Ah ce Lamartine "Ô temps suspend ton vol"!!:-)
Désarroi
De gaieté en gaieté
J’ai contrefait ma joie
De tristesse en tristesse
J’ai camouflé ma peine
De saison en saison
J’ai galvaudé le temps
De raison en raison
J’ai nié l’évident
De silence en silence
J’ai parlé sans rien dire
De méfiance en méfiance
J’ai douté sans finir
De rancoeur en rancoeur
J’ai brisé l’essentiel
De pensée en pensée
J’ai flétri sans appel
De reproche en reproche
J’ai pétrifié les jours
Et puis de proche en proche
J’ai détruit tout amour…
De pleurs en espérances
J’ai conjuré le sort
De regrets en souffrances
J’ai torturé mon corps
Las…
De nuage en nuage
J’ai construit ma maison
Et d’un seul coup d’orage…
Esther Granek ("Je cours après mon ombre ")
De gaieté en gaieté
J’ai contrefait ma joie
De tristesse en tristesse
J’ai camouflé ma peine
De saison en saison
J’ai galvaudé le temps
De raison en raison
J’ai nié l’évident
De silence en silence
J’ai parlé sans rien dire
De méfiance en méfiance
J’ai douté sans finir
De rancoeur en rancoeur
J’ai brisé l’essentiel
De pensée en pensée
J’ai flétri sans appel
De reproche en reproche
J’ai pétrifié les jours
Et puis de proche en proche
J’ai détruit tout amour…
De pleurs en espérances
J’ai conjuré le sort
De regrets en souffrances
J’ai torturé mon corps
Las…
De nuage en nuage
J’ai construit ma maison
Et d’un seul coup d’orage…
Esther Granek ("Je cours après mon ombre ")
Cavalcade au dessus des nuages
Hier j’étais le cheval
Aujourd’hui l’édredon
Demain un ciel d’orage au dessus des maisons
Hier c’était la joie
Aujourd’hui le soleil
Demain une aventure, un don, un beau réveil
Hier j’aimais la soie
Aujourd’hui le nylon
Demain une hirondelle au dessus des saisons
Hier une gentiane
Aujourd’hui un cyprès
Demain une pierre de lave que l’on aurait craché
Hier un ouragan
Aujourd’hui c’est l’été
Demain un autre jour et tout repartira
Comme une cavalcade au dessus des nuages
Winston Perez
Hier j’étais le cheval
Aujourd’hui l’édredon
Demain un ciel d’orage au dessus des maisons
Hier c’était la joie
Aujourd’hui le soleil
Demain une aventure, un don, un beau réveil
Hier j’aimais la soie
Aujourd’hui le nylon
Demain une hirondelle au dessus des saisons
Hier une gentiane
Aujourd’hui un cyprès
Demain une pierre de lave que l’on aurait craché
Hier un ouragan
Aujourd’hui c’est l’été
Demain un autre jour et tout repartira
Comme une cavalcade au dessus des nuages
Winston Perez
L’espérance
J’ai ancré l’espérance
Aux racines de la vie
*
Face aux ténèbres
J’ai dressé des clartés
Planté des flambeaux
A la lisière des nuits
*
Des clartés qui persistent
Des flambeaux qui se glissent
Entre ombres et barbaries
*
Des clartés qui renaissent
Des flambeaux qui se dressent
Sans jamais dépérir
*
J’enracine l’espérance
Dans le terreau du cœur
J’adopte toute l’espérance
En son esprit frondeur.
Andrée Chedid
J’ai ancré l’espérance
Aux racines de la vie
*
Face aux ténèbres
J’ai dressé des clartés
Planté des flambeaux
A la lisière des nuits
*
Des clartés qui persistent
Des flambeaux qui se glissent
Entre ombres et barbaries
*
Des clartés qui renaissent
Des flambeaux qui se dressent
Sans jamais dépérir
*
J’enracine l’espérance
Dans le terreau du cœur
J’adopte toute l’espérance
En son esprit frondeur.
Andrée Chedid
Très beau.
Vers la mer...
Comme des objets frêles,
Les vaisseaux blancs semblent posés
Sur la mer éternelle.
Le vent futile et pur n’est que baisers ;
Et les écumes,
Qui doucement échouent
Contre les proues,
Ne sont que plumes ;
Il fait dimanche sur la mer !
Telles des dames
Passent, au ciel ou vers les plages,
Voilures et nuages :
Il fait dimanche sur la mer ;
Et l’on voit luire, au loin, des rames,
Barres de prismes sur la mer.
Fier de moi-même et de cette heure
Qui scintillait en grappes de joyaux
Translucides sur l’eau,
J’ai crié vêrs l’espace et sa splendeur :
» Ô mer de luxe frais et de moires fleuries,
Où le mouvant et vaste été
Marie
Sa force à la douceur et la limpidité ;
Mer de clarté et de conquête,
Où voyagent, de crête en crête,
Sur les vagues qu’elles irisent,
Les brises ;
Mer de beauté sonore et de vives merveilles,
Dont la rumeur bruit à mes oreilles
Depuis qu’enfant j’imaginais les grèves bleues
Où l’Ourse et le Centaure et le Lion des cieux
Venaient boire, le soir,
Là-bas, très loin, à l’autre bout du monde ;
Ô mer, qui fus ma jeunesse cabrée,
Ainsi que tes marées
Vers les dunes aux mille crêtes,
Accueille-moi, ce jour, où les eaux sont en fête !
