De profundis clamavi
J'implore ta pitié, Toi, l'unique que j'aime,
Du fond du gouffre obscur où mon coeur est tombé.
C'est un univers morne à l'horizon plombé,
Où nagent dans la nuit l'horreur et le blasphème ;
Un soleil sans chaleur plane au-dessus six mois,
Et les six autres mois la nuit couvre la terre ;
C'est un pays plus nu que la terre polaire ;
- Ni bêtes, ni ruisseaux, ni verdure, ni bois !
Or il n'est pas d'horreur au monde qui surpasse
La froide cruauté de ce soleil de glace
Et cette immense nuit semblable au vieux Chaos ;
Je jalouse le sort des plus vils animaux
Qui peuvent se plonger dans un sommeil stupide.
Tant l'écheveau du temps lentement se dévide !
Charles Baudelaire
..Merci,Mich,pour ce poème.....
Maintenant que la jeunesse ....
Maintenant que la jeunesse
s'éteint au carreau bleui
Maintenant que la jeunesse
machinale m'a trahi
Maintenant que la jeunesse
tu t'en souviens souviens-t-en
Maintenant que la jeunesse
chante à d'autres le printemps
Maintenant que la jeunesse
n'est plus ici n'est plus là
Maintenant que la jeunesse
suit un nuage étranger
Maintenant que la jeunesse
a fui , voleur généreux
me laissant mon droit d'aînesse
et l'argent de mes cheveux
Il fait beau a n'y pas croire
Il fait beau comme jamais
Quel temps quel temps sans mémoire
on ne sait plus comment voir
ni se lever ni s'asseoir
Il fait beau comme jamais
C'est un temps contre nature
comme le ciel des peintures
comme l'oubli des tortures
Il fait beau comme jamais
Frais comme l'eau sous la rame
un temps fort comme une femme
un temps à damner son âme
Il fait beau comme jamais
Un temps à rire et à courir
un temps à ne pas mourir
un temps à craindre le pire
Il fait beau comme jamais.
Louis ARAGON
Maintenant que la jeunesse
s'éteint au carreau bleui
Maintenant que la jeunesse
machinale m'a trahi
Maintenant que la jeunesse
tu t'en souviens souviens-t-en
Maintenant que la jeunesse
chante à d'autres le printemps
Maintenant que la jeunesse
n'est plus ici n'est plus là
Maintenant que la jeunesse
suit un nuage étranger
Maintenant que la jeunesse
a fui , voleur généreux
me laissant mon droit d'aînesse
et l'argent de mes cheveux
Il fait beau a n'y pas croire
Il fait beau comme jamais
Quel temps quel temps sans mémoire
on ne sait plus comment voir
ni se lever ni s'asseoir
Il fait beau comme jamais
C'est un temps contre nature
comme le ciel des peintures
comme l'oubli des tortures
Il fait beau comme jamais
Frais comme l'eau sous la rame
un temps fort comme une femme
un temps à damner son âme
Il fait beau comme jamais
Un temps à rire et à courir
un temps à ne pas mourir
un temps à craindre le pire
Il fait beau comme jamais.
Louis ARAGON
Braves gens, prenez garde aux choses que vous dites !
Tout peut sortir d'un mot qu'en passant vous perdîtes ;
TOUT, la haine et le deuil !
Et ne m'objectez pas que vos amis sont sûrs
Et que vous parlez bas.
Ecoutez bien ceci :
Tête-à-tête, en pantoufle,
Portes closes, chez vous, sans un témoin qui souffle,
Vous dites à l'oreille du plus mystérieux
De vos amis de cœur ou si vous aimez mieux,
Vous murmurez tout seul, croyant presque vous taire,
Dans le fond d'une cave à trente pieds sous terre,
Un mot désagréable à quelque individu.
Ce mot — que vous croyez qu’on n'a pas entendu,
Que vous disiez si bas dans un lieu sourd et sombre —
Court à peine lâché, part, bondit, sort de l'ombre ;
Tenez, il est dehors ! Il connaît son chemin ;
Il marche, il a deux pieds, un bâton à la main,
De bons souliers ferrés, un passeport en règle ;
Au besoin, il prendrait des ailes, comme l'aigle !
Il vous échappe, il fuit, rien ne l'arrêtera ;
Il suit le quai, franchit la place, et cætera
Passe l'eau sans bateau dans la saison des crues,
Et va, tout à travers un dédale de rues,
Droit chez le citoyen dont vous avez parlé.
Il sait le numéro, l'étage ; il a la clé,
Il monte l'escalier, ouvre la porte, passe, entre, arrive
Et railleur, regardant l'homme en face il lui dit :
"Me voilà ! Je sors de la bouche d'un tel."
Et c'est fait. Vous avez un ennemi mortel.
(Victor Hugo)
Tout peut sortir d'un mot qu'en passant vous perdîtes ;
TOUT, la haine et le deuil !
Et ne m'objectez pas que vos amis sont sûrs
Et que vous parlez bas.
Ecoutez bien ceci :
Tête-à-tête, en pantoufle,
Portes closes, chez vous, sans un témoin qui souffle,
Vous dites à l'oreille du plus mystérieux
De vos amis de cœur ou si vous aimez mieux,
Vous murmurez tout seul, croyant presque vous taire,
Dans le fond d'une cave à trente pieds sous terre,
Un mot désagréable à quelque individu.
Ce mot — que vous croyez qu’on n'a pas entendu,
Que vous disiez si bas dans un lieu sourd et sombre —
Court à peine lâché, part, bondit, sort de l'ombre ;
Tenez, il est dehors ! Il connaît son chemin ;
Il marche, il a deux pieds, un bâton à la main,
De bons souliers ferrés, un passeport en règle ;
Au besoin, il prendrait des ailes, comme l'aigle !
Il vous échappe, il fuit, rien ne l'arrêtera ;
Il suit le quai, franchit la place, et cætera
Passe l'eau sans bateau dans la saison des crues,
Et va, tout à travers un dédale de rues,
Droit chez le citoyen dont vous avez parlé.
Il sait le numéro, l'étage ; il a la clé,
Il monte l'escalier, ouvre la porte, passe, entre, arrive
Et railleur, regardant l'homme en face il lui dit :
"Me voilà ! Je sors de la bouche d'un tel."
Et c'est fait. Vous avez un ennemi mortel.
(Victor Hugo)
O chant éloigné,suprême lyre,
qui ne se donne qu'à celui qui ardemment
et sans repos supporte et endure
de son effort le long et doux maryre
O chant qui naît le dernier pour conclure
l'enfance non terminée,le coeur d'antan.
Au fond de ce que je devrais encor
transformer en ardeur en sang en âme
je sens (que vaguement mon doute réclame)
les lots massifs,les mots profonds en or.
