Oui bien sûr c'est même avant tout une chanson mais on ne peut l'écouter je crois sur internet. Le GRAND Tachan est tombé un peu dans les oubliettes... Pourtant tous ces textes sont très forts.
Il appartenait à cette "catégorie" de chanteurs(teuses) que l'on entendait jeunes:Cora Vaucaire,par exemple,Tachan,Escudero...
Des grands...
"Le voyage"--Baudelaire..(je ne m'en lasse jamais...)
Pour l'enfant, amoureux de cartes et d'estampes,
L'univers est égal à son vaste appétit.
Ah ! que le monde est grand à la clarté des lampes !
Aux yeux du souvenir que le monde est petit !
Un matin nous partons, le cerveau plein de flamme,
Le coeur gros de rancune et de désirs amers,
Et nous allons, suivant le rythme de la lame,
Berçant notre infini sur le fini des mers :
Les uns, joyeux de fuir une patrie infâme ;
D'autres, l'horreur de leurs berceaux, et quelques-uns,
Astrologues noyés dans les yeux d'une femme,
La Circé tyrannique aux dangereux parfums.
Pour n'être pas changés en bêtes, ils s'enivrent
D'espace et de lumière et de cieux embrasés ;
La glace qui les mord, les soleils qui les cuivrent,
Effacent lentement la marque des baisers.
Mais les vrais voyageurs sont ceux-là seuls qui partent
Pour partir, coeurs légers, semblables aux ballons,
De leur fatalité jamais ils ne s'écartent,
Et, sans savoir pourquoi, disent toujours : Allons !
Ceux-là dont les désirs ont la forme des nues,
Et qui rêvent, ainsi qu'un conscrit le canon,
De vastes voluptés, changeantes, inconnues,
Et dont l'esprit humain n'a jamais su le nom
II
Nous imitons, horreur ! la toupie et la boule
Dans leur valse et leurs bonds ; même dans nos sommeils
La Curiosité nous tourmente et nous roule,
Comme un Ange cruel qui fouette des soleils.
Singulière fortune où le but se déplace,
Et, n'étant nulle part, peut être n'importe où !
Où l'homme, dont jamais l'espérance n'est lasse,
Pour trouver le repos court toujours comme un fou !
Notre âme est un trois-mâts cherchant son Icarie ;
Une voix retentit sur le pont : "Ouvre l'oeil !"
Une voix de la hune, ardente et folle, crie .
"Amour... gloire... bonheur !" Enfer ! c'est un écueil !
Chaque îlot signalé par l'homme de vigie
Est un Eldorado promis par le Destin ;
L'Imagination qui dresse son orgie
Ne trouve qu'un récif aux clartés du matin.
Ô le Pauvre amoureux des pays chimériques !
Faut-il le mettre aux fers, le jeter à la mer,
Ce matelot ivrogne, inventeur d'Amériques
Dont le mirage rend le gouffre plus amer ?
Tel le vieux vagabond, piétinant dans la boue,
Rêve, le nez en l'air, de brillants paradis ;
Son oeil ensorcelé découvre une Capoue
Partout où la chandelle illumine un taudis.
III
Etonnants voyageurs ! quelles nobles histoires
Nous lisons dans vos yeux profonds comme les mers !
Montrez-nous les écrins de vos riches mémoires,
Ces bijoux merveilleux, faits d'astres et d'éthers.
Nous voulons voyager sans vapeur et sans voile !
Faites, pour égayer l'ennui de nos prisons,
Passer sur nos esprits, tendus comme une toile,
Vos souvenirs avec leurs cadres d'horizons.
Dites, qu'avez-vous vu ?
IV
"Nous avons vu des astres
Et des flots ; nous avons vu des sables aussi ;
Et, malgré bien des chocs et d'imprévus désastres,
Nous nous sommes souvent ennuyés, comme ici.
"La gloire du soleil sur la mer violette,
La gloire des cités dans le soleil couchant,
Allumaient dans nos coeurs une ardeur inquiète
De plonger dans un ciel au reflet alléchant.
"Les plus riches cités, les plus grands paysages,
Jamais ne contenaient l'attrait mystérieux
De ceux que le hasard fait avec les nuages.
Et toujours le désir nous rendait soucieux !
"- La jouissance ajoute au désir de la force.
Désir, vieil arbre à qui le plaisir sert d'engrais,
Cependant que grossit et durcit ton écorce,
Tes branches veulent voir le soleil de plus près !
"Grandiras-tu toujours, grand arbre plus vivace
Que le cyprès ? - Pourtant nous avons, avec soin,
Cueilli quelques croquis pour votre album vorace,
Frères qui trouvez beau tout ce qui vient de loin !
"Nous avons salué des idoles à trompe ;
Des trônes constellés de joyaux lumineux ;
Des palais ouvragés dont la féerique pompe
Serait pour vos banquiers un rêve ruineux ;
"Des costumes qui sont pour les yeux une ivresse ;
Des femmes dont les dents et les ongles sont teints,
Et des jongleurs savants que le serpent caresse."
V
Et puis, et puis encore ?
VI
"Ô cerveaux enfantins !
"Pour ne pas oublier la chose capitale,
Nous avons vu partout, et sans l'avoir cherché,
Du haut jusques en bas de l'échelle fatale,
Le spectacle ennuyeux de l'immortel péché
"La femme, esclave vile, orgueilleuse et stupide,
Sans rire s'adorant et s'aimant sans dégoût ;
L'homme, tyran goulu, paillard, dur et cupide,
Esclave de l'esclave et ruisseau dans l'égout ;
"Le bourreau qui jouit, le martyr qui sanglote ;
La fête qu'assaisonne et parfume le sang ;
Le poison du pouvoir énervant le despote,
Et le peuple amoureux du fouet abrutissant ;
"Plusieurs religions semblables à la nôtre,
Toutes escaladant le ciel ; la Sainteté,
Comme en un lit de plume un délicat se vautre,
Dans les clous et le crin cherchant la volupté ;
"L'Humanité bavarde, ivre de son génie,
Et, folle maintenant comme elle était jadis,
Criant à Dieu, dans sa furibonde agonie :
Ô mon semblable, ô mon maître, je te maudis !"
