Cualli Tonalli 10/03/2006 @ 01:48:44
Nos voiles sans attaches
Se balancent aux vents
Qui tournent incertains…

Et le petit bateau, frêle esquif
Encore plus incertain que frêle
N’avance point…

Il flotte, et c’est déjà beaucoup,
En attendant les instructions
Du capitaine qui dort…
Qui cherche dans ses rêves
Une destination… une île…
Un trésor, peut-être…

Enfin, n’importe quoi de bon
Pourvu qu’on y mette le cap.

Demain…nous irons demain…
Dors bien, mon capitaine…
Quelque part nous attend.
Tu nous diras, demain,
Et nous irons.

Ton équipage
(qui fait des pompes, en attendant,
pour entretenir le moral et la forme).

Vda
avatar 13/03/2006 @ 20:53:43
Ni bonjour ni bonsoir
Sur un air grec

N calimera,  wra xal.

Le matin n’est plus ! le soir pas encore :
Pourtant de nos yeux l’éclair a pâli !


N calimera,  wra xal.

Mais le soir vermeille ressemble à l’aurore,
Et la nuit plus tard amène l’oubli !

Gérard de Nerval, in Poésies et Souvenirs

PS, les charactère grecs ont du mal a passer, dommage, alors, une transcription en lettres romaines (ne calimera, ne ora calé)

Feint

avatar 18/06/2006 @ 22:02:26
Des Villes hautes s'éclairaient sur tout leur front de mer, et par de grands ouvrages de pierre se baignaient dans les sels d'or du large.

Les Officiers de port siégeaient comme gens de frontière : conventions de péage, d'aiguade ; travaux d'abornement et règlements de transhumance.

On attendait les Plénipotentiaires de haute mer. Ha ! que l'alliance enfin nous fût offerte !... Et la foule se portait aux avancées d'escarpes en eau vive,

Au bas des rampes coutumières, et jusqu'aux pointes rocheuses, à ras mer, qui sont le glaive et l'éperon des grands concepts de pierre de l'épure.

Quel astre fourbe au bec de corne avait encore brouillé le chiffre, et renversé les signes sur la table des eau ?

Aux bassins éclusés des Prêtres du Commerce, comme aux bacs avariés de l'alchimiste et du foulon,

Un ciel pâle diluait l’oubli des seigles de la terre…Les oiseaux blancs souillaient l’arête des grands murs.

Tistou 19/06/2006 @ 00:09:20
Et c'est de qui cela Feint ?

Berlingot 19/06/2006 @ 07:35:49
Sensation - Rimbaud


Par les soirs bleus d'été, j'irai dans les sentiers,
Picoté par les blés, fouler l'herbe menue :
Rêveur, j'en sentirai la fraicheur à mes pieds.
Je laisserai le vent baigner ma tête nue.

Je ne parlerai pas, je ne penserai rien :
Mais l'amour infini, me montera dans l'âme,
Et j'irai loin, bien loin, comme un bohémien,
Par la Nature - heureux comme avec une femme.

Feint

avatar 19/06/2006 @ 21:54:16
Pour Tistou : Saint-John Perse, Amers.

Léonora 21/06/2006 @ 00:51:02
Que j'aime voir, chère indolente,
De ton corps si beau,
Comme une étoffe vacillante,
Miroiter la peau !

Sur ta chevelure profonde
Aux âcres parfums,
Mer odorante et vagabonde
Aux flots bleus et bruns,

Comme un navire qui s'éveille
Au vent du matin,
Mon âme rêveuse appareille
Pour un ciel lointain.

Tes yeux, où rien ne se révèle
De doux ni d'amer,
Sont deux bijoux froids où se mêle
L'or avec le fer.

A te voir marcher en cadence,
Belle d'abandon,
On dirait un serpent qui danse
Au bout d'un bâton.

Sous le fardeau de ta paresse
Ta tête d'enfant
Se balance avec la mollesse
D'un jeune éléphant,

Et ton corps se penche et s'allonge
Comme un fin vaisseau
Qui roule bord sur bord et plonge
Ses vergues dans l'eau.

Comme un flot grossi par la fonte
Des glaciers grondants,
Quand l'eau de ta bouche remonte
Au bord de tes dents,

Je crois boire un vin de Bohême,
Amer et vainqueur,
Un ciel liquide qui parsème
D'étoiles mon coeur !

Léonora 21/06/2006 @ 00:55:09
Mon amante a les vertus de l'eau : un sourire clair, des gestes
coulants, une voix pure et chantant goutte à goutte.

