Nance
avatar 19/12/2008 @ 22:33:58
Raymond Queneau
Un poème

Bien placés bien choisis
quelques mots font une poésie
les mots il suffit qu’on les aime
pour écrire un poème
on ne sait pas toujours ce qu’on dit
lorsque naît la poésie
faut ensuite rechercher le thème
pour intituler le poème
mais d’autres fois on pleure on rit
en écrivant la poésie
ça a toujours kékchose d’extrème
un poème

Nance
avatar 21/12/2008 @ 21:29:12
Le meilleur poème du recueil Le cercle vicieux de Margaret Atwood, traduit par Anik de Repentigny:


Voici une photo de moi


On l'a prise il y a quelque temps.
À première vue, cela ressemble
à une image
embrouillée: mélange de lignes floues
et de taches grises sur le papier;

puis, en la scrutant,
on voit dans le coin gauche
quelque chose comme une branche d'arbre
(sapin ou épinette) apparaître
et vers la droite, au milieu
d'une pente qui semble douce,
une petite maison de bois.

À l'arrière-plan il y a un lac,
et au loin, quelques basses collines.

(La photo a été prise
le lendemain de ma noyade.

Je suis dans le lac, au centre
de la photo, juste sous la surface.

On ne peut dire où
exactement, ou
évaluer ma taille:
l'eau sur la lumière
crée une distorsion

mais si vous regardez assez longtemps,
éventuellement
vous finirez par me voir.)

Dirlandaise

avatar 14/01/2009 @ 02:27:14
LE VIN DES AMANTS
(Baudelaire - Les Fleurs du Mal)

Aujourd'hui l'espace est splendide !
Sans mors, sans éperons,sans bride.
Partons à cheval sur le vin
Pour un ciel féerique et divin !

Comme deux anges que torture
Une implacable calenture
Dans le bleu cristal du matin
Suivons le mirage lointain !

Mollement balancés sur l'aile
Du tourbillon intelligent,
Dans un délire parallèle,

Ma soeur, côte à côte nageant,
Nous fuirons sans repos ni trèves
Vers le paradis de mes rêves !

Joachim 14/01/2009 @ 23:39:19
Dirlandaise, je ne comprends pas que tu n'aies pas encore été publiée; en lisant le Vin des amants, j'ai cru que c'était de toi tellement ça ressemble à ta personnalité !

Bien à toi !

Joachim 14/01/2009 @ 23:39:50
Dirlandaise, je ne comprends pas que tu n'aies pas encore été publiée; en lisant le Vin des amants, j'ai cru que c'était de toi tellement ça ressemble à ta personnalité !

Bien à toi !

Dirlandaise

avatar 18/02/2009 @ 16:56:54
Déjeuner du matin
(Jacques Prévert)

Il a mis le café
Dans la tasse
Il a mis le lait
Dans la tasse de café
Il a mis le sucre
Dans le café au lait
Avec la petite cuiller
Il a tourné
Il a bu le café au lait
Et il a reposé la tasse
Sans me parler
Il a allumé
Une cigarette
Il a fait des ronds
Avec la fumée
Il a mis les cendres
Dans le cendrier
Sans me parler
Sans me regarder
Il s'est levé
Il a mis
Son chapeau sur sa tête
Il a mis
Son manteau de pluie
Parce qu'il pleuvait
Et il est parti
Sous la pluie
Sans une parole
Sans me regarder
Et moi j'ai pris
Ma tête dans ma main
Et j'ai pleuré.

Dirlandaise

avatar 19/02/2009 @ 02:23:46
Pour Toi Mon Amour
(Jacques Prévert)

Je suis allé au marché aux oiseaux
Et j'ai acheté des oiseaux
Pour toi mon amour
Je suis allé au marché aux fleurs
Et j'ai acheté des fleurs
Pour toi mon amour
Je suis allé au marché à la ferraille
Et j'ai acheté des chaînes
De lourdes chaînes
Pour toi mon amour
Et puis je suis allé au marché aux esclaves
Et je t'ai cherchée
Mais je ne t'ai pas trouvée mon amour.