(Chant II)
Le sublime est un départ
quelque chose dde nous,au lieu
de nous suivre,prend son écart
pour s'habituer aux cieux.
La rencontre extrême de l'art
n'est-ce point l'adieu le plus doux,-
et la musique,ce dernier regard
que nous jetons nous-mêmes vers nous.
C'est en nous quittant que le Dieu consent
à notre élan le lus pur;
et nous restons pauvres,mais devinant
la vie de cet astre futur.
...................................................................
En musique seulement il y a de semblables surprises
quand au milieu d'une phrase trop indécise
monte le brusque sanglot d'un vilon.
Ainsi dans un chant longtemps chargé de vie triste,
il se fit une place pour l'abandon
dont mon coeur était le soliste.
"CHANTS ELOIGNES" -Rainer Maria Rilke-
qui ne se donne qu'à celui qui ardemment
et sans repos supporte et endure
de son effort le long et doux maryre
O chant qui naît le dernier pour conclure
l'enfance non terminée,le coeur d'antan.
Au fond de ce que je devrais encor
transformer en ardeur en sang en âme
je sens (que vaguement mon doute réclame)
les lots massifs,les mots profonds en or.
(Chant II)
Le sublime est un départ
quelque chose dde nous,au lieu
de nous suivre,prend son écart
pour s'habituer aux cieux.
La rencontre extrême de l'art
n'est-ce point l'adieu le plus doux,-
et la musique,ce dernier regard
que nous jetons nous-mêmes vers nous.
C'est en nous quittant que le Dieu consent
à notre élan le lus pur;
et nous restons pauvres,mais devinant
la vie de cet astre futur.
...................................................................
En musique seulement il y a de semblables surprises
quand au milieu d'une phrase trop indécise
monte le brusque sanglot d'un vilon.
Ainsi dans un chant longtemps chargé de vie triste,
il se fit une place pour l'abandon
dont mon coeur était le soliste.
"CHANTS ELOIGNES" -Rainer Maria Rilke-
LES MAINS D'ELSA
Donne-moi tes mains pour l'inquiétude
Donne-moi tes mains dont j'ai tant rêvé
Dont j'ai tant rêvé dans ma solitude
Donne-moi tes mains que je sois sauvé
Lorsque je les prends à mon propre piège
De paume et de peur de hâte et d'émoi
Lorsque je les prends comme une eau de neige
Qui fuit de partout dans mes mains à moi
Sauras-tu jamais ce qui me traverse
Qui me bouleverse et qui m'envahit
Sauras-tu jamais ce qui me transperce
Ce que j'ai trahi quand j'ai tressailli
Ce que dit ainsi le profond langage
Ce parler muet de sens animaux
Sans bouche et sans yeux miroir sans image
Ce frémir d'aimer qui n'a pas de mots
Sauras-tu jamais ce que les doigts pensent
D'une proie entre eux un instant tenue
Sauras-tu jamais ce que leur silence
Un éclair aura connu d'inconnu
Donne-moi tes mains que mon coeur s'y forme
S'y taise le monde au moins un moment
Donne-moi tes mains que mon âme y dorme
Que mon âme y dorme éternellement..
Louis ARAGON--"Les mains d'Elsa"-------------------------------------
Donne-moi tes mains pour l'inquiétude
Donne-moi tes mains dont j'ai tant rêvé
Dont j'ai tant rêvé dans ma solitude
Donne-moi tes mains que je sois sauvé
Lorsque je les prends à mon propre piège
De paume et de peur de hâte et d'émoi
Lorsque je les prends comme une eau de neige
Qui fuit de partout dans mes mains à moi
Sauras-tu jamais ce qui me traverse
Qui me bouleverse et qui m'envahit
Sauras-tu jamais ce qui me transperce
Ce que j'ai trahi quand j'ai tressailli
Ce que dit ainsi le profond langage
Ce parler muet de sens animaux
Sans bouche et sans yeux miroir sans image
Ce frémir d'aimer qui n'a pas de mots
Sauras-tu jamais ce que les doigts pensent
D'une proie entre eux un instant tenue
Sauras-tu jamais ce que leur silence
Un éclair aura connu d'inconnu
Donne-moi tes mains que mon coeur s'y forme
S'y taise le monde au moins un moment
Donne-moi tes mains que mon âme y dorme
Que mon âme y dorme éternellement..
Louis ARAGON--"Les mains d'Elsa"-------------------------------------
Le site de mon poète préféré sur le net..en attendant qu'un éditeur le publie...
http://www.poesieamourfou.com
Régalez-vous,si vous aimez la poésie,sa poésie,tendre,soyeuse,aimante...
http://www.poesieamourfou.com
Régalez-vous,si vous aimez la poésie,sa poésie,tendre,soyeuse,aimante...
(Un poème de Voltuan parmi tant d'autres..)
Ta chevelure fait l'Amour au jour
Pris dans les rets de méandres et de puits
L'onde profonde se fait velours
Je ne sais plus qui je suis
Nombreuses sont les anses çà et là
Retenant la danse des passions
Emprisonnant le moindre émoi
Défait par un seul tourbillon
Comment retrouver la parole perdue
Sinon en allant vers toi
A travers l'exil, son abus
Recherchant l'écho de ta voix
C'est la mémoire que j'aime
Boire, toute entière
A la fontaine de tes pas, à en envier les pierres
Qu'innocemment tu rudoies,
Ta venue disperse le froid, la peine
Ô femme pluie, femme plis !
Je crois en tes forêts
Coiffant de désirs l'horizon,
A chaque fois que ta robe étend ses frondaisons,
Si tu savais ce qui m'emplit de joie
Tes mondes sont une épiphanie
Berçant mon coeur de prairies
J'entends ton rire qui m'ensorcelle
Que soient louées tes cascatelles !
Grâce à toi, l'espoir retrouve un visage
Des joues, des lèvres pour s'embrasser
Une chaleur de village
La jouvence d'un champ de blé
Ô femme rivière, femme neige !
Ta présence fait chavirer le ciel
Les étoiles égrènent leurs arpèges
Entre tes doigts le temps ruisselle
Tes bras ceignent l'espace d'arcs-en-ciel
Aujourd'hui donne ses plus beaux fruits
Les paysages de ton Nom sont parfumés d'abeilles
Protégé de ton absence, l'univers est ravi
L'errance a succombé aux essaims de tes mains
A leurs déluges de fougères
Soleil et lune soignent leurs jardins
Jusqu'aux îles de tes seins sur la mer.