J’aurai vécu, l’âme élargie,
Sous les visages clairs, profonds, certains
Qui regardent, du haut des horizons lointains,
Surgir, vers leur splendeur, mon énergie.
J’aurai senti les flux
Unanimes des choses
Me charrier en leurs métamorphoses
Et m’emporter, dans leur reflux.
J’aurai vécu le mont, le bois, la terre ;
J’aurai versé le sang des dieux dans mes artères ;
J’aurai brandi, comme un glaive exalté,
Vers mon devoir, ma volonté ;
Et maintenant c’est sur tes bords, ô mer suprême,
Où tout se renouvelle, où tout se reproduit,
Après s’être disjoint, après s’être détruit,
Que je reviens pour qu’on y sème
Cet univers qui fut moi-même.
L’ombre se fait en moi ; l’âge s’étend
Comme une ornière autour du champ
Qui fut ma force en fleur et ma vaillance.
Plus n’est ferme toujours ni hautaine ma lance ;
L’arbre de mon orgueil reverdit moins souvent
Et son feuillage boit moins largement le vent
Qui passe en ouragan sur les forêts humaines. Ô mer,
Je sens tarir les sources, dans mes plaines,
Mais j’ai recours à toi pour l’exalter,
Une fois encor,
Et le grandir et le transfigurer,
Mon corps,
En attendant qu’on t’apporte sa mort,
Pour à jamais la dissoudre en ta vie.
Alors,
Ô mer, tu me perdras en tes furies
De renaissance et de fécondité ;
Tu rouleras en tes ombres et tes lumières
Ma pourriture et ma poussière ;
Tu voileras sous ta beauté
Toute ma cendre et tout mon deuil ;
J’aurai l’immensité des forces pour cercueil
Et leur travail obscur et leur ardeur occulte ;
Mon être entier sera perdu, sera fondu,
Dans le bassin géant de leurs tumultes,
Mais renaîtra, après mille et mille ans,
Vierge et divin, sauvage et clair et frissonnant,
Amas subtil de matière qui pense,
Moment nouveau de conscience,
Flamme nouvelle de clarté,
Dans les yeux d’or de l’immobile éternité ! »
Comme de lumineux tombeaux,
Les vaisseaux blancs semblent posés,
De loin en loin, sur les plaines des eaux.
Le vent subtil n’est que baisers ;
Et les écumes,
Qui doucement échouent
Contre les proues,
Ne sont que plumes :
Il fait dimanche sur la mer !
Emile VERHAEREN
Comme des objets frêles,
Les vaisseaux blancs semblent posés
Sur la mer éternelle.
Le vent futile et pur n’est que baisers ;
Et les écumes,
Qui doucement échouent
Contre les proues,
Ne sont que plumes ;
Il fait dimanche sur la mer !
Telles des dames
Passent, au ciel ou vers les plages,
Voilures et nuages :
Il fait dimanche sur la mer ;
Et l’on voit luire, au loin, des rames,
Barres de prismes sur la mer.
Fier de moi-même et de cette heure
Qui scintillait en grappes de joyaux
Translucides sur l’eau,
J’ai crié vêrs l’espace et sa splendeur :
» Ô mer de luxe frais et de moires fleuries,
Où le mouvant et vaste été
Marie
Sa force à la douceur et la limpidité ;
Mer de clarté et de conquête,
Où voyagent, de crête en crête,
Sur les vagues qu’elles irisent,
Les brises ;
Mer de beauté sonore et de vives merveilles,
Dont la rumeur bruit à mes oreilles
Depuis qu’enfant j’imaginais les grèves bleues
Où l’Ourse et le Centaure et le Lion des cieux
Venaient boire, le soir,
Là-bas, très loin, à l’autre bout du monde ;
Ô mer, qui fus ma jeunesse cabrée,
Ainsi que tes marées
Vers les dunes aux mille crêtes,
Accueille-moi, ce jour, où les eaux sont en fête !
J’aurai vécu, l’âme élargie,
Sous les visages clairs, profonds, certains
Qui regardent, du haut des horizons lointains,
Surgir, vers leur splendeur, mon énergie.
J’aurai senti les flux
Unanimes des choses
Me charrier en leurs métamorphoses
Et m’emporter, dans leur reflux.
J’aurai vécu le mont, le bois, la terre ;
J’aurai versé le sang des dieux dans mes artères ;
J’aurai brandi, comme un glaive exalté,
Vers mon devoir, ma volonté ;
Et maintenant c’est sur tes bords, ô mer suprême,
Où tout se renouvelle, où tout se reproduit,
Après s’être disjoint, après s’être détruit,
Que je reviens pour qu’on y sème
Cet univers qui fut moi-même.
L’ombre se fait en moi ; l’âge s’étend
Comme une ornière autour du champ
Qui fut ma force en fleur et ma vaillance.
Plus n’est ferme toujours ni hautaine ma lance ;
L’arbre de mon orgueil reverdit moins souvent
Et son feuillage boit moins largement le vent
Qui passe en ouragan sur les forêts humaines. Ô mer,
Je sens tarir les sources, dans mes plaines,
Mais j’ai recours à toi pour l’exalter,
Une fois encor,
Et le grandir et le transfigurer,
Mon corps,
En attendant qu’on t’apporte sa mort,
Pour à jamais la dissoudre en ta vie.