Dirlandaise

avatar 19/02/2009 @ 02:29:26
Chanson de l'oiseleur
(Jacques Prévert)

L'oiseau qui vole si doucement
L'oiseau rouge et tiède comme le sang
L'oiseau si tendre l'oiseau moqueur
L'oiseau qui soudain prend peur
L'oiseau qui soudain se cogne
L'oiseau qui voudrait s'enfuir
L'oiseau seul et affolé
L'oiseau qui voudrait vivre
L'oiseau qui voudrait chanter
L'oiseau qui voudrait crier
L'oiseau rouge et tiède comme le sang
L'oiseau qui vole si doucement
C'est ton coeur jolie enfant
Ton coeur qui bat de l'aile si tristement
Contre ton sein si dur si blanc

Pour Nance... ;-)

Nance
avatar 19/02/2009 @ 02:54:38
Chanson de l'oiseleur
(Jacques Prévert)
Pour Nance... ;-)

Merci, pour la pensée. J'ai toujours adoré ce fil.

Revedunjour
19/02/2009 @ 11:29:02
ELEVATION--Charles Baudelaire

Au-dessus des étangs,au-dessus des vallées,
Des montagnes,des bois,des nuages,des mers,
Par delà le soleil,par delà les éthers,
Par delà les confins des sphères étoilées,

Mon esprit,tu te meus avec agilité,
Et,comme un bon nageur qui se pâme dans l'onde,
Tu sillonnes gaiement l'immensité profonde
Avec une indicible et mâle volupté.

Envole-toi bien loin de ces miasmes morbides;
Va te purifier dans l'air supérieur,
Et bois,comme une pure et divine liqueur,
Le feu clair qui remplit les espaces limpides.

Derrière les ennuis et les vastes chagrins
Qui chargent de leur poids l'existence brumeuse,
Heureux celui qui peut d'une aile vigoureuse
S'élancer vers les champs lumineux et sereins;

Celui dont les pensers,comme des alouettes,
Vers les cieux le matin prennent un libre essor,
-Qui plane sur la vie et comprend sans effort
Le langage des fleurs et des choses muettes!

(pour Nancette...)

Revedunjour
19/02/2009 @ 11:38:11
L'ennemi-Baudelaire

Ma jeunesse ne fut qu'un ténébreux orage,
Traversé çà et là de brillants soleils;
Le tonnerre et la pluie ont fait un tel ravage,
Qu'il reste en mon jardin bien peu de fruits vermeils.

Voilà que j'ai touché l'automne des idées,
Et qu'il faut employer la pelle et les râteaux
Pour rassembler à neuf les terres inondées,
Ou l'eau creuse des trous grands comme des tombeaux.

Et qui sait si les fleurs nouvelles que je rêve
Trouveront dans ce sol lavé comme une grève
Le mystique aliment qui ferait leur vigueur?

-Ô douleur!ô douleur!Le temps mange la vie,
Et l'obscur Ennemi qui nous ronge le coeur
Du sang que nous perdons croît et se fortifie!

Bolcho
avatar 19/02/2009 @ 14:48:31
L'ennemi-Baudelaire

Ma jeunesse ne fut qu'un ténébreux orage,
Traversé çà et là de brillants soleils;
Le tonnerre et la pluie ont fait un tel ravage,
Qu'il reste en mon jardin bien peu de fruits vermeils.

Voilà que j'ai touché l'automne des idées,
Et qu'il faut employer la pelle et les râteaux
Pour rassembler à neuf les terres inondées,
Ou l'eau creuse des trous grands comme des tombeaux.

Et qui sait si les fleurs nouvelles que je rêve
Trouveront dans ce sol lavé comme une grève
Le mystique aliment qui ferait leur vigueur?

-Ô douleur!ô douleur!Le temps mange la vie,
Et l'obscur Ennemi qui nous ronge le coeur
Du sang que nous perdons croît et se fortifie!


Superbe en même temps que glaçant.
Mais il manque un mot au deuxième vers :
"Traversé ça et là par de brillants soleils"

Revedunjour
20/02/2009 @ 02:41:27
Histoire de Folfanfifre---Robert Desnos
(extraits..très,très long poème..)

Folfanfifre à l'école ne savait rien
à l'école n'apprenait rien
Son maître étant un sot
Folfanfifre fut un sage
De ne rien apprendre de faux
Folfanfifre eut ce courage

Folfanfifre au bistro ne buvait rien
au bistro ne mangeait rien
Le patron étant un empoisonneur
Folfanfifre eut ainsi la chance
de ne pas mourir avant l'heure
Et de pouvoir encore danser une danse

.............................................
Folfanfifre avait une maîtresse
Folfanfifre aimait ses caresses
Il avait beau n'être pas beau
Il était aimé mieux qu'un autre
Il s'en souvient en son tombeau
Ferez-vous de même en le vôtre?

