Shelton
avatar 05/08/2021 @ 08:10:25
Mardi 3 août

L’été c’est fait pour lire et l’histoire fait bien partie de nos intentions de lectures estivales. Seulement qui dit Histoire ne dit pas nécessairement ouvrage compliqué et inaccessible. Par exemple, on peut voyager dans le temps avec des romans, des bandes dessinées, des films, des séries, des dessins animés… Aujourd’hui, ce sera avec une série de bande dessinée en trois tomes de Thierry Gloris (scénariste), Jaime Calderon (dessin) et Felideus (couleurs), « Valois » !

Mais, avant d’arriver aux Valois eux-mêmes, il convient de repréciser quelques éléments historiques qui permettent de bien comprendre cette histoire… Revenons-en 1266… Louis IX a emmené son frère, Charles d’Anjou, en croisade. Le frère va se construire par les armes un royaume en s’emparant de la Sicile et de Naples. Ce nouveau royaume va connaitre de nombreuses difficultés, à commencer par la perte de la Sicile en 1282 à l’occasion des Vêpres siciliennes. Cette aventure méditerranéenne se prolongera jusqu’en 1442 et le moment ou l’Aragon prendra le contrôle de Naples et son royaume… Le dernier Anjou, René, meurt en 1480 et les droits sur Naples reviennent à Louis XI. Le roi dans sa sagesse et aussi sa vieillesse (il approche de ses 60 ans) reste assez indifférent à ce Naples pour lui lointain… Il faudra attendre 1483 et son fils Charles VIII pour que les choses évoluent lentement… Pour la BD, tout commence en 1493…

Mais comme il s’agit bien d’une bande dessinée, on va avoir deux personnages de fiction pour accompagner la grande Histoire. Il s’agira de Lasco, un espagnol qui n’a pas pu épouser celle qu’il aimait et qui est poussé par le désespoir et sa famille à devenir religieux et d’un certain Henri de Tersac qui n’a de noble que le nom et qui sans fortune ni terre est obligé de mettre son épée à la disposition de celui qui le paiera et parfois la somme n’est pas très élevée…

On va donc retrouver notre fameux Charles VIII qui n’est pas le roi le plus brillant qui soit. Depuis la mort de son père, Louis XI, il est dans l’ombre de sa sœur, Anne de Beaujeu. Cette dernière fut même régente du royaume… Maintenant qu’il est devenu roi à part entière, il voudrait faire un coup d’éclat voire même reconstruire un empire géant comme celui d’Alexandre, de César, de Charlemagne… Mais comme il n’est pas capable de prendre une décision seul toute cette aventure risque d’être fort délicate… Pour récupérer le trône de Naples, premier objectif, il faut faire la guerre…

Attention, cette conquête de Naples ne sera pas simple et l’Italie de cette époque n’est pas un pays ou une province d’un empire. Il ne s’agit que d’une flopée de cités en guerre les unes avec les autres qui s’allient ou se dés-allient au gré du vent et des humeurs… En plus des cités, il y a aussi un pape et à ce moment-là, c’est Alexandre Borgia, un pape particulier… et c’est le moins que l’on puisse dire !

Le roi part à l’aventure dans cet univers qu’il ne connait pas très bien, avec des conseillers dépassés et des personnages glauques et malsains comme le cardinal Della Rovere qui a été écarté de la papauté par l’élection d’Alexandre Borgia, élection truquée, bien sûr. Rovere y reviendra d’ailleurs devenant le pape Jules II et il n’aura rien à envier à Alexandre VI…

En fait, on voyage dans ce conflit entrecoupé de quelques joutes diplomatiques avec une réelle jubilation. Certes, cette guerre n’a pas été glorieuse mais elle n’est que le début d’un grand feu d’artifice qui vient suivre la Guerre de Cent ans. A force, les Français y deviendront experts en artillerie bien aidés par les mercenaires de toutes les espèces… Puis les successeurs de Charles VIII, Louis XII et François 1er, viendront parachever cette conquête qui ne sera pour la France qu’une série d’échecs malgré Marignan, la captivité d’un roi, François 1er, et la propagation de la syphilis… Bref, si on n’avait pas rapporté Léonard de Vinci dans nos bagages, tout serait à oublier !