Alors,
Ô mer, tu me perdras en tes furies
De renaissance et de fécondité ;
Tu rouleras en tes ombres et tes lumières
Ma pourriture et ma poussière ;
Tu voileras sous ta beauté
Toute ma cendre et tout mon deuil ;
J’aurai l’immensité des forces pour cercueil
Et leur travail obscur et leur ardeur occulte ;
Mon être entier sera perdu, sera fondu,
Dans le bassin géant de leurs tumultes,
Mais renaîtra, après mille et mille ans,
Vierge et divin, sauvage et clair et frissonnant,
Amas subtil de matière qui pense,
Moment nouveau de conscience,
Flamme nouvelle de clarté,
Dans les yeux d’or de l’immobile éternité ! »
Comme de lumineux tombeaux,
Les vaisseaux blancs semblent posés,
De loin en loin, sur les plaines des eaux.
Le vent subtil n’est que baisers ;
Et les écumes,
Qui doucement échouent
Contre les proues,
Ne sont que plumes :
Il fait dimanche sur la mer !
Emile VERHAEREN
Tristesses de la lune
Ce soir, la lune rêve avec plus de paresse ;
Ainsi qu’une beauté, sur de nombreux coussins,
Qui d’une main distraite et légère caresse
Avant de s’endormir le contour de ses seins,
Sur le dos satiné des molles avalanches,
Mourante, elle se livre aux longues pâmoisons,
Et promène ses yeux sur les visions blanches
Qui montent dans l’azur comme des floraisons.
Quand parfois sur ce globe, en sa langueur oisive,
Elle laisse filer une larme furtive,
Un poète pieux, ennemi du sommeil,
Dans le creux de sa main prend cette larme pâle,
Aux reflets irisés comme un fragment d’opale,
Et la met dans son coeur loin des yeux du soleil.
Charles BAUDELAIRE
Ce soir, la lune rêve avec plus de paresse ;
Ainsi qu’une beauté, sur de nombreux coussins,
Qui d’une main distraite et légère caresse
Avant de s’endormir le contour de ses seins,
Sur le dos satiné des molles avalanches,
Mourante, elle se livre aux longues pâmoisons,
Et promène ses yeux sur les visions blanches
Qui montent dans l’azur comme des floraisons.
Quand parfois sur ce globe, en sa langueur oisive,
Elle laisse filer une larme furtive,
Un poète pieux, ennemi du sommeil,
Dans le creux de sa main prend cette larme pâle,
Aux reflets irisés comme un fragment d’opale,
Et la met dans son coeur loin des yeux du soleil.
Charles BAUDELAIRE
J'ai grimpé
"j'ai grimpé le plus haut que j'ai pu et n'ai pas trouvé la hauteur
_où est-elle donc l'altitude?_"
"Monte, nous a-on dit, grimpe" nous a-t-on dit
Et j'ai senti soudain que se glaçait la vie
Elle quittait ses feuilles ses voix et ses chansons
Elle se retitait sous le vent
Sous l'âpre vent joyeux des vérités hostiles...
Mais où est-elle donc l'altitude?
"Il faut nous élever au-dessus de nous-mêmes!"
Et j'ai grimpé plus haut que moi
Plus haut que la maison la mère et que la femme
dont le ventre était chaud
J'ai quitté la rivière aux poissons la terre arable
la lumière sale et grasse accrochée dans le peigne des jours
Quitté les souvenirs la jeunesse instruments de musique
Un instant j'ai marché sur la tête des hommes
plus haut, plus haut encore il fallait que je monte
afin de dépouiller mon sang
Je n'aurais jamais cru que la barbe des Sages
était si dure à traverser
C'étaient des fils de fer barbelés ils mordaient jusqu'au sang
"Plus haut, plus haut encore!"
J'ai quitté ma chemise et j'ai marché tout nu
Les pieds ensanglantés par les torrents de pierre
Les paroles se raréfiaient
Les biches de la neige se couchaient dans les mains
Les grands oiseaux du froid me prenaientpour une lampe
Ils cognaient sur ma peau
Mais le feu traversait ma fatigue ilcriait :
"IL FAUT NOUS ELEVER AU-DESSUS DE NOUS-MÊMES!"
L'espace devenait plus maigre
Le lait des pierres était tari
La solitude avait des engelures
Mais quelquefois le gouffre prenait la voix d'un ange
il criait au secours :
"Plus haut, plus haut que l'homme!"
Et cette solitude me donnait la nausée
La terre n'avait plus d'odeur
Le sang me jaillissait du nez
la volonté avait des cors à ses orteils
_Où est-elle l'altitude?"
Dites-moi : où est-elle ? sur quelle absence?
Sur quelle blessures écoeurantes?
Quel est _dites-le-moi_ le sang dont vous avez
une soif perdurable?
Quel cri voulez-vous donc que je crie?
Sous quel antipode insensible?
Et qui, qui êtes-vous, figures inhumaines
De sel de pierre d'air de sable de tourment
Qui haïssez les feuilles les voix et le chansons?
_Figures sans visages.
Ce ne sont pas pourtant des visions d'insomnie...