"Et les moins sots, hardis amants de la Démence,
Fuyant le grand troupeau parqué par le Destin,
Et se réfugiant dans l'opium immense !
- Tel est du globe entier l'éternel bulletin."
VII
Amer savoir, celui qu'on tire du voyage !
Le monde, monotone et petit, aujourd'hui,
Hier, demain, toujours, nous fait voir notre image
Une oasis d'horreur dans un désert d'ennui !
Faut-il partir ? rester ? Si tu peux rester, reste ;
Pars, s'il le fàut. L'un court, et l'autre se tapit
Pour tromper l'ennemi vigilant et funeste,
Le Temps ! Il est, hélas ! des coureurs sans répit,
Comme le Juif errant et comme les apôtres,
A qui rien ne suffit, ni wagon ni vaisseau,
Pour fuir ce rétiaire infâme : il en est d'autres
Qui savent le tuer sans quitter leur berceau.
Lorsque enfin il mettra le pied sur notre échine,
Nous pourrons espérer et crier : En avant !
De même qu'autrefois nous partions pour la Chine,
Les yeux fixés au large et les cheveux au vent,
Nous nous embarquerons sur la mer des Ténèbres
Avec le coeur joyeux d'un jeune passager.
Entendez-vous ces voix, charmantes et funèbres,
Qui chantent : "Par ici ! vous qui voulez manger
"Le Lotus parfumé ! c'est ici qu'on vendange
Les fruits miraculeux dont votre coeur a faim ;
Venez vous enivrer de la douceur étrange
De cette après-midi qui n'a jamais de fin ?"
A l'accent familier nous devinons le spectre ;
Nos Pylades là-bas tendent leurs bras vers nous.
"Pour rafraîchir ton coeur nage vers ton Électre ! "
Dit celle dont jadis nous baisions les genoux.
VIII
Ô Mort, vieux capitaine, il est temps ! levons l'ancre !
Ce pays nous ennuie, ô Mort ! Appareillons !
Si le ciel et la mer sont noirs comme de l'encre,
Nos coeurs que tu connais sont remplis de rayons !
Verse-nous ton poison pour qu'il nous réconforte !
Nous voulons, tant ce feu nous brûle le cerveau,
Plonger au fond du gouffre, Enfer ou Ciel, qu'importe ?
Au fond de l'Inconnu pour trouver du nouveau !
Pour l'enfant, amoureux de cartes et d'estampes,
L'univers est égal à son vaste appétit.
Ah ! que le monde est grand à la clarté des lampes !
Aux yeux du souvenir que le monde est petit !
Un matin nous partons, le cerveau plein de flamme,
Le coeur gros de rancune et de désirs amers,
Et nous allons, suivant le rythme de la lame,
Berçant notre infini sur le fini des mers :
Les uns, joyeux de fuir une patrie infâme ;
D'autres, l'horreur de leurs berceaux, et quelques-uns,
Astrologues noyés dans les yeux d'une femme,
La Circé tyrannique aux dangereux parfums.
Pour n'être pas changés en bêtes, ils s'enivrent
D'espace et de lumière et de cieux embrasés ;
La glace qui les mord, les soleils qui les cuivrent,
Effacent lentement la marque des baisers.
Mais les vrais voyageurs sont ceux-là seuls qui partent
Pour partir, coeurs légers, semblables aux ballons,
De leur fatalité jamais ils ne s'écartent,
Et, sans savoir pourquoi, disent toujours : Allons !
Ceux-là dont les désirs ont la forme des nues,
Et qui rêvent, ainsi qu'un conscrit le canon,
De vastes voluptés, changeantes, inconnues,
Et dont l'esprit humain n'a jamais su le nom
II
Nous imitons, horreur ! la toupie et la boule
Dans leur valse et leurs bonds ; même dans nos sommeils
La Curiosité nous tourmente et nous roule,
Comme un Ange cruel qui fouette des soleils.
Singulière fortune où le but se déplace,
Et, n'étant nulle part, peut être n'importe où !
Où l'homme, dont jamais l'espérance n'est lasse,
Pour trouver le repos court toujours comme un fou !
Notre âme est un trois-mâts cherchant son Icarie ;
Une voix retentit sur le pont : "Ouvre l'oeil !"
Une voix de la hune, ardente et folle, crie .
"Amour... gloire... bonheur !" Enfer ! c'est un écueil !
Chaque îlot signalé par l'homme de vigie
Est un Eldorado promis par le Destin ;
L'Imagination qui dresse son orgie
Ne trouve qu'un récif aux clartés du matin.
Ô le Pauvre amoureux des pays chimériques !
Faut-il le mettre aux fers, le jeter à la mer,
Ce matelot ivrogne, inventeur d'Amériques
Dont le mirage rend le gouffre plus amer ?
Tel le vieux vagabond, piétinant dans la boue,
Rêve, le nez en l'air, de brillants paradis ;
Son oeil ensorcelé découvre une Capoue
Partout où la chandelle illumine un taudis.
III
Etonnants voyageurs ! quelles nobles histoires
Nous lisons dans vos yeux profonds comme les mers !
Montrez-nous les écrins de vos riches mémoires,
Ces bijoux merveilleux, faits d'astres et d'éthers.
Nous voulons voyager sans vapeur et sans voile !
Faites, pour égayer l'ennui de nos prisons,
Passer sur nos esprits, tendus comme une toile,
Vos souvenirs avec leurs cadres d'horizons.
Dites, qu'avez-vous vu ?
IV
"Nous avons vu des astres
Et des flots ; nous avons vu des sables aussi ;
Et, malgré bien des chocs et d'imprévus désastres,
Nous nous sommes souvent ennuyés, comme ici.
"La gloire du soleil sur la mer violette,
La gloire des cités dans le soleil couchant,
Allumaient dans nos coeurs une ardeur inquiète
De plonger dans un ciel au reflet alléchant.
"Les plus riches cités, les plus grands paysages,
Jamais ne contenaient l'attrait mystérieux
De ceux que le hasard fait avec les nuages.
Et toujours le désir nous rendait soucieux !
"- La jouissance ajoute au désir de la force.
Désir, vieil arbre à qui le plaisir sert d'engrais,
Cependant que grossit et durcit ton écorce,
Tes branches veulent voir le soleil de plus près !
