justement les qualités pour le polar vient de démontrer combien il a plus d'une corde à son arc et qu'il faut désormais compter avec lui quand on parle de littérature contemporaine aux Etats-Unis.
Un roman simplement éblouissant.
Les éditions
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Un pays à l'aube [Texte imprimé] Dennis Lehane traduit de l'anglais (États-Unis) par Isabelle Maillet
de Lehane, Dennis Maillet, Isabelle (Traducteur)
Payot & Rivages / Rivages-thriller.
ISBN : 9782743619367 ; 2,33 € ; 14/01/2009 ; 759 p. ; Broché -
Un pays à l'aube [Texte imprimé] Dennis Lehane traduit de l'anglais (États-Unis) par Isabelle Maillet
de Lehane, Dennis Maillet, Isabelle (Traducteur)
Payot & Rivages / Rivages noir
ISBN : 9782743621308 ; 10,65 € ; 01/09/2010 ; 856 p. ; Poche -
The Given Day
de Lehane, Dennis
William Morrow Paperbacks
ISBN : 9780062190949 ; 15,36 € ; 04/09/2012 ; 736 p. ; Paperback
Les livres liés
- Un pays à l'aube
- Ils vivent la nuit
- Ce monde disparu
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Les critiques éclairs (12)
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Une cartographie de l'Amérique.
Critique de Sotelo (Sèvres, Inscrit le 25 mars 2013, 41 ans) - 4 janvier 2024
Coughlin - 1
Critique de Bookivore (MENUCOURT, Inscrit le 25 juin 2006, 42 ans) - 28 juin 2023
Une oeuvre remarquable, une fresque plus qu'un roman, étonnant de la part de Lehane, auteur de polars. Un de ses meilleurs romans.
Encore une fois, l’Amérique
Critique de Ardeo (Flémalle, Inscrit le 29 juin 2012, 77 ans) - 5 mars 2020
L’auteur dit s’être inspiré des faits survenus en 1919 dans « sa » ville et décrit avec force détails les vedettes de base-ball, un accident « de la mélasse », une grippe espagnole mondiale mais également américaine et pour conclure une grève de la police qui apparemment a marqué l’Histoire de la ville. Tout cela est montré sur fond d’opposition entre nantis et travailleurs, l’émergence de la cause noire, l’émergence des syndicats dans la vie moderne (celle de la classe ouvrière), l’influence des mouvements bolchéviques et anarchistes aux States etc. au travers de la vie des membres d’une famille irlandaise et des personnages qu’elle croise (notamment des policiers comme eux) au fil de cette année qui survient à la fin de la guerre 14-18….
Les personnages des Coughlin sont attachants, bien mis en place, celui du noir Luther est encore plus porteur malgré certaines de ses actions violentes et destructrices. Comme on peut s’y attendre, les politiciens et les responsables de « haut rang » sont les maîtres du jeu comme cela a été de tout temps aux Etats-Unis -finirons-nous par le croire en lisant et relisant des auteurs américains- avec pour « loi » fondamentale, le capitalisme. « Le fondement du capitalisme consiste à fabriquer des biens ou à extraire des matières premières à des fins commerciales. C’est tout. Voilà sur quoi repose ce pays » dit un protagoniste page 418 de l’édition de poche.
Lehane excelle dans la description des péripéties qui parsèment le livre mais je suis partiellement déçu car je trouve qu’il se complaît dans le violent, le spectaculaire, les drames, les grandes envolées et cela d’une manière assez naïve et manichéiste. Plusieurs longues descriptions auraient d’ailleurs été coupées que cela n’en aurait été que mieux.
Inclassable
Critique de Loic3544 (Liffré (35), Inscrit le 1 décembre 2007, 46 ans) - 30 septembre 2016
Lehane défend ici le syndicalisme : une lutte, a priori juste, réprimée par les élites, et le peuple, qui vire tout le monde avant de donner raison aux grévistes en appliquant la quasi-totalité des mesures demandées aux nouveaux embauchés. Mais sans jamais donner raison aux grévistes. Il y montre la dureté et et le côté essentiel de la lutte syndicale dans le monde.
Malgré tout, le livre ne s'arrête pas à ça, il est en toile de fond du destin de nos deux héros emportés plus ou moins malgré eux dans le tourbillon des événements. Le point faible du roman reste à mon avis l'histoire générale. La trame est assez légère et j'aurais aimé que l'auteur aille plus loin, et nous écrive un roman un peu plus épique ou avec une histoire qui nous emmène plus loin. Ca reste malgré tout un long roman et ça faisait très longtemps que je n'avais pas lu aussi vite un roman aussi gros.