Ta chevelure fait l'Amour au jour
Pris dans les rets de méandres et de puits
L'onde profonde se fait velours
Je ne sais plus qui je suis
Nombreuses sont les anses çà et là
Retenant la danse des passions
Emprisonnant le moindre émoi
Défait par un seul tourbillon
Comment retrouver la parole perdue
Sinon en allant vers toi
A travers l'exil, son abus
Recherchant l'écho de ta voix
C'est la mémoire que j'aime
Boire, toute entière
A la fontaine de tes pas, à en envier les pierres
Qu'innocemment tu rudoies,
Ta venue disperse le froid, la peine
Ô femme pluie, femme plis !
Je crois en tes forêts
Coiffant de désirs l'horizon,
A chaque fois que ta robe étend ses frondaisons,
Si tu savais ce qui m'emplit de joie
Tes mondes sont une épiphanie
Berçant mon coeur de prairies
J'entends ton rire qui m'ensorcelle
Que soient louées tes cascatelles !
Grâce à toi, l'espoir retrouve un visage
Des joues, des lèvres pour s'embrasser
Une chaleur de village
La jouvence d'un champ de blé
Ô femme rivière, femme neige !
Ta présence fait chavirer le ciel
Les étoiles égrènent leurs arpèges
Entre tes doigts le temps ruisselle
Tes bras ceignent l'espace d'arcs-en-ciel
Aujourd'hui donne ses plus beaux fruits
Les paysages de ton Nom sont parfumés d'abeilles
Protégé de ton absence, l'univers est ravi
L'errance a succombé aux essaims de tes mains
A leurs déluges de fougères
Soleil et lune soignent leurs jardins
Jusqu'aux îles de tes seins sur la mer.
A la rencontre des Autres
A la rencontre des autres,
J'ai tant vécu,
Le coeur bercé de visages ingénus,
Transpercé par une attitude,
Le moindre geste,
Ce que l'on ne contrôle pas,
L'imperceptible à l'oeuvre,
Une forme de mystère,
L'innocence d'une joue,
Un regard en arrière pour dire:
-"Je tiens à vous, quand vous reverrai-je ?
Sachez qu'en moi je vous protège!"
Mais comment transmettre ces mots-là ?
Avant que l'absence ne nous sépare,
De quelle façon combler l'exil ?
Où nous ont mis les guerres, l'égoïsme,
Les politiques de la misère,
Ô cauchemars, ô torpeurs!
Tant de cynisme habite certains hommes,
Une folie sans nom depuis des millénaires!
Comment dire "je vous aime ?"
Quand cet élan n'a plus de sens,
Ruiné par la médiocrité sociale,
Le conformisme ambiant,
Les jeux abêtissants d'animateurs T.V.,
Tel Chef d'Etat exhibant sa compagne
En haut des Pyramides,
"Parce qu'avec elle, c'est du sérieux !"
Comment dire "je vous aime" ?
Quand on est à la rue,
Sur une bouche de métro,
Et que l'on n'en peut plus,
Comment dire que l'on aime?
Avec un si grand nombre d'orphelins,
Sur tous les continents,
Ignorant la chaleur d'une main,
A la rencontre des autres,
J'ai tant reçu,
Emu par une nuque frêle,
Le mouvement d'un poignet,
Des paroles échangées
A l'ombre d'un jardin,
Je n'ai pu oublier, une expression humaine
Aussi bien qu'animale,
Cette silhouette entrevue au loin,
Qui nous rassure,
Sa démarche légère,
Ô magie, ô ravissements,
Ô moments doux-amers !
Frissons, sources d'émois,
Arcs-en-ciels de robes, de bras,
Danses, chants de joie,
Soleils et pluies de tes cheveux
Jouant à chat,
Si j'étais une forêt, mes frères, mes soeurs,
Je vous prendrais tous, tels des arbres contre moi,
Aucun de vous n'aurait plus jamais froid,
Je porte en moi chaque naissance,
Le désir d'un monde meilleur,
Mon cercle familial ne se résume pas,
A ceux que l'on dit "proches de moi",
Je l'étends au-delà, à toute créature!
Il me semble savoir pourquoi
Le malheur existe,
C'est que l'Homme a divisé l'univers,
En fonction de ses besoins pervers,
Jouissant au quotidien de plaisirs assassins,
Se fiant aux apparences, aux rapports bon teint,
Peste soit la mode de l'art culinaire!
N'aurions-nous pas envie
D'une jouvence d'approche,
Par la grâce des fleurs, des oiseaux ?
Penser la Création, jour après jour,
En prenant soin de l'autre ( humanimal ),
Son âme dévoilée, estimée pas à pas,
C'est panser les blessures de l'Histoire,
Célébrer la beauté, toute mémoire !
Voltuan
A la rencontre des autres,
J'ai tant vécu,
Le coeur bercé de visages ingénus,
Transpercé par une attitude,
Le moindre geste,
Ce que l'on ne contrôle pas,
L'imperceptible à l'oeuvre,
Une forme de mystère,
L'innocence d'une joue,
Un regard en arrière pour dire:
-"Je tiens à vous, quand vous reverrai-je ?
Sachez qu'en moi je vous protège!"
Mais comment transmettre ces mots-là ?
Avant que l'absence ne nous sépare,
De quelle façon combler l'exil ?
Où nous ont mis les guerres, l'égoïsme,
Les politiques de la misère,
Ô cauchemars, ô torpeurs!
Tant de cynisme habite certains hommes,
Une folie sans nom depuis des millénaires!
Comment dire "je vous aime ?"
Quand cet élan n'a plus de sens,
Ruiné par la médiocrité sociale,
Le conformisme ambiant,
Les jeux abêtissants d'animateurs T.V.,
Tel Chef d'Etat exhibant sa compagne
En haut des Pyramides,
"Parce qu'avec elle, c'est du sérieux !"
Comment dire "je vous aime" ?
Quand on est à la rue,
Sur une bouche de métro,
Et que l'on n'en peut plus,
Comment dire que l'on aime?
Avec un si grand nombre d'orphelins,
Sur tous les continents,
Ignorant la chaleur d'une main,
A la rencontre des autres,
J'ai tant reçu,
Emu par une nuque frêle,
Le mouvement d'un poignet,
Des paroles échangées
A l'ombre d'un jardin,
Je n'ai pu oublier, une expression humaine
Aussi bien qu'animale,
Cette silhouette entrevue au loin,
Qui nous rassure,
Sa démarche légère,
Ô magie, ô ravissements,
Ô moments doux-amers !
