En fait, c'est le post de Fabienne dans le fuseau sur "les mots que vous aimez" ( http://critiqueslibres.com/i.php/forum/… ) qui m'a remis en mémoire ce très beau sonnet de Louise Labé:
Baise m'encor, rebaise moy et baise :
Donne m'en un de tes plus savoureus,
Donne m'en un de tes plus amoureus :
Je t'en rendray quatre plus chaus que braise.
Las, te pleins tu? ça que ce mal j'apaise,
En t'en donnant dix autres doucereus.
Ainsi meslans nos baisers tant heureus
Jouissons nous l'un de l'autre à notre aise.
Lors double vie à chacun en suivra.
Chacun en soy et son ami vivra.
Permets m'Amour penser quelque folie:
Tousjours suis mal, vivant discrettement,
Et ne puis donner contentement,
Si hors de moy ne fay quelque saillie.
D'où l'idée de créer un nouveau fuseau pour échanger nos poèmes préférés...
Baise m'encor, rebaise moy et baise :
Donne m'en un de tes plus savoureus,
Donne m'en un de tes plus amoureus :
Je t'en rendray quatre plus chaus que braise.
Las, te pleins tu? ça que ce mal j'apaise,
En t'en donnant dix autres doucereus.
Ainsi meslans nos baisers tant heureus
Jouissons nous l'un de l'autre à notre aise.
Lors double vie à chacun en suivra.
Chacun en soy et son ami vivra.
Permets m'Amour penser quelque folie:
Tousjours suis mal, vivant discrettement,
Et ne puis donner contentement,
Si hors de moy ne fay quelque saillie.
D'où l'idée de créer un nouveau fuseau pour échanger nos poèmes préférés...
SOIR D'HIVER
Ah! comme la neige a neigé!
Ma vitre est un jardin de givre.
Ah! comme la neige a neigé!
Qu'est-ce que le spasme de vivre
A la douleur que j'ai, que j'ai.
Tous les étangs gisent gelés,
Mon âme est noire! Où-vis-je? où vais-je?
Tous ses espoirs gisent gelés:
Je suis la nouvelle Norvège
D'où les blonds ciels s'en sont allés.
Pleurez, oiseaux de février,
Au sinistre frisson des choses,
Pleurez oiseaux de février,
Pleurez mes pleurs, pleurez mes roses,
Aux branches du genévrier.
Ah! comme la neige a neigé!
Ma vitre est un jardin de givre.
Ah! comme la neige a neigé!
Qu'est-ce que le spasme de vivre
A tout l'ennui que j'ai, que j'ai...
Ce poème est de Émile Nelligan. Il est mon préféré. C'est beau n'est-ce pas...?
Ah! comme la neige a neigé!
Ma vitre est un jardin de givre.
Ah! comme la neige a neigé!
Qu'est-ce que le spasme de vivre
A la douleur que j'ai, que j'ai.
Tous les étangs gisent gelés,
Mon âme est noire! Où-vis-je? où vais-je?
Tous ses espoirs gisent gelés:
Je suis la nouvelle Norvège
D'où les blonds ciels s'en sont allés.
Pleurez, oiseaux de février,
Au sinistre frisson des choses,
Pleurez oiseaux de février,
Pleurez mes pleurs, pleurez mes roses,
Aux branches du genévrier.
Ah! comme la neige a neigé!
Ma vitre est un jardin de givre.
Ah! comme la neige a neigé!
Qu'est-ce que le spasme de vivre
A tout l'ennui que j'ai, que j'ai...
Ce poème est de Émile Nelligan. Il est mon préféré. C'est beau n'est-ce pas...?
il est plutot pas mal, faudrait le lire aussi les jours ou il fait trés chaud tiens...
J'adore Musset donc voila:
Tristesse
Et mes amis et ma gaieté;
J'ai perdu jusqu'à la fierté
Qui faisait croire à mon génie.
Quand j'ai connu la Vérité,
J'ai cru que c'était une amie;
Quand je l'ai comprise et sentie,
J'en étais déjà dégoûté.
Et pourtant elle est éternelle,
Et ceux qui se sont passés d'elle
Ici-bas ont tout ignoré.
Dieu parle, il faut qu'on lui réponde.
Le seul bien qui me reste au monde
Est d'avoir quelquefois pleuré.
Alfred De Musset (1840)
J'adore Musset donc voila:
Tristesse
Et mes amis et ma gaieté;
J'ai perdu jusqu'à la fierté
Qui faisait croire à mon génie.
Quand j'ai connu la Vérité,
J'ai cru que c'était une amie;
Quand je l'ai comprise et sentie,
J'en étais déjà dégoûté.
Et pourtant elle est éternelle,
Et ceux qui se sont passés d'elle
Ici-bas ont tout ignoré.
Dieu parle, il faut qu'on lui réponde.
Le seul bien qui me reste au monde
Est d'avoir quelquefois pleuré.
Alfred De Musset (1840)
Il y a un papillon mort, une Danaide, sur le trottoir d’Ozona. La brise le pousse par-ci par-là. Ils ont explosés à longueur de journée sur mon pare-brise, laissant des traînées roses et dorées sur le verre. J’en ai vu un tomber verticalement du ciel et s’abîmer sur le goudron de la Route n°10 Est. Ca doit être leur moment de l’année pour mourir.