Je veux : les îles sont en marche
Je veux : voici le sang ancien restitué
Les villes et leurs bannières
Je veux : voici le pain quotidien qui pousse
sur mon commandement
Dans les antiques lois et les terres en friche
Je fais sortir du blé dans les vieux arbres morts
des roses dans les vieilles bibles...
Oh, l'homme beau sur tout cela
L'homme puissant et qui décide et qui peut tout
_ Un homme, pas un songe
_ Un homme, pas une voix éraillée
_ Un homme sans genoux, qui chante
et que rien ne peut balayer de la terre
_ pendant qu'il chante_
Comme une feuille morte en la saison des loups"
Benjamin Fondane (France,1898-Auschwitz,1944) dans "Poésie I, n°55-61"
"j'ai grimpé le plus haut que j'ai pu et n'ai pas trouvé la hauteur
_où est-elle donc l'altitude?_"
"Monte, nous a-on dit, grimpe" nous a-t-on dit
Et j'ai senti soudain que se glaçait la vie
Elle quittait ses feuilles ses voix et ses chansons
Elle se retitait sous le vent
Sous l'âpre vent joyeux des vérités hostiles...
Mais où est-elle donc l'altitude?
"Il faut nous élever au-dessus de nous-mêmes!"
Et j'ai grimpé plus haut que moi
Plus haut que la maison la mère et que la femme
dont le ventre était chaud
J'ai quitté la rivière aux poissons la terre arable
la lumière sale et grasse accrochée dans le peigne des jours
Quitté les souvenirs la jeunesse instruments de musique
Un instant j'ai marché sur la tête des hommes
plus haut, plus haut encore il fallait que je monte
afin de dépouiller mon sang
Je n'aurais jamais cru que la barbe des Sages
était si dure à traverser
C'étaient des fils de fer barbelés ils mordaient jusqu'au sang
"Plus haut, plus haut encore!"
J'ai quitté ma chemise et j'ai marché tout nu
Les pieds ensanglantés par les torrents de pierre
Les paroles se raréfiaient
Les biches de la neige se couchaient dans les mains
Les grands oiseaux du froid me prenaientpour une lampe
Ils cognaient sur ma peau
Mais le feu traversait ma fatigue ilcriait :
"IL FAUT NOUS ELEVER AU-DESSUS DE NOUS-MÊMES!"
L'espace devenait plus maigre
Le lait des pierres était tari
La solitude avait des engelures
Mais quelquefois le gouffre prenait la voix d'un ange
il criait au secours :
"Plus haut, plus haut que l'homme!"
Et cette solitude me donnait la nausée
La terre n'avait plus d'odeur
Le sang me jaillissait du nez
la volonté avait des cors à ses orteils
_Où est-elle l'altitude?"
Dites-moi : où est-elle ? sur quelle absence?
Sur quelle blessures écoeurantes?
Quel est _dites-le-moi_ le sang dont vous avez
une soif perdurable?
Quel cri voulez-vous donc que je crie?
Sous quel antipode insensible?
Et qui, qui êtes-vous, figures inhumaines
De sel de pierre d'air de sable de tourment
Qui haïssez les feuilles les voix et le chansons?
_Figures sans visages.
Ce ne sont pas pourtant des visions d'insomnie...
Je veux : les îles sont en marche
Je veux : voici le sang ancien restitué
Les villes et leurs bannières
Je veux : voici le pain quotidien qui pousse
sur mon commandement
Dans les antiques lois et les terres en friche
Je fais sortir du blé dans les vieux arbres morts
des roses dans les vieilles bibles...
Oh, l'homme beau sur tout cela
L'homme puissant et qui décide et qui peut tout
_ Un homme, pas un songe
_ Un homme, pas une voix éraillée
_ Un homme sans genoux, qui chante
et que rien ne peut balayer de la terre
_ pendant qu'il chante_
Comme une feuille morte en la saison des loups"
Benjamin Fondane (France,1898-Auschwitz,1944) dans "Poésie I, n°55-61"
L’HOMME FATIGUE
Un homme brun hier soir
A pleuré sur mes mains
M’a ouvert sa mémoire
Tout en m’offrant demain…
Cet homme avait si peur
Le temps coulait entre ses doigts
Sans qu’il puisse en retenir le bonheur
Qu’il voulait modeler pour moi…
E t c’est moi qui ai pris
Son visage dans mes mains
Et c’est moi qui ai dit
Les mots qui font du bien…
Et cet homme fatigué
De lutter à contre vent
A posé son épée
Pour oublier un instant
La torture du temps.
Yvette VASSEUR
Un homme brun hier soir
A pleuré sur mes mains
M’a ouvert sa mémoire
Tout en m’offrant demain…
Cet homme avait si peur
Le temps coulait entre ses doigts
Sans qu’il puisse en retenir le bonheur
Qu’il voulait modeler pour moi…
E t c’est moi qui ai pris
Son visage dans mes mains
Et c’est moi qui ai dit
Les mots qui font du bien…
Et cet homme fatigué
De lutter à contre vent
A posé son épée
Pour oublier un instant
La torture du temps.
Yvette VASSEUR
O Captain! My Captain!
O Captain! My Captain! our fearful trip is done;
The ship has weather'd every rack, the prize we sought is won;
The port is near, the bells I hear, the people all exulting,
While follow eyes the steady keel, the vessel grim and daring
But O heart! heart! heart!
O the bleeding drops of red,
Where on the deck my Captain lies,
Fallen cold and dead.
