La mort et l'écuyer du roi de Wole Soyinka

La mort et l'écuyer du roi de Wole Soyinka
(Death and the King's Horseman)

Catégorie(s) : Théâtre et Poésie => Théâtre , Littérature => Africaine , Littérature => Anglophone

Critiqué par Montgomery, le 16 décembre 2007 (Auxerre, Inscrit le 16 novembre 2005, 52 ans)
La note : 9 étoiles
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Derrière la tragédie intemporelle, une tragédie bien de notre temps

En pays Yoruba, au Nigéria, lorsque le Roi meurt son écuyer doit l'accompagner au ciel au moment des funérailles en se donnant la mort. L'écuyer Elesin Oba se prépare donc à rejoindre ses ancêtres comme le veut la coutume. Mais, au cours de la cérémonie, il demande à Iyaloja, la mère du marché, de lui céder celle qui était promise à son fils tout en implorant son entourage d'«osez [le] libérer des regrets du départ ». Par cette requête iconoclaste, il place son peuple sous la menace d'une malédiction. Pilkings l'administrateur régional, qui se prépare avec son épouse à aller au bal du gouverneur, est alerté par le sergent Amusa de la situation. Amusa reçoit alors l'ordre de mettre à l'abri Elesin Oba afin d'éviter que sa mort ne trouble le bal auquel assiste le Prince. On apprend que l'écuyer n'est pas parvenu à se donner la mort et que son fils, Olunde, est revenu précipitamment d'Angleterre où il poursuivait des études de médecine…

Basée sur des faits réels avancés par l'auteur de quelques années pour les situer pendant la seconde guerre mondiale, cette pièce de théâtre sur la cohabitation des cultures en dit bien plus long et le dit mieux, que bon nombre d'essais sur la question genre Huntington. Pour sa part, Wole Soyinka se refuse, comme il l'explique dans la préface, à parler de conflit culturel car il estime qu'il n'y a pas d'égalité entre les cultures en présence, celle du colonisateur et celle du colonisé. Il décrit dans « L'écuyer du Roi et la mort » l'incompréhension du colonisateur devant les rites autochtones, son incapacité à les analyser de façon objective, à en comprendre la portée et, in fine, à les respecter. Le personnage d'Olunde, pris entre les feux des deux cultures, et derrière lequel on sent poindre l'auteur lui-même, tentera d'ouvrir l'esprit du colonisateur. Ainsi dans l'acte IV, à Jane, la femme de l'administrateur, qui refuse l'idée du suicide rituel, Olunde fait remarquer que la guerre qui se déroule en ce moment dans le monde n'est rien d'autre qu'un suicide de masse. Puis, devant l'assurance de Jane, qui pensait que son séjour en Angleterre l'avait «sauvé» de sa culture originelle, il rétorquera que l'une des grandes erreur du peuple colonisateur est de croire que « tout ce qui semble sensé » les colonisés l'aient appris de lui. Personnage lucide et éclairé, Olunde fera les frais d'une coutume que l'on pourra juger cruelle mais aussi du mépris du colonisateur occidental à l'égard d'une culture qu'il ne se donne pas les moyens de comprendre.

Une littérature puissante, couronnée par le prix Nobel en 1986.

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