Frissons, sources d'émois,
Arcs-en-ciels de robes, de bras,
Danses, chants de joie,
Soleils et pluies de tes cheveux
Jouant à chat,
Si j'étais une forêt, mes frères, mes soeurs,
Je vous prendrais tous, tels des arbres contre moi,
Aucun de vous n'aurait plus jamais froid,
Je porte en moi chaque naissance,
Le désir d'un monde meilleur,
Mon cercle familial ne se résume pas,
A ceux que l'on dit "proches de moi",
Je l'étends au-delà, à toute créature!
Il me semble savoir pourquoi
Le malheur existe,
C'est que l'Homme a divisé l'univers,
En fonction de ses besoins pervers,
Jouissant au quotidien de plaisirs assassins,
Se fiant aux apparences, aux rapports bon teint,
Peste soit la mode de l'art culinaire!
N'aurions-nous pas envie
D'une jouvence d'approche,
Par la grâce des fleurs, des oiseaux ?
Penser la Création, jour après jour,
En prenant soin de l'autre ( humanimal ),
Son âme dévoilée, estimée pas à pas,
C'est panser les blessures de l'Histoire,
Célébrer la beauté, toute mémoire !
Voltuan
Transhumance-Youssef Ait Lemkadem
Il faut partir comme les transhumants vénérés
Que la verdure appelle du haut des montagnes;
Il faut partir un jour comme l'essaim d'abeilles libéré,
Ou comme la fumée douce d'un feu étouffé.
Il faut partir un jour comme l'étoile du matin,
A la rencontre de l'autre nuit à venir
Ou le soleil se cachera de pudeur.
Mais il faut revenir comme l'hirondelle attendue,
Pour repartir à nouveau comme les saisons de la vie.
Il faut partir comme les transhumants vénérés
Que la verdure appelle du haut des montagnes;
Il faut partir un jour comme l'essaim d'abeilles libéré,
Ou comme la fumée douce d'un feu étouffé.
Il faut partir un jour comme l'étoile du matin,
A la rencontre de l'autre nuit à venir
Ou le soleil se cachera de pudeur.
Mais il faut revenir comme l'hirondelle attendue,
Pour repartir à nouveau comme les saisons de la vie.
L'esprit-(Youssef Ait Lemkaden)
Dans ta prison la plus sombre,
Dans ta tombe,
Tu recevras la visite du soleil
Et tu entendras
Le fracas des vagues de la mer
Et les chants des oiseaux.
Dans ta prison la plus sombre,
Tes mauvais jours,
La mémoire sera tes yeux
Et l'espoir tes pieds et tes mains.
Dans ta prison la plus sombre,
Tu cueilleras les fleurs
Par delà les murailles d'acier
Et tu navigueras sur les eaux
Des mers les plus belles.
Dans ta prison la plus sombre,
Dans ta tombe,
Tu recevras la visite du soleil
Et tu entendras
Le fracas des vagues de la mer
Et les chants des oiseaux.
Dans ta prison la plus sombre,
Tes mauvais jours,
La mémoire sera tes yeux
Et l'espoir tes pieds et tes mains.
Dans ta prison la plus sombre,
Tu cueilleras les fleurs
Par delà les murailles d'acier
Et tu navigueras sur les eaux
Des mers les plus belles.
Et la mer et l'amour ont la mer pour partage
Et la mer est amère, et l'amour est amer.
L'on s'abîme en la mer aussi bien qu'en l'amour,
Car l'amour et la mer ne sont point sans orage.
Celui qui craint les eaux, qu'il demeure au rivage.
Celui qui craint les maux qu'on souffre pour aimer
qu'il ne se laisse pas par l'amour emporter
Car tous deux ils seraient sans hasard de naufrage
La mer de l'amour eut la mer pour berceau,
Le feu sort de l'amour, sa mère sort de l'eau.
Mais l'eau contre ce feu ne peut fournir des armes.
Si l'eau pouvait éteindre un brasier amoureux,
Ton amour qui me brûle est si fort douloureux,
Que j'eusse éteint son feu de la mer de mes larmes...
Pierre de Marbeuf
Et la mer est amère, et l'amour est amer.
L'on s'abîme en la mer aussi bien qu'en l'amour,
Car l'amour et la mer ne sont point sans orage.
Celui qui craint les eaux, qu'il demeure au rivage.
Celui qui craint les maux qu'on souffre pour aimer
qu'il ne se laisse pas par l'amour emporter
Car tous deux ils seraient sans hasard de naufrage
La mer de l'amour eut la mer pour berceau,
Le feu sort de l'amour, sa mère sort de l'eau.
Mais l'eau contre ce feu ne peut fournir des armes.
Si l'eau pouvait éteindre un brasier amoureux,
Ton amour qui me brûle est si fort douloureux,
Que j'eusse éteint son feu de la mer de mes larmes...
Pierre de Marbeuf
"INVICTUS" --William Henley
Dans la nuit qui m'environne,
Dans les ténèbres qui m'enserrent,
Je loue les dieux qui me donnent
Une âme à la fois noble et fière.
Prisonnier de ma situation,
Je ne veux pas me rebeller,
Meurtri par les tribulations,
Je suis debout, bien que blessé.
En ce lieu d'opprobre et de pleurs,
je ne vois qu'horreur et ombres
les années s'annoncent sombres
mais je ne connaitrai pas la peur.
Aussi étroit que soit le chemin,
Bien qu'on m'accuse et qu'on me blâme:
Je suis maître de mon destin;
Et capitaine de mon âme.
Dans la nuit qui m'environne,
Dans les ténèbres qui m'enserrent,
Je loue les dieux qui me donnent
Une âme à la fois noble et fière.
Prisonnier de ma situation,
Je ne veux pas me rebeller,
Meurtri par les tribulations,
Je suis debout, bien que blessé.
En ce lieu d'opprobre et de pleurs,
je ne vois qu'horreur et ombres
les années s'annoncent sombres
mais je ne connaitrai pas la peur.
Aussi étroit que soit le chemin,
Bien qu'on m'accuse et qu'on me blâme:
Je suis maître de mon destin;
Et capitaine de mon âme.
François MAYNARD (1582-1646)
La belle vieille
Cloris, que dans mon temps j'ai si longtemps servie
Et que ma passion montre à tout l'univers,
Ne veux-tu pas changer le destin de ma vie
Et donner de beaux jours à mes derniers hivers ?
N'oppose plus ton deuil au bonheur où j'aspire.
Ton visage est-il fait pour demeurer voilé ?
Sors de ta nuit funèbre, et permets que j'admire
Les divines clartés des yeux qui m'ont brûlé.
Où s'enfuit ta prudence acquise et naturelle ?
Qu'est-ce que ton esprit a fait de sa vigueur ?
La folle vanité de paraître fidèle
Aux cendres d'un jaloux, m'expose à ta rigueur.