O Captain! My Captain! rise up and hear the bells;
Rise up-for you the flag is flung-for you the bugle trills;
For you bouquets and ribbon'd wreaths-for you the shores a-crowding;
For you they call, the swaying mass, their eager faces turning
Here Captain! dear father!
This arm beneath your head;
It is some dream that on the deck,
You've fallen cold and dead.
My Captain does not answer, his lips are pale and still;
My father does not feel my arm, he has no pulse nor will;
The ship is anchor'd safe and sound, its voyage closed and done;
From fearful trip the victor ship comes in with object won
Exult, O shores, and ring, O bells!
But I with mournful tread,
Walk the deck my Captain lies,
Fallen cold and dead.
Ô Capitaine ! mon Capitaine !
Ô Capitaine ! mon Capitaine ! fini notre effrayant voyage,
Le bateau a tous écueils franchis, le prix que nous quêtions est gagné,
Proche est le port, j'entends les cloches, tout le monde qui exulte,
En suivant des yeux la ferme carène, l'audacieux et farouche navire ;
Mais ô cœur ! cœur ! cœur !
Oh ! les gouttes rouges qui lentement tombent
Sur le pont où gît mon Capitaine,
Etendu mort et glacé.
Ô Capitaine ! mon Capitaine ! lève-toi et entends les cloches !
Lève-toi - c'est pour toi le drapeau hissé - pour toi le clairon vibrant,
Pour toi bouquets et couronnes enrubannés - pour toi les rives noires de monde,
Toi qu'appelle leur masse mouvante aux faces ardentes tournées vers toi ;
Tiens, Capitaine ! père chéri !
Je passe mon bras sous ta tête !
C'est quelque rêve que sur le pont,
Tu es étendu mort et glacé.
Mon Capitaine ne répond pas, pâles et immobiles sont ses lèvres,
Mon père ne sent pas mon bras, il n'a ni pulsation ni vouloir,
Le bateau sain et sauf est à l'ancre, sa traversée conclue et finie,
De l'effrayant voyage le bateau rentre vainqueur, but gagné ;
Ô rives, Exultez, et sonnez, ô cloches !
Mais moi d'un pas accablé,
Je foule le pont où gît mon Capitaine,
Étendu mort et glacé.
Walt Whitman
O Captain! My Captain! our fearful trip is done;
The ship has weather'd every rack, the prize we sought is won;
The port is near, the bells I hear, the people all exulting,
While follow eyes the steady keel, the vessel grim and daring
But O heart! heart! heart!
O the bleeding drops of red,
Where on the deck my Captain lies,
Fallen cold and dead.
O Captain! My Captain! rise up and hear the bells;
Rise up-for you the flag is flung-for you the bugle trills;
For you bouquets and ribbon'd wreaths-for you the shores a-crowding;
For you they call, the swaying mass, their eager faces turning
Here Captain! dear father!
This arm beneath your head;
It is some dream that on the deck,
You've fallen cold and dead.
My Captain does not answer, his lips are pale and still;
My father does not feel my arm, he has no pulse nor will;
The ship is anchor'd safe and sound, its voyage closed and done;
From fearful trip the victor ship comes in with object won
Exult, O shores, and ring, O bells!
But I with mournful tread,
Walk the deck my Captain lies,
Fallen cold and dead.
Ô Capitaine ! mon Capitaine !
Ô Capitaine ! mon Capitaine ! fini notre effrayant voyage,
Le bateau a tous écueils franchis, le prix que nous quêtions est gagné,
Proche est le port, j'entends les cloches, tout le monde qui exulte,
En suivant des yeux la ferme carène, l'audacieux et farouche navire ;
Mais ô cœur ! cœur ! cœur !
Oh ! les gouttes rouges qui lentement tombent
Sur le pont où gît mon Capitaine,
Etendu mort et glacé.
Ô Capitaine ! mon Capitaine ! lève-toi et entends les cloches !
Lève-toi - c'est pour toi le drapeau hissé - pour toi le clairon vibrant,
Pour toi bouquets et couronnes enrubannés - pour toi les rives noires de monde,
Toi qu'appelle leur masse mouvante aux faces ardentes tournées vers toi ;
Tiens, Capitaine ! père chéri !
Je passe mon bras sous ta tête !
C'est quelque rêve que sur le pont,
Tu es étendu mort et glacé.
Mon Capitaine ne répond pas, pâles et immobiles sont ses lèvres,
Mon père ne sent pas mon bras, il n'a ni pulsation ni vouloir,
Le bateau sain et sauf est à l'ancre, sa traversée conclue et finie,
De l'effrayant voyage le bateau rentre vainqueur, but gagné ;
Ô rives, Exultez, et sonnez, ô cloches !
Mais moi d'un pas accablé,
Je foule le pont où gît mon Capitaine,
Étendu mort et glacé.
Walt Whitman
De l'effrayant voyage le bateau rentre vainqueur, but gagné ;
A quoi sert de gagner sans son capitaine!
C'est beau, ça en dit long sur "notre" voyage....
CLOWN
Un jour,
Un jour, bientôt peut-être,
Un jour j'arracherai l'ancre qui tient mon navire loin des mers
Avec la sorte de courage qu'il faut pour être rien et rien que rien.
Je lâcherai ce qui paraissait m'être indissolublement proche.