Et quand parfois, malgré moi - du feu passe dans mon regard,
elle sait comment on l'attise en frémissant : eau jetée sur les
charbons rouges.

*

Mon eau vive, la voici répandue, toute, sur la terre ! Elle glisse,
elle me fuit ; - et j'ai soif, et je cours après elle.

De mes mains je fais une coupe. De mes deux mains je l'étanche
avec ivresse, je l'étreins, je la porte à mes lèvres :

Et j'avale une poignée de boue.

Ségalen ( Stèles)

Guigomas
avatar 21/07/2006 @ 09:47:03
Quelques vers de Georges Schéhadé, le poète Libanais.

Pour toutes les Libanaises et les Libanais qui, une fois encore, comme s'ils étaient victimes d'une malédiction qui fait que leur petit pays est le terrain de jeu des puissances qui les entourent, vivent dans la peur et les souffrances.


Dans "Le nageur d'un seul amour" 1985

Poésies V
I
La taille des jeunes filles flottait dans le vent
L'oiseau à l'oeil de perle ne laissait pas de trace
C'était l'époque des anges Oh je me souviens
La Terre heureuse avait le jour et la nuit pour enfants
L'absence gardait le sourire et la parole
Tout brillait de rien : l'herbe et la lampe
À l'exception d'un cheval cabré qui montait la garde
Et criait vers moi :
Une fois n'est pas coutume sauf pour la mort
Oh je me souviens

IX
Si jamais tu reviens en terre natale
À pas lents comme un cheval dont le soir accroît la fatigue
Oh va dans ce jardin
Retrouver la rose méconnaissable
Le chrysanthème à la crinière de lion
- D'immenses araignées volent avec des papillons
Comme dans les fièvres de l'enfance
Souris ou pleure mais ne crains rien
C'est l'ombre qui remue avant d'être nuit claire.

Vda
avatar 16/09/2006 @ 21:57:50
Le coeur volé, Arthur Rimbaud in Poésies

Mon triste coeur bave à la poupe,
Mon coeur couvert de caporal :
Ils y lancent des jets de soupe,
Mon triste coeur bave à la poupe :
Sous les quolibets de la troupe
Qui pousse un rire général,
Mon triste coeur bave à la poupe,
mon coeur couvert de caporal !

Ithyphalliques et pioupiesques,
Leurs quolibets l'ont dépravé !
Au gouvernail on voit des fresques
Ithyphalliques et pioupiesques.
O flots abracadabrantesques,
Prenez mon coeur, qu'il soit lavé !
Ithyphalliques et pioupiesques,
Leurs quolibets l'ont dépravé !

Quand ils auront tari leurs chiques,
Comment agir, ô coeur volé ?
Ce seront des hoquets bachiques
Quand ils auront tari leurs chiques :
J'aurai des sursauts stomachiques,
Moi, si mon coeur est ravalé :
Quand ils auront tari leurs chiques
Comment agir, ô coeur volé ?

Mai 1871.

Nance
avatar 05/10/2007 @ 03:13:48
J'en lisais beaucoup lorsque j'étais à l'école secondaire. Il faudrait que je m'actualise. Voici mes trois préférés:

----------------------------------------------
Ténèbres
- Paul Claudel

Je suis ici, l’autre est ailleurs, et le silence est terrible :
Nous sommes des malheureux et Satan nous vanne dans son crible.

Je souffre, et l’autre souffre, et il n’y a point de chemin
Entre elle et moi, de l’autre à moi point de parole ni de main.

Rien que la nuit qui est commune et incommunicable,
La nuit où l’on ne fait point d’œuvre et l’affreux amour impraticable.

Je prête l’oreille, et je suis seul, et la terreur m’envahit.
J’entends la ressemblance de sa voix et le son d’un cri.

J’entends un faible vent et mes cheveux se lèvent sur ma tête.
Sauvez-la du danger de la mort et de la gueule de la Bête !

Voici de nouveau le goût de la mort entre mes dents,
La tranchée, l’envie de vomir et le retournement.

J’ai été seul dans le pressoir, j’ai foulé le raisin dans mon délire,
Cette nuit où je marchais d’un mur à l’autre en éclatant de rire.

Celui qui a fait les yeux, sans yeux est-ce qu’il ne me verra pas ?
Celui qui a fait les oreilles, est-ce qu’il ne m’entendra pas sans oreilles ?

