Je pense que l'adaptation cinéma de 2002 par Costa-Gavras avait également fait des remous, surtout pour son affiche, mais passait, pour de nombreuses critiques, comme un "enfoncement" de portes ouvertes.
C'est vrai que, cinématographiquement, je n'en ai pas un souvenir impérissable (l'adaptation théâtrale dont on parle vaut peut-être davantage par son côté intimiste).
Je suis toujours partagée dans ce genre de situations car si, effectivement, j'ai du mal avec les redites sensationnalistes (je n'ai pas dit que c'était le cas ici), je pense aussi qu'une piqûre de rappel est plus que nécessaire, surtout quand on voit notre actualité mondiale.
Moi, ce qui me surprend, c'est combien les gens prennent les choses de manière personnelle, comme s'ils étaient personnellement touchés. Finalement, on parle de l'Eglise d'une époque, c'est l'Eglise d'aujourd'hui qui se sent blessée. Susciter la réflexion est toujours intéressant, car on oublie que peu de gens sont aussi "aware" qu'on l'imagine. Chacun cloîtré dans son univers centré et égoïste.
Dans sa frilosité sélective.
Assez de ton avis Blue, sur le film où il y a cependant quelques bonnes trouvailles comme les trains qui passent alternativement dans un sens portes fermées et dans l'autre portes ouvertes, ... mais aussi des scènes un peu grotesques, usées, comme celle où la curie romaine joue à la grande bouffe.
D'accord aussi pour le manque de recul dont on fait trop souvent preuve quand on traite de ce type de sujet qu'il faut sans cesse remettre sur l'ouvrage car les nationalismes et les intégrismes remontent en flèche et des déconvenues sérieuses pourraient bien nous attendre.
Sur le sujet, on peut lire aussi un court livre de Rosetta Loy, "Madame Dalla Scetta est aussi juive, où elle cite de nombreux documents dépoque.
@le rat: Je trouve intéressant de comprendre comment la plupart des gens en sont venu à accepter l'idée qu'il fallait exterminer les juifs, ou à tout le moins à ne pas s'y opposer. A propos de la réaction de l'église allemande, ce livre de Kressman Taylor (surtout connue pour "inconnu à cette adresse") est vraiment très intéressant:
http://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/7292
Il montre comment le nazisme a pu graduellement mettre sous muselière l'église, en s'infiltrant, en prenant des mesures petit à petit, .. c'est un mécanisme assez classique.
Après que le pape en particulier se soit tu ou pas, c'est un fait historique qui ne m'intéresse pas spécialement. En te focalisant sur le pape en particulier, tu passes à côté de la question : dans quelle catégorie, toi ou tes proches, aurait tu été.. C'est évident que dans l'église, comme ailleurs, il y a eu des lâches et il y a eu des héros.
http://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/7292
Il montre comment le nazisme a pu graduellement mettre sous muselière l'église, en s'infiltrant, en prenant des mesures petit à petit, .. c'est un mécanisme assez classique.
Après que le pape en particulier se soit tu ou pas, c'est un fait historique qui ne m'intéresse pas spécialement. En te focalisant sur le pape en particulier, tu passes à côté de la question : dans quelle catégorie, toi ou tes proches, aurait tu été.. C'est évident que dans l'église, comme ailleurs, il y a eu des lâches et il y a eu des héros.
En te focalisant sur le pape en particulier, tu passes à côté de la question : dans quelle catégorie, toi ou tes proches, aurait tu été.. C'est évident que dans l'église, comme ailleurs, il y a eu des lâches et il y a eu des héros.C'est la grande question, Saule, posée par la magnifique chanson de Goldman "Né en 17". Personne ne peut répondre, bien sûr. Je ne me focalise sur rien: le sujet du débat était la pièce d'Hochhuth qui fait réagir parfois violemment les intégristes chrétiens. Cette pièce et le film qui en a été tiré rendent pourtant justice à certains ecclésiastiques qui ont été héroïques, notamment dans la scène ou Mgr von Galen vient hurler sa colère devant les nazis.
Gérard Sandoz a écrit un livre bien documenté, que j'ai lu il y a quelques années, sur la résistance catholique au nazisme, notamment la Rose Blanche, mais hélas cette noble attitude était minoritaire. Les opposants catholiques ont été massacrés impitoyablement sans que le battement de l'aile du papillon n'atteigne le Vatican.
Les zélateurs de Pie XII choisissent toujours les mêmes sources juives pour défendre les "vertus héroïques" de ce type.
En voici une autre, émanant du grand rabbin de France Joseph Sitruk dans une interview au Figaro:
Le Figaro - 17 septembre 1999
Le Figaro - Croyez-vous à une alliance ou une complicité entre Pie XII et Hitler ?
Joseph SITRUK. - Il appartient aux historiens, et non à un rabbin, de répondre à la question. On peut néanmoins observer le goût du pouvoir déployé par Pie XII. Un chef spirituel peut-il s'arroger tant de poids dans une période mouvementée, sans que le pouvoir l'emporte sur la morale ?
- Quel est le reproche des juifs contre Pie XII ?
- Son silence. Des preuves nous ont été données que l'Église en a désormais pris conscience. Mais nous n'oublions pas le courage de nombreux évêques contre le nazisme. Eux ne s'en sont pas tenus à un silence coupable.
- A quelles conditions l'hypothèque Pie XII sera-t-elle levée dans le judaïsme ?
- Il faudra d'abord que cette période sombre soit soumise au regard objectif des historiens. Il convient d'apporter la lumière, afin. d'en finir avec le soupçon sur d'éventuelles erreurs d'appréciation. Dans l'attente de cette clarification nécessaire, il faut différer la béatification de ce pape : elle serait, pour le moment, un nouveau germe d'incompréhension entre juifs et chrétiens.
Marrant: citer une source juive qui défend Pie XII doit être l'objet de soupçons ? L'avis de Sitruk n'est pas non plus le reflet de la communauté juive dans le monde... Et si des historiens choisissent d'ignorer certaines archives c'est navrant... Après, les vertus héroiques de Pie XII je m'en fiche pas mal, je veux juste montrer qu'on est loin de l'unanimité sur Pie XII (on peut opposer à l'infini des sources, des historiens, des personnalités...)
Cela dit, malgré mes fortes réserves sur "le vicaire", je défendrai toujours coûte que coûte sa représentation au nom de la liberté d'expression...
Marrant: citer une source juive qui défend Pie XII doit être l'objet de soupçons ? L'avis de Sitruk n'est pas non plus le reflet de la communauté juive dans le monde... Et si des historiens choisissent d'ignorer certaines archives c'est navrant... [...] (on peut opposer à l'infini des sources, des historiens, des personnalités...)