Je le trancherai, je le renverserai, je le romprai, je le ferai dégringoler.
D'un coup dégorgeant ma misérable pudeur, mes misérables combinaisons et enchaînements "de fil en aiguille"
Vide de l'abcès d'être quelqu'un, je boirai à nouveau l'espace nourricier.
A coups de ridicule, de déchéances (qu'est-ce que la déchéance?), par éclatement.
Par vide, par une totale dissipation-dérision-purgation, j'expulserai de moi la forme qu'on croyait si bien attachée, composée, coordonnée, assortie à mon entourage
Et à mes semblables, si dignes, si dignes mes semblables.
Réduit à une humilité de catastrophe, à un nivellement parfait comme après une immense trouille.
Ramené au-dessous de toute mesure à mon rang réel, au rang infime que je ne sais quelle idée-ambition m'avait fait déserter.
Anéanti quant à la hauteur, quant à l'estime.
Perdu en un endroit lointain (ou même pas), sans nom, sans identité.
CLOWN, abattant dans la risée, dans l'esclaffement, dans le grotesque, le sens que toute lumière je m'étais fait de mon importance.
Je plongerai.
Sans bourse dans l'infini-esprit sous-jacent ouvert à tous, ouvert moi-même à une nouvelle et incroyable rosée.
A force d'être nul
Et ras
Et risible...
Henri MICHAUX
(pour dire sans paroles,Piero...)
Un jour,
Un jour, bientôt peut-être,
Un jour j'arracherai l'ancre qui tient mon navire loin des mers
Avec la sorte de courage qu'il faut pour être rien et rien que rien.
Je lâcherai ce qui paraissait m'être indissolublement proche.
Je le trancherai, je le renverserai, je le romprai, je le ferai dégringoler.
D'un coup dégorgeant ma misérable pudeur, mes misérables combinaisons et enchaînements "de fil en aiguille"
Vide de l'abcès d'être quelqu'un, je boirai à nouveau l'espace nourricier.
A coups de ridicule, de déchéances (qu'est-ce que la déchéance?), par éclatement.
Par vide, par une totale dissipation-dérision-purgation, j'expulserai de moi la forme qu'on croyait si bien attachée, composée, coordonnée, assortie à mon entourage
Et à mes semblables, si dignes, si dignes mes semblables.
Réduit à une humilité de catastrophe, à un nivellement parfait comme après une immense trouille.
Ramené au-dessous de toute mesure à mon rang réel, au rang infime que je ne sais quelle idée-ambition m'avait fait déserter.
Anéanti quant à la hauteur, quant à l'estime.
Perdu en un endroit lointain (ou même pas), sans nom, sans identité.
CLOWN, abattant dans la risée, dans l'esclaffement, dans le grotesque, le sens que toute lumière je m'étais fait de mon importance.
Je plongerai.
Sans bourse dans l'infini-esprit sous-jacent ouvert à tous, ouvert moi-même à une nouvelle et incroyable rosée.
A force d'être nul
Et ras
Et risible...
Henri MICHAUX
(pour dire sans paroles,Piero...)
Très fort, bouleversant! désespérant? Je veux croire à cette "incroyable rosée"!
Très fort, bouleversant! désespérant? Je veux croire à cette "incroyable rosée"!
Bien sûr,Piero: parce qu'au fond ,c'est aux fleurs de la rosée qu"il faut croire,à l'ultime rosée infime et intime qui demeure et à la puissance fertile de chacune de ses goutelettes.
C'est très beau ce que tu dis Laventurière!!! Je ne pourrai m'empêcher de penser à toi à chaque rosée du matin avec toutes ces goutelettes d'espoir!
NOCTURNE
Le ciel s'éteint, tout va dormir
Je songe à des choses passées ;
C'est à la fois peine et plaisir.
La veilleuse du souvenir
S'allume au fond de mes pensées.
J'entends des pas, j'entends des voix,
Des pas furtifs, des voix lointaines
C'est peine et plaisir à la fois.
On dirait le frisson des bois
Sur le coeur tremblant des fontaines.
Des formes traversent la nuit,
Formes noires et formes blanches...
Où vont-ils et qui les conduit,
Ces passants qui passent sans bruit,
Comme la lune entre les branches ?
Le vent d'une ombre m'a frôlé...
Fantôme d'enfant ou de Femme ?
Sur la veilleuse il a soufflé
Quelque chose d'inconsolé
S'est mis à pleurer dans mon âme.
Anatole Le Braz
Le ciel s'éteint, tout va dormir
Je songe à des choses passées ;
C'est à la fois peine et plaisir.
La veilleuse du souvenir
S'allume au fond de mes pensées.
J'entends des pas, j'entends des voix,
Des pas furtifs, des voix lointaines
C'est peine et plaisir à la fois.
On dirait le frisson des bois
Sur le coeur tremblant des fontaines.
Des formes traversent la nuit,
Formes noires et formes blanches...
Où vont-ils et qui les conduit,
Ces passants qui passent sans bruit,
Comme la lune entre les branches ?
Le vent d'une ombre m'a frôlé...
Fantôme d'enfant ou de Femme ?
Sur la veilleuse il a soufflé
Quelque chose d'inconsolé
S'est mis à pleurer dans mon âme.