Je sais que là où le péché abonde, là Votre miséricorde surabonde.
Il faut prier, car c’est l’heure du Prince du monde.
----------------------------------------------
Suicide mode d’emploi
-Olivier Cahuzac

De tous poisons la mort-aux–rats
Est bien celui que je préfère,
C’est par lui que la mort aura
Ce petit avant-goût d’enfer.

Trouvez une poutre apparente,
Passez la corde, faites un nœud,
Puis une boucle coulissante,
La mort vous réjouira le nœud.

Trop facile je vous l’accorde,
Il y aussi les armes-à-feu,
Moins hygiéniques que la corde ;

Sautez du pont faute de mieux
Mais n’ayez de miséricorde
Envers ceux qui deviennent vieux.
----------------------------------------------
Suicide mode d’emploi (suite bio-logique)
-Olivier Cahuzac

Vers le mois d’août vous cueillerez
Cinq six bogues de Datura,
Dans du whisky mélangerez,
Croyez-moi cela vous tuera.

A son nom vous reconnaîtrez
Mon amie Pourpre Digitale,
Pour si souvent la rencontrer
J’éprouve son attrait fatal.

J’ai aussi fini par trouver
Où poussait la Grande Cigüe
Au port de carotte ambiguë,

Sur un sol d’argile et gravier
Voyant mon état s’aggraver
Un jour de vie trop exigüe.
----------------------------------------------

Nance
avatar 20/11/2007 @ 23:26:50
John Godfrey Saxe
Poète américain, 1816-1887

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Les aveugles et l'éléphant

Six hommes d'Hindoustan,
très enclins à parfaire leurs connaissances,
allèrent voir un éléphant
(bien que tous furent aveugles),
afin que chacun, en l'observant,
puisse satisfaire sa curiosité.

Le premier s'approcha de l'éléphant
et, perdant pied,
alla buter contre son flanc large et robuste.
Il s'exclama aussitôt :
« Mon Dieu! Mais l'éléphant
ressemble beaucoup à un mur! »

Le second, palpant une défense, s'écria :
« Ho! Qu'est-ce que cet objet
si rond, si lisse et si pointu?
Il ne fait aucun doute
que cet éléphant extraordinaire
ressemble beaucoup à une lance! »

Le troisième s'avança vers l'éléphant
et, saisissant par inadvertance
la trompe qui se tortillait,
s'écria sans hésitation :
« Je vois que l'éléphant
ressemble beaucoup à un serpent! »

Le quatrième, de sa main fébrile,
se mit à palper le genou.
« De toute évidence, dit-il,
cet animal fabuleux
ressemble beaucoup à un arbre! »

Le cinquième toucha par hasard à l'oreille et dit :
« Même le plus aveugle des hommes peut dire à
quoi ressemble le plus l'éléphant;
nul ne peut me prouver le contraire,
ce magnifique éléphant
ressemble beaucoup à un éventail! »

Le sixième commençant tout juste
à tâter l'animal,
la queue qui se balançait
lui tomba dans la main.
« Je vois, dit-il, que l'éléphant
ressemble beaucoup à une corde! »


Ainsi, ces hommes d'Hindoustan
discutèrent longuement,
chacun faisant valoir son opinion
avec force et fermeté.
Même si chacun avait partiellement raison,
tous étaient dans l'erreur.

------------------------------------------------------



The Blindmen and the Elephant

It was six men of Hindustan
To learning much inclined,
Who went to see the Elephant
(Though all of them were blind)
That each by observation
Might satisfy the mind.

The first approached the Elephant
And happening to fall
Against his broad and sturdy side
At once began to bawl:
"Bless me, it seems the Elephant
Is very like a wall".

The second, feeling of his tusk,
Cried, "Ho! What have we here
So very round and smooth and sharp?
To me 'tis mighty clear
This wonder of an Elephant
Is very like a spear".

The third approached the animal,
And happening to take
The squirming trunk within his hands,
Then boldly up and spake:
"I see," quoth he, "the Elephant
Is very like a snake."

The Fourth reached out an eager hand,
And felt about the knee.
"What most this wondrous beast is like
Is mighty plain," quoth he;
"'Tis clear enough the Elephant
Is very like a tree!"

The Fifth, who chanced to touch the ear,
Said: "E'en the blindest man
Can tell what this resembles most;
Deny the fact who can,
This marvel of an Elephant
Is very like a fan!"

The Sixth no sooner had begun
About the beast to grope,
Than, seizing on the swinging tail
That fell within his scope,
"I see," quoth he, "the Elephant
Is very like a rope!"