L'auteur de Mystic River et Shutter Island explose une nouvelle fois les règles
Critique de Gabriel Lancaster (, Inscrit le 22 octobre 2015, 49 ans) - 22 octobre 2015
Avec Un pays à l'aube (The Given Day), Dennis Lehane explose le cadre narratif classique du roman policier historique en dépassant très largement les attentes de ses fans les plus enthousiastes. Dans un univers oscillant entre Emile Zola, Sergio Leone, et Martin Scorsese, Dennis Lehane nous plonge, au gré des pérégrinations de Danny et Luther, dans la poudrière de Boston.
Boston 1918, à la fin de la Grande Guerre. Danny Coughlin, Irlandais, fils rebelle du capitaine influent et corrompu de la police locale, travaille au sein d'une unité d’élite chargée de l’infiltration des groupes radicaux et des syndicats. Tiraillé entre les revendications légitimes de ses collègues syndiqués qui se sentent sous-payés et son sens du devoir, Danny devra choisir : soutenir la première grève des policiers de Boston et ainsi plonger la ville dans le chaos, ou trahir ses pairs. Pourtant, les liens familiaux de Danny, son charisme naturel, son aisance à guider les hommes et à se sortir des situations les plus périlleuses lui promettent un grand destin. Ce destin pourrait être contrarié par une unique faiblesse ; son amour caché pour Nora O'Shea, une immigrante irlandaise travaillant comme servante pour la famille Coughlin. Danny est pris dans la tourmente de plusieurs fronts, moral et amoureux, et peu importe comment les choses se termineront, sa vie s’en trouvera changée à jamais.
Luther Laurence, joueur de baseball amateur noir a, quant à lui, dû quitter précipitamment Tulsa, Oklahoma, après un affrontement mortel avec le parrain local du crime, laissant sa femme et un enfant à naître. Par un concours de circonstances, il entre au service de la famille Coughlin. Rapidement, Luther se lie d'amitié avec Nora, et par ricochet avec Danny, qui l’aidera à combattre ses démons et à retrouver sa vraie nature.
Touchant parfois au cliché, l'histoire de ces deux hommes très différents va croiser l’Histoire bouillonnante d’une ville en pleine décomposition et s’achèvera, pour Luther, par un duel dantesque dans un bar à Tusla et pour Danny dans les émeutes sanglantes de Boston en 1919.
Servi également par une excellente traduction de Isabelle Maillet, Un pays à l'aube est le regard lucide, rythmé et documenté d’un enfant de Boston sur la renaissance d’une société américaine fragmentée, en butte aux crispations raciales et sociales. Entre policiers corrompus, syndicalistes idéalistes, groupes anarchistes et bolcheviques, Dennis Lehane nous livre sur plus de 700 pages une vision brutale des règles de la société bostonienne du début du XXe siècle. A l'instar de la Commune de Paris, une nouvelle société surgira de la violence de ces conflits.
Ce roman est une mise en abyme cadencée et vertigineuse comme rarement on en retrouve dans la littérature policière contemporaine. Le sens de la mesure, du juste tempo, caractérise l’œuvre de Dennis Lehanne : on pense au duo amoureux de détectives privés formé par les époux Kenzie et Gennaro dans l’excellent Gone Baby Gone, puis le décevant Moonlight Mile, ou à la chute vertigineuse du Marshal Teddy Daniels dans Shutter Island. Mais Un pays à l'aube est, peut-être plus que les autres, marqué par cette véritable étude du rythme, tant les temps, les lieux, les tons, les contextes différents se combinent avec fluidité. Car si le récit va vite, il n’est pas agité ou gavé de moments de sur-émotion. Aller vite pour Lehane c’est doser sans précipitation tous les éléments narratifs, poser l’action et la rendre crédible par un contexte historique juste. Ainsi, l’explosion sociale s’explique par l’image de soldats, qui au retour de la Grande Guerre, passent du statut de héros à celui de poids pour la société. Par ricochet, ces hommes s’en prendront aux immigrés Russes et Italiens qui à leur tour s’engageront dans les mouvements anarchistes. Alors, Boston prendra feu …
Vous l’aurez compris, Un pays à l’aube est une divine surprise et rassemble tous les ingrédients du grand polar historique américain. Un livre épidermique très graphique qui, après Mystic River, Gone baby gone et Shutter Island, vaudra une nouvelle adaptation cinématographique à Dennis Lehane. En effet, après des enchères entre les principaux studios, Warner a emporté les droits du livre et on parle d’une adaptation avec Ben Affleck à la réalisation.
Trop long, bien trop long
Critique de Ayor (, Inscrit le 31 janvier 2005, 52 ans) - 28 juin 2015
Les personnages principaux attachants et bénéficiant d'une grande profondeur psychologique, se rencontrent et se croisent au gré d’événements dramatiques relatés avec une grande exactitude tant l'on sent l'auteur concerné et fort bien documenté.