"Grandiras-tu toujours, grand arbre plus vivace
Que le cyprès ? - Pourtant nous avons, avec soin,
Cueilli quelques croquis pour votre album vorace,
Frères qui trouvez beau tout ce qui vient de loin !
"Nous avons salué des idoles à trompe ;
Des trônes constellés de joyaux lumineux ;
Des palais ouvragés dont la féerique pompe
Serait pour vos banquiers un rêve ruineux ;
"Des costumes qui sont pour les yeux une ivresse ;
Des femmes dont les dents et les ongles sont teints,
Et des jongleurs savants que le serpent caresse."
V
Et puis, et puis encore ?
VI
"Ô cerveaux enfantins !
"Pour ne pas oublier la chose capitale,
Nous avons vu partout, et sans l'avoir cherché,
Du haut jusques en bas de l'échelle fatale,
Le spectacle ennuyeux de l'immortel péché
"La femme, esclave vile, orgueilleuse et stupide,
Sans rire s'adorant et s'aimant sans dégoût ;
L'homme, tyran goulu, paillard, dur et cupide,
Esclave de l'esclave et ruisseau dans l'égout ;
"Le bourreau qui jouit, le martyr qui sanglote ;
La fête qu'assaisonne et parfume le sang ;
Le poison du pouvoir énervant le despote,
Et le peuple amoureux du fouet abrutissant ;
"Plusieurs religions semblables à la nôtre,
Toutes escaladant le ciel ; la Sainteté,
Comme en un lit de plume un délicat se vautre,
Dans les clous et le crin cherchant la volupté ;
"L'Humanité bavarde, ivre de son génie,
Et, folle maintenant comme elle était jadis,
Criant à Dieu, dans sa furibonde agonie :
Ô mon semblable, ô mon maître, je te maudis !"
"Et les moins sots, hardis amants de la Démence,
Fuyant le grand troupeau parqué par le Destin,
Et se réfugiant dans l'opium immense !
- Tel est du globe entier l'éternel bulletin."
VII
Amer savoir, celui qu'on tire du voyage !
Le monde, monotone et petit, aujourd'hui,
Hier, demain, toujours, nous fait voir notre image
Une oasis d'horreur dans un désert d'ennui !
Faut-il partir ? rester ? Si tu peux rester, reste ;
Pars, s'il le fàut. L'un court, et l'autre se tapit
Pour tromper l'ennemi vigilant et funeste,
Le Temps ! Il est, hélas ! des coureurs sans répit,
Comme le Juif errant et comme les apôtres,
A qui rien ne suffit, ni wagon ni vaisseau,
Pour fuir ce rétiaire infâme : il en est d'autres
Qui savent le tuer sans quitter leur berceau.
Lorsque enfin il mettra le pied sur notre échine,
Nous pourrons espérer et crier : En avant !
De même qu'autrefois nous partions pour la Chine,
Les yeux fixés au large et les cheveux au vent,
Nous nous embarquerons sur la mer des Ténèbres
Avec le coeur joyeux d'un jeune passager.
Entendez-vous ces voix, charmantes et funèbres,
Qui chantent : "Par ici ! vous qui voulez manger
"Le Lotus parfumé ! c'est ici qu'on vendange
Les fruits miraculeux dont votre coeur a faim ;
Venez vous enivrer de la douceur étrange
De cette après-midi qui n'a jamais de fin ?"
A l'accent familier nous devinons le spectre ;
Nos Pylades là-bas tendent leurs bras vers nous.
"Pour rafraîchir ton coeur nage vers ton Électre ! "
Dit celle dont jadis nous baisions les genoux.
VIII
Ô Mort, vieux capitaine, il est temps ! levons l'ancre !
Ce pays nous ennuie, ô Mort ! Appareillons !
Si le ciel et la mer sont noirs comme de l'encre,
Nos coeurs que tu connais sont remplis de rayons !
Verse-nous ton poison pour qu'il nous réconforte !
Nous voulons, tant ce feu nous brûle le cerveau,
Plonger au fond du gouffre, Enfer ou Ciel, qu'importe ?
Au fond de l'Inconnu pour trouver du nouveau !
Je le remets à sa place ;-)
Liberté
Sur mes cahiers d'écolier
Sur mon pupitre et les arbres
Sur le sable de neige
J'écris ton nom
Sur toutes les pages lues
Sur toutes les pages blanches
Pierre sang papier ou cendre
J'écris ton nom
Sur les images dorées
Sur les armes des guerriers
Sur la couronne des rois
J'écris ton nom
Sur la jungle et le désert
Sur les nids sur les genêts
Sur l'écho de mon enfance
J'écris ton nom
Sur les merveilles des nuits
Sur le pain blanc des journées
Sur les saisons fiancées
J'écris ton nom
Sur tous mes chiffons d'azur
Sur l'étang soleil moisi
Sur le lac lune vivante
J'écris ton nom
Sur les champs sur l'horizon
Sur les ailes des oiseaux
Et sur le moulin des ombres
J'écris ton nom
Sur chaque bouffées d'aurore
Sur la mer sur les bateaux
Sur la montagne démente
J'écris ton nom
Sur la mousse des nuages
Sur les sueurs de l'orage
Sur la pluie épaisse et fade
J'écris ton nom
Sur les formes scintillantes
Sur les cloches des couleurs
Sur la vérité physique
J'écris ton nom
Sur les sentiers éveillés
Sur les routes déployées
Sur les places qui débordent
J'écris ton nom
Sur la lampe qui s'allume
Sur la lampe qui s'éteint
Sur mes raisons réunies
J'écris ton nom
Sur le fruit coupé en deux
Du miroir et de ma chambre
Sur mon lit coquille vide
J'écris ton nom
Sur mon chien gourmand et tendre
Sur ses oreilles dressées
Sur sa patte maladroite
J'écris ton nom
Sur le tremplin de ma porte
Sur les objets familiers
Sur le flot du feu béni
J'écris ton nom
Sur toute chair accordée
Sur le front de mes amis
Sur chaque main qui se tend
J'écris ton nom
Sur la vitre des surprises
Sur les lèvres attendries