And so these men of Hindustan
Disputed loud and long,
Each in his own opinion
Exceeding stiff and strong,
Though each was partly in the right
And all were in the wrong.

So oft in theologic wars,
The disputants, I ween,
Rail on in utter ignorance
Of what each other mean,
And prate about an Elephant
Not one of them has seen!

Babsid
avatar 22/11/2007 @ 14:37:05
L'AMOUR

Vous demandez si l'amour rend heureuse;
Il le promet, croyez-le, fût-ce un jour.
Ah! pour un jour d'existence amoureuse,
Qui ne mourrait ? la vie est dans l'amour.

Quand je vivais tendre et craintive amante,
Avec ses feux je peignais ses douleurs :
Sur son portrait j'ai versé tant de pleurs,
Que cette image en paraît moins charmante.

Si le sourire, éclair inattendu,
Brille parfois au milieu de mes larmes,
C'était l'amour; c'était lui, mais sans armes ;
C'était le ciel... qu'avec lui j'ai perdu.

Sans lui, le coeur est un foyer sans flamme ;
Il brûle tout, ce doux empoisonneur.
J'ai dit bien brai comme il déchire une âme :
Demandez-donc s'il donne le bonheur !

Vous le saurez : oui, quoi qu'il en puisse être,
De gré, de force, amour sera le maître;
Et, dans sa fièvre alors lente à guérir,
Vous souffrirez, ou vous ferez souffrir.

Dès qu'on l'a vu, son absence est affreuse;
Dès qu'il revient, on tremble nuit et jour;
Souvent enfin la mort est dans l'amour;
Et cependant... oui, l'amour rend heureuse !

Marceline Desbordes Valmore

Tous ses poèmes sont vraiment bien écrit. "Les séparés" est aussi à vous fendre le coeur.

Vda
avatar 14/02/2008 @ 20:53:32
Le jour tout neuf, Louis Guillaume (in Le Sillage seul)

Le jour tout neuf est là. Il ne sait pas encore
Qu'il est né. Sur la mer et le sable, il s'allonge
Et, travaillé par l'ombre, il poursuit son sommeil
Jusqu'au soir. Le couchant alors lui fait sentir
Qu'il a vécu, qu'il part et qu'il est illusoire
Autant que le cœur noir du silence est réel.

Cependant les oiseaux vont déployer leurs ailes,
Les enfants vont sourire aux volets de l'aurore.
Statue aux yeux vivants où fermente le rêve,
L'homme va s'enliser dans les bruits de la ville.
Il n'a pas entendu se refermer la porte
Mais s'ouvre en lui, sur la lumière, la nuit neuve.

Nance
avatar 15/02/2008 @ 02:21:20
Une des traductions des Ténèbres de Lord Byron:

J’eus un rêve qui n’était pas tout à fait un rêve. Le soleil s’était éteint, et les astres privés de lumière erraient au hasard à travers l’immensité de l’espace. La terre glacée et comme aveugle se balançait dans une atmosphère ténébreuse que n’éclairait plus la clarté de la lune. Le matin arriva, s’écoula, revint encore, mais il n’amenait plus le jour.

Dans cette désolation affreuse, les hommes oublièrent leurs passions. Tous les coeurs glacés d’effroi ne soupiraient qu’après la lumière. On allumait de grands feux, et l’on y passait tous ses intants. Les trônes, les palais des rois, les chaumières, les huttes du pauvre, tout fut brûlé pour servir de signaux. Les cités furent consumées, et les habitants, rassemblés autour de leurs demeures enflammées, cherchaient à se regarder encore une fois. Heureux ceux qui vivaient auprès des volcans et des montagnes brûlantes.

Une espérance mêlée de terreur; tel était le sentiment universel. On mit le feu aux forêts; mais d’heure en heure elles se réduisaient en cendres. Les troncs d’arbres tombaient avec un dernier craquement, s’éteignaient et tout rentrait dans une obscurité profonde. Le front des humains éclairé par ces flammes mourantes avait un aspect étrange. Les uns étaient prosternés, cachaient leurs yeux et répandaient des pleurs; les autres reposaient leurs têtes sur les mains jointes, et s’efforçaient de sourire; ceux-ci couraient çà et là, cherchant de quoi entretenir leurs bûchers funèbres. Ils regardaient avec une sombre inquiétude le firmament obscurci qui semblait un drap mortuaire jeté sur le cadavre du monde; puis ils se roulaient dans la poussière, grinçaient des dents, blasphémaient et poussaient des hurlements.