..........................................
Folfanfifre aimait l'arc-en-ciel
aimait aussi les hirondelles
Il aimait les feux d'artifice
Sans doute aussi le vieux bourgogne
l'argent l'or et le pain d'épices
Mais il n'aimait pas la besogne

Folfanfifre aurait voulu toujours dormir
Pour gagner son pain il se privait de dormir
Il est bien avancé à cette heure
Maintenant qu'il est au cercueil
Mais peut-être dort-il à cette heure
Peut-être même ne dort-il que d'un oeil?

Folfanfifre qui n'apprit rien
Savait tout ne sachant rien
Nous non plus ne savons pas grand-chose
Si l'on nous aime et si nous aimons
Si c'est au rosier que fleurit la rose
Si plus que Folfanfifre nous existons

Folfanfifre ne se posait pas de questions
Et ne répondait jamais aux questions
Tout compte fait je puis le dire
Je crois bien qu'il avait raison
Moi j'ai raison de rire
Et vous de pleurer sans raison.

Dirlandaise

avatar 20/02/2009 @ 02:58:47
Mon amour parle-moi
(Robert Desnos)


Quand tu m’aimes, qu’à tes étreintes
Je m’abandonne avec émoi
Pour calmer mes tourments mes craintes
Mon amour parle-moi

Il faut peupler les nuits hostiles
Avec les cris de nos émois
Il faut charmer les nuits tranquilles
Mon amour parle-moi

Dans la nuit vouée aux mauvais sorts
Des fantômes jettent l’effroi
Et toi si tu es un mort ?
Mon amour parle-moi

Si tu m’aimes il faut le dire
Il faut me prouver tes émois
Il faut me prouver ton délire
Mon amour parle-moi

Même si tu dis des mensonges
si tu simules ton émoi
Pour que le songe se prolonge
Mon amour parle-moi.

Revedunjour
22/02/2009 @ 05:10:19
L'épitaphe de Villon ou "Ballade des pendus"

Frères humains qui après nous vivez,
N'ayez les coeurs contre nous endurcis,
Car,si pitié de nous pauvres avez,
Dieu en aura plus tôt de vous mercis.
Vous nous voyez ci attachés,cinq,six:
Quant à la chair,que trop avons nourrie,
Elle est piéça dévorée et pourrie,
Et nous,les os,devenons cendre et poudre.
De notre mal personne ne s'en rie;
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre!

Se frères vous clamons,pas n'en devez
Avoir dédain,quoique fûmes occis
Par justice.Toutefois,vous savez
Que tous hommes n'ont pas bon sens rassis.
Excusez-nous,puisque sommes transis,
Envers le fils de la Vierge Marie,
Que sa grâce ne soit pour nous tarie,
Nous préservant de l'infernale foudre.
Nous sommes morts,âme ne nous harie,
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre!

La pluie nous a débués et lavés,
Et le soleil desséchés et noircis.
Pies,corbeaux nous ont les yeux cavés,
Et arraché la barbe et les sourcils.
Jamais nul temps nous ne sommes assis
Puis çà,puis là,comme le vent varie,
A son plaisir sans cesser nous charrie,
Plus becquetés d'oiseaux que dés à coudre.
Ne soyez donc de notre confrérie;
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre!

Prince Jésus,qui sur tous a maistrie,
Garde qu'Enfer n'ait de nous seigneurie:
A lui n'ayons que faire ne que soudre.
Hommes,ici n'a point de moquerie;
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre!

Revedunjour
22/02/2009 @ 05:18:22
"Et la mer et l'amour ont l'amer pour partage"
Pierre de Marbeuf

Et la mer et l'amour ont l'amer pour partage,
Et la mer est amère,et l'amour est amer,
L'on s'abîme en l'amour aussi bien qu'en la mer,
Car la mer et l'amour ne sont point sans orage.

Celui qui craint les eaux qu'il demeure au rivage,
Celui qui craint les maux qu'on souffre pour aimer,
Qu'il ne se laisse pas à l'amour enflammer,
Et tous deux ils seront sans hasard de naufrage.

La mère de l'amour eut la la mer pour berceau,
Le feu sort de l'amour,sa mère sort de l'eau,
Mais l'eau contre ce feu ne peut fournir des armes.