Sam Shepard, Motel Chronicles
Sam Shepard, Motel Chronicles
Oui, oui, c'est vrai, j'ai vu la mort au travail
et, sans aller chercher la mort, le temps aussi,
tout près de moi, sur moi, j'en donne acte à mes deux yeux,
adjugé! Sur la douleur, on en aurait trop long à dire.
Mais quelque chose n'est pas entamé par ce couteau
ou se referme après son coup comme l'eau derrière la barque.
Philippe Jaccottet, A la lumière d'hiver
et, sans aller chercher la mort, le temps aussi,
tout près de moi, sur moi, j'en donne acte à mes deux yeux,
adjugé! Sur la douleur, on en aurait trop long à dire.
Mais quelque chose n'est pas entamé par ce couteau
ou se referme après son coup comme l'eau derrière la barque.
Philippe Jaccottet, A la lumière d'hiver
Ce poème est de Émile Nelligan. Il est mon préféré. C'est beau n'est-ce pas...?
C'est vrai que c'est très beau :-).
Et c'est un auteur que je ne connais pas du tout... Tu pourrais nous en dire un peu plus à son sujet?
Émile Nelligan est né à Montréal au Québec en 1879. Dépressif et replié sur lui-même, il passe 42 ans à l'asile. Il a écrit toute son oeuvre très jeune.
Son site http://www.emile-nelligan.com/poemes.html
Voici un autre poème que j'aime beaucoup:
LA BELLE MORTE
Ah ! la belle morte, elle repose...
En Éden blanc un ange la pose.
Elle sommeille emmi les pervenches,
Comme en une chapelle aux dimanches.
Ses cheveux sont couleur de la cendre,
Son cercueil, on vient de le descendre.
Et ses beaux yeux verts que la mort fausse
Feront un clair de lune en sa fosse.
Son site http://www.emile-nelligan.com/poemes.html
Voici un autre poème que j'aime beaucoup:
LA BELLE MORTE
Ah ! la belle morte, elle repose...
En Éden blanc un ange la pose.
Elle sommeille emmi les pervenches,
Comme en une chapelle aux dimanches.
Ses cheveux sont couleur de la cendre,
Son cercueil, on vient de le descendre.
Et ses beaux yeux verts que la mort fausse
Feront un clair de lune en sa fosse.
Un petit dernier...
CLAIR DE LUNE INTELLECTUEL
Ma pensée est couleur de lumières lointaines,
Du fond de quelque crypte aux vagues profondeurs.
Elle a l'éclat parfois des subtiles verdeurs
D'un golfe où le soleil abaisse ses antennes.
En un jardin sonore, au soupir des fontaines,
Elle a vécu dans les soirs doux, dans les odeurs ;
Ma pensée est couleur de lumières lointaines,
Du fond de quelque crypte aux vagues profondeurs.
Elle court à jamais les blanches prétentaines,
Au pays angélique où montent ses ardeurs,
Et, loin de la matière et des brutes laideurs,
Elle rêve l'essor aux céleste Athènes.
Ma pensée est couleur de lunes d'or lointaines
CLAIR DE LUNE INTELLECTUEL
Ma pensée est couleur de lumières lointaines,
Du fond de quelque crypte aux vagues profondeurs.
Elle a l'éclat parfois des subtiles verdeurs
D'un golfe où le soleil abaisse ses antennes.
En un jardin sonore, au soupir des fontaines,
Elle a vécu dans les soirs doux, dans les odeurs ;
Ma pensée est couleur de lumières lointaines,
Du fond de quelque crypte aux vagues profondeurs.
Elle court à jamais les blanches prétentaines,
Au pays angélique où montent ses ardeurs,
Et, loin de la matière et des brutes laideurs,
Elle rêve l'essor aux céleste Athènes.
Ma pensée est couleur de lunes d'or lointaines
QU'EST-CE QUE LA POÉSIE ?
Chasser tout souvenir et fixer la pensée,
Sur un bel axe d'or la tenir balancée,
Incertaine, inquiète, immobile pourtant ;
Eterniser peut-être un rêve d'un instant ;
Aimer le vrai, le beau, chercher leur harmonie ;
Ecouter dans son coeur l'écho de son génie ;
Chanter, rire, pleurer, seul, sans but, au hasard ;
D'un sourire, d'un mot, d'un soupir, d'un regard
Faire un travail exquis, plein de crainte et de charme ;
Faire une perle d'une larme :
Du poète ici-bas voilà la passion.
Voilà son bien, sa vie, et son ambition.
Alfred de Musset
Chasser tout souvenir et fixer la pensée,
Sur un bel axe d'or la tenir balancée,
Incertaine, inquiète, immobile pourtant ;
Eterniser peut-être un rêve d'un instant ;
Aimer le vrai, le beau, chercher leur harmonie ;
Ecouter dans son coeur l'écho de son génie ;
Chanter, rire, pleurer, seul, sans but, au hasard ;
D'un sourire, d'un mot, d'un soupir, d'un regard
Faire un travail exquis, plein de crainte et de charme ;
Faire une perle d'une larme :
Du poète ici-bas voilà la passion.
Voilà son bien, sa vie, et son ambition.
Alfred de Musset
moi aussi j'aime beaucoup Musset, particulierement celui ci et particulierement les stophes 3 et 4...