Par contre, la bande dessinée n’est absolument pas à oublier, elle est à lire et utiliser pour transmettre le goût de l’histoire aux lecteurs de tous les âges à partir de 13/14 ans… Un scénario solide, une narration graphique dynamique avec costumes et décors soignés. Bref, le bonheur du lecteur est garanti ! Et comme l’été c’est fait pour lire, bonne lecture à tous !

Shelton
avatar 06/08/2021 @ 09:09:32
Mercredi 4 août

L’été c’est fait pour lire et aussi, bien sûr, voyager ! Bon, reconnaissons que la pandémie dont nous ne sommes pas encore sortis, ne pousse pas aux déplacements lointains, néanmoins, reconnaissons-le, certains vont devoir subir, à la rentrée, devant la machine à café, des récits de voyages, subir car eux-mêmes n’auront pas eu l’opportunité de se déplacer, y compris en France… Alors, me direz-vous, quel lien avec les livres ? La lecture remplacerait-elle les voyages ? Oui, mais il y a peut-être beaucoup mieux car la lecture pourrait nous apprendre à parler des lieux que nous ne connaissons pas… Une fois de plus, je vous invite à découvrir un ouvrage de pierre Bayard, que vous aimiez voyager ou pas…

Quand on a appris que certaines frontières allaient rester fermées durant tout l’été, que l’on ne pourrait pas pouvoir partir au bout du monde pour ses vacances, vacances d’ailleurs que d’aucuns voudraient bien nous supprimer, une certaine tristesse nous est tombée sur la tête… Tout cela vous attriste, mais heureusement, je vous le dis, cela n’est pas grave puisque la météo est mauvaise (là on est bien dans le factuel) et qu’en plus on peut apprendre à parler d’un pays que l’on ne connait pas, d’une plage où l’on n’a jamais été, d’un château que l’on n’a pas visité… Bref, grâce à Pierre Bayard, pour le prix d’un simple ouvrage et de deux heures de lecture, vous voilà prêts à affronter vos amis et à les surprendre ! Oui, il est bien temps de lire et voyager avec Pierre Bayard : « Comment parler des lieux où l’on n’a pas été ? »

Il faut dire quand même que c’est finalement très risqué de partir loin de chez soi, certes il faut affronter les virus et coronas du même genre, mais il faut aussi se confronter aux langues, aux us et coutumes, à des gastronomies surprenantes et difficiles à digérer… Bref, c’est tellement plus agréable de rester chez soi, bien installé dans sa chambre… non ?

D’ailleurs, dès le départ de son raisonnement, Pierre Bayard, auteur que j’apprécie beaucoup, nous prouve que voyager dans le réel n’est finalement que très banal. Regardez Marco Polo, il nous a laissé des carnets de voyage mais ceux qui les ont lus savent qu’il s’agit surtout de voyages fantasmés, de descriptions imaginaires, de récits imagés et fortement imprégnés de culture locale plus que d’expériences concrètes. Quand il parle avec truculence de la vie sexuelle des habitants de Chine, on mesure bien que l’on est loin de la réalité et, pourtant, on apprécie au plus au point ses histoires… Cela nous fait rêver !