Anatole Le Braz
ADIEU
Oui, j’ai quitté ce port tranquille,
Ce port si longtemps appelé,
Où loin des ennuis de la ville,
Dans un loisir doux et facile,
Sans bruit mes jours auraient coulé.
J’ai quitté l’obscure vallée,
Le toit champêtre d’un ami ;
Loin des bocages de Bissy,
Ma muse, à regret exilée,
S’éloigne triste et désolée
Du séjour qu’elle avait choisi.
Nous n’irons plus dans les prairies,
Au premier rayon du matin,
Egarer, d’un pas incertain,
Nos poétiques rêveries.
Nous ne verrons plus le soleil,
Du haut des cimes d’Italie
Précipitant son char vermeil,
Semblable au père de la vie,
Rendre à la nature assoupie
Le premier éclat du réveil.
Nous ne goûterons plus votre ombre,
Vieux pins, l’honneur de ces forêts,
Vous n’entendrez plus nos secrets ;
Sous cette grotte humide et sombre
Nous ne chercherons plus le frais,
Et le soir, au temple rustique,
Quand la cloche mélancolique
Appellera tout le hameau,
Nous n’irons plus, à la prière,
Nous courber sur la simple pierre
Qui couvre un rustique tombeau.
Adieu, vallons; adieu, bocages ;
Lac azuré, rochers sauvages,
Bois touffus, tranquille séjour,
Séjour des heureux et des sages,
Je vous ai quittés sans retour.
Déjà ma barque fugitive
Au souffle des zéphyrs trompeurs,
S’éloigne à regret de la rive
Que n’offraient des dieux protecteurs.
J’affronte de nouveaux orages ;
Sans doute à de nouveaux naufrages
Mon frêle esquif est dévoué ,
Et pourtant à la fleur de l’âge,
Sur quels écueils, sur quels rivages
N’ai-je déjà pas échoué ?
Mais d’une plainte téméraire
Pourquoi fatiguer le destin ?
A peine au milieu du chemin,
Faut-il regarder en arrière ?
Mes lèvres à peine ont. goûté
Le calice amer de la vie,
Loin de moi je l’ai rejeté ;
Mais l’arrêt cruel est porté,
Il faut boire jusqu’à la lie !
Lorsque mes pas auront franchi
Les deux tiers de notre carrière,
Sous le poids d’une vie entière
Quand mes cheveux auront blanchi,
Je reviendrai du vieux Bissy
Visiter le toit solitaire
Où le ciel me garde un ami.
Dans quelque retraite profonde,
Sous les arbres par lui plantés,
Nous verrons couler comme l’onde
La fin de nos jours agités.
Là, sans crainte et sans espérance,
Sur notre orageuse existence,
Ramenés par le souvenir,
Jetant nos regards en arrière,
Nous mesurerons la carrière,
Qu’il aura fallu parcourir.
Tel un pilote octogénaire,
Du haut d’un rocher solitaire,
Le soir, tranquillement assis,
Laisse au loin égarer sa vue
Et contemple encor l’étendue
Des mers qu’il sillonna jadis.
Alphonse DE LAMARTINE
Alphonse de Lamartine
Oui, j’ai quitté ce port tranquille,
Ce port si longtemps appelé,
Où loin des ennuis de la ville,
Dans un loisir doux et facile,
Sans bruit mes jours auraient coulé.
J’ai quitté l’obscure vallée,
Le toit champêtre d’un ami ;
Loin des bocages de Bissy,
Ma muse, à regret exilée,
S’éloigne triste et désolée
Du séjour qu’elle avait choisi.
Nous n’irons plus dans les prairies,
Au premier rayon du matin,
Egarer, d’un pas incertain,
Nos poétiques rêveries.
Nous ne verrons plus le soleil,
Du haut des cimes d’Italie
Précipitant son char vermeil,
Semblable au père de la vie,
Rendre à la nature assoupie
Le premier éclat du réveil.
Nous ne goûterons plus votre ombre,
Vieux pins, l’honneur de ces forêts,
Vous n’entendrez plus nos secrets ;
Sous cette grotte humide et sombre
Nous ne chercherons plus le frais,
Et le soir, au temple rustique,
Quand la cloche mélancolique
Appellera tout le hameau,
Nous n’irons plus, à la prière,
Nous courber sur la simple pierre
Qui couvre un rustique tombeau.
Adieu, vallons; adieu, bocages ;
Lac azuré, rochers sauvages,
Bois touffus, tranquille séjour,
Séjour des heureux et des sages,
Je vous ai quittés sans retour.
Déjà ma barque fugitive
Au souffle des zéphyrs trompeurs,
S’éloigne à regret de la rive
Que n’offraient des dieux protecteurs.
J’affronte de nouveaux orages ;
Sans doute à de nouveaux naufrages
Mon frêle esquif est dévoué ,
Et pourtant à la fleur de l’âge,
Sur quels écueils, sur quels rivages
N’ai-je déjà pas échoué ?
Mais d’une plainte téméraire
Pourquoi fatiguer le destin ?
A peine au milieu du chemin,
Faut-il regarder en arrière ?
Mes lèvres à peine ont. goûté
Le calice amer de la vie,
Loin de moi je l’ai rejeté ;
Mais l’arrêt cruel est porté,
Il faut boire jusqu’à la lie !
Lorsque mes pas auront franchi
Les deux tiers de notre carrière,
Sous le poids d’une vie entière
Quand mes cheveux auront blanchi,
Je reviendrai du vieux Bissy
Visiter le toit solitaire
Où le ciel me garde un ami.