I
Te voilà revenu, dans mes nuits étoilées,
Bel ange aux yeux d'azur, aux paupières voilées,
Amour, mon bien suprême et que j'avais perdu !
J'ai cru, pendant trois ans, te vaincre et te maudire,
Et toi, les yeux en pleurs, avec ton doux sourire,
Au chevet de mon lit te voilà revenu.
Eh bien, deux mots de toi m'ont fait le roi du monde,
Mets la main sur mon cœur, sa blessure est profonde;
Élargis-la, bel ange, et qu'il en soit brisé !
Jamais amant aimé, mourant sur sa maîtresse,
N'a sur des yeux plus noirs bu ta céleste ivresse,
Nul sur un plus beau front ne t'a jamais baisé !
[Fait au bain. Jeudi soir 2 août 1833.]
II
Telle de l'Angelus, la cloche matinale
Fait dans les carrefours hurler les chiens errants,
Tel ton luth chaste et pur, trempé dans l'eau lustrale,
O George, a fait pousser de hideux aboiements,
Mais quand les vents sifflaient sur ta Muse au front pâle,
Tu n'as pas renoué tes longs cheveux flottants;
Tu savais que Phoebé, l'Étoile virginale
Qui soulève les mers, fait baver les serpents.
Tu n'as pas répondu, même par un sourire,
A ceux qui s'épuisaient en tourments inconnus,
Pour mettre un peu de fange autour de tes pieds nus.
Comme Desdémona, t'inclinant sur ta lyre,
Quand l'orage a passé tu n'as pas écouté,
Et tes grands yeux rêveurs ne s'en sont pas doutée !
III
Puisque votre moulin tourne avec tous les vents,
Allez, braves humains, où le vent vous entraîne;
Jouez, en bons bouffons, la comédie humaine;
Je vous ai trop connus pour être de vos gens.
Ne croyez pourtant pas qu'en quittant votre scène,
Je garde contre vous ni colère ni haine,
Vous qui m'avez fait vieux peut-être avant le temps;
Peu d'entre vous sont bons, moins encor sont méchants.
Et nous, vivons à l'ombre, ô ma belle maîtresse
Faisons-nous des amours qui n'aient pas de vieillesse;
Que l'on dise de nous, quand nous mourrons tous deux :
Ils n'ont jamais connu la crainte ni l'envie;
Voilà le sentier vert où, durant cette vie,
En se parlant tout bas, ils souriaient entre eux.
IV
Il faudra bien t'y faire à cette solitude,
Pauvre cœur insensé, tout prêt à se rouvrir,
Qui sait si mal aimer et sait si bien souffrir.
Il faudra bien t'y faire; et sois sûr que l'étude,
La veille et le travail ne pourront te guérir.
Tu vas, pendant longtemps, faire un métier bien rude,
Toi, pauvre enfant gâté, qui n'as pas l'habitude
D'attendre vainement et sans rien voir venir.
Et pourtant, ô mon cœur, quand tu l'auras perdue,
Si tu vas quelque part attendre sa venue,
Sur la plage déserte en vain tu l'attendras.
Car c'est toi qu'elle fuit de contrée en contrée,
Cherchant sur cette terre une tombe ignorée,
Dans quelque triste lieu qu'on ne te dira pas.
Venise.
V
Toi qui me l'as appris, tu ne t'en souviens plus
De tout ce que mon cœur renfermait de tendresse,
Quand dans la nuit profonde, ô ma belle maîtresse,
Je venais en pleurant tomber dans tes bras nus !
La mémoire en est morte, un jour te l'a ravie.
Et cet amour si doux, qui faisait sur la vie
Glisser dans un baiser nos deux cours confondus,
Toi qui me l'as appris, tu ne t'en souviens plus.
VI
Porte ta vie ailleurs, ô toi qui fus ma vie;
Verse ailleurs ce trésor que j'avais pour tout bien.
Va chercher d'autres lieux, toi qui fus ma patrie;
Va fleurir au soleil, ô ma belle chérie,
Fais riche un autre amour et souviens-toi du mien.
Laisse mon souvenir te suivre loin de France;
Qu'il parte sur ton cœur, pauvre bouquet fané;
Lorsque tu l'as cueilli, j'ai connu l'Espérance,
Je croyais au bonheur, et toute ma souffrance
Est de l'avoir perdu sans te l'avoir donné.
10 janvier 1835.
I
Te voilà revenu, dans mes nuits étoilées,
Bel ange aux yeux d'azur, aux paupières voilées,
Amour, mon bien suprême et que j'avais perdu !
J'ai cru, pendant trois ans, te vaincre et te maudire,
Et toi, les yeux en pleurs, avec ton doux sourire,
Au chevet de mon lit te voilà revenu.
Eh bien, deux mots de toi m'ont fait le roi du monde,
Mets la main sur mon cœur, sa blessure est profonde;
Élargis-la, bel ange, et qu'il en soit brisé !
Jamais amant aimé, mourant sur sa maîtresse,
N'a sur des yeux plus noirs bu ta céleste ivresse,
Nul sur un plus beau front ne t'a jamais baisé !
[Fait au bain. Jeudi soir 2 août 1833.]
