Je suis bien d'accord qu'on ne peut pas réduire Zola au naturalisme - et heureusement ! J'aime beaucoup par exemple la description presque hallucinée du jardin du Paradou dans la Faute de l'Abbé Mouret (ce qui ne l'empêche pas d'être tout à fait aberrante sur le plan botanique). J'ai beaucoup de mal en revanche avec la scientificité revendiquée de certains passages du Docteur Pascal, si je me souviens bien, qui nous assène des théories déjà obsolètes à l'époque sur l'hérédité, et au fond sans grand intérêt (surtout littéraire). Heureusement, il y a aussi bien d'autres aspects plus intéressants chez lui. Concernant la comparaison du roman naturaliste à l'épopée, elle est, de sa part, toute subjective : il avait ce tempérament épique, et l'envie d'une caution quasi scientifique, il a essayé tant bien que mal de concilier les deux.
Quant à Flaubert, je dirais que s'il se réfère à Balzac, c'est surtout pour ne pas refaire Balzac. La remise en question du sujet, qui parcourt tout le XXe siècle jusqu'à nos jours encore est déjà essentiellement à l'œuvre chez Flaubert ; elle ne l'est pas encore chez Balzac. C'est aussi cela que je reproche à Zola : alors qu'il écrit après Flaubert, qu'il a lu et fréquenté, ses préoccupations strictement littéraires (je ne parle pas de ses préoccupations sociales - quoiqu'il y ait aussi à dire sur le sujet) restent au fond relativement archaïques. Huysmans, qui commence aussi par le naturalisme, a un parcours à mes yeux plus intéressant.
Quant à Flaubert, je dirais que s'il se réfère à Balzac, c'est surtout pour ne pas refaire Balzac. La remise en question du sujet, qui parcourt tout le XXe siècle jusqu'à nos jours encore est déjà essentiellement à l'œuvre chez Flaubert ; elle ne l'est pas encore chez Balzac. C'est aussi cela que je reproche à Zola : alors qu'il écrit après Flaubert, qu'il a lu et fréquenté, ses préoccupations strictement littéraires (je ne parle pas de ses préoccupations sociales - quoiqu'il y ait aussi à dire sur le sujet) restent au fond relativement archaïques. Huysmans, qui commence aussi par le naturalisme, a un parcours à mes yeux plus intéressant.
« Cette fosse, tassée au fond d'un creux, avec ses constructions trapues de briques, dressant sa cheminée comme une corne menaçante, lui semblait avoir un air mauvais de bête goulue, accroupie là pour manger le monde. »
« (…) cette respiration grosse et longue, soufflant sans relâche, qui était comme l'haleine engorgée du monstre. »
Naturalisme ? On est presque dans le baroque plutôt.
Mais, comme le dit Feint, c’est cette constante hésitation entre les genres qui fait une des richesses de Zola.
« (…) cette respiration grosse et longue, soufflant sans relâche, qui était comme l'haleine engorgée du monstre. »
Naturalisme ? On est presque dans le baroque plutôt.
Mais, comme le dit Feint, c’est cette constante hésitation entre les genres qui fait une des richesses de Zola.
Je suis bien d'accord qu'on ne peut pas réduire Zola au naturalisme - et heureusement ! J'aime beaucoup par exemple la description presque hallucinée du jardin du Paradou dans la Faute de l'Abbé Mouret (ce qui ne l'empêche pas d'être tout à fait aberrante sur le plan botanique). J'ai beaucoup de mal en revanche avec la scientificité revendiquée de certains passages du Docteur Pascal, si je me souviens bien, qui nous assène des théories déjà obsolètes à l'époque sur l'hérédité, et au fond sans grand intérêt (surtout littéraire). Heureusement, il y a aussi bien d'autres aspects plus intéressants chez lui. Concernant la comparaison du roman naturaliste à l'épopée, elle est, de sa part, toute subjective : il avait ce tempérament épique, et l'envie d'une caution quasi scientifique, il a essayé tant bien que mal de concilier les deux.