Dans quelque retraite profonde,
Sous les arbres par lui plantés,
Nous verrons couler comme l’onde
La fin de nos jours agités.
Là, sans crainte et sans espérance,
Sur notre orageuse existence,
Ramenés par le souvenir,
Jetant nos regards en arrière,
Nous mesurerons la carrière,
Qu’il aura fallu parcourir.
Tel un pilote octogénaire,
Du haut d’un rocher solitaire,
Le soir, tranquillement assis,
Laisse au loin égarer sa vue
Et contemple encor l’étendue
Des mers qu’il sillonna jadis.
Alphonse DE LAMARTINE
Alphonse de Lamartine
Far-niente
Quand je n’ai rien à faire, et qu’à peine un nuage
Dans les champs bleus du ciel, flocon de laine, nage,
J’aime à m’écouter vivre, et, libre de soucis,
Loin des chemins poudreux, à demeurer assis
Sur un moelleux tapis de fougère et de mousse,
Au bord des bois touffus où la chaleur s’émousse.
Là, pour tuer le temps, j’observe la fourmi
Qui, pensant au retour de l’hiver ennemi,
Pour son grenier dérobe un grain d’orge à la gerbe,
Le puceron qui grimpe et se pende au brin d’herbe,
La chenille traînant ses anneaux veloutés,
La limace baveuse aux sillons argentés,
Et le frais papillon qui de fleurs en fleurs vole.
Ensuite je regarde, amusement frivole,
La lumière brisant dans chacun de mes cils,
Palissade opposée à ses rayons subtils,
Les sept couleurs du prisme, ou le duvet qui flotte
En l’air, comme sur l’onde un vaisseau sans pilote ;
Et lorsque je suis las je me laisse endormir,
Au murmure de l’eau qu’un caillou fait gémir,
Ou j’écoute chanter près de moi la fauvette,
Et là-haut dans l’azur gazouiller l’alouette.
Théophile GAUTIER
Quand je n’ai rien à faire, et qu’à peine un nuage
Dans les champs bleus du ciel, flocon de laine, nage,
J’aime à m’écouter vivre, et, libre de soucis,
Loin des chemins poudreux, à demeurer assis
Sur un moelleux tapis de fougère et de mousse,
Au bord des bois touffus où la chaleur s’émousse.
Là, pour tuer le temps, j’observe la fourmi
Qui, pensant au retour de l’hiver ennemi,
Pour son grenier dérobe un grain d’orge à la gerbe,
Le puceron qui grimpe et se pende au brin d’herbe,
La chenille traînant ses anneaux veloutés,
La limace baveuse aux sillons argentés,
Et le frais papillon qui de fleurs en fleurs vole.
Ensuite je regarde, amusement frivole,
La lumière brisant dans chacun de mes cils,
Palissade opposée à ses rayons subtils,
Les sept couleurs du prisme, ou le duvet qui flotte
En l’air, comme sur l’onde un vaisseau sans pilote ;
Et lorsque je suis las je me laisse endormir,
Au murmure de l’eau qu’un caillou fait gémir,
Ou j’écoute chanter près de moi la fauvette,
Et là-haut dans l’azur gazouiller l’alouette.
Théophile GAUTIER
Au dessus de la mer le nuage bariolé
Sur la mer le bateau d'argent
Au dedans de la mer le poisson jaune
Tout au fond de la mer l'algue mauve
Et devant un homme nu et debout
Se demande
Serai-je le nuage
Ou le bateau?
Serai-je le poisson?
Ou l'algue?
Ni l'un, ni l'autre
Il faut être la mer mon garçon!
Avec son nuage,
Avec son bateau,
Avec son poisson,
Avec son algue.
NAZIM HIKMET
.
Sur la mer le bateau d'argent
Au dedans de la mer le poisson jaune
Tout au fond de la mer l'algue mauve
Et devant un homme nu et debout
Se demande
Serai-je le nuage
Ou le bateau?
Serai-je le poisson?
Ou l'algue?
Ni l'un, ni l'autre
Il faut être la mer mon garçon!
Avec son nuage,
Avec son bateau,
Avec son poisson,
Avec son algue.
NAZIM HIKMET
.
"Il neige dans la nuit" (extrait)
« Les chants des hommes
Sont plus beaux qu'eux-mêmes
Plus lourds d'espoir
Plus tristes
Plus durables…
J'ai toujours compris tous les chants
Rien en ce monde
De tout ce que j'ai pu boire et manger
De tous les pays où j'ai voyagé
De tout ce que j'ai pu voir et entendre
De tout ce que j'ai pu toucher et comprendre
Rien, rien
Ne m'a rendu aussi heureux
Que les chants
Les chants des hommes.
Nazim HIKMET
« Les chants des hommes
Sont plus beaux qu'eux-mêmes
Plus lourds d'espoir
Plus tristes
Plus durables…
J'ai toujours compris tous les chants
Rien en ce monde
De tout ce que j'ai pu boire et manger
De tous les pays où j'ai voyagé
De tout ce que j'ai pu voir et entendre
De tout ce que j'ai pu toucher et comprendre
Rien, rien
Ne m'a rendu aussi heureux
Que les chants
Les chants des hommes.
Nazim HIKMET
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