II
Telle de l'Angelus, la cloche matinale
Fait dans les carrefours hurler les chiens errants,
Tel ton luth chaste et pur, trempé dans l'eau lustrale,
O George, a fait pousser de hideux aboiements,
Mais quand les vents sifflaient sur ta Muse au front pâle,
Tu n'as pas renoué tes longs cheveux flottants;
Tu savais que Phoebé, l'Étoile virginale
Qui soulève les mers, fait baver les serpents.
Tu n'as pas répondu, même par un sourire,
A ceux qui s'épuisaient en tourments inconnus,
Pour mettre un peu de fange autour de tes pieds nus.
Comme Desdémona, t'inclinant sur ta lyre,
Quand l'orage a passé tu n'as pas écouté,
Et tes grands yeux rêveurs ne s'en sont pas doutée !
III
Puisque votre moulin tourne avec tous les vents,
Allez, braves humains, où le vent vous entraîne;
Jouez, en bons bouffons, la comédie humaine;
Je vous ai trop connus pour être de vos gens.
Ne croyez pourtant pas qu'en quittant votre scène,
Je garde contre vous ni colère ni haine,
Vous qui m'avez fait vieux peut-être avant le temps;
Peu d'entre vous sont bons, moins encor sont méchants.
Et nous, vivons à l'ombre, ô ma belle maîtresse
Faisons-nous des amours qui n'aient pas de vieillesse;
Que l'on dise de nous, quand nous mourrons tous deux :
Ils n'ont jamais connu la crainte ni l'envie;
Voilà le sentier vert où, durant cette vie,
En se parlant tout bas, ils souriaient entre eux.
IV
Il faudra bien t'y faire à cette solitude,
Pauvre cœur insensé, tout prêt à se rouvrir,
Qui sait si mal aimer et sait si bien souffrir.
Il faudra bien t'y faire; et sois sûr que l'étude,
La veille et le travail ne pourront te guérir.
Tu vas, pendant longtemps, faire un métier bien rude,
Toi, pauvre enfant gâté, qui n'as pas l'habitude
D'attendre vainement et sans rien voir venir.
Et pourtant, ô mon cœur, quand tu l'auras perdue,
Si tu vas quelque part attendre sa venue,
Sur la plage déserte en vain tu l'attendras.
Car c'est toi qu'elle fuit de contrée en contrée,
Cherchant sur cette terre une tombe ignorée,
Dans quelque triste lieu qu'on ne te dira pas.
Venise.
V
Toi qui me l'as appris, tu ne t'en souviens plus
De tout ce que mon cœur renfermait de tendresse,
Quand dans la nuit profonde, ô ma belle maîtresse,
Je venais en pleurant tomber dans tes bras nus !
La mémoire en est morte, un jour te l'a ravie.
Et cet amour si doux, qui faisait sur la vie
Glisser dans un baiser nos deux cours confondus,
Toi qui me l'as appris, tu ne t'en souviens plus.
VI
Porte ta vie ailleurs, ô toi qui fus ma vie;
Verse ailleurs ce trésor que j'avais pour tout bien.
Va chercher d'autres lieux, toi qui fus ma patrie;
Va fleurir au soleil, ô ma belle chérie,
Fais riche un autre amour et souviens-toi du mien.
Laisse mon souvenir te suivre loin de France;
Qu'il parte sur ton cœur, pauvre bouquet fané;
Lorsque tu l'as cueilli, j'ai connu l'Espérance,
Je croyais au bonheur, et toute ma souffrance
Est de l'avoir perdu sans te l'avoir donné.
10 janvier 1835.
Émile Nelligan est né à Montréal au Québec en 1879. Dépressif et replié sur lui-même, il passe 42 ans à l'asile. Il a écrit toute son oeuvre très jeune.
Son site http://www.emile-nelligan.com/poemes.html
Je suis allée faire un tour sur le site, et il y a beaucoup de choses qui me plaisent, même si je garde une préférence pour le premier poème que tu as cité: celui-là me tiendra compagnie cet hiver!
Merci pour cette belle découverte :-)!
Et puis, voici un poème qui m'accompagne depuis un bon moment, c'est vraiment un de mes préférés...
Aujourd'hui je n'ai rien fait.
Mais beaucoup de choses se sont faites en moi.
Des oiseaux qui n'existent pas
ont trouvé leur nid.
Des ombres qui peut-être existent
ont rencontré leurs corps.
Des paroles qui existent
ont recouvré leur silence.
Ne rien faire
sauve parfois l'équilibre du monde
en obtenant que quelque chose aussi pèse
sur le plateau vide de la balance.
Roberto Juarroz, Treizième Poésie Verticale (traduit de l'Espagnol par Roger Munier)
Fée Carabine, le premier poème que tu as mis sur ce forum m'a fait voir toute ma journée sous un autre oeil... Voilà un poème qui tendrait à prouver, contrairement à l'avis de Jef Geeraerts, que l'homme civilisé n'a pas encore tout à fait perdu son âme ni ses instincts festifs... Philip Roth et Jim Harrison diraient: "Et vive la vie !"
A propos, bravo pour ta critique sur le dernier Harrison !
A propos, bravo pour ta critique sur le dernier Harrison !
La chair est triste, hélas! et j'ai lu tous les livres.
Fuir! là-bas fuir! Je sens que des oiseaux sont ivres
D'être parmi l'écume inconnue et les cieux!