C'est une évidence, les avis sur ce sujet toujours passionnel divergent considérablement. A propos d'archives, celles qui proviennent des nazis sont accablantes, mais si le Vatican le voulait, il pourrait faire toute la lumière en ouvrant les siennes au public. Le souhaite-t-il?
Cela dit, malgré mes fortes réserves sur "le vicaire", je défendrai toujours coûte que coûte sa représentation au nom de la liberté d'expression...
Je te conseille de lire le livre. Une bonne moitié y est consacrées aux sources historiques et aux preuves de ce qui est affirmé dans la pièce. Qu'Hochhuth ait dérapé par la suite en prenant le parti d'un négationniste et se soit ainsi déconsidéré n'y change rien.
Néanmoins, je suis d'accord avec ta conclusion: vouloir empêcher la mise en scène de cette pièce est inqualifiable. Ceux que ça choque ne sont pas obligés d'aller la voir.
si le Vatican le voulait, il pourrait faire toute la lumière en ouvrant les siennes au public. Le souhaite-t-il?
J'ai trouvé la réponse à ma question: il ne le souhaite pas. Une commission d'universitaires composée de trois catholiques et de trois Juifs a été créée en 1999. Le 20 juillet 2001, elle annonçait suspendre ses travaux en raison du refus opposé par le Vatican d'ouvrir toutes les archives postérieures à 1922, date de la mort du pape Benoit XV en invoquant "une impossibilité technique".
http://www.aidh.org/Racisme/shoah/Vatican_3.htm
Le Renouveau français revendique la perturbation du spectacle de Romeo Castellucci
29 octobre 2011
Face à face tendu entre les forces de l’ordre et 200 à 300 manifestants d’extrême droite catholique
Samedi 29 octobre, 21 heures... Devant le théâtre du Châtelet, à Paris, 200 à 300 manifestants catholiques d'extrême droite se sont approchés des forces de l'ordre, dans un face à face tendu. Un de leurs slogans : "France, jeunesse, chrétienté".
Le groupe est issu de la manifestation contre la christianophobie, à l'appel de l'institut Civitas, qui a réuni 2000 personnes en fin après-midi. Et dont le parcours autorisé par la préfecture de police de Paris, une boucle partant de la statue Jeanne d'Arc, place des Pyramides, gagnait l'Opéra et prenait fin place André Malraux, à côté du Palais Royal. Ce parcours avait ainsi été délibéremment éloigné du Théâtre de la ville, place du Châtelet où les représentations de la pièce de théâtre de Romeo Castellucci, "Sur le concept du visage du fils de Dieu", sont perturbées chaque soir depuis dix jours par la mouvance intégriste et nationale-catholique.
Dans les rangs du défilé, on trouvait notamment des militants du Renouveau français, le groupuscule nationaliste, catholique et contre-révolutionnaire qui a revendiqué des perturbations de la pièce de théâtre de Romeo Castellucci.
Quatre couteaux et une bombe lacrymogène
Dans le groupe de 200 à 300 manifestants qui, sitôt la manifestation achevée s'est propulsée, place du Châtelet, était présent l'abbé Xavier Beauvais, le prieur de la paroisse intégriste parisienne Saint-Nicolas-du-Chardonnet. Ainsi qu'Alexandre Gabriac, jeune conseiller régional exclu du FN pour des photos où il posait bras tendu.
Membre de l'Oeuvre française, M. Gabriac est par ailleurs l'un des animateurs d'un nouveau groupuscule musclé sur la région Rhône-Alpes baptisé les Jeunesses nationalistes.
En renfort est venu un petit groupe d'une trentaine de personnes composé de "Gudards" et de militants de profil hooligans qui avaient assuré le service d'ordre de fin de cortège.
Plus surprenant, on notait aussi, Place du Châtelet, la présence de quelques militants de Forsane Alizza, groupuscule islamiste radical, venu apporter leur soutien aux manifestants.
Au même moment, à l'intérieur du théâtre se tenait une représentation de cette pièce, à laquelle Frédéric Mitterrand, le ministre de la culture, est venu discrètement assister, par acte de solidarité.
Le groupe de manifestants, après avoir tenté une percée, repoussée par un tir de grenades lacrymogènes, a été canalisé. Et deux heures durant a attendu la sortie des spectateurs, entre prières, chants religieux et slogans. La soirée s'est achevée vers 23 heures dans le calme.
A l'intérieur du théâtre, le dispositif de sécurité avait été encore renforcé. Aucune interruption du spectacle n'a pu avoir lieu. Sept personnes ont été interpellées à l'entrée du théâtre pour port d'armes illicite. Selon le bilan fourni par la direction du théâtre à Brigitte Salino du service Culture du Monde, ils étaient respectivement en possession de quatre couteaux, une bombe lacrymogène ainsi que des pierres.
http://droites-extremes.blog.lemonde.fr/2011/10/…
29 octobre 2011
Face à face tendu entre les forces de l’ordre et 200 à 300 manifestants d’extrême droite catholique
Samedi 29 octobre, 21 heures... Devant le théâtre du Châtelet, à Paris, 200 à 300 manifestants catholiques d'extrême droite se sont approchés des forces de l'ordre, dans un face à face tendu. Un de leurs slogans : "France, jeunesse, chrétienté".
Le groupe est issu de la manifestation contre la christianophobie, à l'appel de l'institut Civitas, qui a réuni 2000 personnes en fin après-midi. Et dont le parcours autorisé par la préfecture de police de Paris, une boucle partant de la statue Jeanne d'Arc, place des Pyramides, gagnait l'Opéra et prenait fin place André Malraux, à côté du Palais Royal. Ce parcours avait ainsi été délibéremment éloigné du Théâtre de la ville, place du Châtelet où les représentations de la pièce de théâtre de Romeo Castellucci, "Sur le concept du visage du fils de Dieu", sont perturbées chaque soir depuis dix jours par la mouvance intégriste et nationale-catholique.
Dans les rangs du défilé, on trouvait notamment des militants du Renouveau français, le groupuscule nationaliste, catholique et contre-révolutionnaire qui a revendiqué des perturbations de la pièce de théâtre de Romeo Castellucci.
Quatre couteaux et une bombe lacrymogène
Dans le groupe de 200 à 300 manifestants qui, sitôt la manifestation achevée s'est propulsée, place du Châtelet, était présent l'abbé Xavier Beauvais, le prieur de la paroisse intégriste parisienne Saint-Nicolas-du-Chardonnet. Ainsi qu'Alexandre Gabriac, jeune conseiller régional exclu du FN pour des photos où il posait bras tendu.
Membre de l'Oeuvre française, M. Gabriac est par ailleurs l'un des animateurs d'un nouveau groupuscule musclé sur la région Rhône-Alpes baptisé les Jeunesses nationalistes.
