Provis

avatar 11/11/2006 @ 17:44:05
Est-ce que certains lecteurs de “Les Bienveillantes” (que je n’ai pas lu encore) ont déjà lu “Kapput” de Malaparte ?
Je me demande si on ne pourrait pas rapprocher ces deux livres..
Bien que ne partageant pas du tout leurs idées, Curzio Malaparte a eu l’opportunité (pour ne pas dire la chance..), pendant la seconde guerre mondiale, de côtoyer nombre de nazis de haut rang, et parmi les pires. Il nous montre leur vie au quotidien, leurs cotés humains et banals, et tout ensemble leur cynisme, leur petitesse, leur (fausse ?) bonne conscience : on les voit organiser tranquillement l’horreur, avec méthode et conviction, en vue de quelque chose qui pour eux est un bien suprême.
Ça laisse songeur bien sûr, et on a souvent envie de vomir, comme ManuC, mais le malaise vient surtout du sentiment que cette abomination peut arriver en tout temps, dans n’importe quel pays, avec des gens comme nous..

Shelton
avatar 11/11/2006 @ 17:47:53
Je n'ai pas "encore" lu Kapput...

Saint Jean-Baptiste 11/11/2006 @ 18:57:07
Bravo Provis, tu deviens tout bon ! ;-)
Moi je n'ai pas "encore" lu Les Bienveillantes, mais d'après les très bonnes critiques du site, je suis à peu près sûr que ce n'est pas comparable à Kaputt.
Kaputt est un livre "horriblement cruel et gai". C'est bien aussi une dénonciation du fascisme ; mais tout son charme, si l'on peut dire, vient des histoires extravagantes et pourtant vraies qui y sont racontées.
Et puis il y a aussi la manière de Malaparte : un style, une ironie, une virtuosité fabuleuse.
Enfin, attendons avant de conclure, l'avis du premier d'entre nous qui aura lu les deux !

Manu_C

avatar 13/11/2006 @ 11:00:27
Lecture en cours (à la moitié, lecture dense et longue...), je reviens sur le fuseau dès que je l'ai fini...

Mais ouvrage très dur sur le fond et la forme et source infinie d'interprétations et de reflexions.

A+

Provis

avatar 14/01/2007 @ 12:11:06
Je ne savais qu’on pouvait ouvrir un nouveau un nouveau fil sous le même nom d’un fil existant !!

Dirlandaise, je me permets de recopier sur ce fil qui existe depuis 2 mois tes échanges avec Poupi et Sido (avant d’essayer te répondre..)
.....................


Dirlandaise 13 janvier

Je suis à lire "Les Bienveillantes" le Littell et j'aimerais bien avoir vos avis sur ce livre. Je m'interroge sur les intentions de l'auteur. Pourquoi avoir écrit sur un sujet aussi usé que les horreurs de la Seconde Guerre ? De plus, l'auteur ne l'a pas vécu ! Donc, son roman se base sur des recherches uniquement. Alors, je me dis, pourquoi un tel livre écrit comme des mémoires de guerres alors que ce n'est que de la fiction. Pourquoi avoir placé tant de termes difficiles et de détails administratifs alors que ce n'est qu'un roman ?

J'ai déjà lu le livre "Le Troisième Reich" d'Albert Speer et je pouvais comprendre l'aridité du récit car c'était du vécu mais dans le cas de Littell, je ne comprends pas...


Poupi 13 janvier

C'est vrai, Littell n'a pas vécu la Seconde guerre mondiale, et emploie une foultitude de petits détails, et de termes compliqués. De plus, il y a parfois de longs dialogues (par moments, un peu lourds) entre deux intellectuels sur les différents dialectes caucasiens, ou bien sur un discours du Führer.

Cependant, ce roman / ces mémoires fictives me plaisent beaucoup. Il est qu'il fallait s'attendre à un "Déjà vu, suivant", mais je pense, même si je n'ai pas lu d'autres oeuvres sur le sujet, qu'il a été renouvellé dans cette oeuvre. On est vraiment au coeur de quelque chose qu'on connait mal, id est les campagnes en Europe balkanique et caucasienne, et le personnage principal, Herr Max Aue, au délà de l'aspect méchant nazi homosexuel, ne nous épargne rien. Et c'est peut-être ce qui est interessant dans Les Bienveillantes. Grâce à cet anti-héros, Littell nous fait découvrir des peuples et des coutumes, certes par leur anéantissement, mais quand même !

Tu n'aimes pas ce livre,
finalement ?


Dirlandaise 13 janvier 2007

Au contraire, j'aime beaucoup mais je dois toujours me dire que c'est de la fiction car j'ai tendance à l'oublier souvent. Surtout les scènes de liquidation en masse des Juifs dans les ravins isolés et la façon dont tout cela était planifié et organisé, je me dis que Littell s'est sans doute bien documenté mais le fait que ce soit une fiction enlève un peu de l'intérêt. Je ne sais pas si c'est clair...