Tous les auteurs ne se sont pas comportés ainsi mais de très nombreux auteurs, considérés comme des experts du voyage, n’ont probablement pas tant voyagé que cela et Pierre Bayard passe ainsi en revue Jules Vernes, Blaise Cendrars, Chateaubriand, ou même Nina Berberova avec un de ses personnages, dans le Mal noir, qui rêve en permanence d’aller à Chicago… Oui voyager comporte tellement de risques qu’il vaut mieux parfois ne voyager que dans sa chambre par les mots et les échanges…

Ce que j’aime dans cet ouvrage c’est que Pierre Bayard fait comme si les personnages de roman étaient des amis de la vie de tous les jours, comme si Phileas Fogg avait pris son petit-déjeuner avec moi ce matin… d’ailleurs, en fait, c’était bien le cas et s’il vient chez vous faites attention il n’aime que le bon thé… Ce passage entre fiction et réalité est fascinant et il correspond bien à ce que j’expérimente depuis que je lis, ce qui me fait dire avec certitude que lire c’est vivre, que lire c’est expérimenter, c’est grandir, c’est voyager !

C’est aussi la raison essentielle qui permet d’affirmer que l’été c’est fait pour lire puisque c’est le moyen de voyager, découvrir, grandir, rester humain, en se préparant non pas à reprendre le travail bien sagement mais à tenir sa place devant la machine à café… Certes, je plaisante un peu mais c’est tellement agréable de lire que j’ai envie de tous vous dire : Bonne lecture et à demain !

Shelton
avatar 07/08/2021 @ 09:05:24
Jeudi 5 août

L’été c’est fait pour lire et comme hier nous avons voyagé avec une forte dose d’imagination, nous allons le faire aujourd’hui avec moult anecdotes historiques car il y a tant de belles façons de se déplacer, dans le temps et dans l’espace, que l’on aurait bien tort de s’en priver… Posons les choses, aujourd’hui nous serons accompagnés par le journaliste et historien Jean des Cars, le fils du romancier Guy des Cars… Nous prenons la direction des châteaux de la Loire, et donc du Val de Loire, site classé au patrimoine mondial de l’Unesco… Tout un programme !

Nous aurons un livre en main, « Les châteaux de la Loire », un opus de vulgarisation qui se propose de redonner vie en quelques pages à dix monuments dont nous connaissons le nom même si nous n’y avons jamais mis les pieds et dont les images restent gravées dans nos mémoires si nous avons eu la chance et le bonheur d’y faire escale, ne serait-ce que quelques heures…

J’ai dit un livre de vulgarisation, je devrais dire pour être complet, juste et respectueux de l’auteur, un livre de Petite Histoire digne de ceux qu’écrivait G. Lenôtre il y a quelques décennies… Petite histoire ? Oui, c’est un terme que l’on n’utilise plus souvent mais qui a du sens avec Jean des Cars et surtout qui n’est en rien péjoratif. En effet, il y a de nombreuses façons de rendre vie à l’histoire et pour illustrer mon propos je vais, bien sûr utiliser les châteaux de la Loire…

Pour parler de Chinon, l’un des sites abordés par Jean des Cars, on peut parler architecture. Description des lieux, époques de construction, style, constructeurs… On peut parler économie, financement de la construction, entretien et rénovation, budget actuel, aide de l’Etat… On parlera ainsi du rôle capital de Prosper Mérimée qui a certainement sauvé le site de la destruction et du département d’Indre-et-Loire, propriétaire actuel du château. Mais, on peut aussi, et c’est ce que fait Jean des Cars en suivant l’exemple de G. Lenôtre, parler de quelques anecdotes de la vie du château situé sur les bords de la Vienne… La mort d’Henri II Plantagenet, vous savez le second mari d’Aliénor d’Aquitaine, l’homme qui régna sur un royaume plus vaste et riche que le roi de France, mais l’homme qui mourut abandonné de tous ou presque… On peut parler aussi de Charles VII, de Jeanne d’Arc et même d’Agnès Sorel… C’est quand même à Chinon que l’envoyée de Lorraine (et de Dieu disait-elle) reconnut le roi… Enfin, c’est à Chinon que Louis XII, en 1498, reçut César Borgia envoyé du pape. César était d’ailleurs le fils du pape Alexandre VI Borgia…

D’un seul coup, on ne voit plus le château de la même façon. On le visite comme on feuillèterait un ouvrage d’histoire avec délectation et jubilation ! Pour être juste et complet, on peut aussi visiter un château en découvrant la vie quotidienne dans un château à une époque donnée. Certains sites le font très bien mais encore faut-il que les visiteurs aient bien compris qu’il s’agissait d’une époque donnée et pas de toute la vie du château… Mais c’est une autre histoire !