Eusses-tu fait le voeu d'un éternel veuvage
Pour l'honneur du mari que ton lit a perdu
Et trouvé des Césars dans ton haut parentage,
Ton amour est un bien qui m'est justement dû.
Qu'on a vu revenir de malheurs et de joies,
Qu'on a vu trébucher de peuples et de rois,
Qu'on a pleuré d'Hectors, qu'on a brûlé de Troies
Depuis que mon courage a fléchi sous tes lois !
Ce n'est pas d'aujourd'hui que je suis ta conquête,
Huit lustres ont suivi le jour que tu me pris,
Et j'ai fidèlement aimé ta belle tête
Sous des cheveux châtains et sous des cheveux gris.
C'est de tes jeunes yeux que mon ardeur est née ;
C'est de leurs premiers traits que je fus abattu ;
Mais tant que tu brûlas du flambeau d'hyménée,
Mon amour se cacha pour plaire à ta vertu.
Je sais de quel respect il faut que je t'honore
Et mes ressentiments ne l'ont pas violé.
Si quelquefois j'ai dit le soin qui me dévore,
C'est à des confidents qui n'ont jamais parlé.
Pour adoucir l'aigreur des peines que j'endure
Je me plains aux rochers et demande conseil
A ces vieilles forêts dont l'épaisse verdure
Fait de si belles nuits en dépit du soleil.
L'âme pleine d'amour et de mélancolie
Et couché sur des fleurs et sous des orangers,
J'ai montré ma blessure aux deux mers d'Italie
Et fait dire ton nom aux échos étrangers.
Ce fleuve impérieux à qui tout fit hommage
Et dont Neptune même endure le mépris,
A su qu'en mon esprit j'adorais ton image
Au lieu de chercher Rome en ses vastes débris.
Cloris, la passion que mon coeur t'a jurée
Ne trouve point d'exemple aux siècles les plus vieux.
Amour et la nature admirent la durée
Du feu de mes désirs et du feu de tes yeux.
La beauté qui te suit depuis ton premier âge
Au déclin de tes jours ne veut pas te laisser,
Et le temps, orgueilleux d'avoir fait ton visage,
En conserve l'éclat et craint de l'effacer.
Regarde sans frayeur la fin de toutes choses,
Consulte le miroir avec des yeux contents.
On ne voit point tomber ni tes lys, ni tes roses,
Et l'hiver de ta vie est ton second printemps.
Pour moi, je cède aux ans ; et ma tête chenue
M'apprend qu'il faut quitter les hommes et le jour.
Mon sang se refroidit ; ma force diminue
Et je serais sans feu si j'étais sans amour.
C'est dans peu de matins que je croîtrai le nombre
De ceux à qui la Parque a ravi la clarté !
Oh ! qu'on oira souvent les plaintes de mon ombre
Accuser tes mépris de m'avoir maltraité !
Que feras-tu, Cloris, pour honorer ma cendre ?
Pourras-tu sans regret ouïr parler de moi ?
Et le mort que tu plains te pourra-t-il défendre
De blâmer ta rigueur et de louer ma foi ?
Si je voyais la fin de l'âge qui te reste,
Ma raison tomberait sous l'excès de mon deuil ;
Je pleurerais sans cesse un malheur si funeste
Et ferais jour et nuit l'amour à ton cercueil !
La belle vieille
Cloris, que dans mon temps j'ai si longtemps servie
Et que ma passion montre à tout l'univers,
Ne veux-tu pas changer le destin de ma vie
Et donner de beaux jours à mes derniers hivers ?
N'oppose plus ton deuil au bonheur où j'aspire.
Ton visage est-il fait pour demeurer voilé ?
Sors de ta nuit funèbre, et permets que j'admire
Les divines clartés des yeux qui m'ont brûlé.
Où s'enfuit ta prudence acquise et naturelle ?
Qu'est-ce que ton esprit a fait de sa vigueur ?
La folle vanité de paraître fidèle
Aux cendres d'un jaloux, m'expose à ta rigueur.
Eusses-tu fait le voeu d'un éternel veuvage
Pour l'honneur du mari que ton lit a perdu
Et trouvé des Césars dans ton haut parentage,
Ton amour est un bien qui m'est justement dû.
Qu'on a vu revenir de malheurs et de joies,
Qu'on a vu trébucher de peuples et de rois,
Qu'on a pleuré d'Hectors, qu'on a brûlé de Troies
Depuis que mon courage a fléchi sous tes lois !
Ce n'est pas d'aujourd'hui que je suis ta conquête,
Huit lustres ont suivi le jour que tu me pris,
Et j'ai fidèlement aimé ta belle tête
Sous des cheveux châtains et sous des cheveux gris.
C'est de tes jeunes yeux que mon ardeur est née ;
C'est de leurs premiers traits que je fus abattu ;
Mais tant que tu brûlas du flambeau d'hyménée,
Mon amour se cacha pour plaire à ta vertu.
Je sais de quel respect il faut que je t'honore
Et mes ressentiments ne l'ont pas violé.
Si quelquefois j'ai dit le soin qui me dévore,
C'est à des confidents qui n'ont jamais parlé.
Pour adoucir l'aigreur des peines que j'endure
Je me plains aux rochers et demande conseil
A ces vieilles forêts dont l'épaisse verdure
Fait de si belles nuits en dépit du soleil.
L'âme pleine d'amour et de mélancolie
Et couché sur des fleurs et sous des orangers,
J'ai montré ma blessure aux deux mers d'Italie
Et fait dire ton nom aux échos étrangers.
Ce fleuve impérieux à qui tout fit hommage
Et dont Neptune même endure le mépris,
A su qu'en mon esprit j'adorais ton image
Au lieu de chercher Rome en ses vastes débris.
Cloris, la passion que mon coeur t'a jurée
Ne trouve point d'exemple aux siècles les plus vieux.
Amour et la nature admirent la durée
Du feu de mes désirs et du feu de tes yeux.
La beauté qui te suit depuis ton premier âge
Au déclin de tes jours ne veut pas te laisser,
Et le temps, orgueilleux d'avoir fait ton visage,
En conserve l'éclat et craint de l'effacer.
Regarde sans frayeur la fin de toutes choses,
Consulte le miroir avec des yeux contents.
On ne voit point tomber ni tes lys, ni tes roses,
Et l'hiver de ta vie est ton second printemps.
Pour moi, je cède aux ans ; et ma tête chenue
M'apprend qu'il faut quitter les hommes et le jour.
Mon sang se refroidit ; ma force diminue
Et je serais sans feu si j'étais sans amour.
C'est dans peu de matins que je croîtrai le nombre
De ceux à qui la Parque a ravi la clarté !
Oh ! qu'on oira souvent les plaintes de mon ombre
Accuser tes mépris de m'avoir maltraité !