Bien au-dessus du silence
J'écris ton nom
Sur mes refuges détruits
Sur mes phares écroulés
Sur les murs de mon ennui
J'écris ton nom
Sur l'absence sans désir
Sur la solitude nue
Sur les marches de la mort
J'écris ton nom
Sur la santé revenue
Sur le risque disparu
Sur l'espoir sans souvenir
J'écris ton nom
Et par le pouvoir d'un mot
Je recommence ma vie
Je suis né pour te connaître
Pour te nommer
Paul Eluard
in Poésies et vérités, 1942
Liberté
Sur mes cahiers d'écolier
Sur mon pupitre et les arbres
Sur le sable de neige
J'écris ton nom
Sur toutes les pages lues
Sur toutes les pages blanches
Pierre sang papier ou cendre
J'écris ton nom
Sur les images dorées
Sur les armes des guerriers
Sur la couronne des rois
J'écris ton nom
Sur la jungle et le désert
Sur les nids sur les genêts
Sur l'écho de mon enfance
J'écris ton nom
Sur les merveilles des nuits
Sur le pain blanc des journées
Sur les saisons fiancées
J'écris ton nom
Sur tous mes chiffons d'azur
Sur l'étang soleil moisi
Sur le lac lune vivante
J'écris ton nom
Sur les champs sur l'horizon
Sur les ailes des oiseaux
Et sur le moulin des ombres
J'écris ton nom
Sur chaque bouffées d'aurore
Sur la mer sur les bateaux
Sur la montagne démente
J'écris ton nom
Sur la mousse des nuages
Sur les sueurs de l'orage
Sur la pluie épaisse et fade
J'écris ton nom
Sur les formes scintillantes
Sur les cloches des couleurs
Sur la vérité physique
J'écris ton nom
Sur les sentiers éveillés
Sur les routes déployées
Sur les places qui débordent
J'écris ton nom
Sur la lampe qui s'allume
Sur la lampe qui s'éteint
Sur mes raisons réunies
J'écris ton nom
Sur le fruit coupé en deux
Du miroir et de ma chambre
Sur mon lit coquille vide
J'écris ton nom
Sur mon chien gourmand et tendre
Sur ses oreilles dressées
Sur sa patte maladroite
J'écris ton nom
Sur le tremplin de ma porte
Sur les objets familiers
Sur le flot du feu béni
J'écris ton nom
Sur toute chair accordée
Sur le front de mes amis
Sur chaque main qui se tend
J'écris ton nom
Sur la vitre des surprises
Sur les lèvres attendries
Bien au-dessus du silence
J'écris ton nom
Sur mes refuges détruits
Sur mes phares écroulés
Sur les murs de mon ennui
J'écris ton nom
Sur l'absence sans désir
Sur la solitude nue
Sur les marches de la mort
J'écris ton nom
Sur la santé revenue
Sur le risque disparu
Sur l'espoir sans souvenir
J'écris ton nom
Et par le pouvoir d'un mot
Je recommence ma vie
Je suis né pour te connaître
Pour te nommer
Paul Eluard
in Poésies et vérités, 1942
Je le remets à sa place ;-)
Liberté
Sur mes cahiers d'écolier
Sur mon pupitre et les arbres
Sur le sable de neige
J'écris ton nom
Sur toutes les pages lues
Sur toutes les pages blanches
Pierre sang papier ou cendre
J'écris ton nom
Sur les images dorées
Sur les armes des guerriers
Sur la couronne des rois
J'écris ton nom
Sur la jungle et le désert
Sur les nids sur les genêts
Sur l'écho de mon enfance
J'écris ton nom
Sur les merveilles des nuits
Sur le pain blanc des journées
Sur les saisons fiancées
J'écris ton nom
Sur tous mes chiffons d'azur
Sur l'étang soleil moisi
Sur le lac lune vivante
J'écris ton nom
Sur les champs sur l'horizon
Sur les ailes des oiseaux
Et sur le moulin des ombres
J'écris ton nom
Sur chaque bouffées d'aurore
Sur la mer sur les bateaux
Sur la montagne démente
J'écris ton nom
Sur la mousse des nuages
Sur les sueurs de l'orage
Sur la pluie épaisse et fade
J'écris ton nom
Sur les formes scintillantes
Sur les cloches des couleurs
Sur la vérité physique
J'écris ton nom
Sur les sentiers éveillés
Sur les routes déployées
Sur les places qui débordent
J'écris ton nom
Sur la lampe qui s'allume
Sur la lampe qui s'éteint
Sur mes raisons réunies
J'écris ton nom
Sur le fruit coupé en deux
Du miroir et de ma chambre
Sur mon lit coquille vide
J'écris ton nom
Sur mon chien gourmand et tendre
Sur ses oreilles dressées
Sur sa patte maladroite
J'écris ton nom
Sur le tremplin de ma porte
Sur les objets familiers
Sur le flot du feu béni
J'écris ton nom
Sur toute chair accordée
Sur le front de mes amis
Sur chaque main qui se tend
J'écris ton nom
Sur la vitre des surprises
Sur les lèvres attendries
Bien au-dessus du silence
J'écris ton nom
Sur mes refuges détruits
Sur mes phares écroulés
Sur les murs de mon ennui
J'écris ton nom
Sur l'absence sans désir
Sur la solitude nue
Sur les marches de la mort
J'écris ton nom
Sur la santé revenue
Sur le risque disparu
Sur l'espoir sans souvenir
J'écris ton nom
Et par le pouvoir d'un mot
Je recommence ma vie
Je suis né pour te connaître
Pour te nommer
Paul Eluard
in Poésies et vérités, 1942
J'adoooooooooore,chère petite Jane!!!!!Un des plus beaux!Merci xxxx
Oui Jane, un bien beau poème que je rends à Jane :-))))
La torche
Je vous aime, mon corps, qui fûtes son désir,
Son champ de jouissance et son jardin d’extase
Où se retrouve encor le goût de son plaisir
Comme un rare parfum dans un précieux vase.
Je vous aime, mes yeux, qui restiez éblouis
Dans l’émerveillement qu’il traînait à sa suite
Et qui gardez au fond de vous, comme en deux puits,
Le reflet persistant de sa beauté détruite.