Avec Jean des Cars, dans chaque lieu, on pourrait dire « et pour la petite histoire, sachez que c’est là que… ». Oui, c’est bien cela la petite histoire et pour en profiter pleinement, reconnaissons qu’il est quand même conseillé d’avoir quelques repères historiques. Par exemple, la Renaissance qui est la période attachée principalement à ces châteaux de la Loire n’est pas le Moyen-âge, d’ailleurs période si vaste et variée qu’on peut même se demander si elle existe réellement ou si elle n’est qu’un classement temporel pratique utilisé par les historiens… Un autre grand débat !

Revenons à Jean des Cars et pour être précis je vais vous donner la liste des châteaux auxquels il rend vie avec bonheur : Angers, Chinon, Amboise, Blois, Azay-le-Rideau, le Clos-Lucé, Chambord, Chenonceau, Cheverny et Villandry. Tout un programme et peut-être aussi un beau voyage à préparer, imaginer, rêver… Qui sait ?

Je n’ai donc plus, puisque l’été c’est fait pour lire, qu’à vous souhaiter bonne lecture et bon voyage !

Shelton
avatar 08/08/2021 @ 11:47:50
Vendredi 5 août

L’été c’est fait pour lire mais rien n’empêche, en plein été, de prendre le temps de réfléchir un peu. Oui, je sais bien que cela peut vous sembler violent comme introduction mais que voulez-vous, je suis un peu lassé d’entendre autant de gens parler avant d’avoir pris le temps de la réflexion. Pour autant, cela n’empêchera pas d’avoir des points de vue différents, mais au moins ils seront enrichis par une série d’arguments, d’exemples, d’illustrations qui devraient permettre un dialogue riche et construit… On peut toujours rêver !

Dans les blocages forts au dialogue, il y a les Fake News, les fameuses Infox ou vérités fausses et sans fondement… En effet, quand on se trouve en face de ces Fake News, il n’y a pas moyen de discuter, d’argumenter car celui qui profère ce type d’information l’affirme avec une telle vigueur : il n’y a pas à discuter, c’est sur Internet que je l’ai lu, si tu étais informé correctement tu saurais, là on te manipule, on ne dit pas tout… Ce n’est plus de la discussion, c’est du monologue quand cela ne dégénère pas en disputes, insultes… Les dernières et houleuses confrontations autour du vaccin, du passe sanitaire ou des mesures d’obligation vaccinale ont illustré ces impossibilités de dialogue véritable. Pour en sortir, il conviendrait de commencer par comprendre ce que sont des infox et surtout comment on peut s’en protéger, au moins à titre individuel.

La journaliste Doan Bui et la bédéiste Leslie Plée nous ont offert il y a quelques mois un ouvrage salutaire qu’il est grand temps de ressortir à la lumière, « Fake News, l’info qui ne tourne pas rond ». Il s’agit d’une bande dessinée, d’un documentaire et d’un ouvrage pédagogique… et même parfois avec un peu d’humour pour faire passer le tout… Et il faut bien commencer par la définition : une infox est un mot valise constitué d’information et intoxication et ce dernier terme montre bien que nous sommes potentiellement sur le point d’être empoisonnés… Nous, mais aussi la société, la démocratie…

Car cette « mauvaise » information est non seulement fausse mais elle l’est de façon délibérée car créée pour « entacher la réputation d’une personnalité ou d’une entreprise, ou encore pour contredire une vérité scientifique établie. » Attention, j’en vois frémir quelques uns… Pour le moment, je ne cherche pas du tout à vous emmener avec moi à une vérité qui serait sans discussion possible… Seulement à vous faire réfléchir sur ces informations qui circulent sur Internet (et pas que !)… D’où viennent-elles réellement ? Qui les fait circuler ? Pourquoi ?