Quant à Flaubert, je dirais que s'il se réfère à Balzac, c'est surtout pour ne pas refaire Balzac. La remise en question du sujet, qui parcourt tout le XXe siècle jusqu'à nos jours encore est déjà essentiellement à l'œuvre chez Flaubert ; elle ne l'est pas encore chez Balzac. C'est aussi cela que je reproche à Zola : alors qu'il écrit après Flaubert, qu'il a lu et fréquenté, ses préoccupations strictement littéraires (je ne parle pas de ses préoccupations sociales - quoiqu'il y ait aussi à dire sur le sujet) restent au fond relativement archaïques. Huysmans, qui commence aussi par le naturalisme, a un parcours à mes yeux plus intéressant.
Pas d'accord là encore:
1. Le naturalisme ne peut pas être réduit à celui, pseudo-scientifique, du dernier tome des Rougon-Macquart.
2. Le fait que la comparaison entre l'épopée et le naturalisme soit subjective ne pose pas de problèmes dans la mesure où c'est Zola qui définit le naturalisme. Le seul problème qu'il peut y avoir c'est de remettre en cause certaines idées reçues sur le naturalisme dans l'oeuvre de Zola...
3. Peut-on juger une oeuvre uniquement en regardant les " préoccupations strictement littéraires" de son auteur ? Je pense que non. Après Flaubert (qui était, sauf erreur, bien le seul à remettre en question le sujet) on peut être novateur par ses thèmes, son style, etc... tout en utilisant des formes plus classiques. De même après Joyce, Musil, Hermann Broch, Faulkner, Robbe-grillet, Perec, etc... les écrivains qui sont revenus à des formes narratives plus traditionnelles ne sont donc pas tous bon à jeter à la poubelle...
La trajectoire littéraire de Flaubert est elle-même très intéressante. Bergounioux en parle admirablement dans "L'invention du présent" :
"Au lieu d'installer au foyer du récit de brillantes pacotilles dont se moquent des gens occupés de leurs comptes d'exploitation, accessoirement d'honneurs et de distinctions, c'est d'eux qu'il leur parle. Dans Madame Bovary, il va dire, décrire cela même qu'il exècre pour en avoir été spolié et dominé : la réalité.
Il l'avait effleurée ici et là, dans les œuvres de jeunesse. [...]Mais le temps a passé. Il a pris la mesure de ce qu'il est : rien. Et c'est à la lumière de ce rien qu'il va montrer le monde. C'est alors qu'il trouve la voix sans timbre, le ton mat qui n'appartiennent qu'à lui, la clarté morte, d'éclipse, où baignera tout ce qu'il écrira par la suite." (p.11)
Plus loin :
"Lorsque, d'aventure, l'idée que nous nous faisons de nous-mêmes ne trouve plus d'écho extérieur, que le pour soi et le pour autrui ont cessé d'à peu près coïncider et qu'on le sait, alors on n'est plus qu'un cadavre qui marche. Flaubert entreprend de dire le monde sous le jour entièrement désenchanté, blême où il lui apparaît. C'est une opération sans exemple ni précédent en littérature. Elle est difficile, folle si la folie est solitude, rupture avec le sens commun, l'altérité, l'illusion partagée que l'on qualifie de réalité. Mais elle est aussi supérieurement raisonnable en ce qu'elle somme la réalité de produire ses axiomes et ses fins, et de les justifier, si elle le peut." (p.12-13)
"Au lieu d'installer au foyer du récit de brillantes pacotilles dont se moquent des gens occupés de leurs comptes d'exploitation, accessoirement d'honneurs et de distinctions, c'est d'eux qu'il leur parle. Dans Madame Bovary, il va dire, décrire cela même qu'il exècre pour en avoir été spolié et dominé : la réalité.