Plusieurs personnages m'ont un peu agacée comme le petit pianiste juif... ça me rappelait trop "Le Pianiste" et aussi la belle jeune fille au regard triste au moment de se faire tirer une balle dans la tête. Il y a aussi Blobel et ses crises de folies, l'officier qui fracasse de crâne d'un nouveau-né sur un mur et le fanatique ami Thomas admirateur inconditionnel de Hitler... Tout ça frôle parfois la caricature, c'est du déjà vu (ou plutôt lu). Enfin, le livre est tout de même excellent et je m'y plonge chaque fois avec plaisir. Il m'instruit et me passionne mais il faut constamment se dire que c'est de la fiction. Je n'ai que deux cent pages de lues alors je continue... ;-)


Dirlandaise 13 janvier 2007

Et de plus, Hitler n'aimait pas les homosexuels et punissait de mort les officiers de son armée qui s'adonnaient à de telles pratiques. Comme par hasard, son héros est justement homosexuel pour corser le tout... ;-)


Poupi 13 janvier

Tu fais allusion au petit pianiste juif, et à la juive que Max trouve belle et qui a attiré son attention pendant une éxécution ; je trouve que ce genre de petits détails participe au côté personnel et fictif de l'histoire. Personnel, parce que ça ne marque et ça n'interesse que lui ; fictif parce qu'un vrai criminel de guerre n'aurait jamais écrit ça, sous peine de se faire rire au nez.

Tiens-moi au courant de ton avancée ! J'en suis presque à 300 pages !"


Sido 13 janvier

Je lis également Les Bienveillantes et je me pose les mêmes questions. je suis assez perplexe.

Les très bonnes critiques de CL sont un éclairage précieux pour ceux qui débutent la lecture des Bienveillantes.


Poupi 14 janvier

Ca c'est vrai, merci à tous ceux qui ont critiqué l'oeuvre de Littell et qui aident ceux qui la lisent ou qui encouragent les perplexes ! ;o)

Provis

avatar 14/01/2007 @ 12:24:23
Je m'interroge sur les intentions de l'auteur. Pourquoi avoir écrit sur un sujet aussi usé que les horreurs de la Seconde Guerre ? De plus, l'auteur ne l'a pas vécu ! Donc, son roman se base sur des recherches uniquement. Alors, je me dis, pourquoi un tel livre écrit comme des mémoires de guerres alors que ce n'est que de la fiction. Pourquoi avoir placé tant de termes difficiles et de détails administratifs alors que ce n'est qu'un roman ?

J'ai déjà lu le livre "Le Troisième Reich" d'Albert Speer et je pouvais comprendre l'aridité du récit car c'était du vécu mais dans le cas de Littell, je ne comprends pas...
Et pourquoi pas ce thème ? Je ne vois pas pourquoi tu t’étonnes du thème de ce roman plus que de celui d’un autre ?

Au contraire, je vois un intérêt énorme à ce genre de littérature, où on se trouve placés aux côtés des acteurs du crime, en spectateur muet et si proche que parfois on a peur de se sentir complice .. Forcément on se demande quelle aurait été sa propre attitude dans un telle situation, et si on a les yeux un peu ouverts, on se rend compte avec quelle facilité on peut glisser vers l’horreur et la barbarie, même si on a du mal pour soi-même à s’imaginer en dictateur impitoyable.
Voilà précisément un grand mérite de ce genre de roman, il me semble, d’ouvrir les yeux sur les horreurs dont sont capables les hommes, et donc soi-même. Au-delà des discours scolaires ou académiques, il nous montre que la même inimaginable barbarie reste possible, dans des mondes d’autant moins incertains qu’on les croit impossibles..

D’ailleurs, on peut se demande si la récompense qu’a eu « Les bienveillantes » ne tient pas autant à son message qu’à sa qualité littéraire..

Provis

avatar 14/01/2007 @ 12:29:34
Lecture en cours (à la moitié, lecture dense et longue...), je reviens sur le fuseau dès que je l'ai fini...

Mais ouvrage très dur sur le fond et la forme et source infinie d'interprétations et de reflexions.