Rien, ni les vieux jardins reflétés par les yeux
Ne retiendra ce cœur qui dans la mer se trempe
O nuits! ni la clarté déserte de ma lampe
Sur le vide papier que la blancheur défend
Et ni la jeune femme allaitant son enfant.
Je partirai! Steamer balançant ta mâture,
Lève l'ancre pour une exotique nature!
Un Ennui, désolé par les cruels espoirs,
Croit encore à l'adieu suprême des mouchoirs!
Et, peut-être, les mâts, invitant les orages
Sont-ils de ceux qu'un vent penche sur les naufrages
Perdus, sans mâts, sans mâts, ni fertiles îlots...
Mais, Ô mon coeur, entends le chant des matelots!
mallarme
Fuir! là-bas fuir! Je sens que des oiseaux sont ivres
D'être parmi l'écume inconnue et les cieux!
Rien, ni les vieux jardins reflétés par les yeux
Ne retiendra ce cœur qui dans la mer se trempe
O nuits! ni la clarté déserte de ma lampe
Sur le vide papier que la blancheur défend
Et ni la jeune femme allaitant son enfant.
Je partirai! Steamer balançant ta mâture,
Lève l'ancre pour une exotique nature!
Un Ennui, désolé par les cruels espoirs,
Croit encore à l'adieu suprême des mouchoirs!
Et, peut-être, les mâts, invitant les orages
Sont-ils de ceux qu'un vent penche sur les naufrages
Perdus, sans mâts, sans mâts, ni fertiles îlots...
Mais, Ô mon coeur, entends le chant des matelots!
mallarme
La lune s'attristait. Des séraphins en pleurs
Rêvant, l'archet aux doigts, dans le calme des fleurs
Vaporeuses, tiraient de mourantes violes
De blancs sanglots glissant sur l'azur des corolles.
- C'était le jour béni de ton premier baiser.
Ma songerie aimant à me martyriser
S'enivrait savamment du parfum de tristesse
Que même sans regret et sans déboire laisse
La cueillaison d'un Rêve au coeur qui l'a cueilli.
J'errais donc, l'oeil rivé sur le pavé vieilli
Quand avec du soleil aux cheveux, dans la rue
Et dans le soir, tu m'es en riant apparue
Et j'ai cru voir la fée au chapeau de clarté
Qui jadis sur mes beaux sommeils d'enfant gâté
Passait, laissant toujours de ses mains mal fermées
Neiger de blancs bouquets d'étoiles parfumées.
apparition de mallarme
Rêvant, l'archet aux doigts, dans le calme des fleurs
Vaporeuses, tiraient de mourantes violes
De blancs sanglots glissant sur l'azur des corolles.
- C'était le jour béni de ton premier baiser.
Ma songerie aimant à me martyriser
S'enivrait savamment du parfum de tristesse
Que même sans regret et sans déboire laisse
La cueillaison d'un Rêve au coeur qui l'a cueilli.
J'errais donc, l'oeil rivé sur le pavé vieilli
Quand avec du soleil aux cheveux, dans la rue
Et dans le soir, tu m'es en riant apparue
Et j'ai cru voir la fée au chapeau de clarté
Qui jadis sur mes beaux sommeils d'enfant gâté
Passait, laissant toujours de ses mains mal fermées
Neiger de blancs bouquets d'étoiles parfumées.
apparition de mallarme
Fée Carabine, le premier poème que tu as mis sur ce forum m'a fait voir toute ma journée sous un autre oeil... Voilà un poème qui tendrait à prouver, contrairement à l'avis de Jef Geeraerts, que l'homme civilisé n'a pas encore tout à fait perdu son âme ni ses instincts festifs... Philip Roth et Jim Harrison diraient: "Et vive la vie !"
A propos, bravo pour ta critique sur le dernier Harrison !
Merci, Jules :-).
A propos du poème de Louise Labé, c'est vrai que malgré ses 450 ans, il n'a pas pris une ride et c'est toujours un vrai bonheur de le relire. De Louise Labé, c'est vraiment le poème que je préfère, avec cet autre, très fameux, que vous connaissez certainement, mais je le recopie quand même par pure gourmandise!
Je vis, je meurs ; je me brule et me noye.
J'ay chaut estreme en endurant froidure:
La vie m'est et trop molle et trop dure.
J'ay grans ennuis entremeslez de joye:
Tout à un coup je ris et je larmoye,
Et en plaisir maint grief tourment j'endure:
Mon bien s'en va, et à jamais il dure:
Tout en un coup je seiche et je verdoye.
Ainsi Amour inconstamment me meine:
Et quand je pense avoir plus de douleur,
Sans y penser je me treuve hors de peine.
Puis quand je crois ma joye estre certeine,
Et estre au haut de mon desiré heur,
Il me remet en mon premier malheur.
Il y a aussi un beau poème de Sappho sur le même sujet des incertitudes de l'amour, le seul poème complet qu'on ait conservé d'elle en fait.
