Blesse, ronce noire de Claude Louis-Combet
Catégorie(s) : Littérature => Biographies, chroniques et correspondances , Littérature => Francophone
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Celle par qui la ténèbre arrive
4e de couverture :
"Blesse, ronce noire. Ce sont les derniers mots que Georg Trakl fait prononcer à sa soeur, Gretl, dans le poème Révélation et Anéantissement, écrit peu avant la bataille de Grodek (1914) d'où, la drogue aidant, il ne devait pas revenir.
Lorsque l'on considère les photographies conjointes du frère et de la sœur, on peut se demander qui fut le premier à dire les mots de la douleur, de l'amour et de la faute et dans quelles secrète complicité naquirent les poèmes. Dans l'espace de la proximité ouvert entre ces deux faces d'amants et d'artistes, on peut rêver abondamment sur le sens de la dilection, de l'écriture et de la déréliction.
Claude Louis-Combet."
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Ce livre, qui m'a été imposé dans le cadre d'un cours, m'a tout de suite surpris. Dès le début, et tout au long du roman.
Ce sont des poèmes qui ont donné à l'auteur la matière à imaginer l'histoire de ce frère et cette sœur, et de leur relation si particulière. Quand on lit les premières lignes, on est plongé dans une atmosphère inquiétante et un sujet dérangeant par l'interdit et le danger qu'il évoque en nous. Car c'est bien d'un interdit dont il s'agit dans ce livre. Un des plus grands interdits de l'humanité. Et ce malaise en nous se poursuit au fur et à mesure de la lecture.
C'est dans le Mal, dans l'anathème, que ces deux personnages vont vivre leur relation. Les ténèbres qu'ils se créent vont être leur lot quotidien, car ils savent que jamais ils ne pourront être sauvés, que leur destin est de souffrir, d'être les anges déchus de notre monde, car ils ont bravé l'ultime loi de Dieu, ils ont commis, avant même de pouvoir le penser, l'irréparable.
Ainsi, nous suivons donc, au long de la croissance de ces deux personnages, l'un plus âgé, l'autre plus jeune, le vécu de ce terrible secret qui les enferme tous deux dans leur monde ; pour lequel tout ce qui existe pour l'un n'est que l'autre, et tout le reste n'est rien. C'est une passion dévorante qui trouve ses racines dans les désirs les plus archaïques et les plus refoulés. Ils vont être séparés, sans jamais se perdre, et consommeront leur péché dans le plus grand plaisir, ce qui aggravera celui-ci et les rendra maudits à jamais. La déchéance de l'esprit précèdera celle des corps, et le poids de la vie apposera une fin qui ne pourra être heureuse.
Personnellement, j'ai trouvé ce livre très particulier et surprenant. Jamais je n'en avais lu de pareil, si démonstratif d'une folie partagée dans l'indicible beauté annihilante et à la fois si terrible, abominable, coupable. Et d'un autre côté, j'ai trouvé la lecture assez laborieuse par moments (mais ça, c'est mon problème), et... non, rien. Il ne manque rien à ce livre, et rien n'est en trop. Objectivement, et même si je l'ai apprécié moyennement car assez ardu, il vaut bien ses étoiles.
Les éditions
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Blesse, ronce noire de Claude Louis-Combet
de Louis-Combet, Claude
J. Corti
ISBN : 9782714308221 ; 8,10 € ; 02/01/2004 ; 128 p. ; Poche
Les livres liés
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Les critiques éclairs (5)
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Non...
Critique de Ludmilla (Chaville, Inscrite le 21 octobre 2007, 69 ans) - 26 juillet 2015
Et ce n’est pas à cause du sujet.
J’ai trouvé la lecture de plus en plus laborieuse au fil des chapitres. Rétrospectivement, les seuls chapitres « lisibles » (à mon avis !) sont le tout premier et celui de leur première relation charnelle, les chapitres où le frère et la soeur sont ensemble.
Le reste ne m’a vraiment pas convaincue…
Déflagration intime et littéraire ABSOLUE.
Critique de Provisette1 (, Inscrite le 7 mai 2013, 12 ans) - 16 juillet 2014
Intensité des mots, puissance inégalée d’écriture.
Toute l’irréelle pureté d'une Autre littérature.
Une Outre-Littérature.Celle de la perfection.De l'Absolu.
Sidération intégrale.
Passion incestueuse...
Critique de Virgile (Spy, Inscrit le 12 février 2001, 45 ans) - 27 août 2012
Je pense que les lecteurs qui ont aimé "les chants de maldoror" apprécieront.
A lire au calme et en ayant l'esprit clair pour mieux profiter de toute sa richesse.
Blesse…
Critique de JEyre (Paris, Inscrite le 17 juillet 2010, 43 ans) - 24 juillet 2012
Blesse est la passion.