Malheureusement c'est sacrément long et parfois répétitif, et à vouloir trop en écrire l'auteur nous perd et l'ennui ne tarde donc pas à pointer. Lors de certains chapitres il faut s'accrocher pour ne pas lâcher la lecture, alors qu'à d'autres, hélas bien plus rares, on a du mal à refermer le livre tant ils sont prenants.
Je préfère, et de loin, quand Lehane s'attaque aux thrillers qui certes restent dans doute plus légers, mais m'intéressent davantage.
Magnifique récit choral
Critique de Echo (Aquitaine, Inscrite le 25 avril 2013, 46 ans) - 12 novembre 2013
Du bruit et de la fureur, du sang et des larmes .
Critique de Alma (, Inscrite le 22 novembre 2006, - ans) - 30 janvier 2012
Un roman magistral solidement documenté qui balaie les différents quartiers de Boston, s’installe dans différentes communautés, différentes classes sociales et embarque le lecteur dans l’épopée de l’arrivée des immigrants, des premières luttes pour la reconnaissance des droits professionnels, pour la défense de la cause des Noirs et contre « les radicaux »: ennemis de l’intérieur anarchistes ou bolchéviques.
Un roman aux personnages attachants, dont on découvre progressivement les failles. Je suis sortie de chaque chapitre tiraillée entre l’envie d’y rester plus longtemps, comme installée chez ses personnages et celle d’aller plus loin pour connaître la suite de l’action. J’ai particulièrement aimé la manière dont Dennis Lahane déploie insensiblement son histoire pour situer ses personnages et créer une atmosphère sans recourir à de longues descriptions. J’ai aussi été sensible, dans les conversations, à l’attention apportée aux gestes, aux attitudes, au regards ou aux silences qui soulignent le décalage entre l’apparente civilité des propos échangés et la menace qu’ils contiennent.
Nul doute que je vais mettre au menu de mes prochaines lectures d’autres ouvrages de Dennis Lahane, notamment MYSTIC RIVER, dont j’ai apprécié l’adaptation cinématographique.
La lutte des classes sociales des années 20, emblématique !
Critique de Oops (Bordeaux, Inscrite le 30 juillet 2011, 58 ans) - 7 décembre 2011
"Vous les Américains, vous avez toujours le mot « liberté »à la bouche, mais moi je ne vois que des esclaves qui se croient libres."
Un bon roman sur fond historique !
Critique de Rouchka1344 (, Inscrite le 31 août 2009, 34 ans) - 22 mai 2011
Le début est pas facile, on démarre difficilement avec les premières pages qui décrivent d'une manière inutile et quasi obsessionnelle une partie de base-ball. Je n'y ai rien compris, étant une européenne qui ne connaît rien à ce sport ! Après, ça coule tout seul, et on lit plus qu'on se l'imagine. Il m'est arrivé d'oublier la mesure du temps !
Je rejoins Tanneguy sur ce (très) léger manichéisme à la Ken Follett qui pourrait énerver quelques uns. Personnellement, c'est le genre de ficelles littéraires que j'adore et qui permet de rester accroché au roman jusqu'à la fin.
Et pourtant, on retrouve ce pessimisme propre à Lehane qui fait de ce livre pas un roman tout rose, tout beau.
Un roman bien écrit qui fait passer un très bon moment.
Ambitieux, mais...
Critique de Tanneguy (Paris, Inscrit le 21 septembre 2006, 85 ans) - 15 août 2010
D'où vient alors ce malaise qui m'a pris à la mi-parcours de ce pavé de plus de 750 pages ? J'ai eu l'impression subite que l'auteur ne croyait pas vraiment à son sujet. Il plaque sur un récit sans doute historiquement correct nombre de commentaires très politiquement corrects, à la sauce 2010. On a droit aux méchants blancs, aux gentils noirs, aux patrons exploiteurs, aux politiciens corrompus. C'est dommage !
Une incroyable histoire
Critique de Laurent63 (AMBERT, Inscrit le 15 avril 2005, 50 ans) - 5 juin 2010
Avec beaucoup de lucidité l'auteur nous livre un récit d'une partie assez méconnue de l'histoire de l'Amérique. Comme dans tous ses livres il va jusqu'au bout des choses, et livre à son lecteur une chronique assez extraordinaire de la vie à cette époque. Les personnages sont criant de vérité, les événements s'enchainent à une vitesse phénoménale et on se retrouve très vite à la fin du roman.
Très bon livre à découvrir absolument, qui rassemble à la fois une saga familiale, une épopée historique et une intrigue policière. Un roman comme on a rarement l'occasion d'en lire...
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