En renfort est venu un petit groupe d'une trentaine de personnes composé de "Gudards" et de militants de profil hooligans qui avaient assuré le service d'ordre de fin de cortège.
Plus surprenant, on notait aussi, Place du Châtelet, la présence de quelques militants de Forsane Alizza, groupuscule islamiste radical, venu apporter leur soutien aux manifestants.
Au même moment, à l'intérieur du théâtre se tenait une représentation de cette pièce, à laquelle Frédéric Mitterrand, le ministre de la culture, est venu discrètement assister, par acte de solidarité.
Le groupe de manifestants, après avoir tenté une percée, repoussée par un tir de grenades lacrymogènes, a été canalisé. Et deux heures durant a attendu la sortie des spectateurs, entre prières, chants religieux et slogans. La soirée s'est achevée vers 23 heures dans le calme.
A l'intérieur du théâtre, le dispositif de sécurité avait été encore renforcé. Aucune interruption du spectacle n'a pu avoir lieu. Sept personnes ont été interpellées à l'entrée du théâtre pour port d'armes illicite. Selon le bilan fourni par la direction du théâtre à Brigitte Salino du service Culture du Monde, ils étaient respectivement en possession de quatre couteaux, une bombe lacrymogène ainsi que des pierres.
http://droites-extremes.blog.lemonde.fr/2011/10/…
Le Rat des Champs.
Crois-tu qu’on assiste à la création d’une nouvelle Internationale ? Voila que les islamistes intégristes s’en mêlent ! Ça nous promet des jours meilleurs. ;-))
Je voudrais savoir ce qui justifie toutes ces manifestations et, pour ça, il faudrait voir la pièce.
En attendant, on va faire confiance au compte rendu de Stavro.
On ne peut pas soulever le turban du Prophète sans risquer de déclencher une guerre mondiale mais, par contre, tous les blasphèmes contre les autres religions sont permis.
Bah, c’est mieux comme ça, il faut se montrer « au dessus de tout ça ».
Personnellement, je désapprouve formellement ces manifestations, mais je trouve que ce n’est pas bien de profaner le sacré. Ou du moins, ce qui est sacré pour certains. Je trouve qu’il faut se respecter mutuellement et respecter les croyances et convictions de chacun.
Ceci dit, j’ai vu dans mon journal « bien pensant » que c’était une pièce édifiante et à haute portée philosophique sur la condition des vieillards…
Reste que, à mon avis, déféquer sur scène, devant tout le monde, ça ne se fait pas.
Crois-tu qu’on assiste à la création d’une nouvelle Internationale ? Voila que les islamistes intégristes s’en mêlent ! Ça nous promet des jours meilleurs. ;-))
Je voudrais savoir ce qui justifie toutes ces manifestations et, pour ça, il faudrait voir la pièce.
En attendant, on va faire confiance au compte rendu de Stavro.
On ne peut pas soulever le turban du Prophète sans risquer de déclencher une guerre mondiale mais, par contre, tous les blasphèmes contre les autres religions sont permis.
Bah, c’est mieux comme ça, il faut se montrer « au dessus de tout ça ».
Personnellement, je désapprouve formellement ces manifestations, mais je trouve que ce n’est pas bien de profaner le sacré. Ou du moins, ce qui est sacré pour certains. Je trouve qu’il faut se respecter mutuellement et respecter les croyances et convictions de chacun.
Ceci dit, j’ai vu dans mon journal « bien pensant » que c’était une pièce édifiante et à haute portée philosophique sur la condition des vieillards…
Reste que, à mon avis, déféquer sur scène, devant tout le monde, ça ne se fait pas.
Pour la question Pie XII, je pense que tu es trop engagé dans ton combat anti-clérical pour être lucide et impartial.
Tu peux citer des tas d’extraits de livres qui condamnent le Pape. Mais un autre pourrait te citer un même nombre d’extraits qui le gracient. Finalement, le débat restera toujours ouvert.
Les jugements du passé, les fameux « jugements de l’Histoire », sont les plus iniques.
C’est trop facile de juger après coup, quand on connaît toutes les issues d’un problème.
Comme disait Paul-Henri Spaak, on est toujours malin après.
Pour en revenir à Pie XII, personnellement, j’aurais voulu qu’il se prononçât contre le Nazisme. Je trouve qu’il faut toujours dénoncer le mal, quitte à recevoir des coups. Mais c’est facile à dire quand on ne porte pas de responsabilités.
Au Danemark, la dénonciation à été bénéfique, au Pays-Bas, elle a provoqué une catastrophe.
Le fait est que le Pape a sans doute commis une erreur, mais il n’a pas commis une faute.
Le fait qu’il ait sauvé des quantités de Juifs était en soi, une condamnation.
Tu peux citer des tas d’extraits de livres qui condamnent le Pape. Mais un autre pourrait te citer un même nombre d’extraits qui le gracient. Finalement, le débat restera toujours ouvert.
Les jugements du passé, les fameux « jugements de l’Histoire », sont les plus iniques.
C’est trop facile de juger après coup, quand on connaît toutes les issues d’un problème.
Comme disait Paul-Henri Spaak, on est toujours malin après.
Pour en revenir à Pie XII, personnellement, j’aurais voulu qu’il se prononçât contre le Nazisme. Je trouve qu’il faut toujours dénoncer le mal, quitte à recevoir des coups. Mais c’est facile à dire quand on ne porte pas de responsabilités.
Au Danemark, la dénonciation à été bénéfique, au Pays-Bas, elle a provoqué une catastrophe.
Le fait est que le Pape a sans doute commis une erreur, mais il n’a pas commis une faute.
Le fait qu’il ait sauvé des quantités de Juifs était en soi, une condamnation.
Je voudrais savoir ce qui justifie toutes ces manifestations et, pour ça, il faudrait voir la pièce.
En attendant, on va faire confiance au compte rendu de Stavro.
Je m'y attèle... En attendant, je peux déjà te dire ce qui explique la différence de versions entre les différents compte-rendus, grenades balancées sur le visage du Christ ou visage qui dégouline d'une matière sombre. En réalité, à Avignon, où la pièce avait initialement été présentée, des grenades avaient été balancées. Devant la levée des boucliers et comme ça ne semblait pas forcément être indispensable à la pièce, Castellucci s'est auto-"censuré" (?) et a remplacé les grenades par ce badigeonnage de la figure du Christ par cette matière brune.
On ne peut pas soulever le turban du Prophète sans risquer de déclencher une guerre mondiale mais, par contre, tous les blasphèmes contre les autres religions sont permis.
Bah, c’est mieux comme ça, il faut se montrer « au dessus de tout ça ».