Je vous aime, mes bras, qui mettiez à son cou
Le souple enlacement des languides tendresses.
Je vous aime, mes doigts experts, qui saviez où
Prodiguer mieux le lent frôlement des caresses.
Je vous aime, mon front, où bouillonne sans fin
Ma pensée à la sienne à jamais enchaînée
Et pour avoir saigné sous sa morsure, enfin,
Je vous aime surtout, ô ma bouche fanée.
Je vous aime, mon cœur, qui scandiez à grands coups
Le rythme exaspéré des amoureuses fièvres,
Et mes pieds nus noués aux siens et mes genoux
Rivés à ses genoux et ma peau sous ses lèvres.
Je vous aime, ma chair, qui faisiez à sa chair
Un tabernacle ardent de volupté parfaite
Et qui preniez de lui le meilleur, le plus cher,
Toujours rassasiée et jamais satisfaite.
Et je t’aime, ô mon âme avide, toi qui pars
― Nouvelle Isis ― tentant la recherche éperdue
Des atomes dissous, des effluves épars
De son être où toi-même as soif d’être perdue.
Je suis le temple vide où tout culte a cessé
Sur l’inutile autel déserté par l’idole ;
Je suis le feu qui danse à l’âtre délaissé,
Le brasier qui n’échauffe rien, la torche folle...
Et ce besoin d’aimer qui n’a plus son emploi
Dans la mort, à présent retombe sur moi-même.
Et puisque, ô mon amour, vous êtes tout en moi
Résorbé, c’est bien vous que j’aime si je m’aime.
Marie Nizet
Je vous aime, mon corps, qui fûtes son désir,
Son champ de jouissance et son jardin d’extase
Où se retrouve encor le goût de son plaisir
Comme un rare parfum dans un précieux vase.
Je vous aime, mes yeux, qui restiez éblouis
Dans l’émerveillement qu’il traînait à sa suite
Et qui gardez au fond de vous, comme en deux puits,
Le reflet persistant de sa beauté détruite.
Je vous aime, mes bras, qui mettiez à son cou
Le souple enlacement des languides tendresses.
Je vous aime, mes doigts experts, qui saviez où
Prodiguer mieux le lent frôlement des caresses.
Je vous aime, mon front, où bouillonne sans fin
Ma pensée à la sienne à jamais enchaînée
Et pour avoir saigné sous sa morsure, enfin,
Je vous aime surtout, ô ma bouche fanée.
Je vous aime, mon cœur, qui scandiez à grands coups
Le rythme exaspéré des amoureuses fièvres,
Et mes pieds nus noués aux siens et mes genoux
Rivés à ses genoux et ma peau sous ses lèvres.
Je vous aime, ma chair, qui faisiez à sa chair
Un tabernacle ardent de volupté parfaite
Et qui preniez de lui le meilleur, le plus cher,
Toujours rassasiée et jamais satisfaite.
Et je t’aime, ô mon âme avide, toi qui pars
― Nouvelle Isis ― tentant la recherche éperdue
Des atomes dissous, des effluves épars
De son être où toi-même as soif d’être perdue.
Je suis le temple vide où tout culte a cessé
Sur l’inutile autel déserté par l’idole ;
Je suis le feu qui danse à l’âtre délaissé,
Le brasier qui n’échauffe rien, la torche folle...
Et ce besoin d’aimer qui n’a plus son emploi
Dans la mort, à présent retombe sur moi-même.
Et puisque, ô mon amour, vous êtes tout en moi
Résorbé, c’est bien vous que j’aime si je m’aime.
Marie Nizet
Je le remets à sa place ;-)Merci JEyre, c’est un des plus beaux poèmes du Prince des poètes mais c’est amusant de se souvenir que le nom qu’il voulait écrire partout était celui de sa bien aimée. C’était, je trouve plus romantique.
Liberté
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Sur le sable de neige
J'écris ton nom
Sur toutes les pages lues
Sur toutes les pages blanches
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J'écris ton nom
Sur les images dorées
Sur les armes des guerriers
Sur la couronne des rois
J'écris ton nom
Sur la jungle et le désert
Sur les nids sur les genêts
Sur l'écho de mon enfance
J'écris ton nom
Sur les merveilles des nuits
Sur le pain blanc des journées
Sur les saisons fiancées
J'écris ton nom
Sur tous mes chiffons d'azur
Sur l'étang soleil moisi
Sur le lac lune vivante
J'écris ton nom
Sur les champs sur l'horizon
Sur les ailes des oiseaux
Et sur le moulin des ombres
J'écris ton nom
Sur chaque bouffées d'aurore
Sur la mer sur les bateaux
Sur la montagne démente
J'écris ton nom
Sur la mousse des nuages
Sur les sueurs de l'orage
Sur la pluie épaisse et fade
J'écris ton nom
Sur les formes scintillantes
Sur les cloches des couleurs
Sur la vérité physique
J'écris ton nom
Sur les sentiers éveillés
Sur les routes déployées
Sur les places qui débordent
J'écris ton nom
Sur la lampe qui s'allume
Sur la lampe qui s'éteint
Sur mes raisons réunies
J'écris ton nom
Sur le fruit coupé en deux
Du miroir et de ma chambre
Sur mon lit coquille vide
J'écris ton nom
Sur mon chien gourmand et tendre
Sur ses oreilles dressées
Sur sa patte maladroite
J'écris ton nom
Sur le tremplin de ma porte
Sur les objets familiers
Sur le flot du feu béni
J'écris ton nom
Sur toute chair accordée
Sur le front de mes amis
Sur chaque main qui se tend
J'écris ton nom
Sur la vitre des surprises
Sur les lèvres attendries
Bien au-dessus du silence
J'écris ton nom
Sur mes refuges détruits
Sur mes phares écroulés
Sur les murs de mon ennui
J'écris ton nom
Sur l'absence sans désir
Sur la solitude nue
Sur les marches de la mort
J'écris ton nom
Sur la santé revenue
Sur le risque disparu
Sur l'espoir sans souvenir
J'écris ton nom
Et par le pouvoir d'un mot
Je recommence ma vie
Je suis né pour te connaître
Pour te nommer
Paul Eluard
in Poésies et vérités, 1942
Je crois que c’est suite à des ennuis qu’il avait eux avec la France pdt la guerre, qu’on lui avait chaudement recommandé de le remplacer par le mot « liberté ».