Les oiseaux de proie faisaient entendre des cris lugubres, et voltigeaient sur la terre en agitant leurs ailes inutiles. Les bêtes les plus féroces devenaient timides et tremblantes. Les vipères rampaient et s’entrelaçaient au milieu de la foule; elles sifflaient, mais leur venin était sans force; on les tua pour s’en nourrir.

La guerre qui avait un moment cessé, renaquit avec toutes ses horreurs. On acheta sa nourriture avec du sang, et chacun, assis à l’écart, se repaissait de sa proie. L’amour n’existait plus; il n’y avait plus qu’une pensée sur la terre, celle de la mort... et d’une mort prochaine et sans gloire. La faim, de sa dent cruelle, déchirait les entrailles. Les hommes mouraient, et leurs corps gisaient privés de sépulture. Des cadavres ambulants dévoraient les cadavres qui avaient vécu. Les chiens eux-mêmes assaillirent leurs maîtres, un seul excepté qui demeura fidèle au corps du sien et le défendit contre les oiseaux, les animaux et les hommes, jusqu’à ce que la faim les eût fait périr. Il ne chercha pas sa nourriture, mais léchant la main qui ne pouvait plus lui rendre ses caresses, il poussait des cris lamentables et continuels, et il mourut enfin.

La famine fit périr peu à peu tout le genre humain. Deux habitants d’une grande cité survécurent seuls : c’étaient deux ennemis. Ils se rencontrèrent auprès d’un autel sur lequel finissaient de brûler quelques tisons qui avaient consumé une foule d’objets sacrés destinés à un usage profane. Ils agitèrent en frissonnant les cendres chaudes avec leurs mains froides et décharnées; de leur faible souffle, ils essayèrent de ranimer les charbons presque éteints, et produisirent une légère flamme. Cette lueur passagère attira leurs regards, et en levant les yeux, ils aperçurent leurs visages : à cette vue, ils poussèrent un cri et moururent de l’effroi de leur laideur mutuelle, ne sachant lequel des deux la famine avait réduit à l’état d’un spectre.

Le monde n’était plus qu’un grand vide; la réunion des contrées populeuses et florissantes ne fut plus qu’une masse, sans saisons, sans verdure, sans arbres, sans hommes, sans vie, empire de la mort, chaos de la matière. Les rivières, les lacs, l’océan demeurèrent immobiles; rien ne troubla le silence de leurs profondeurs. Les navires sans matelots pourrirent sur la mer; leurs mâts tombèrent en pièces, mais sans faire rejaillir l’onde par leur chute. Les vagues étaient mortes; elles étaient comme ensevelies dans un tombeau; la lune qui les agitait autrefois avait cessé d’être. Les vents s’étaient flétris dans l’air stagnant, les nuages s’étaient évanouis; les Ténèbres n’avaient plus besoin de leur secours, Elles étaient tout l’Univers.

Tilman

avatar 15/02/2008 @ 09:27:41
Paul Eluard.........

La Courbe de tes yeux

La courbe de tes yeux fait le tour de mon coeur,
Un rond de danse et de douceur,
Auréole du temps, berceau nocturne et sûr,
Et si je ne sais plus tout ce que j'ai vécu
C'est que tes yeux ne m'ont pas toujours vu.
Feuilles de jour et mousse de rosée,
Roseaux du vent, sourires parfumés,
Ailes couvrant le monde de lumière,
Bateaux chargés du ciel et de la mer,
Chasseurs des bruits et sources des couleurs,
Parfums éclos d'une couvée d'aurores
Qui gît toujours sur la paille des astres,
Comme le jour dépend de l'innocence
Le monde entier dépend de tes yeux purs
Et tout mon sang coule dans leurs regards.

Tilman

avatar 15/02/2008 @ 09:28:09
Paul Eluard.........

La Courbe de tes yeux

La courbe de tes yeux fait le tour de mon coeur,
Un rond de danse et de douceur,
Auréole du temps, berceau nocturne et sûr,
Et si je ne sais plus tout ce que j'ai vécu
C'est que tes yeux ne m'ont pas toujours vu.
Feuilles de jour et mousse de rosée,
Roseaux du vent, sourires parfumés,
Ailes couvrant le monde de lumière,
Bateaux chargés du ciel et de la mer,
Chasseurs des bruits et sources des couleurs,
Parfums éclos d'une couvée d'aurores
Qui gît toujours sur la paille des astres,
Comme le jour dépend de l'innocence
Le monde entier dépend de tes yeux purs
Et tout mon sang coule dans leurs regards.