Et puis, si vous aimez Louise Labé, vous trouverez une belle sélection de ses sonnets sur http://www2.ac-lyon.fr/enseigne/lettres/… avec une transcription de ses textes en Français moderne.
aimer quand il ne reste rien seulement aimer offrir
(soudure de sexes ouvrage de ventres) l'espace vide de
son corps à l'incendie échevelé des univers quand la
lumière dévore un feu opaque et que dérive l'insolence
inutile de l'océan que rien n'amène plus vers les plages
et c'est son corps cela par le plus haut portique par le
plus pur chemin c'est dans cette paix sauvage des plantes
la pensée des maîtres du thé à qui suffit un rythme (le roc l'iris
la mousse le pin le saule le prunier un jonc un pont et les
pavés) l'allée par son corps (l'ombre chaude avant la con-
fusion finale) et personne ne sait ni la durée ni la chute la
terreur ni l'extase à peine qu'on tremble comme la
plume d'oie dont on agite l'air devant les braises et qu'on
chante autant que l'eau bouillonne libre personne non plus
ne devine par quels mystères douloureux on est à son tour
traversé rompu et lié ni ce qui dans le corps
dépose cette ponte dont l'éclosion ravagera sans fin le coeur
battant dans la haute montagne du sang les vastes et
sourdes sonorités de l'avalanche aimer quand il ne reste
rien
par l'écriture donc et souviens-toi dans l'antichambre
vers où tu vas de l'oeuvre vaine des boîtes (vides comme des
nids en novembre) d'où furent extraites tant de choses
après la défaite des noeuds et l'effraction des soies dont les
soins et le choix avaient fait un art grave de signes par
l'anguille (depuis qu'un mot s'est lové dans la gorge) atten-
dant là dans l'anfractuosité humide du puits la cla-
meur des sargasses où l'appelle l'orgasme et dieu se casse en
deux se sépare en deux sexes écrire est césure écart
déchirements d'encre dans une forêt de branches mortes
sur des papiers très purs et hivernaux puis gonflement
dégel bourgeons et boues grasses entre silence et poème
joie jubilation jachères de soi et fougères sur les cils
incessants de l'écrit l'été les silos les livres et l'alouette
qui grisolle très haut l'invisible automne: cérémonies et
rites écriture et incinration travail de mort avant la
dispersion des restes travaux de fosse de marge de
honte et d'enchaînement travail de fumure d'engrais
de retournement de glèbe où l'on enterre les orgues du blé
décomposition mort recommencée: l'écrit
songe en marchant vers elle à la soie peinte déroulée
pour la saison et l'événement de ta venue aux grands traits
noirs sur la nacre pillée dévloppant l'espace au-delà des
lignes échancrées mordues par le vide ici sur l'insecte
dans les anneaux du tronc par le pli dans la pierre:
mémoires de l'ère ancienne archives clé pour la vie le
passage et la parole carabes cicindèles et tortues portant
presqu'effacés ou clairement en couleurs sur la corne et
l'élytre l'accès interdit la naissance la voie royale
l'amour et la danse suit vers le miel et l'abeille la fête du
faux bourdon va vers la maison de thé la mort un jour
le silence l'éolienne face à l'absence de vents sur la
mer marche vers la rencontre malgré les cires dont tu
cherchais en tâtonnant comment frotter le masque et le
henné quelque chose a lavé le visage qu'il n'aurait pas
suffi de pleurer sur la ride et grimace ton visage mainte-
nant est lumire sur quoi s'inscrit le reste en s'effaçant
Werner Lambersy, Maîtres et maisons de thé
... que dans l'excès de mon enthousiasme je pourrais recopier en entier ;-).
J'en avais posté une critique il y a quelques semaines, mais la mise en page des extraits s'etait perdue... J'espère que cela donnera mieux ici.
(soudure de sexes ouvrage de ventres) l'espace vide de
son corps à l'incendie échevelé des univers quand la
lumière dévore un feu opaque et que dérive l'insolence
inutile de l'océan que rien n'amène plus vers les plages
et c'est son corps cela par le plus haut portique par le
plus pur chemin c'est dans cette paix sauvage des plantes
la pensée des maîtres du thé à qui suffit un rythme (le roc l'iris
la mousse le pin le saule le prunier un jonc un pont et les
pavés) l'allée par son corps (l'ombre chaude avant la con-
fusion finale) et personne ne sait ni la durée ni la chute la
terreur ni l'extase à peine qu'on tremble comme la
plume d'oie dont on agite l'air devant les braises et qu'on
chante autant que l'eau bouillonne libre personne non plus
ne devine par quels mystères douloureux on est à son tour
traversé rompu et lié ni ce qui dans le corps
dépose cette ponte dont l'éclosion ravagera sans fin le coeur
battant dans la haute montagne du sang les vastes et
sourdes sonorités de l'avalanche aimer quand il ne reste
rien
par l'écriture donc et souviens-toi dans l'antichambre
vers où tu vas de l'oeuvre vaine des boîtes (vides comme des
nids en novembre) d'où furent extraites tant de choses
après la défaite des noeuds et l'effraction des soies dont les
soins et le choix avaient fait un art grave de signes par
l'anguille (depuis qu'un mot s'est lové dans la gorge) atten-
dant là dans l'anfractuosité humide du puits la cla-
meur des sargasses où l'appelle l'orgasme et dieu se casse en
deux se sépare en deux sexes écrire est césure écart
déchirements d'encre dans une forêt de branches mortes
sur des papiers très purs et hivernaux puis gonflement
dégel bourgeons et boues grasses entre silence et poème
joie jubilation jachères de soi et fougères sur les cils
incessants de l'écrit l'été les silos les livres et l'alouette
qui grisolle très haut l'invisible automne: cérémonies et
rites écriture et incinration travail de mort avant la
dispersion des restes travaux de fosse de marge de
honte et d'enchaînement travail de fumure d'engrais
de retournement de glèbe où l'on enterre les orgues du blé
décomposition mort recommencée: l'écrit
songe en marchant vers elle à la soie peinte déroulée
pour la saison et l'événement de ta venue aux grands traits
noirs sur la nacre pillée dévloppant l'espace au-delà des
lignes échancrées mordues par le vide ici sur l'insecte
dans les anneaux du tronc par le pli dans la pierre:
mémoires de l'ère ancienne archives clé pour la vie le
passage et la parole carabes cicindèles et tortues portant
presqu'effacés ou clairement en couleurs sur la corne et
l'élytre l'accès interdit la naissance la voie royale
l'amour et la danse suit vers le miel et l'abeille la fête du
faux bourdon va vers la maison de thé la mort un jour
le silence l'éolienne face à l'absence de vents sur la
mer marche vers la rencontre malgré les cires dont tu
cherchais en tâtonnant comment frotter le masque et le
henné quelque chose a lavé le visage qu'il n'aurait pas
suffi de pleurer sur la ride et grimace ton visage mainte-
nant est lumire sur quoi s'inscrit le reste en s'effaçant
Werner Lambersy, Maîtres et maisons de thé
... que dans l'excès de mon enthousiasme je pourrais recopier en entier ;-).