Personnellement, je désapprouve formellement ces manifestations, mais je trouve que ce n’est pas bien de profaner le sacré. Ou du moins, ce qui est sacré pour certains. Je trouve qu’il faut se respecter mutuellement et respecter les croyances et convictions de chacun.
Ca a quand même le mérite de s'interroger sur la notion de sacré dans nos sociétés. Je parlais avec un manifestant peu avant la représentation qui tenait à peu près ton discours en évocant, après que je lui ait fait part de mon athéisme, mes parents. En me disant "Imaginez qu'on salisse une photo de votre mère". Bah oui, personnellement, ça me ferait chier (sans mauvais jeu de mots), mais si la remise en cause de ma mère pour une raison X ou Y est justifiée ou peut l'être (ma mère ayant tout de même moins d'importance dans la société que le Christ), est-ce que le fait qu'elle soit à mes yeux "sacrée" devrait empêcher le reste de la population de la "salir" ou de s'interroger ouvertement sur elle, éventuellement de façon provocante ? Après tout, tous ces hommes à qui on s'en prend quotidiennement, sont aussi les pères et les fils de quelqu'un, non ? Est-ce que les enfants Sarkozy ou Strauss-Kahn manifestent à chaque fois qu'on dit du mal de leurs pères ? Est-ce que Dieu et Son fils ne sont pas quelque part "tombés dans le domaine public" ?
Ceci dit, j’ai vu dans mon journal « bien pensant » que c’était une pièce édifiante et à haute portée philosophique sur la condition des vieillards…
Reste que, à mon avis, déféquer sur scène, devant tout le monde, ça ne se fait pas.
C'est pas très classieux, mais si ça a un sens, finalement... Je reviendrai sur la pièce très rapidement (dès cet après-midi si j'ai le temps).
Dans le Figaro aujourd'hui :
http://lefigaro.fr/theatre/2011/…
http://lefigaro.fr/theatre/2011/…
A lire l'article du Figaro, je trouve cette pièce très juste. Et puis le visage du Christ est superbe. Je crois que c'est éminemment Chrétien cette l'idée que Jésus nous accompagne dans la décrépitude et dans la souffrance. J'ai bien peur que les intégristes catholiques soient à la recherche de publicité :-(
Pour en revenir à Pie XII, personnellement, j’aurais voulu qu’il se prononçât contre le Nazisme. Je trouve qu’il faut toujours dénoncer le mal, quitte à recevoir des coups. Mais c’est facile à dire quand on ne porte pas de responsabilités.
Aujourd'hui, on pourrait fêter un contre-exemple extraordinaire: le 31 octobre 1942, un certain Léon Bronchart (1896-1986) qui était conducteur de trains, a refusé de conduire le train qui conduisait des déportés vers les camps de la mort. Il a été emprisonné plus tard pour d'autres faits de résistance, mais les nazis ne l'ont quasiment pas sanctionné pour cet acte de courage.
Si le pape avait eu les "vertus héroïques" qu'on lui prête, il aurait sans nul doute agi plus noblement. Et sans risquer grand chose, puisqu'en tant que plus haute autorité morale de son temps, il était beaucoup plus intouchable que cet obscur conducteur de locomotive.
http://fr.wikipedia.org/wiki/L%C3%A9on_Bronchart
Beaucoup de bruit pour rien, ou si peu. En arrivant Place du Châtelet, pourtant, le dispositif était impressionnant : les cars bleus et grillagés de CRS entouraient la place tandis que l’accès au théâtre était bloqué moins d’une demi-heure avant le début de la représentation.
L’amie avec qui je devais aller voir la pièce est en retard car c’est une femme, Dieu y est peut-être pour quelque chose, mais pas les manifestants. En l’attendant, je décide donc de m’aventurer au cœur de la bêtise intégriste. Première constatation : les manifestants chrétiens ont un uniforme qui change de celui que j’ai pu voir au cours des différentes manifestations auxquelles j’ai pu prendre part moi-même. Les manifs cathos, c’est un peu le grand défouloir du Seizième, voire de la province/lointaine banlieue, des gens qui d’habitude sont plutôt de ceux qui pestent contre ces gauchos qui bloquent la France. Dimanche, leur jour de gloire est arrivé : ici, une famille toute blonde avec deux enfants de cinq ou six ans maximum en velours côtelé et veste Barbour ; là, une famille encore (le manifestant catho est très famille) dont chaque membre arbore un polo orné d’une large fleur de lys dorée ; un peu plus loin, un grand échalas un peu gauche, la fin de vingtaine, nous a sorti sa plus belle cravate bleu ciel pour l’occasion et il pose au milieu d’un groupe de filles un peu plus jeunes et ne se sentant plus d’excitation brandit bien haut un bout de papier couvert d’un message que je ne peux distinguer ; au cœur de la foule, un groupe de vieilles dames copieusement fardées et aux oreilles serties de larges perles ont abandonné pour une fois le jardin du Ranelagh et la rue de Passy pour faire leur sortie dominicale dans le Paris plus populaire. Il y a des figures un peu plus inquiétantes aussi : des types avec des lunettes fumées et des têtes patibulaires de mauvais flics de série B, des femmes avec de grandes capes rouges ornées de croix blanches et d’images du Christ, un moustachu avec un grand crucifix et surtout ce cureton, habit noir et col blanc, autour duquel la foule se ressemble lorsqu’il prend un micro pour désigner le Théâtre de la Ville comme « ce théâtre maudit » dans lequel doit bientôt avoir lieu la dernière représentation d’une pièce « blasphématoire est christianophobe ».
Intrigué par ce dernier mot, je pars à la recherche d’une explication. J’hésite : les types aux mines patibulaires ne me disent rien qui vaille ; avec mon bonnet de laine et mon jean troué, j’ai peur d’inquiéter ces vieilles grand-mères ; je m’en voudrais de venir rompre ce moment de partage familial pour ergoter. Mon sauveur se présente finalement sous les traits d’une jolie rouquine (toutefois, pas vraiment mon style, n’allez rien imaginer), sans doute un peu plus jeune que moi, qui distribue à la sortie du métro des tracts marqués en rouge de ces quelques mots « NON A LA CHRISTIANOPHOBIE ». Je me dis que c’est l’interlocuteur idéal et me suis avancé vers elle de façon tout à fait courtoise pour lui demander ce qu’était exactement la christianophobie et en quoi la pièce de Castellucci l’était.
La première réponse me surprend : contrairement à ce que les termes semblaient suggérer, elle m’apprend que la christianophobie n’est pas la peur de la religion chrétienne, de ses préceptes et de sa foi, ni même une ostracisation ou un sentiment de haine à leur égard, mais tout simplement le fait de dénigrer certains symboles que la religion chrétienne considère comme sacrés. En gros, la christianophobie n’est pas une phobie mais un blasphème. Un peu déçu, me félicitant que des hordes déchaînées de chrétiens ne viennent pas me balancer des œufs à chaque « nom de Dieu » prononcé et surtout peu convaincu par cette explication, je l’accepte néanmoins et je demande alors en quoi la pièce de Castellucci est blasphématoire.