A+
Manu C, j'ai été très content de voir "Les bienveillentes" remonter, j'ai cru que c'était toi qui venais nous faire un petit commentaire, après ton excellente critique ..?? .. :-)

Don_Quichotte
avatar 14/01/2007 @ 12:42:15
En ce qui concerne le succès assez phénoménal des Bienveillantes de Littell, je me suis posé beaucoup de questions, et j'ai essayé de comparer mes sensations de lecteur avec diverses personnes. Il en ressort des banalités, qui se trouvèrent finalement transcendées par quelque chose de réellement plus profond, que dépeint assez bien ce cinglé de Nabe, sous une prose toujours aussi élégante :

http://marc.edouard.nabe.free.fr/etlittellniquaang…

Provis

avatar 14/01/2007 @ 12:42:31
Dirlandaise 13 janvier 2007

Au contraire, j'aime beaucoup mais je dois toujours me dire que c'est de la fiction car j'ai tendance à l'oublier souvent. Surtout les scènes de liquidation en masse des Juifs dans les ravins isolés et la façon dont tout cela était planifié et organisé, je me dis que Littell s'est sans doute bien documenté mais le fait que ce soit une fiction enlève un peu de l'intérêt. Je ne sais pas si c'est clair...

Tout ça frôle parfois la caricature, c'est du déjà vu (ou plutôt lu). Enfin, le livre est tout de même excellent et je m'y plonge chaque fois avec plaisir. Il m'instruit et me passionne mais il faut constamment se dire que c'est de la fiction. Je n'ai que deux cent pages de lues alors je continue... ;-)


De la caricature, je ne crois pas.. J'ai peur au contraire que la réalité dépasse la fiction.
As-tu lu Kapput ??
Sais-tu par exemple quelles épreuves devaient réussir les apprentis SS avant de pouvoir porter leurs galons et leur tête de mort ?? Connais-tu par exemple l’épreuve de l’énucléation du chat ?
Je ne pense pas qu’il y ait grand-chose de romancé dans « Kapput »..

Dirlandaise

avatar 14/01/2007 @ 14:21:59
Je n'avais pas vérifié avant de partir ce post s'il y en avait un autre sur le sujet. Désolée !

J'en suis rendue à la page 250 et certains passages sont assez ennuyeux... Plusieurs mots allemands ne sont même pas dans l'annexe. Franchement, on aurait pu tout mettre afin qu'on puisse s'y référer au besoin. Ce n'est pas tout le monde qui parle allemand ! Il me semble que des petites notes de bas de page auraient été une bonne idée...

Pour ce qui est du contenu, Littell n'a pas vécu cette guerre alors il faut se fier à ses recherches et documentation pour porter foi à ses descriptions des méthodes d'élimination des juifs. Le livre est tout de même remarquable de par son explication du mécanisme complexe qui s'est lentement mis en place au fil des années et qui a débouché sur la "solution finale". Pour cela, je lève mon chapeau à l'auteur !

Dirlandaise

avatar 14/01/2007 @ 14:35:37
Dis-moi Provis, l'as-tu lu finalement ? J'aimerais beaucoup connaître tes impressions... ;-)

Poupi 14/01/2007 @ 16:45:41
Tu parles de détails là, Dirlandaise ; il y a des mots qu'on n'est pas obligé de comprendre exactement pour comprendre leur sens ; ça participe au 'charme' du livre.

Dirlandaise

avatar 14/01/2007 @ 17:24:55
Je ne suis pas d'accord avec toi, Poupi. Certains mots, je peux les comprendre en les décortiquant comme "ostpolitik" je peux présumer que ça se rapporte au gouvernement de l'armée car "ost" est un terme qui signifie "armée" mais plusieurs termes sont incompréhensibles. Il me semble que des petites notes de bas de page auraient facilité la lecture et éviter bien des frustrations.

Que penses-tu du passage du vieux qui fait creuser sa tombe dans la forêt car il a vu depuis longtemps l'endroit de sa sépulture ? J'ai trouvé ce passage sublime. Les paysages de montagnes y sont décrits avec lyrisme. On dirait l'écriture de Kawabata. Et l'histoire que le vieillard raconte à Aue pour sa lèvre supérieure... ça me rappelle "L'empreinte de l'ange" de Nancy Huston dans lequel on peut retrouver quelque chose de semblable. ;-)

Poupi 14/01/2007 @ 17:45:08
Oups, je crois que tu fais erreur ! Ostpolitik = tout simplement "politique de l'Est", et pas "armée".

En effet, j'ai trouvé que le passage avec le vieil autochtone était vraiment très beau. Tu as dit : de très belles retranscriptions de l'environnement, et la sagesse du vieux qui raconte ses petites histoires poétiques. Il y a par moments de très beaux passages, qui jurent avec le contexte plutôt brutal et sauvage.