Gazoline
Sous la pluie fine je grelottais
au fond du canot à moteur,
le nez sur le plat-bord,
et je l'observais dégouliner et se répandre
dans l'eau terne:
les couleurs les plus belles en temps de guerre,
une nappe d'arc-en-ciel,
éphémère comme des ailes de mouche,
verte, bleue, rouge et rose,
un petit numéro chatoyant pour moi toute seule.
Était-ce alors mon jouet préféré?
Cette tache toxique qui débordait
d'un réservoir déglingué rempli
de l'essence du danger?
Je savais que c'était du poison,
que sa beauté n'était qu'illusion;
je savais comment épeler inflammable.
Malgré tout, j'aimais cette odeur:
si étrange, quelque chose comme
un parfum d'étoiles.
J'aurais voulu la boire,
inhaler ses reflets irisés.
Comme si j'avais pu.
C'est ainsi que les dieux ont vécu: comme si.
Margaret Atwood
dans La porte, 2007
Sous la pluie fine je grelottais
au fond du canot à moteur,
le nez sur le plat-bord,
et je l'observais dégouliner et se répandre
dans l'eau terne:
les couleurs les plus belles en temps de guerre,
une nappe d'arc-en-ciel,
éphémère comme des ailes de mouche,
verte, bleue, rouge et rose,
un petit numéro chatoyant pour moi toute seule.
Était-ce alors mon jouet préféré?
Cette tache toxique qui débordait
d'un réservoir déglingué rempli
de l'essence du danger?
Je savais que c'était du poison,
que sa beauté n'était qu'illusion;
je savais comment épeler inflammable.
Malgré tout, j'aimais cette odeur:
si étrange, quelque chose comme
un parfum d'étoiles.
J'aurais voulu la boire,
inhaler ses reflets irisés.
Comme si j'avais pu.
C'est ainsi que les dieux ont vécu: comme si.
Margaret Atwood
dans La porte, 2007
C'est cela l'important, dire "Je meurs", et le ressassant jusqu'à l'exaspération, sentir monter également intense l'exaspération devant ce qui, faisant mêlée, halète à l'autre bout de soi, et qu'on salue, sachant seulement que cela existe, à l'autre bout de soi.
Elle morte étendue dans ses plis laissant la mort envisager les plis qui la reçurent avant tout autre, qui l'embrassèrent avant que quelqu'un entre - quelque autre avec ses plis, entre. Les draps montrent partout le chemin de son corps, en haut, en bas; indiquant à son corps le chemin qu'il prend - le chemin caché sur son corps - Je sais que je suis important pour cela, dans la lumière. Que je ne le serai pas sans cela.
Cette maison n'accueille pas ceux qui ne la rident pas, ne l'usent pas, ne l'envahissent pas dans leur propre et intime voyage, de l'intimité lourde dans leurs jambes, laquelle transforma leur fatigue en conquête. A la longue les yeux se ferment et chaque membre, chaque extrémité du corps, va poser sa selle, l'ajuste au garrot de l'invisible et va son chemin, va alimenter sa faute, sa transparence, va transpirer derrière les meubles.
Des mots qui ne peuvent rien dire de ce qu'ils ont aimé, des mots qui ne se souviendraient que de la neige, des mots de la neige, des mots qui sont montés trop haut dans leur neige pour qu'on vienne les chercher, des mots qu'on ne viendra pas chercher, ici dans leur neige, sinon untel qui ne pourrait plus vivre sinon dans la neige. Un seul qui marche dans son langage, vers le Nord, vers les choses qui parlent le Nord de leur langage, devant lui.
Un seul dis-je, que devenu gris décrivait mais que désireux de s'éprendre du blanc suffirait seul à signifier, à construire, immobile, dans son futur. Car il serait prêt à bouger, il consentirait à faire un geste, pourvu que blanc, pourvu que fenêtre qu'il ferme continue l'entreprise, pour elle et contre lui, savoir,
de ne pas la briser parce qu'il tient son sexe de la main gauche, parce qu'il est malade il va et vient sur son sexe, lui dans la main, pour le rendre droit, rien que pour cela, c'est assez, c'est beaucoup, le plus souvent possible le plus vite possible, pour ne pas être toujours brisé dans sa tête, pour ne pas faire l'amour, s'il doit le faire encore, il doit, avec sa tête, mais avec son sexe droit, avec son sexe droit d'homme allé au nord des choses, au bout des choses pourvu que blanc, pourvu que ce soit sa main à elle qui ferme la fenêtre, cela suffirait seul à ce qu'il ait un avenir. Cela suffirait à ce qu'il s'endorme, qu'il s'endorme sans elle avec cela qu'elle est encore une fois, encore une fois qu'elle est la première fois lui et elle allés au nord des choses (elle au nord, lui au nord) lui d'abord et sans pudeur pour elle, pour l'avenir sans pudeur qu'elle est : son visage, sa bouche, son ventre. Mais c'est une façon de voir, de les appeler par leur nom, partout de les défendre et d'aimer leur proéminence.
A la troisième personne comme si j'avais touché quelque chose et ne sachant plus comment avancer ni pourquoi, mes veines, miraculeusement se sont refermées, et de nouveau j'avance : je meurs et cela m'impressionne.
Incipit de "Dire je meurs", Guy Viarre
Tu vois,Palo:ce texte est le reflet de ce que je t'évoquais en direct live au Salon-la puissance des textes que tu postes...
Là,j'avoue qu'il faudra que je le relises à nouveau,encore et encore mais wouah!
Rien, en Poésie, ne s'achève. Tout est en route, à jamais. En d'autres temps, d'autres termes, d'autres élans, la Poésie, comme l'amour, se réinvente par-delà toute prescription. Ne sommes-nous pas, en premier lieu, des créatures éminemment poétiques ? Venues on ne sait d'où, tendues vers quelle extrémité ? Pétries par le mystère d'un insaisissable destin ? Situées sur un parcours qui ne cesse de déboucher sur l'imaginaire ? Animées d'une existence qui nous maintient - comme l'arbre - entre terre et ciel, entre racines et créations, mémoires et fictions ? La Poésie demeurera éternellement présente, à l'écoute de l'incommensurable Vie.