Les autrices de cet ouvrage enquêtent et nous emmènent avec de très nombreux exemples à la source, là où les fake news sont mises en forme, dans différentes langues et envoyées sur Internet via les réseaux sociaux… On découvre le sordide, là où des étudiants récupèrent un peu d’argent pour survivre en divulguant ces infox. C’est juste pitoyable mais aussi tragique… Car à l’autre bout de la chaine, au niveau des internautes, cela peut perturber considérablement une élection, un processus scientifique ou sanitaire, la vie de la société, l’avenir du monde…

La fin de l’ouvrage évoque aussi la pandémie actuelle alors que de très nombreux autres sujets sont évoqués comme l’existence des groupes qui croient que la terre est plate ou les manipulations autour des fusillades aux Etats-Unis… Donc, concernant le Covid-19, il faut quand même savoir que certaines infox ont été partagées plus de 20 millions de fois en 2020 plus que le cumul des cinq principales chaînes Youtube des médias généralistes… Et ce n’est pas la peine de vouloir me dire que ces médias généralistes sont tous au service des grandes entreprises de pharmacie, des grands partis politiques ou des grands capitalistes…

Alors que faire ? Se désespérer, pleurer amèrement dans son coin ? Nous sommes tous responsables, collectivement de ce phénomène… mais, si chacun d’entre nous prenait le temps de vérifier l’information qu’il allait partager, si avant de cliquer sur envoyer on prenait le temps de rechercher d’où vient l’information (la source) voire même de trouver une source différente avec la même information, alors, peut-être, on aurait une diminution drastique de ces infox et cela serait bénéfique à l’ensemble de la planète… On peut bien rêver un peu… Non ?

Cette bande dessinée se repose sur un véritable travail de journalisme et une envie de vulgarisation de qualité. Comme l’été c’est fait pour lire, puisque deux autrices nous donnent la possibilité de réfléchir sur le sujet avec une excellente bande dessinée, je ne peux que vous souhaiter une très bonne lecture !

Shelton
avatar 08/08/2021 @ 11:48:49
Vendredi 6 août, bien sûr, je ne cherche pas à ralentir le temps qui passe...

Shelton
avatar 08/08/2021 @ 11:49:32
Samedi 7 août

L’été c’est fait pour lire et il ne faut pas oublier, en ces temps de repos, d’alimenter en livres de qualité les plus jeunes lecteurs. Souvent, on pense que les livres traduits et autres fadaises pas chères devraient leur suffire, puisque ce ne sont que des enfants, et on ne les soigne pas avec le souci qui devrait nous habiter : recherche de la qualité des textes, esthétique des illustrations, cohérence de l’ensemble… Et, justement, mon album d’aujourd’hui, s’adresse aux plus jeunes… mais aussi à tous ceux qui le sont restés au fond de leur cœur et de leur âme ! Ici, textes, dessins et esthétique sont entièrement au rendez-vous !!!

Il s’agit tout d’abord d’une adaptation, libre, artistique et musicale, d’Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll. Ce roman a été publié en 1865 et, au départ, il ne s’agissait pas du tout d’un ouvrage pour la jeunesse. Si on arrive à le lire avec son contexte, on voit là quelques critiques du système éducatif anglais du moment mais très rapidement ce qui sera retenu ce sont ces personnages magiques et imaginaires : un lapin et sa montre, le chapelier, la reine, les cartes… Et finalement cette réplique « qu’on lui coupe la tête ! ».