- Parce qu’on balance de la merde sur le visage de Jésus.
- Mais, vous êtes sûre ? Moi, j’avais lu que des enfants balançaient des grenades qui n’explosaient pas, comme un jeu.
- Non, non, ça c’était avant, maintenant, je crois qu’ils ont changé ça et que c’est de la merde.
- Vous croyez ? Vous n’avez pas vu la pièce ?
- Non. Pas besoin.
- Ah… Mais vous ne pensez pas que, même en admettant que de la merde soit effectivement balancée au visage du Christ, voir la pièce pourrait aider à comprendre le pourquoi ? Peut-être que ça s’inscrit dans quelque chose de plus grand, que quelque part ça a un sens qui n’est d’ailleurs peut-être pas du tout blasphématoire.
- Voir un homme déféquer devant le visage du Christ, c’est blasphématoire.
- Pourtant, c’est un acte naturel, l’incontinence un problème réel auquel vos grands-parents, vos parents ou vous-même pourriez être confrontés. Vous ne pensez pas que c’est plutôt une interrogation sur la fin de vie, une remise en question de Dieu, de son accompagnement face à la vieillesse ?
- Oui, vous l’avez dit, c’est une remise en question de Dieu !
- Et c’est mal de s’interroger sur l’existence de Dieu, sur ce qu’Il fait subir aux hommes ? Vous comprenez que des gens s’interrogent que l’art puisse avoir le droit de poser ces questions ?
- Oh, pas encore la liberté d’expression ! Quand il y a des caricatures de Mahomet, on en entend parler pendant dix ans et nous, on peut rien dire.
- Ah, donc vous étiez contre les manifestations qui ont suivi les caricatures de Mahomet ?
- Tenez, prenez le tract, c’est expliqué dedans.
- Non, mais je ne veux pas de votre tract, je veux savoir pourquoi vous, vous êtes là cet après-midi.
Mon amie arrive à peu près à ce moment-là et la jeune rouquine a déjà entrepris quelqu’un d’autre (le cœur volage des jeunes filles). Quand nous avançons vers le théâtre, les manifestants sont à genoux pendant que le cureton récite une prière en latin.
- Pourquoi tu crois qu’ils prient ?, me demande mon amie alors que nous nous mêlons à la foule que les CRS laissent rentrer dans le théâtre au compte-gouttes après avoir vérifié leurs noms sur les listes des personnes ayant commandé des billets.
- J’en sais rien. A priori, la religion catholique prévoit pas de malédictions, mais avec eux…
- En fait, c’est une prière de réparation, nous informe un jeune homme qui se mêle à notre discussion. Il a les joues roses et à peu près mon âge, nous apprendrons qu’il est venu de Pologne. Exprès pour manifester ? Non, non, il vit à Paris, mais il manifeste depuis que les représentations ont commencé, il a déjà vu la pièce deux fois (!!!), mais a peur de ne pas pouvoir rentrer pour la dernière aujourd’hui. Il nous confie que la prière, c’est à cause du blasphème à la fin de la pièce qu’on n’a pas le droit de s’en prendre au sacré. Quand on lui objecte que ce genre de pièce permet de s’interroger sur la notion de sacré et que la France est un Etat laïc qui prône la liberté d’expression, il nous répond que la France est catholique et doit le rester. Ambiance… Quand il évoque au détour d’une phrase les « mauvais catholiques », j’arrête d’écouter et je présente ma pièce d’identité à un CRS plutôt sympa en me disant que merde, quoi, être contrôlé pour rentrer dans un théâtre…!
Et encore, je n’étais pas au bout de mes surprises. Second contrôle avant de franchir les portes du théâtre, passage sous un détecteur de métal, fouille complète du sac de sport (j’en venais) que je transportais et fouille au corps. Alors qu’il me palpe le dos, le flic est interrompu : un de ses collègues à trouver un couteau suisse et une petite bombe lacrymogène dans le sac d’une jeune fille (très mignonne). Le verdict ne tarde pas : port d’armes illégal, garde à vue. Sérieux ? J’ai l’air de plaisanter ? Non, pas vraiment… (Finalement, la fille est conduite devant le supérieur du flic et je l’ai revue plus tard dans le théâtre, j’imagine qu’ils se sont contentés de lui confisquer ses armes, mais c’était tendu).
J’arrive finalement dans la salle et prend place devant ce décors épuré (sol blanc, quelques meubles ménagers, une table couverte de médocs) et surtout ce grand portrait du Christ. La pièce débute avec vingt-cinq minutes de retard dues aux différents contrôles, et après que le directeur du théâtre s’est adressé au public pour l’enjoindre partir discrètement et dans le calme si le spectacle ne lui convenait pas et à rester calme et laisser la sécurité du théâtre gérer la situation en cas de nouvelle interruption de la pièce par des manifestants (déjà quatre interruptions en dix représentations…). Il est longuement applaudi et la pièce peut enfin commencer. J’ai le sentiment d’assister à quelque chose d’éminemment subversif, de frôler l’interdit, peut-être même de m’attirer un courroux divin qui me conduira droit en enfer. C’est finalement assez excitant.
Un vieillard rentre en scène, suivi peu de temps après par son fils, costume-cravate, qui se prépare à aller travailler. Les deux hommes parlent en italien, pas assez fort, mais on comprend le propos, basique. Le père gémit et le fils comprend, le lève du canapé souillé et lui dit d’attendre Torno subito. Incapable de se retenir, le père souille le sol. Le fils réprime rapidement un mouvement d’exaspération et nettoie avec amour son père qui se répand en milles Scusammi, il dédramatise la situation Guarda, Papa, è finito, non c’è piu niente, et même un Era proprio un bello sterco, Papa qui arrache au père un court éclat de rire entre deux sanglots de honte. La situation se répète une seconde fois Ma cosa ha mangiato, Papa ?, puis une troisième où le fils ne peut réfréner quelques paroles de colère puis un Basta, basta, basta avant de se calmer et de s’excuser à son tour pour sa réaction auprès de son père sanglotant. Le fils sort chercher une serpillère et le père se lève pendant ce temps-là, saisit un bidon rempli d’une matière brune et la répand lui-même sur le lit. Le fils revient pour voir son père en couche assis au milieu de ce qu’il a répandu. Atterré, il quitte la pièce et se précipite vers le visage du Christ qui n’a cessé de l’observer. Il se colle à sa bouche, l’embrasse comme le seul réconfort qui lui reste pour traverser cette épreuve, car Jésus aussi était un fils avant tout.