Blesse est la poésie.
Blesse est le pécher.
Blesse est la réunification.
Blesse est le noyau.
Blesse est au-delà du mot.
« La sœur était à peine une femme, mais elle représentait déjà tant de promesses au cœur du frère que celui-ci, préparant le lieu sacré de son péché, commençait à édifier l’une des œuvres les plus poétiques les plus pures de son temps et de tous les temps. A la sombre sœur que son destin avait élue, il voulait appartenir tout entier sous l’espèce des mots. […] Le langage même était à inventer, selon l’exigence du plus grand dénuement-et l’épreuve était sans fin. […] Etre, écrire, aimer - , les termes s’interchangeaient dans l’unité d’un même mouvement de raréfaction du verbe et de retour en soi. »
Expérience sensuelle et littéraire, tout simplement, inoubliable.
Diaboliquement magnifique...
Critique de Sissi (Besançon, Inscrite le 29 novembre 2010, 54 ans) - 5 juillet 2012
Et on ne sait plus très bien, au fil de sa lecture, si les frissons qu’on ressent sont ceux procurés par la beauté des mots ou par l’immensité de l’horreur qu’il y a derrière.
Délicieuse et douloureuse ambivalence qui fait tanguer dans des remous étranges, entre beauté éblouissante et noirceur épouvantable.
Un frère, une sœur. Sept épisodes de leurs vies, qui se déroulent sur vingt ans.
A l’automne 1897 (premier épisode), ils ont respectivement dix et cinq ans. D’emblée on est mal à l’aise face à cette relation siamoise, « Elle était un flux et lui, un éclat », où la sœur, fascinée à l’extrême et sous l’emprise totale de son aîné, se laisse entraîner dans un grenier où se jouent des amusements déjà très malsains mais aussi, déjà, car on le pressent immédiatement, la suite de leur relation incestueuse.
Le mal est fait, le décor est planté.
Il y aura la séparation, lui faisant ses études ailleurs, buvant, se droguant, traînant ses guêtres dans des lupanars, écrivant des poèmes et des lettres à celle qui l’attend de tout son corps et tout son être.
La relation ne sera consommée que durant l’été 1909, au sommet d’une montagne. Ce chapitre est sans doute le plus réussi, elle marche devant, lui derrière, et l’auteur décrit à tour de rôle leurs pensées, avant l’imminence de l’irréparable :
« Mais son frère n’est pas un saint. Elle savait bien qu’il était un démon venu au monde pour la blesser et la perdre. Mais elle comprenait peu à peu que nul n’est plus proche du saint que le démon- et que celui-ci possède, comme l’autre, la foi, l’espérance et même la charité, mais inversées, exorbitées, déviées, déraillées, frappées de finitude et s’épuisant, dans la quête sensible des choses et des êtres, à soulager leur nostalgie, leur mélancolie, leur accablement d’absence et de vacuité. Elle avait noté, peu avant son retour : Depuis que je sais que je t’attends, je renonce aux idées de bonheur et de salut. La lumière que tu m’apportes en est renforcée. Bientôt la pensée de Dieu ne me sera plus nécessaire ni pour comprendre le monde ni pour me comprendre moi-même, ni surtout pour te pardonner. »
« Lorsqu’ils se trouvaient ensemble, la même tendresse les submergeait, la même sensualité les brassait dans un confus échange d’aspirations et dans le goût des expériences partagées. Ils le voyaient clairement : ils étaient nés sur la même planète de démesure et de désarroi, et s’ils luttaient contre eux-mêmes, chacun selon son registre, dans l’économie du verbe et la justesse de l’expression, il leur restait assez de champ, par ailleurs, pour précipiter le mouvement de leur vie dans le mouvement de leur désir. Ils se ressemblaient comme une passion ressemble à une passion -avec son ascension démoniaque et sa chute mortelle. La jeune sœur pouvait bien courir devant, la distance entre eux n’était que celle du souffle et l’instant se précipitait sur eux, du fond du temps, où leurs chairs mêlées ne seraient qu’une, dans la joie. »
Suivront la séparation, la maladie, le sexe mutilé, la folie, et puis la guerre, le front, la mort, le sang, les larmes, et puis la mort…..
« Il avait souvent, dans ses poèmes, évoqué l’image de la mort comme d’un recueillement, dans un sentiment ambigu d’arrachement aux vives couleurs du monde et de nostalgie de repos -un bienfait plutôt qu’un malheur- et comme d’une suprême expérience d’amour puisque, ensemble, la bien-aimée et lui-même, s’endormiraient, noués, s’enfonceraient dans l’inconscient, rendant, au même instant, leur dernier souffle. Tableau d’une béatitude intime qui avait nourri leur rêverie autant que l’appel de leur chair au plaisir sexuel. »
Diaboliquement magnifique.
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