Ce texte a été de très nombreuses fois adapté, en roman, en version courte, en album illustré, en dessin animé, en bande dessinée, en jeu vidéo… Ici, sur une commande de France Culture, on a une version conte théâtralisé mis en musique avec de très belles chansons. Cette version peut se trouver en disque avec huit comédiens qui font vivre les personnages et la maitrise de Radio France qui interprète les chansons. Dans la version livre seul, on trouve le texte des chansons intégralement en fin d’ouvrage.

Cet album « Alice & merveilles » est avant tout une mise en dialogues du roman avec le talent bien réel de Stéphane Michaka qui transforme à sa manière le texte de Lewis Carroll en respectant plusieurs aspects dont le côté déjanté, fantastique et imaginaire. Le tout est tonique, plaisant et drôle. Attention aux parents lecteurs, il vous faudra prendre les voix des personnages car il ne s’agit pas d’une lecture monolithique et sans saveur. Ici, vous allez devoir jouer le rôle des huit comédiens initiaux… Bon courage d’autant plus que la sanction sera terrible : qu’on lui coupe la tête !

Les illustrations de Clément Pollet m’on beaucoup plu, je dirais même qu’elles m’ont emballé ! Avec de telles illustrations, j’ai pris plaisir à suivre Alice, je suis tombé encore plus vite qu’elle au fond du terrier (mais là c’est peut-être parce que je suis plus lourd qu’elle) et je me suis réveillé très rapidement (mais c’est peut-être que je suis plus craintif et que je tenais beaucoup à ma tête !). En fait, il s’agit d’un album réellement magnifique qui peut être lu avec des jeunes enfants contrairement à certaines versions plus adolescents/adultes comme le travail remarquable de Benjamin Lacombe.

Alors, cet été, il est grand temps d’offrir la possibilité à toute la famille de rêver un peu, d’enrichir collectivement l’imaginaire et de quitte, ne serait-ce qu’un instant, cet univers terrible ravagé par la pandémie, les guerres et les famines (et je ne parle même pas des troubles climatiques). Comme l’album est d’un grand format, il est à la fois festif et exceptionnel mais aussi visible par tous lors de la lecture. Comme il s’agit d’un dialogue, on peut aussi distribuer les personnages et transformer notre clan en troupe de théâtre et la lecture deviendra ainsi un véritable spectacle auquel chacun participera en fonction de ses talents…

Avant que vous vous lanciez dans cette construction artistique, comme l’été c’est fait pour lire, je vous souhaite une excellente lecture à toutes et tous !!!

Shelton
avatar 10/08/2021 @ 09:38:00
Dimanche 8 août

L’été c’est fait pour lire mais, on l’a bien dit ici, c’est aussi l’occasion de voyager, découvrir, apprendre… J’ai donc mis cela en application en allant visiter le château de Voltaire à Ferney-Voltaire. D’ailleurs, la juxtaposition du nom de Voltaire à Ferney n’est pas une façon de faire venir le touriste, c’est le constat d’une réalité car sans Voltaire, il n’y aurait pas eu de Ferney… Laissez-moi vous expliquer cela en quelques phrases…

Voltaire, durant une grande partie de sa vie, a fui le régime français incarné par le Régent puis par Louis XV. Son exil s’est déroulé tantôt auprès de Frédéric II de Prusse, tantôt en Lorraine, tantôt à Genève et c’est ainsi qu’un jour il arriva à Ferney, petit hameau où il y avait un vieux château, une vieille demeure serait d’ailleurs plus juste comme expression… Les alentours étaient couverts de marécages et Voltaire acheta le tout, la terre, la seigneurie et ses habitants ! En quelques années, il en fit une véritable bourgade avec écoles, manufactures, terres agricoles… Il reconstruit le château de Ferney, en fit sa demeure principale durant les vingt dernières années de sa vie et il y reçut, sinon l’Europe entière, au moins les personnes les plus connues, influentes et pensantes de son temps…

Mais, en suivant la visite guidée de ces lieux, je me suis interrogé. Alors qu’il était très reconnu de son temps, en particulier comme dramaturge, alors que tous les intellectuels se revendiquaient de lui ou le combattaient, alors qu’il fut le premier installé au Panthéon, pourquoi les Français ne le lisent que si peu aujourd’hui ?