Puis, le fils sort, la scène s’assombrit, le bruit et la fureur retentisse, le père se lève et quitte doucement la scène en trainant le bidon qui s’écoule sur le sol derrière lui. Derrière la toile sur laquelle est peinte le visage du Christ, ça s’agite, il y a d’abord des remous, des distorsions, puis des coulés brunes sont répandues sur l’envers de la toile qu’on finit par déchirer pour laisser place à de grosses lettres lumineuses You are my shepherd, quand la toile est complètement déchirée, on distingue un not qui n’est quant à lui pas allumé.
Quand la lumière s’allume, on est dubitatif. Un peu déçu d’avoir plus assisté à une performance qu’à une pièce de théâtre. Le sens à donner à tout ça n’est pas clair. Le Figaro évoque le chagrin du Christ fait homme… Pourquoi pas, mais je ne suis pas convaincu. Dire que ces coulées ne représentent pas des excréments me semble être un déni, un subterfuge un peu lâche et finalement très bien pensant pour éviter le questionnement auquel mène inévitablement cette pièce. Pourquoi alors ces coulées brunes qui rappellent si ostensiblement ce que le père n’a cessé de répandre durant toute la pièce ? Sur le site du Théâtre de la Ville, on nous présente l’incontinence du père comme une allégorie d’un abandon des convenances dans lequel le fils essaye sans cesse de le ramener. Ca me semble déjà plus intéressant, notamment en raison de cette dernière scène de la première partie où le père souille volontairement son lit au grand désarroi de son fils, très comme il faut, en costard, symbole parfait de la réussite dans cette société qui abandonne les vieillards incontinents. Ca expliquerait aussi ce You are not my shepherd. Mais alors quid du visage du fils de Dieu dans tout ça ? Et bien pourquoi pas tout simplement un questionnement ? Le fils cherche en lui un réconfort, mais est-ce qu’il suffit ? Et le père qui sort en dernier avec ce bidon si évocateur de ce qui sera ensuite répandu sur la toile, ne peut-il pas se sentir abandonné par Dieu ? Se demander pourquoi une telle condition lui est infligée ? Ou tout simplement si Dieu existe, et dès lors, si l’image de Son fils est sacrée ? L'abandon des convenances par le père revient-il à abandonner Dieu ? Rien de bien blasphématoire là-dedans, juste un questionnement légitime, une réflexion sur la fin de vie et l’inversion des rôles père-fils, et éventuellement sur la religion et le sacré.
A la fin, les acteurs saluent et sont copieusement applaudis (ils le méritent). La représentation n’a pas été interrompue. Quand on quitte le théâtre, les manifestants sont encore sur la place, encerclés par un cordon de CRS. Une pièce qui choque, interpelle, dérange et fait s’interroger. Mais qui en aucun cas ne justifie une telle réaction de la part de ceux qui s’y opposent (bien que j’admette sans problème qu’ils puissent ne pas adhérer au message, à la réalisation et éventuellement être choqués). Cet après-midi, hors du théâtre, on a plus assisté à une manifestation de bêtise que de foi.
L’amie avec qui je devais aller voir la pièce est en retard car c’est une femme, Dieu y est peut-être pour quelque chose, mais pas les manifestants. En l’attendant, je décide donc de m’aventurer au cœur de la bêtise intégriste. Première constatation : les manifestants chrétiens ont un uniforme qui change de celui que j’ai pu voir au cours des différentes manifestations auxquelles j’ai pu prendre part moi-même. Les manifs cathos, c’est un peu le grand défouloir du Seizième, voire de la province/lointaine banlieue, des gens qui d’habitude sont plutôt de ceux qui pestent contre ces gauchos qui bloquent la France. Dimanche, leur jour de gloire est arrivé : ici, une famille toute blonde avec deux enfants de cinq ou six ans maximum en velours côtelé et veste Barbour ; là, une famille encore (le manifestant catho est très famille) dont chaque membre arbore un polo orné d’une large fleur de lys dorée ; un peu plus loin, un grand échalas un peu gauche, la fin de vingtaine, nous a sorti sa plus belle cravate bleu ciel pour l’occasion et il pose au milieu d’un groupe de filles un peu plus jeunes et ne se sentant plus d’excitation brandit bien haut un bout de papier couvert d’un message que je ne peux distinguer ; au cœur de la foule, un groupe de vieilles dames copieusement fardées et aux oreilles serties de larges perles ont abandonné pour une fois le jardin du Ranelagh et la rue de Passy pour faire leur sortie dominicale dans le Paris plus populaire. Il y a des figures un peu plus inquiétantes aussi : des types avec des lunettes fumées et des têtes patibulaires de mauvais flics de série B, des femmes avec de grandes capes rouges ornées de croix blanches et d’images du Christ, un moustachu avec un grand crucifix et surtout ce cureton, habit noir et col blanc, autour duquel la foule se ressemble lorsqu’il prend un micro pour désigner le Théâtre de la Ville comme « ce théâtre maudit » dans lequel doit bientôt avoir lieu la dernière représentation d’une pièce « blasphématoire est christianophobe ».
Intrigué par ce dernier mot, je pars à la recherche d’une explication. J’hésite : les types aux mines patibulaires ne me disent rien qui vaille ; avec mon bonnet de laine et mon jean troué, j’ai peur d’inquiéter ces vieilles grand-mères ; je m’en voudrais de venir rompre ce moment de partage familial pour ergoter. Mon sauveur se présente finalement sous les traits d’une jolie rouquine (toutefois, pas vraiment mon style, n’allez rien imaginer), sans doute un peu plus jeune que moi, qui distribue à la sortie du métro des tracts marqués en rouge de ces quelques mots « NON A LA CHRISTIANOPHOBIE ». Je me dis que c’est l’interlocuteur idéal et me suis avancé vers elle de façon tout à fait courtoise pour lui demander ce qu’était exactement la christianophobie et en quoi la pièce de Castellucci l’était.
La première réponse me surprend : contrairement à ce que les termes semblaient suggérer, elle m’apprend que la christianophobie n’est pas la peur de la religion chrétienne, de ses préceptes et de sa foi, ni même une ostracisation ou un sentiment de haine à leur égard, mais tout simplement le fait de dénigrer certains symboles que la religion chrétienne considère comme sacrés. En gros, la christianophobie n’est pas une phobie mais un blasphème. Un peu déçu, me félicitant que des hordes déchaînées de chrétiens ne viennent pas me balancer des œufs à chaque « nom de Dieu » prononcé et surtout peu convaincu par cette explication, je l’accepte néanmoins et je demande alors en quoi la pièce de Castellucci est blasphématoire.