Andrée Chedid
Andrée Chedid
Épitaphe
Lorsque je serai mort, avec de la poussière
sur les buis - et les chiens joueront avec les enfants,
personne n'est en faute - le soleil
luira dans l'étang pour se délasser,
au matin sur les plates-bandes une buée perle ;
emmêlé avec les plantes je croîtrai parmi elles,
éparpillé avec les graines, délivré.
Tout sera en ordre, ni plus ni moins. La nature
brouille les pistes, poursuit ses jeux, elle rit.
Bienveillante avec d'autres, il le faut croire,
jusqu'à les lâcher quand il lui plaît.
Mais quel tremblement dans vos voix sera-t-il demeuré,
de ma voix qui avait parlé pour vous ?
André Frénaud
Lorsque je serai mort, avec de la poussière
sur les buis - et les chiens joueront avec les enfants,
personne n'est en faute - le soleil
luira dans l'étang pour se délasser,
au matin sur les plates-bandes une buée perle ;
emmêlé avec les plantes je croîtrai parmi elles,
éparpillé avec les graines, délivré.
Tout sera en ordre, ni plus ni moins. La nature
brouille les pistes, poursuit ses jeux, elle rit.
Bienveillante avec d'autres, il le faut croire,
jusqu'à les lâcher quand il lui plaît.
Mais quel tremblement dans vos voix sera-t-il demeuré,
de ma voix qui avait parlé pour vous ?
André Frénaud
L'Autre
A force de m'écrire
Je me découvre un peu
Je recherche l'Autre
J'aperçois au loin
La femme que j'ai été
Je discerne ses gestes
Je glisse sur ses défauts
Je pénètre à l'intérieur
D'une conscience évanouie
J'explore son regard
Comme ses nuits
Je dépiste et dénude un ciel
Sans réponse et sans voix
Je parcours d'autres domaines
J'invente mon langage
Et m'évade en Poésie
Retombée sur ma Terre
J'y répète à voix basse
Inventions et souvenirs
A force de m'écrire
Je me découvre un peu
Et je retrouve l'Autre.
Andrée Chedid
A force de m'écrire
Je me découvre un peu
Je recherche l'Autre
J'aperçois au loin
La femme que j'ai été
Je discerne ses gestes
Je glisse sur ses défauts
Je pénètre à l'intérieur
D'une conscience évanouie
J'explore son regard
Comme ses nuits
Je dépiste et dénude un ciel
Sans réponse et sans voix
Je parcours d'autres domaines
J'invente mon langage
Et m'évade en Poésie
Retombée sur ma Terre
J'y répète à voix basse
Inventions et souvenirs
A force de m'écrire
Je me découvre un peu
Et je retrouve l'Autre.
Andrée Chedid
Mais qu'est-ce que ces poèmes d'Andrée Chedid sont beaux !
Je ne sais si je dois les acheter, j'adore les découvrir ici...:-)))
Je ne sais si je dois les acheter, j'adore les découvrir ici...:-)))
Mais qu'est-ce que ces poèmes d'Andrée Chedid sont beaux !
Je ne sais si je dois les acheter, j'adore les découvrir ici...:-)))
Laisse-toi tenter Piero, c'est un vrai bonheur... Sinon je continuerai bien sûr à semer ses poèmes sur le forum ;-)
Laisse-toi tenter Piero, c'est un vrai bonheur... Sinon je continuerai bien sûr à semer ses poèmes sur le forum ;-)
Oui je vais le faire. Quels recueils me conseilles-tu ?
J'ai essayé de trouver en librairie un livre d'elle "les quatres morts de Jean de Dieu" mais impossible. Je vais le commander....
Laisse-toi tenter Piero, c'est un vrai bonheur... Sinon je continuerai bien sûr à semer ses poèmes sur le forum ;-)
Oui je vais le faire. Quels recueils me conseilles-tu ?
J'ai essayé de trouver en librairie un livre d'elle "les quatres morts de Jean de Dieu" mais impossible. Je vais le commander....
Côté poésie, dans ses plus récents: "Territoires du souffle" (1999, Flammarion) et "Rythmes" (2002, Gallimard)...
Après, une très grande part de ses poèmes a été rassemblée en deux volumes ("Textes pour un poème" et "Poèmes pour un texte")
Côté roman, je te conseille sans hésiter "L'Autre": je suis certain qu'il te plaira...;-)
le lien sur CL: http://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/6459)
CET AMOUR
Cet amour
Si violent
Si fragile
Si tendre
Si désespéré
Cet amour
Beau comme le jour
Et mauvais comme le temps
Quand le temps est mauvais
Cet amour si vrai
Cet amour si beau
Si heureux
Si joyeux
Et si dérisoire
Tremblant de peur comme un enfant dans le noir
Et si sûr de lui
Comme un homme tranquille au millieu de la nuit
Cet amour qu faisait peur aux autres
Qui les faisait parler
Qui les faisait blêmir
Cet amour guetté
Parce que nous le guettions
Traqué blessé piétiné achevé nié oublié
Parce que nous l’avons traqué blessé piétiné achevé nié oublié
Cet amour tout entier
Si vivant encore
Et tout ensoleillé
C’est le tien
C’est le mien
Celui qui a été
Cette chose toujours nouvelle
Et qui n’a pas changé
Aussi vrai qu’une plante
Aussi tremblante qu’un oiseau
Aussi chaude aussi vivant que l’été
Nous pouvons tous les deux
Aller et revenir
Nous pouvons oublier
Et puis nous rendormir
Nous réveiller souffrir vieillir
Nous endormir encore
Rêver à la mort,
Nous éveiller sourire et rire
Et rajeunir
Notre amour reste là
Têtu comme une bourrique
Vivant comme le désir
Cruel comme la mémoire
Bête comme les regrets
Tendre comme le souvenir
Froid comme le marble
Beau comme le jour
Fragile comme un enfant
Il nous regarde en souriant
Et il nous parle sans rien dire
Et moi je l’écoute en tremblant
Et je crie
Je crie pour toi
Je crie pour moi
Je te supplie
Pour toi pour moi et pour tous ceux qui s’aiment
Et qui se sont aimés
Oui je lui crie
Pour toi pour moi et pour tous les autres
Que je ne connais pas
Reste là
Lá où tu es
Lá où tu étais autrefois
Reste là
Ne bouge pas
Ne t’en va pas
Nous qui sommes aimés
Nous t’avons oublié
Toi ne nous oublie pas
Nous n’avions que toi sur la terre
Ne nous laisse pas devenir froids
Beaucoup plus loin toujours
Et n’importe où
Donne-nous signe de vie
Beaucoup plus tard au coin d’un bois
Dans la forêt de la mémoire
Surgis soudain
Tends-nous la main
Et sauve-nous.