Que feras-tu, Cloris, pour honorer ma cendre ?
Pourras-tu sans regret ouïr parler de moi ?
Et le mort que tu plains te pourra-t-il défendre
De blâmer ta rigueur et de louer ma foi ?
Si je voyais la fin de l'âge qui te reste,
Ma raison tomberait sous l'excès de mon deuil ;
Je pleurerais sans cesse un malheur si funeste
Et ferais jour et nuit l'amour à ton cercueil !
Paul VERLAINE (1844-1896)
Je suis venu, calme orphelin
Gaspard Hauser chante :
Je suis venu, calme orphelin,
Riche de mes seuls yeux tranquilles,
Vers les hommes des grandes villes :
Ils ne m'ont pas trouvé malin.
A vingt ans un trouble nouveau
Sous le nom d'amoureuses flammes
M'a fait trouver belles les femmes :
Elles ne m'ont pas trouvé beau.
Bien que sans patrie et sans roi
Et très brave ne l'étant guère,
J'ai voulu mourir à la guerre :
La mort n'a pas voulu de moi.
Suis-je né trop tôt ou trop tard ?
Qu'est-ce que je fais en ce monde ?
O vous tous, ma peine est profonde :
Priez pour le pauvre Gaspard !
Je suis venu, calme orphelin
Gaspard Hauser chante :
Je suis venu, calme orphelin,
Riche de mes seuls yeux tranquilles,
Vers les hommes des grandes villes :
Ils ne m'ont pas trouvé malin.
A vingt ans un trouble nouveau
Sous le nom d'amoureuses flammes
M'a fait trouver belles les femmes :
Elles ne m'ont pas trouvé beau.
Bien que sans patrie et sans roi
Et très brave ne l'étant guère,
J'ai voulu mourir à la guerre :
La mort n'a pas voulu de moi.
Suis-je né trop tôt ou trop tard ?
Qu'est-ce que je fais en ce monde ?
O vous tous, ma peine est profonde :
Priez pour le pauvre Gaspard !
Algernon Charles SWINBURNE (1837-1909)
Nocturne
La nuit écoute et se penche sur l'onde
Pour y cueillir rien qu'un souffle d'amour ;
Pas de lueur, pas de musique au monde,
Pas de sommeil pour moi ni de séjour.
Ô mère, ô Nuit, de ta source profonde
Verse-nous, verse enfin l'oubli du jour.
Verse l'oubli de l'angoisse et du jour ;
Chante ; ton chant assoupit l'âme et l'onde
Fais de ton sein pour mon âme un séjour,
Elle est bien lasse, ô mère, de ce monde,
Où le baiser ne veut pas dire amour,
Où l'âme aimée est moins que toi profonde.
Car toute chose aimée est moins profonde,
Ô Nuit, que toi, fille et mère du jour ;
Toi dont l'attente est le répit du monde,
Toi dont le souffle est plein de mots d'amour,
Toi dont l'haleine enfle et réprime l'onde,
Toi dont l'ombre a tout le ciel pour séjour.
La misère humble et lasse, sans séjour,
S'abrite et dort sous ton aile profonde ;
Tu fais à tous l'aumône de l'amour :
Toutes les soifs viennent boire à ton onde,
Tout ce qui pleure et se dérobe au jour,
Toutes les faims et tous les maux du monde.
Moi seul je veille et ne vois dans ce monde
Que ma douleur qui n'ait point de séjour
Où s'abriter sur ta rive profonde
Et s'endormir sous tes yeux loin du jour ;
Je vais toujours cherchant au bord de l'onde
Le sang du beau pied blessé de l'amour.
La mer est sombre où tu naquis, amour,
Pleine des pleurs et des sanglots du monde ;
On ne voit plus le gouffre où naît le jour
Luire et frémir sous ta lueur profonde ;
Mais dans les coeurs d'homme où tu fais séjour
La couleur monte et baisse comme une onde.
Envoi
Fille de l'onde et mère de l'amour,
Du haut séjour plein de ta paix profonde
Sur ce bas monde épands un peu de jour.
Nocturne
La nuit écoute et se penche sur l'onde
Pour y cueillir rien qu'un souffle d'amour ;
Pas de lueur, pas de musique au monde,
Pas de sommeil pour moi ni de séjour.
Ô mère, ô Nuit, de ta source profonde
Verse-nous, verse enfin l'oubli du jour.
Verse l'oubli de l'angoisse et du jour ;
Chante ; ton chant assoupit l'âme et l'onde
Fais de ton sein pour mon âme un séjour,
Elle est bien lasse, ô mère, de ce monde,
Où le baiser ne veut pas dire amour,
Où l'âme aimée est moins que toi profonde.
Car toute chose aimée est moins profonde,
Ô Nuit, que toi, fille et mère du jour ;
Toi dont l'attente est le répit du monde,
Toi dont le souffle est plein de mots d'amour,
Toi dont l'haleine enfle et réprime l'onde,
Toi dont l'ombre a tout le ciel pour séjour.
La misère humble et lasse, sans séjour,
S'abrite et dort sous ton aile profonde ;
Tu fais à tous l'aumône de l'amour :
Toutes les soifs viennent boire à ton onde,
Tout ce qui pleure et se dérobe au jour,
Toutes les faims et tous les maux du monde.
Moi seul je veille et ne vois dans ce monde
Que ma douleur qui n'ait point de séjour
Où s'abriter sur ta rive profonde
Et s'endormir sous tes yeux loin du jour ;
Je vais toujours cherchant au bord de l'onde
Le sang du beau pied blessé de l'amour.
La mer est sombre où tu naquis, amour,
Pleine des pleurs et des sanglots du monde ;
On ne voit plus le gouffre où naît le jour
Luire et frémir sous ta lueur profonde ;
Mais dans les coeurs d'homme où tu fais séjour
La couleur monte et baisse comme une onde.
Envoi
Fille de l'onde et mère de l'amour,
Du haut séjour plein de ta paix profonde
Sur ce bas monde épands un peu de jour.
La chair est triste, hélas ! et j'ai lu tous les livres.
Fuir ! là-bas fuir! Je sens que des oiseaux sont ivres
D'être parmi l'écume inconnue et les cieux !
Rien, ni les vieux jardins reflétés par les yeux
Ne retiendra ce coeur qui dans la mer se trempe
Ô nuits ! ni la clarté déserte de ma lampe
Sur le vide papier que la blancheur défend
Et ni la jeune femme allaitant son enfant.
Je partirai ! Steamer balançant ta mâture,
Lève l'ancre pour une exotique nature !
Un Ennui, désolé par les cruels espoirs,
Croit encore à l'adieu suprême des mouchoirs !