J'en avais posté une critique il y a quelques semaines, mais la mise en page des extraits s'etait perdue... J'espère que cela donnera mieux ici.
Oui, cela donne mieux... abstraction faite de mes fautes de frappe.
Mes excuses ;-).
Mes excuses ;-).
Le lac de Lamartine
Ainsi, toujours poussés vers de nouveaux rivages,
Dans la nuit éternelle emportés sans retour,
Ne pourrons-nous jamais sur l'océan des âges
Jeter l'ancre un seul jour ?
Ô lac ! l'année à peine a fini sa carrière,
Et près des flots chéris qu'elle devait revoir,
Regarde ! je viens seul m'asseoir sur cette pierre
Où tu la vis s'asseoir !
Tu mugissais ainsi sous ces roches profondes,
Ainsi tu te brisais sur leurs flancs déchirés,
Ainsi le vent jetait l'écume de tes ondes
Sur ses pieds adorés.
Un soir, t'en souvient-il ? nous voguions en silence ;
On n'entendait au loin, sur l'onde et sous les cieux,
Que le bruit des rameurs qui frappaient en cadence
Tes flots harmonieux.
Tout à coup des accents inconnus à la terre
Du rivage charmé frappèrent les échos ;
Le flot fut attentif, et la voix qui m'est chère
Laissa tomber ces mots :
" Ô temps ! suspends ton vol, et vous, heures propices !
Suspendez votre cours :
Laissez-nous savourer les rapides délices
Des plus beaux de nos jours !
" Assez de malheureux ici-bas vous implorent,
Coulez, coulez pour eux ;
Prenez avec leurs jours les soins qui les dévorent ;
Oubliez les heureux.
" Mais je demande en vain quelques moments encore,
Le temps m'échappe et fuit ;
Je dis à cette nuit : Sois plus lente ; et l'aurore
Va dissiper la nuit.
" Aimons donc, aimons donc ! de l'heure fugitive,
Hâtons-nous, jouissons !
L'homme n'a point de port, le temps n'a point de rive ;
Il coule, et nous passons ! "
Temps jaloux, se peut-il que ces moments d'ivresse,
Où l'amour à longs flots nous verse le bonheur,
S'envolent loin de nous de la même vitesse
Que les jours de malheur ?
Eh quoi ! n'en pourrons-nous fixer au moins la trace ?
Quoi ! passés pour jamais ! quoi ! tout entiers perdus !
Ce temps qui les donna, ce temps qui les efface,
Ne nous les rendra plus !
Éternité, néant, passé, sombres abîmes,
Que faites-vous des jours que vous engloutissez ?
Parlez : nous rendrez-vous ces extases sublimes
Que vous nous ravissez ?
Ô lac ! rochers muets ! grottes ! forêt obscure !
Vous, que le temps épargne ou qu'il peut rajeunir,
Gardez de cette nuit, gardez, belle nature,
Au moins le souvenir !
Qu'il soit dans ton repos, qu'il soit dans tes orages,
Beau lac, et dans l'aspect de tes riants coteaux,
Et dans ces noirs sapins, et dans ces rocs sauvages
Qui pendent sur tes eaux.
Qu'il soit dans le zéphyr qui frémit et qui passe,
Dans les bruits de tes bords par tes bords répétés,
Dans l'astre au front d'argent qui blanchit ta surface
De ses molles clartés.
Que le vent qui gémit, le roseau qui soupire,
Que les parfums légers de ton air embaumé,
Que tout ce qu'on entend, l'on voit ou l'on respire,
Tout dise : Ils ont aimé !
Ainsi, toujours poussés vers de nouveaux rivages,
Dans la nuit éternelle emportés sans retour,
Ne pourrons-nous jamais sur l'océan des âges
Jeter l'ancre un seul jour ?
Ô lac ! l'année à peine a fini sa carrière,
Et près des flots chéris qu'elle devait revoir,
Regarde ! je viens seul m'asseoir sur cette pierre
Où tu la vis s'asseoir !