Si l'eau pouvait éteindre un brasier amoureux,
Ton amour qui me brûle est si fort douloureux,
Que j'eusse éteint son feu de la mer de mes larmes.

Revedunjour
28/02/2009 @ 06:25:55
Il est certains esprits dont les sombres pensées
Sont d'un nuage épais toujours embarassées;
Le jour de la raison ne le saurait percer.
Avant donc que d'écrire,apprenez à penser.
Selon que notre idée est plus ou moins pbscure,
L'expression la sui,ou moins nette,ou plus pure.
Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement,
Et les mots pour le dire arrivent aisément.

Surtout qu'en vos écrits la langue révérée
Dans vos plus grans excès vous soit toujours sacrée.
En vain,vous me frappez d'un son mélodieux,
Si le terme est impropre ou le tour vicieux:
Mon esprit n'admet point un pompeux barbarisme,
Ni d'un vers ampoulé l'orgueileux solécisme.
Sans la langue,en un mot,l'auteur le plus divin
Est toujours,quoi qu'il fasse,un méchant écrivain.

Travaillez à loisir,quelque ordre qui vous presse,
Et ne vous piquez point d'une folle vitesse:
Un style si rapide,et qui court en rimant,
Marque moins trop d'esprit que peu de jugement.
J'aime mieux un ruisseau qui,sur la molle arène,
Dans un pré plein de fleurs lentement se promène,
Qu'un torrent débordé qui,d'un cours orageux,
Roule,plein de gravier,sur un terrain fangeux.
HHâtez-vous lentement,et,sans perdre courage,
Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage:
Polissez-le sans cesse et le repolissez;
Ajoutez quelquefois,et souvent effacez.

Nicolas Boileau
Intransigeant?Intolérant?Exigeant?...........

Ludmilla
avatar 28/02/2009 @ 19:41:06
Lorsqu'ils sont venus chercher les communistes
Je me suis tu, je n'étais pas communiste.
Lorsqu'ils sont venus chercher les syndicalistes
Je me suis tu, je n'étais pas syndicaliste.
Lorsqu'ils sont venus chercher les sociaux-démocrates
Je me suis tu, je n'étais pas social-démocrate.
Lorsqu'ils sont venus chercher les juifs
Je me suis tu, je n'étais pas juif.
Puis ils sont venus me chercher
Et il ne restait plus personne pour protester.

(attribué à Martin Niemöller)

Revedunjour
02/03/2009 @ 04:16:30
Pour Nancette...

A noir,E blanc,I rouge,U vert,O bleu:voyelles,
Je dirai quelque jour vos naissances latentes:
A,noir corset velu des mouches éclatantes
Qui bombinent autour des puanteurs cruelles,

Golfes d'ombre;E,candeurs de vapeurs et des tentes,
Lances des glaciers fiers,rois blancs,frissons d'ombelles;
I,pourpres,sang craché,rire des lèvres belles
Dans la colère ou les ivresses pénitentes;

U,cycles,vibrements divins des mers virides,
Paix des pâtis semés d'animaux,paix des rides
Que l'alchimie imprime aux grands fronts studieux;

O,suprême Clairon plein des strideurs étranges,
Silences traversés des Mondes et des Anges;
O l'Oméga,rayon violet de Ses Yeux!

Nance
avatar 02/03/2009 @ 19:47:11
Ça me fait rire, quel coïncidence, parce que justement ce matin j'ai lu la version de Georges Perec dans La disparition. Ce n'est pas aussi beau que Rimbaud, mais ça a le mérite de refaire le poème sans la lettre "e", ce qui n'est pas rien:

Vocalisations

A noir, (Un blanc), I roux, U safran, O azur:
Nous saurons au jour dit ta vocalisation:
A, noir carcan poilu d'un scintillant morpion
Qui bombinait autour d'un nidoral impur,

Caps obscurs; qui, cristal du brouillard ou du Khan,
Harpons du fjord hautain, Rois Blancs, frissons d'anis?
I, carmins, sang vomi, riant ainsi qu'un lis
Dans un courroux ou dans un alcool mortifiant;

U, scintillations, rond divins du flot marin,
Paix du pâtis tissu d'animaux, paix du fin
Sillon qu'un fol savoir aux grands fronts imprima;

O, finitif clairon aux accords d'aiguisoir,
Soupirs ahurissant Nadir ou Nirvâna:
O l'omicron, rayon violin dans son Voir!

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