Nance
avatar 13/04/2008 @ 01:08:37
Josiane Balasko dit ce poème dans le film Le libertin, Le mot et la chose de l'abbé de L'Attaignant/Gabriel-Charles de Lattaignant:
http://www.youtube.com/watch?v=jF4Ud09BF14

Abbé de L'Attaignant
Le MOT et la CHOSE

Madame quel est votre mot
Et sur le mot et sur la chose
On vous a dit souvent le mot
On vous a fait souvent la chose

Ainsi de la chose et du mot
Vous pouvez dire quelque chose
Et je gagerais que le mot
Vous plaît beaucoup moins que la chose

Pour moi voici quel est mon mot
Et sur le mot et sur la chose
J'avouerai que j'aime le mot
J'avouerai que j'aime la chose

Mais c'est la chose avec le mot
Mais c'est le mot avec la chose
Autrement la chose et le mot
A mes yeux seraient peu de chose

Je crois même en faveur du mot
Pouvoir ajouter quelque chose
Une chose qui donne au mot
Tout l'avantage sur la chose

C'est qu'on peut dire encore le mot
Alors qu'on ne fait plus la chose
Et pour peu que vaille le mot
Mon Dieu c'est toujours quelque chose

De là je conclus que le mot
Doit être mis avant la chose
Qu'il ne faut ajouter au mot
Qu'autant que l'on peut quelque
chose

Et que pour le jour où le mot
Viendra seul hélas sans la chose
Il faut se réserver le mot
Pour se consoler de la chose

Pour vous je crois qu'avec le mot
Vous voyez toujours autre chose
Vous dites si gaiement le mot
Vous méritez si bien la chose

Que pour vous la chose et le mot
Doivent être la même chose
Et vous n'avez pas dit le mot
Qu'on est déjà prêt à la chose

Mais quand je vous dis que le mot
Doit être mis avant la chose
Vous devez me croire à ce mot
Bien peu connaisseur en la chose

Et bien voici mon dernier mot
Et sur le mot et sur la chose
Madame passez-moi le mot
Et je vous passerai la chose

Avada

avatar 13/04/2008 @ 08:34:46
"La courbe de tes yeux" est un poème superbe. J'ai beaucoup aimé aussi le poème de Dylan Thomas qu'a cité Saule. Mais je connais très mal la poésie étrangère que j'ai souvent du mal à apprécier en traduction.

Mon poème préféré est "L'heure du berger" de Verlaine qui décrit une soirée au printemps:

L'heure du berger
La lune est rouge au brumeux horizon ;
Dans un brouillard qui danse, la prairie
S'endort fumeuse, et la grenouille crie
Par les joncs verts où circule un frisson ;

Les fleurs des eaux referment leurs corolles ;
Des peupliers profilent aux lointains,
Droits et serrés, leur spectres incertains ;
Vers les buissons errent les lucioles ;

Les chats-huants s'éveillent, et sans bruit
Rament l'air noir avec leurs ailes lourdes,
Et le zénith s'emplit de lueurs sourdes.
Blanche, Vénus émerge, et c'est la Nuit.



Il y a aussi ce magnifique poème de René Char :

Allégeance

Dans les rues de la ville il y a mon amour. Peu importe où il va dans le temps divisé. Il n'est plus mon amour, chacun peut lui parler. Il ne se souvient plus; qui au juste l'aima?

Il cherche son pareil dans le voeu des regards. L'espace qu'il parcourt est ma fidélité. Il dessine l'espoir et léger l'éconduit. Il est prépondérant sans qu'il y prenne part.

Je vis au fond de lui comme une épave heureuse. A son insu, ma solitude est son trésor. Dans le grand méridien où s'inscrit son essor, ma liberté le creuse.

Dans les rues de la ville il y a mon amour. Peu importe où il va dans le temps divisé. Il n'est plus mon amour, chacun peut lui parler. Il ne se souvient plus; qui au juste l'aima et l'éclaire de loin pour qu'il ne tombe pas?

Bookivore

avatar 13/04/2008 @ 10:50:29
"Demain dès l'aube" de Victor Hugo
"Familiale" de Jacques Prévert
"Sous le pont Mirabeau" de Guillaume Apollinaire
"Kaddish" de Allen Ginsberg
"Howl" de Allen Ginsberg
"L'homme et la mer" de Charles Baudelaire
"Le corbeau" de Edgar Allan Poe (pas exactement un poème, mais...'Jamais plus !')

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