Et, peut-être, les mâts, invitant les orages,
Sont-ils de ceux qu'un vent penche sur les naufrages
Perdus, sans mâts, sans mâts, ni fertiles îlots ...
Mais, ô mon coeur, entends le chant des matelots !
Stéphane Mallarmé(Oeuvres poétiques)
Fuir ! là-bas fuir! Je sens que des oiseaux sont ivres
D'être parmi l'écume inconnue et les cieux !
Rien, ni les vieux jardins reflétés par les yeux
Ne retiendra ce coeur qui dans la mer se trempe
Ô nuits ! ni la clarté déserte de ma lampe
Sur le vide papier que la blancheur défend
Et ni la jeune femme allaitant son enfant.
Je partirai ! Steamer balançant ta mâture,
Lève l'ancre pour une exotique nature !
Un Ennui, désolé par les cruels espoirs,
Croit encore à l'adieu suprême des mouchoirs !
Et, peut-être, les mâts, invitant les orages,
Sont-ils de ceux qu'un vent penche sur les naufrages
Perdus, sans mâts, sans mâts, ni fertiles îlots ...
Mais, ô mon coeur, entends le chant des matelots !
Stéphane Mallarmé(Oeuvres poétiques)
Tristesses de la lune
Ce soir, la lune rêve avec plus de paresse ;
Ainsi qu'une beauté, sur de nombreux coussins,
Qui d'une main distraite et légère caresse
Avant de s'endormir le contour de ses seins,
Sur le dos satiné des molles avalanches,
Mourante, elle se livre aux longues pâmoisons,
Et promène ses yeux sur les visions blanches
Qui montent dans l'azur comme des floraisons.
Quand parfois sur ce globe, en sa langueur oisive,
Elle laisse filer une larme furtive,
Un poète pieux, ennemi du sommeil,
Dans le creux de sa main prend cette larme pâle,
Aux reflets irisés comme un fragment d'opale,
Et la met dans son coeur loin des yeux du soleil.
-Baudelaire-
Ce soir, la lune rêve avec plus de paresse ;
Ainsi qu'une beauté, sur de nombreux coussins,
Qui d'une main distraite et légère caresse
Avant de s'endormir le contour de ses seins,
Sur le dos satiné des molles avalanches,
Mourante, elle se livre aux longues pâmoisons,
Et promène ses yeux sur les visions blanches
Qui montent dans l'azur comme des floraisons.
Quand parfois sur ce globe, en sa langueur oisive,
Elle laisse filer une larme furtive,
Un poète pieux, ennemi du sommeil,
Dans le creux de sa main prend cette larme pâle,
Aux reflets irisés comme un fragment d'opale,
Et la met dans son coeur loin des yeux du soleil.
-Baudelaire-
Adieux a la mer
Murmure autour de ma nacelle,
Douce mer dont les flots chéris,
Ainsi qu'une amante fidèle,
Jettent une plainte éternelle
Sur ces poétiques débris.
Que j'aime à flotter sur ton onde.
A l'heure où du haut du rocher
L'oranger, la vigne féconde,
Versent sur ta vague profonde
Une ombre propice au nocher !
Souvent, dans ma barque sans rame,
Me confiant à ton amour,
Comme pour assoupir mon âme,
Je ferme au branle de ta lame
Mes regards fatigués du jour.
Comme un coursier souple et docile
Dont on laisse flotter le mors,
Toujours, vers quelque frais asile,
Tu pousses ma barque fragile
Avec l'écume de tes bords.
Ah! berce, berce, berce encore,
Berce pour la dernière fois,
Berce cet enfant qui t'adore,
Et qui depuis sa tendre aurore
N'a rêvé que l'onde et les bois!
Le Dieu qui décora le monde
De ton élément gracieux,
Afin qu'ici tout se réponde,
Fit les cieux pour briller sur l'onde,
L'onde pour réfléchir les cieux.
Aussi pur que dans ma paupière,
Le jour pénètre ton flot pur,
Et dans ta brillante carrière
Tu sembles rouler la lumière
Avec tes flots d'or et d'azur.
Aussi libre que la pensée,
Tu brises le vaisseau des rois,
Et dans ta colère insensée,
Fidèle au Dieu qui t'a lancée,
Tu ne t'arrêtes qu'à sa voix.
De l'infini sublime image,
De flots en flots l'oeil emporté
Te suit en vain de plage en plage,
L'esprit cherche en vain ton rivage,
Comme ceux de l'éternité.
Ta voix majestueuse et douce
Fait trembler l'écho de tes bords,
Ou sur l'herbe qui te repousse,
Comme le zéphyr dans la mousse,
Murmure de mourants accords.
Que je t'aime, ô vague assouplie,
Quand, sous mon timide vaisseau,
Comme un géant qui s'humilie,
Sous ce vain poids l'onde qui plie
Me creuse un liquide berceau.
Que je t'aime quand, le zéphire
Endormi dans tes antres frais,
Ton rivage semble sourire
De voir dans ton sein qu'il admire
Flotter l'ombre de ses forêts!
Que je t'aime quand sur ma poupe
Des festons de mille couleurs,
Pendant au vent qui les découpe,
Te couronnent comme une coupe
Dont les bords sont voilés de fleurs!
Qu'il est doux, quand le vent caresse
Ton sein mollement agité,
De voir, sous ma main qui la presse,
Ta vague, qui s'enfle et s'abaisse
Comme le sein de la beauté!
Viens, à ma barque fugitive
Viens donner le baiser d'adieux;
Roule autour une voix plaintive,
Et de l'écume de ta rive
Mouille encor mon front et mes yeux.
Laisse sur ta plaine mobile
Flotter ma nacelle à son gré,
Ou sous l'antre de la sibylle,
Ou sur le tombeau de Virgile :
Chacun de tes flots m'est sacré.
Partout, sur ta rive chérie,
Où l'amour éveilla mon coeur,
Mon âme, à sa vue attendrie,
Trouve un asile, une patrie,
Et des débris de son bonheur,
Flotte au hasard : sur quelque plage
Que tu me fasses dériver,
Chaque flot m'apporte une image;
Chaque rocher de ton rivage
Me fait souvenir ou rêver...
Alphonse de Lamartine
Murmure autour de ma nacelle,
Douce mer dont les flots chéris,
Ainsi qu'une amante fidèle,
Jettent une plainte éternelle
Sur ces poétiques débris.
Que j'aime à flotter sur ton onde.
A l'heure où du haut du rocher
L'oranger, la vigne féconde,
Versent sur ta vague profonde
Une ombre propice au nocher !
Souvent, dans ma barque sans rame,
Me confiant à ton amour,
Comme pour assoupir mon âme,
Je ferme au branle de ta lame
Mes regards fatigués du jour.