Il l'avait effleurée ici et là, dans les œuvres de jeunesse. [...]Mais le temps a passé. Il a pris la mesure de ce qu'il est : rien. Et c'est à la lumière de ce rien qu'il va montrer le monde. C'est alors qu'il trouve la voix sans timbre, le ton mat qui n'appartiennent qu'à lui, la clarté morte, d'éclipse, où baignera tout ce qu'il écrira par la suite." (p.11)
Plus loin :
"Lorsque, d'aventure, l'idée que nous nous faisons de nous-mêmes ne trouve plus d'écho extérieur, que le pour soi et le pour autrui ont cessé d'à peu près coïncider et qu'on le sait, alors on n'est plus qu'un cadavre qui marche. Flaubert entreprend de dire le monde sous le jour entièrement désenchanté, blême où il lui apparaît. C'est une opération sans exemple ni précédent en littérature. Elle est difficile, folle si la folie est solitude, rupture avec le sens commun, l'altérité, l'illusion partagée que l'on qualifie de réalité. Mais elle est aussi supérieurement raisonnable en ce qu'elle somme la réalité de produire ses axiomes et ses fins, et de les justifier, si elle le peut." (p.12-13)
La trajectoire littéraire de Flaubert est elle-même très intéressante. Bergounioux en parle admirablement dans "L'invention du présent" :
"Au lieu d'installer au foyer du récit de brillantes pacotilles dont se moquent des gens occupés de leurs comptes d'exploitation, accessoirement d'honneurs et de distinctions, c'est d'eux qu'il leur parle. Dans Madame Bovary, il va dire, décrire cela même qu'il exècre pour en avoir été spolié et dominé : la réalité.
Il l'avait effleurée ici et là, dans les œuvres de jeunesse. [...]Mais le temps a passé. Il a pris la mesure de ce qu'il est : rien. Et c'est à la lumière de ce rien qu'il va montrer le monde. C'est alors qu'il trouve la voix sans timbre, le ton mat qui n'appartiennent qu'à lui, la clarté morte, d'éclipse, où baignera tout ce qu'il écrira par la suite." (p.11)
Plus loin :
"Lorsque, d'aventure, l'idée que nous nous faisons de nous-mêmes ne trouve plus d'écho extérieur, que le pour soi et le pour autrui ont cessé d'à peu près coïncider et qu'on le sait, alors on n'est plus qu'un cadavre qui marche. Flaubert entreprend de dire le monde sous le jour entièrement désenchanté, blême où il lui apparaît. C'est une opération sans exemple ni précédent en littérature. Elle est difficile, folle si la folie est solitude, rupture avec le sens commun, l'altérité, l'illusion partagée que l'on qualifie de réalité. Mais elle est aussi supérieurement raisonnable en ce qu'elle somme la réalité de produire ses axiomes et ses fins, et de les justifier, si elle le peut." (p.12-13)
Très juste et très éclairant en effet.
Un peu avant, Bergounioux met en exergue des éléments biographiques (entre autres, évidemment) à l'origine de cette rupture - ce qui distingue Flaubert de Zola.
Un peu avant, Bergounioux met en exergue des éléments biographiques (entre autres, évidemment) à l'origine de cette rupture - ce qui distingue Flaubert de Zola.
Ça donne envie... Je vais me procurer le livre de Bergounioux, merci Palorel !
Zola n'est pas du tout, à mes yeux, un auteur "bon à jeter à la poubelle", loin de là ; d'ailleurs je l'ai lu avec pas mal de plaisir (et un soupçon d'agacement de temps en temps). Je n'ai simplement pas le sentiment que c'est un créateur de la trempe de Flaubert, ou de Stendhal.
Concernant Flaubert, je ne dirai pas mieux que Bergounioux ; merci Pal pour la référence.
Concernant Flaubert, je ne dirai pas mieux que Bergounioux ; merci Pal pour la référence.
Un article où il reprend des idées (voire davantage) similaires est disponible ici. Mais "L'invention du présent est un livre très précieux.
http://flaubert.univ-rouen.fr/revue/revue2/…
http://flaubert.univ-rouen.fr/revue/revue2/…
Zola n'est pas du tout, à mes yeux, un auteur "bon à jeter à la poubelle", loin de là ; d'ailleurs je l'ai lu avec pas mal de plaisir (et un soupçon d'agacement de temps en temps). Je n'ai simplement pas le sentiment que c'est un créateur de la trempe de Flaubert, ou de Stendhal.
Effectivement Feint, l'expression était un peu forte... Pour le reste, la notion de "créateur" peut être discutée même si globalement je suis d'accord avec toi quand tu considères Flaubert comme étant plus majeur que Zola...
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