Dirlandaise

avatar 14/01/2007 @ 17:53:01
Merci pour la correction. Tu peux voir que des notes auraient été les bienvenues pour moi ! Je trouve que tous ces termes nuisent à la compréhension du texte. Mais enfin, il faut faire avec. Heureusement que tu es là pour me reprendre...
;-)

Saint Jean-Baptiste 14/01/2007 @ 21:04:20
Je pense comme Provis que rien n'est romancé dans Kaputt, du moins quand Malaparte parle de la guerre, des Nazis, de leurs mœurs et de leurs agissements.
Kaputt un livre terriblement cruel et gai, comme le dit son auteur.
Pour ceux qui, comme moi, l'ont lu à 17 ou 18 ans, au moment de sa parution, Kaputt faisait l'effet d'une révélation.
C'est que dans les années qui ont suivi la guerre on en parlait beaucoup moins que maintenant. On était dans une sorte de torpeur. On parlait certes du débarquement et de la fin du nazisme, mais les plaies de la guerre étaient encore ouvertes et on en parlait peu.
C'est à tel point qu'il est sorti un film-reportage à la fin des années 50, où on interrogeait les jeunes et ce film était intitulé : Hitler, connaît pas !
Et puis, les grands livres sur la guerre n'étaient pas encore parus : ceux du Docteur Speer, de Soljenitsyne, et d'autres historiens.
Alors, j'avais été tellement emballé par Kaputt quand il est sorti, que j'en ai peut-être perdu le sens critique. Mais je l'ai relu des années plus tard et encore dernièrement pour en faire la critique sur CL et mon avis n'a pas changé : c'est un chef d'œuvre absolu !
A la relecture, j'y ai même trouvé des qualités littéraires qui m'avaient échappé à première lecture.

Mais la comparaison de Kaputt et des Bienveillantes s'arrête au sujet du livre ; c'est bien le même sujet, mais traité, à mon avis, tout à fait différemment.

Dans Kaputt, l'auteur raconte et se met en situation, ce qui lui permet une ironie critique extraordinaire. L'ironie est un art difficile, fait de mesure et de lucidité : ça doit friser l'insulte mais sans jamais y tomber... Et puis, les descriptions psychologiques des personnages sont d'une acuité fabuleuse et, sans tomber dans la caricature, elles sont d'une drôlerie étonnante...

Les Bienveillantes (je ne l'ai pas encore fini), est un livre terrible sur les exactions des troupes nazies mais le style est narratif et sans la moindre ironie.
Je trouve que le récit est neutre, sans émotion apparente, et puis tout à coup, le lecteur est pris à parti et est forcé de s'interroger : qu'est-ce que j'aurais fait à la place de ces Allemands ? Et là, je peux vous assurer que la réponse est terrifiante, quand on se donne la peine de bien réfléchir...

Encore une fois, plus on en sait sur un sujet, et moins on est tenté de juger !
Ce livre va chercher jusqu'au tréfonds de la nature humaine ...et il est terrifiant !

Sido

avatar 15/01/2007 @ 06:39:47
Encore une fois, plus on en sait sur un sujet, et moins on est tenté de juger !
Ce livre va chercher jusqu'au tréfonds de la nature humaine ...et il est terrifiant !

L'auteur voudrait-il nous faire comprendre que chacun de nous à un moment donné de sa vie pourrait entrer dans un tel système et y être acteur ?

Don_Quichotte
avatar 15/01/2007 @ 13:04:01
Complètement, il annonce même la couleur dans les dix premières pages, je cite de mémoire "si vous pensez être différent de moi, alors ne continuez pas à lire".

Il veut nous faire comprendre que tout homme ordinaire aurait pu se trouver la.

Malheureusement, Aue est franchement trés loin d'être un type banal.

Provis

avatar 15/01/2007 @ 13:11:44
Dis-moi Provis, l'as-tu lu finalement ? J'aimerais beaucoup connaître tes impressions... ;-)
Pas encore Dirlandaise, il faut d’abord que je l’achète !! .. :o)
Mais c’est sûr, je vais le lire.. J’ai été très impressionné et profondément touché par "Kapput", c’est pourquoi "Les Bienveillantes" m’intéresse particulièrement.

Et je ne saurais trop recommander la lecture de "Kapput" (voir en particulier ci-dessus le post de SJB) !! .. :o)

Dirlandaise

avatar 15/01/2007 @ 17:44:32
J'ai noté "Kaputt" dans mes prochaines lectures. Il y une suite je crois, "La Peau"... J'ai lu les critiques et ça me semble effectivement très bon.

Dans les Bienveillantes, certains passages sont ardus comme les descriptions de l'organisation de l'armée et des SS mais certains autres sont de toute beauté tels ceux décrivant les impressions de Aue devant le paysage ou lorsqu'il découvre une ville dévastée lors de son arrivée au Kessel dans la troisième partie. Son trajet en avion est relaté d'une façon si vivante qu'on s'y croirait presque. Dommage que Littell soit si avare de tels passages et se concentre souvent sur des détails administratifs...

On retrouve de tout dans ce livre : de la poésie, de l'aventure, de l'histoire, de l'ethnologie, de la psychologie... C'est vraiment très bon !

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