- Parce qu’on balance de la merde sur le visage de Jésus.
- Mais, vous êtes sûre ? Moi, j’avais lu que des enfants balançaient des grenades qui n’explosaient pas, comme un jeu.
- Non, non, ça c’était avant, maintenant, je crois qu’ils ont changé ça et que c’est de la merde.
- Vous croyez ? Vous n’avez pas vu la pièce ?
- Non. Pas besoin.
- Ah… Mais vous ne pensez pas que, même en admettant que de la merde soit effectivement balancée au visage du Christ, voir la pièce pourrait aider à comprendre le pourquoi ? Peut-être que ça s’inscrit dans quelque chose de plus grand, que quelque part ça a un sens qui n’est d’ailleurs peut-être pas du tout blasphématoire.
- Voir un homme déféquer devant le visage du Christ, c’est blasphématoire.
- Pourtant, c’est un acte naturel, l’incontinence un problème réel auquel vos grands-parents, vos parents ou vous-même pourriez être confrontés. Vous ne pensez pas que c’est plutôt une interrogation sur la fin de vie, une remise en question de Dieu, de son accompagnement face à la vieillesse ?
- Oui, vous l’avez dit, c’est une remise en question de Dieu !
- Et c’est mal de s’interroger sur l’existence de Dieu, sur ce qu’Il fait subir aux hommes ? Vous comprenez que des gens s’interrogent que l’art puisse avoir le droit de poser ces questions ?
- Oh, pas encore la liberté d’expression ! Quand il y a des caricatures de Mahomet, on en entend parler pendant dix ans et nous, on peut rien dire.
- Ah, donc vous étiez contre les manifestations qui ont suivi les caricatures de Mahomet ?
- Tenez, prenez le tract, c’est expliqué dedans.
- Non, mais je ne veux pas de votre tract, je veux savoir pourquoi vous, vous êtes là cet après-midi.
Mon amie arrive à peu près à ce moment-là et la jeune rouquine a déjà entrepris quelqu’un d’autre (le cœur volage des jeunes filles). Quand nous avançons vers le théâtre, les manifestants sont à genoux pendant que le cureton récite une prière en latin.
- Pourquoi tu crois qu’ils prient ?, me demande mon amie alors que nous nous mêlons à la foule que les CRS laissent rentrer dans le théâtre au compte-gouttes après avoir vérifié leurs noms sur les listes des personnes ayant commandé des billets.
- J’en sais rien. A priori, la religion catholique prévoit pas de malédictions, mais avec eux…
- En fait, c’est une prière de réparation, nous informe un jeune homme qui se mêle à notre discussion. Il a les joues roses et à peu près mon âge, nous apprendrons qu’il est venu de Pologne. Exprès pour manifester ? Non, non, il vit à Paris, mais il manifeste depuis que les représentations ont commencé, il a déjà vu la pièce deux fois (!!!), mais a peur de ne pas pouvoir rentrer pour la dernière aujourd’hui. Il nous confie que la prière, c’est à cause du blasphème à la fin de la pièce qu’on n’a pas le droit de s’en prendre au sacré. Quand on lui objecte que ce genre de pièce permet de s’interroger sur la notion de sacré et que la France est un Etat laïc qui prône la liberté d’expression, il nous répond que la France est catholique et doit le rester. Ambiance… Quand il évoque au détour d’une phrase les « mauvais catholiques », j’arrête d’écouter et je présente ma pièce d’identité à un CRS plutôt sympa en me disant que merde, quoi, être contrôlé pour rentrer dans un théâtre…!
Et encore, je n’étais pas au bout de mes surprises. Second contrôle avant de franchir les portes du théâtre, passage sous un détecteur de métal, fouille complète du sac de sport (j’en venais) que je transportais et fouille au corps. Alors qu’il me palpe le dos, le flic est interrompu : un de ses collègues à trouver un couteau suisse et une petite bombe lacrymogène dans le sac d’une jeune fille (très mignonne). Le verdict ne tarde pas : port d’armes illégal, garde à vue. Sérieux ? J’ai l’air de plaisanter ? Non, pas vraiment… (Finalement, la fille est conduite devant le supérieur du flic et je l’ai revue plus tard dans le théâtre, j’imagine qu’ils se sont contentés de lui confisquer ses armes, mais c’était tendu).
J’arrive finalement dans la salle et prend place devant ce décors épuré (sol blanc, quelques meubles ménagers, une table couverte de médocs) et surtout ce grand portrait du Christ. La pièce débute avec vingt-cinq minutes de retard dues aux différents contrôles, et après que le directeur du théâtre s’est adressé au public pour l’enjoindre partir discrètement et dans le calme si le spectacle ne lui convenait pas et à rester calme et laisser la sécurité du théâtre gérer la situation en cas de nouvelle interruption de la pièce par des manifestants (déjà quatre interruptions en dix représentations…). Il est longuement applaudi et la pièce peut enfin commencer. J’ai le sentiment d’assister à quelque chose d’éminemment subversif, de frôler l’interdit, peut-être même de m’attirer un courroux divin qui me conduira droit en enfer. C’est finalement assez excitant.
Un vieillard rentre en scène, suivi peu de temps après par son fils, costume-cravate, qui se prépare à aller travailler. Les deux hommes parlent en italien, pas assez fort, mais on comprend le propos, basique. Le père gémit et le fils comprend, le lève du canapé souillé et lui dit d’attendre Torno subito. Incapable de se retenir, le père souille le sol. Le fils réprime rapidement un mouvement d’exaspération et nettoie avec amour son père qui se répand en milles Scusammi, il dédramatise la situation Guarda, Papa, è finito, non c’è piu niente, et même un Era proprio un bello sterco, Papa qui arrache au père un court éclat de rire entre deux sanglots de honte. La situation se répète une seconde fois Ma cosa ha mangiato, Papa ?, puis une troisième où le fils ne peut réfréner quelques paroles de colère puis un Basta, basta, basta avant de se calmer et de s’excuser à son tour pour sa réaction auprès de son père sanglotant. Le fils sort chercher une serpillère et le père se lève pendant ce temps-là, saisit un bidon rempli d’une matière brune et la répand lui-même sur le lit. Le fils revient pour voir son père en couche assis au milieu de ce qu’il a répandu. Atterré, il quitte la pièce et se précipite vers le visage du Christ qui n’a cessé de l’observer. Il se colle à sa bouche, l’embrasse comme le seul réconfort qui lui reste pour traverser cette épreuve, car Jésus aussi était un fils avant tout.