Jacques Prevert
Cet amour
Si violent
Si fragile
Si tendre
Si désespéré
Cet amour
Beau comme le jour
Et mauvais comme le temps
Quand le temps est mauvais
Cet amour si vrai
Cet amour si beau
Si heureux
Si joyeux
Et si dérisoire
Tremblant de peur comme un enfant dans le noir
Et si sûr de lui
Comme un homme tranquille au millieu de la nuit
Cet amour qu faisait peur aux autres
Qui les faisait parler
Qui les faisait blêmir
Cet amour guetté
Parce que nous le guettions
Traqué blessé piétiné achevé nié oublié
Parce que nous l’avons traqué blessé piétiné achevé nié oublié
Cet amour tout entier
Si vivant encore
Et tout ensoleillé
C’est le tien
C’est le mien
Celui qui a été
Cette chose toujours nouvelle
Et qui n’a pas changé
Aussi vrai qu’une plante
Aussi tremblante qu’un oiseau
Aussi chaude aussi vivant que l’été
Nous pouvons tous les deux
Aller et revenir
Nous pouvons oublier
Et puis nous rendormir
Nous réveiller souffrir vieillir
Nous endormir encore
Rêver à la mort,
Nous éveiller sourire et rire
Et rajeunir
Notre amour reste là
Têtu comme une bourrique
Vivant comme le désir
Cruel comme la mémoire
Bête comme les regrets
Tendre comme le souvenir
Froid comme le marble
Beau comme le jour
Fragile comme un enfant
Il nous regarde en souriant
Et il nous parle sans rien dire
Et moi je l’écoute en tremblant
Et je crie
Je crie pour toi
Je crie pour moi
Je te supplie
Pour toi pour moi et pour tous ceux qui s’aiment
Et qui se sont aimés
Oui je lui crie
Pour toi pour moi et pour tous les autres
Que je ne connais pas
Reste là
Lá où tu es
Lá où tu étais autrefois
Reste là
Ne bouge pas
Ne t’en va pas
Nous qui sommes aimés
Nous t’avons oublié
Toi ne nous oublie pas
Nous n’avions que toi sur la terre
Ne nous laisse pas devenir froids
Beaucoup plus loin toujours
Et n’importe où
Donne-nous signe de vie
Beaucoup plus tard au coin d’un bois
Dans la forêt de la mémoire
Surgis soudain
Tends-nous la main
Et sauve-nous.
Jacques Prevert
Arbres
Je sais des arbres
Striés de leur corps à corps avec les vents
Et certains dont les têtes résonnent
Des contes de la brise
D’autres solitaires et debout
Défiant le sol renégat
Et d’autres qui se ressemblent
Autour d’une maison grise
Je sais des arbres
Qui s’humilient au pied des eaux
Pour l’amour de leur image
Et ceux qui secouent d’arrogantes chevelures
À la face du soleil
Je sais des arbres
Témoins de très anciennes naissances
Et qui redoublent de racines
J’en sais d’autres qui expirent
Pour un frôlement d’aile
Je sais des arbres vains et qui ne sont
Que feuilles
Tous ils ont trop vécu
Sur la terre des hommes.
Andrée Chedid
Je sais des arbres
Striés de leur corps à corps avec les vents
Et certains dont les têtes résonnent
Des contes de la brise
D’autres solitaires et debout
Défiant le sol renégat
Et d’autres qui se ressemblent
Autour d’une maison grise
Je sais des arbres
Qui s’humilient au pied des eaux
Pour l’amour de leur image
Et ceux qui secouent d’arrogantes chevelures
À la face du soleil
Je sais des arbres
Témoins de très anciennes naissances
Et qui redoublent de racines
J’en sais d’autres qui expirent
Pour un frôlement d’aile
Je sais des arbres vains et qui ne sont
Que feuilles
Tous ils ont trop vécu
Sur la terre des hommes.
Andrée Chedid
L'AUTRE
Mon autre
Mon semblable
En cette chair
Qui nous compose
En ce cœur
Qui se démène
En ce sang
Qui cavalcade
En ce complot
Du temps
En cette mort
Qui nous guette
En cette fraternité
De nos fugaces vies
Mon semblable
Mon autre
Là où tu es
Je suis.
Andrée Chedid
Mon autre
Mon semblable
En cette chair
Qui nous compose
En ce cœur
Qui se démène
En ce sang
Qui cavalcade
En ce complot
Du temps
En cette mort
Qui nous guette
En cette fraternité
De nos fugaces vies
Mon semblable
Mon autre
Là où tu es
Je suis.
Andrée Chedid
Poésie
Par delà les mots
Elle sécrète la parole
En deçà du verbe
Elle questionne l'univers
Au delà des murailles
Elle nomme la liberté
En deçà de chaque flot
Elle révèle l'océan
Désertant les conquêtes
Elle promet l'équipée
Elle remue le souffle
Sacre l'humble outil
Elle assemble les fragments
Du visage dispersé
Et désigne le mystère
Qui demeure entier.
Andrée Chedid
Par delà les mots
Elle sécrète la parole
En deçà du verbe
Elle questionne l'univers
Au delà des murailles
Elle nomme la liberté
En deçà de chaque flot
Elle révèle l'océan
Désertant les conquêtes
Elle promet l'équipée
Elle remue le souffle
Sacre l'humble outil
Elle assemble les fragments
Du visage dispersé
Et désigne le mystère
Qui demeure entier.
Andrée Chedid
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