Tu mugissais ainsi sous ces roches profondes,
Ainsi tu te brisais sur leurs flancs déchirés,
Ainsi le vent jetait l'écume de tes ondes
Sur ses pieds adorés.
Un soir, t'en souvient-il ? nous voguions en silence ;
On n'entendait au loin, sur l'onde et sous les cieux,
Que le bruit des rameurs qui frappaient en cadence
Tes flots harmonieux.
Tout à coup des accents inconnus à la terre
Du rivage charmé frappèrent les échos ;
Le flot fut attentif, et la voix qui m'est chère
Laissa tomber ces mots :
" Ô temps ! suspends ton vol, et vous, heures propices !
Suspendez votre cours :
Laissez-nous savourer les rapides délices
Des plus beaux de nos jours !
" Assez de malheureux ici-bas vous implorent,
Coulez, coulez pour eux ;
Prenez avec leurs jours les soins qui les dévorent ;
Oubliez les heureux.
" Mais je demande en vain quelques moments encore,
Le temps m'échappe et fuit ;
Je dis à cette nuit : Sois plus lente ; et l'aurore
Va dissiper la nuit.
" Aimons donc, aimons donc ! de l'heure fugitive,
Hâtons-nous, jouissons !
L'homme n'a point de port, le temps n'a point de rive ;
Il coule, et nous passons ! "
Temps jaloux, se peut-il que ces moments d'ivresse,
Où l'amour à longs flots nous verse le bonheur,
S'envolent loin de nous de la même vitesse
Que les jours de malheur ?
Eh quoi ! n'en pourrons-nous fixer au moins la trace ?
Quoi ! passés pour jamais ! quoi ! tout entiers perdus !
Ce temps qui les donna, ce temps qui les efface,
Ne nous les rendra plus !
Éternité, néant, passé, sombres abîmes,
Que faites-vous des jours que vous engloutissez ?
Parlez : nous rendrez-vous ces extases sublimes
Que vous nous ravissez ?
Ô lac ! rochers muets ! grottes ! forêt obscure !
Vous, que le temps épargne ou qu'il peut rajeunir,
Gardez de cette nuit, gardez, belle nature,
Au moins le souvenir !
Qu'il soit dans ton repos, qu'il soit dans tes orages,
Beau lac, et dans l'aspect de tes riants coteaux,
Et dans ces noirs sapins, et dans ces rocs sauvages
Qui pendent sur tes eaux.
Qu'il soit dans le zéphyr qui frémit et qui passe,
Dans les bruits de tes bords par tes bords répétés,
Dans l'astre au front d'argent qui blanchit ta surface
De ses molles clartés.
Que le vent qui gémit, le roseau qui soupire,
Que les parfums légers de ton air embaumé,
Que tout ce qu'on entend, l'on voit ou l'on respire,
Tout dise : Ils ont aimé !
Le temps de vivre
Il a dévallé la colline
Ses pas faisaient rouler des pierres
Là haut entre les quatre murs
La sirène chantait sans joie
Il respitait l'odeur des arbres
Il respirait de tout son corps
La lumière l'accompagnait
Et lui faisait danser son ombre
Pourvu qu'il me laisse le temps
Il sautait à travers les herbes
Il a cueilli deux feuilles jaunes
Gorgées de sève et de soleil
Les canons d'acier bleus crachait
Des courtes flammes de feu sec
Pourvu qu'il me laisse le temps
Il est arrivé prés de l'eau.
Il y a plongé son visage
Il riait de joie, il a bu
pourvu qu'il me laisse le temps
Il s"est relevé pour sauter
Pourvu qu'il me laisse le temps.
Une abeille de cuivre chaud
L'a foudroyé sur l'autre rive
Le sang et l'eau se sont mélés.
Il avait eu le temps de voir
Le temps de boire à ce ruisseau
Le temps de porter à sa bouche
Deux feuilles gorgées de soleil
Le temps de rire aux assassins
Le temps d'atteindre l'autre rive
Le temps de courir vers la femme
Il avait eu le temps de vivre
Il a dévallé la colline
Ses pas faisaient rouler des pierres
Là haut entre les quatre murs
La sirène chantait sans joie
Il respitait l'odeur des arbres
Il respirait de tout son corps
La lumière l'accompagnait
Et lui faisait danser son ombre
Pourvu qu'il me laisse le temps
Il sautait à travers les herbes
Il a cueilli deux feuilles jaunes
Gorgées de sève et de soleil
Les canons d'acier bleus crachait
Des courtes flammes de feu sec
Pourvu qu'il me laisse le temps
Il est arrivé prés de l'eau.
Il y a plongé son visage
Il riait de joie, il a bu
pourvu qu'il me laisse le temps
Il s"est relevé pour sauter
Pourvu qu'il me laisse le temps.
Une abeille de cuivre chaud
L'a foudroyé sur l'autre rive
Le sang et l'eau se sont mélés.
Il avait eu le temps de voir
Le temps de boire à ce ruisseau
Le temps de porter à sa bouche
Deux feuilles gorgées de soleil
Le temps de rire aux assassins
Le temps d'atteindre l'autre rive
Le temps de courir vers la femme
Il avait eu le temps de vivre
Je trouve ce poème très beau. Merci Kasserine. De qui est-ce ?
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