Comme un coursier souple et docile
Dont on laisse flotter le mors,
Toujours, vers quelque frais asile,
Tu pousses ma barque fragile
Avec l'écume de tes bords.
Ah! berce, berce, berce encore,
Berce pour la dernière fois,
Berce cet enfant qui t'adore,
Et qui depuis sa tendre aurore
N'a rêvé que l'onde et les bois!
Le Dieu qui décora le monde
De ton élément gracieux,
Afin qu'ici tout se réponde,
Fit les cieux pour briller sur l'onde,
L'onde pour réfléchir les cieux.
Aussi pur que dans ma paupière,
Le jour pénètre ton flot pur,
Et dans ta brillante carrière
Tu sembles rouler la lumière
Avec tes flots d'or et d'azur.
Aussi libre que la pensée,
Tu brises le vaisseau des rois,
Et dans ta colère insensée,
Fidèle au Dieu qui t'a lancée,
Tu ne t'arrêtes qu'à sa voix.
De l'infini sublime image,
De flots en flots l'oeil emporté
Te suit en vain de plage en plage,
L'esprit cherche en vain ton rivage,
Comme ceux de l'éternité.
Ta voix majestueuse et douce
Fait trembler l'écho de tes bords,
Ou sur l'herbe qui te repousse,
Comme le zéphyr dans la mousse,
Murmure de mourants accords.
Que je t'aime, ô vague assouplie,
Quand, sous mon timide vaisseau,
Comme un géant qui s'humilie,
Sous ce vain poids l'onde qui plie
Me creuse un liquide berceau.
Que je t'aime quand, le zéphire
Endormi dans tes antres frais,
Ton rivage semble sourire
De voir dans ton sein qu'il admire
Flotter l'ombre de ses forêts!
Que je t'aime quand sur ma poupe
Des festons de mille couleurs,
Pendant au vent qui les découpe,
Te couronnent comme une coupe
Dont les bords sont voilés de fleurs!
Qu'il est doux, quand le vent caresse
Ton sein mollement agité,
De voir, sous ma main qui la presse,
Ta vague, qui s'enfle et s'abaisse
Comme le sein de la beauté!
Viens, à ma barque fugitive
Viens donner le baiser d'adieux;
Roule autour une voix plaintive,
Et de l'écume de ta rive
Mouille encor mon front et mes yeux.
Laisse sur ta plaine mobile
Flotter ma nacelle à son gré,
Ou sous l'antre de la sibylle,
Ou sur le tombeau de Virgile :
Chacun de tes flots m'est sacré.
Partout, sur ta rive chérie,
Où l'amour éveilla mon coeur,
Mon âme, à sa vue attendrie,
Trouve un asile, une patrie,
Et des débris de son bonheur,
Flotte au hasard : sur quelque plage
Que tu me fasses dériver,
Chaque flot m'apporte une image;
Chaque rocher de ton rivage
Me fait souvenir ou rêver...
Alphonse de Lamartine
Guillaume Apollinaire
Aujourd'hui, de cinq à six heures, suivi
la voisine divine. Restif dirait "féïque".
Pas osé lui donner les vers faits hier.
Journal, 14 avril 1903.
--------
Vous dont je ne sais pas le nom ô ma voisine
Mince comme une abeille ô fée apparaissant
Parfois à la fenêtre et quelquefois glissant
Serpentine onduleuse à damner ô voisine
Et pourtant soeur des fleurs ô grappe de glycine
En robe verte vous rappelez Mélusine
Et vous marchez à petits pas comme dansant
Et quand vous êtes en robe bleu-pâlissant
Vous semblez Notre-Dame des fleurs ô voisine
Madone dont la bouche est une capucine
Sinueuse comme une chaîne de monts bleus
Et lointains délicate et longue comme un ange
Fille d'enchantements mirage fabuleux
Une fée autrefois s'appelait Mélusine
0 songe de mensonge avril miraculeux
Tremblante et sautillante ô vous l'oiselle étrange
Vos cheveux feuilles mortes après la vendange
Madone d'automne et des printemps fabuleux
Une fée autrefois s'appelait Mélusine
Êtes-vous Mélusine ô fée ô ma voisine
Aujourd'hui, de cinq à six heures, suivi
la voisine divine. Restif dirait "féïque".
Pas osé lui donner les vers faits hier.
Journal, 14 avril 1903.
--------
Vous dont je ne sais pas le nom ô ma voisine
Mince comme une abeille ô fée apparaissant
Parfois à la fenêtre et quelquefois glissant
Serpentine onduleuse à damner ô voisine
Et pourtant soeur des fleurs ô grappe de glycine
En robe verte vous rappelez Mélusine
Et vous marchez à petits pas comme dansant
Et quand vous êtes en robe bleu-pâlissant
Vous semblez Notre-Dame des fleurs ô voisine
Madone dont la bouche est une capucine
Sinueuse comme une chaîne de monts bleus
Et lointains délicate et longue comme un ange
Fille d'enchantements mirage fabuleux
Une fée autrefois s'appelait Mélusine
0 songe de mensonge avril miraculeux
Tremblante et sautillante ô vous l'oiselle étrange
Vos cheveux feuilles mortes après la vendange
Madone d'automne et des printemps fabuleux
Une fée autrefois s'appelait Mélusine
Êtes-vous Mélusine ô fée ô ma voisine
...
J'émigrerai quelque jour vers vos pays cachés
Et ne reviendrai plus
Regardez-moi
Passants de rien, poules de luxe, fleurs incroyables
Regardez-moi
Je suis un migratoire, un migratoire
Je suis un vieux corbeau qui court après une charogne comme un chien de course après le leurre
Je suis un vieux corbeau de la plaine où je vais m'englânant des trucs dégueulasses, de vieilles graines d'homme qu'on a trop employées
Je suis un vieux corbeau qui court après une corbeaute
Je croasse comme on peut croasser quand on est un vieil oiseau de cinquante-sept piges
...
Léo Ferré (Et Basta!)
J'émigrerai quelque jour vers vos pays cachés
Et ne reviendrai plus
Regardez-moi
Passants de rien, poules de luxe, fleurs incroyables
Regardez-moi
Je suis un migratoire, un migratoire
Je suis un vieux corbeau qui court après une charogne comme un chien de course après le leurre
Je suis un vieux corbeau de la plaine où je vais m'englânant des trucs dégueulasses, de vieilles graines d'homme qu'on a trop employées
Je suis un vieux corbeau qui court après une corbeaute
Je croasse comme on peut croasser quand on est un vieil oiseau de cinquante-sept piges
...
Léo Ferré (Et Basta!)
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