Puis, le fils sort, la scène s’assombrit, le bruit et la fureur retentisse, le père se lève et quitte doucement la scène en trainant le bidon qui s’écoule sur le sol derrière lui. Derrière la toile sur laquelle est peinte le visage du Christ, ça s’agite, il y a d’abord des remous, des distorsions, puis des coulés brunes sont répandues sur l’envers de la toile qu’on finit par déchirer pour laisser place à de grosses lettres lumineuses You are my shepherd, quand la toile est complètement déchirée, on distingue un not qui n’est quant à lui pas allumé.
Quand la lumière s’allume, on est dubitatif. Un peu déçu d’avoir plus assisté à une performance qu’à une pièce de théâtre. Le sens à donner à tout ça n’est pas clair. Le Figaro évoque le chagrin du Christ fait homme… Pourquoi pas, mais je ne suis pas convaincu. Dire que ces coulées ne représentent pas des excréments me semble être un déni, un subterfuge un peu lâche et finalement très bien pensant pour éviter le questionnement auquel mène inévitablement cette pièce. Pourquoi alors ces coulées brunes qui rappellent si ostensiblement ce que le père n’a cessé de répandre durant toute la pièce ? Sur le site du Théâtre de la Ville, on nous présente l’incontinence du père comme une allégorie d’un abandon des convenances dans lequel le fils essaye sans cesse de le ramener. Ca me semble déjà plus intéressant, notamment en raison de cette dernière scène de la première partie où le père souille volontairement son lit au grand désarroi de son fils, très comme il faut, en costard, symbole parfait de la réussite dans cette société qui abandonne les vieillards incontinents. Ca expliquerait aussi ce You are not my shepherd. Mais alors quid du visage du fils de Dieu dans tout ça ? Et bien pourquoi pas tout simplement un questionnement ? Le fils cherche en lui un réconfort, mais est-ce qu’il suffit ? Et le père qui sort en dernier avec ce bidon si évocateur de ce qui sera ensuite répandu sur la toile, ne peut-il pas se sentir abandonné par Dieu ? Se demander pourquoi une telle condition lui est infligée ? Ou tout simplement si Dieu existe, et dès lors, si l’image de Son fils est sacrée ? L'abandon des convenances par le père revient-il à abandonner Dieu ? Rien de bien blasphématoire là-dedans, juste un questionnement légitime, une réflexion sur la fin de vie et l’inversion des rôles père-fils, et éventuellement sur la religion et le sacré.
A la fin, les acteurs saluent et sont copieusement applaudis (ils le méritent). La représentation n’a pas été interrompue. Quand on quitte le théâtre, les manifestants sont encore sur la place, encerclés par un cordon de CRS. Une pièce qui choque, interpelle, dérange et fait s’interroger. Mais qui en aucun cas ne justifie une telle réaction de la part de ceux qui s’y opposent (bien que j’admette sans problème qu’ils puissent ne pas adhérer au message, à la réalisation et éventuellement être choqués). Cet après-midi, hors du théâtre, on a plus assisté à une manifestation de bêtise que de foi.
Excellente chronique, Stravo ! Sans flatterie ni complaisance, je la préfère à celle du Figaro et à d’autres lues ailleurs. Elle a le mérite d’être drôle, impartiale et mesurée et puis, au moins, on comprend la teneur de la pièce.
En mettant en scène la belle petite roussette, tu montres très bien que beaucoup de ces manifestants obéissent à des mots d’ordre sans avoir trop approfondi la question par eux-mêmes. Mais c’est comme ça dans toutes les manifs, il faut des hommes de main.
Et puis, si elle est jeune, belle et rousse c’est déjà bien, non ?. Il ne faut pas en demander trop !
Pour ce qui est de la pièce, on comprend très bien l’argument, tu l’expliques très bien.
Ça part d’un beau sentiment mais le procédé est hautement critiquable.
L’apparente absence de compassion du Fils de Dieu pour la misère humaine ne justifie pas qu’on souille son image d’excréments. Il y a trop de gens pour qui cette image est sacrée et ça mérite le plus haut respect, me semble-t-il.
Et puis on ne peut s’empêcher de penser que le procédé est trop facile. La pornographie, la scatologie et la profanation du sacré paient toujours. Ça crée le scandale et le scandale crée le succès. Ici, on a un doux mélange de profanation et de scatologie, donc, succès doublement assuré… Je crois que le vrai talent peut s’exprimer autrement.
Enfin, ces artistes sont courageux, mais pas téméraires : en mettant l’image du Christ, ils risquent juste quelques sursauts des amis de Pie X, plus folkloriques qu’autre chose…
Qu’ils essayent de mettre le portrait de Mahomet, pour voir… !
En mettant en scène la belle petite roussette, tu montres très bien que beaucoup de ces manifestants obéissent à des mots d’ordre sans avoir trop approfondi la question par eux-mêmes. Mais c’est comme ça dans toutes les manifs, il faut des hommes de main.
Et puis, si elle est jeune, belle et rousse c’est déjà bien, non ?. Il ne faut pas en demander trop !
Pour ce qui est de la pièce, on comprend très bien l’argument, tu l’expliques très bien.
Ça part d’un beau sentiment mais le procédé est hautement critiquable.
L’apparente absence de compassion du Fils de Dieu pour la misère humaine ne justifie pas qu’on souille son image d’excréments. Il y a trop de gens pour qui cette image est sacrée et ça mérite le plus haut respect, me semble-t-il.
Et puis on ne peut s’empêcher de penser que le procédé est trop facile. La pornographie, la scatologie et la profanation du sacré paient toujours. Ça crée le scandale et le scandale crée le succès. Ici, on a un doux mélange de profanation et de scatologie, donc, succès doublement assuré… Je crois que le vrai talent peut s’exprimer autrement.
Enfin, ces artistes sont courageux, mais pas téméraires : en mettant l’image du Christ, ils risquent juste quelques sursauts des amis de Pie X, plus folkloriques qu’autre chose…
Qu’ils essayent de mettre le portrait de Mahomet, pour voir… !
Enfin, ces artistes sont courageux, mais pas téméraires : en mettant l’image du Christ, ils risquent juste quelques sursauts des amis de Pie X, plus folkloriques qu’autre chose…
Qu’ils essayent de mettre le portrait de Mahomet, pour voir… !
Là tu marques un point, tu n'as pas tort. Pour le reste bien de ton avis, cette chronique de notre ami Stavro est remarquable.
Quand nous avançons vers le théâtre, les manifestants sont à genoux pendant que le cureton récite une prière en latin.
"Le blasphème des grands esprits est plus agréable à Dieu que la prière intéressée de l'homme vulgaire." -Ernest Renan-
Stavroguine n'est sans doute pas journaliste : trop honnête, trop sincère dans ce qu'il rapporte, si on compare avec d'autres sources.
Très belle chronique en tout cas, je comprends mieux de quoi il est question. Merci.
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