En effet, si nous connaissons tous, ou presque, au moins de nom, ses romans et contes, du moins certains comme Micromégas, Zadig, L’Ingénu ou Candide, nous n’avons que très peu lu le reste de son œuvre ! Or, excusez du peu, mais il s’agit quand même entre autres de 23000 lettres, une cinquantaine de tragédies, 250000 vers, sans oublier des traités philosophiques (Traité sur la tolérance), scientifiques, un dictionnaire philosophique, trois ouvrages historiques… Bref, Voltaire a été un grand écrivain par la quantité et aussi la qualité de certains de ses textes qui sont encore étudiés et même lus avec plaisir…

Est-ce que tout mérite chez lui une lecture estivale ? Là, comme pour tous les auteurs, je dirais que si certains ouvrages sont exceptionnels, d’autres le sont moins ou restent trop datés par le temps… Que faudrait-il lire en premier ? Même si Voltaire avait tendance à sous-estimer ses romans et contes –pourtant le philosophe avait une grande estime de lui-même – je conseillerais de commencer par lire (relire pour certains) ces grands contes qui ont fait sa renommée. Je reste très attaché à Candide et L’Ingénu qui me semblent des textes très estivaux…

Après, mais c’est une opération de plus grande ampleur, il me semblerait judicieux de se lancer dans sa correspondance. Si les 13 tomes de la collection La Pléiade ne me semblent pas d’actualité pour aller lire sur la plage, heureusement, il existe des recueils de lettres qui peuvent vous faire découvrir Voltaire épistolier, qui permettent de découvrir son influence sur l’Europe du XVIII° siècle et qui donneront au lecteur le bonheur de se plonger dans le Siècle des lumières… Car, il ne faut pas l’oublier, Voltaire est une sorte de père du Siècle des lumières…

Demain, nous aurons le plaisir de feuilleter ensemble une bande dessinée qui « raconte » Voltaire mais, en attendant, je ne peux que vous inviter à découvrir l’écrivain, le philosophe, l’homme avec ses œuvres et comme l’été c’est fait pour lire, bonne lecture à toutes et tous !

Shelton
avatar 11/08/2021 @ 08:49:55
Lundi 9 août

L’été c’est fait pour lire et je vous avais promis hier de revenir sur Voltaire en bande dessinée. J’aurais pu le faire avec le « Candide » de Delpâture, Dufranne et Radovanovic. En effet, cette bédé est de très bonne qualité mais elle ne traite que d’un texte qu’elle s’approprie et traite magnifiquement. J’ai donc préféré, pour rester sur Voltaire en général, suivre Beuriot et Richelle dans « Voltaire, le culte de l’ironie ».

L’histoire est simple, un jeune homme, monsieur Lasalle, est prêt à écouter le récit de la vie de Voltaire par lui-même pour écrire une sorte de biographie complète… Nous sommes au château de Voltaire, à Ferney, et nous allons en compagnie de Lasalle écouter Voltaire sur différents temps de sa vie, ceux qu’il considère comme les plus importants…

En parallèle à ce récit double (Voltaire raconte et Voltaire vit directement) les auteurs glissent un autre récit, celui du Chevalier de La Barre, une affaire qui toucha fortement Voltaire qui en fit la relation… Le pauvre chevalier fut quand même exécuté pour blasphème, mais c’était une autre époque et on sait bien qu’aujourd’hui une telle affaire serait impossible… enfin presque !

Cette bande dessinée permet donc de balayer la vie de Voltaire, à commencer bien sûr par sa jeunesse et les mauvaises relations avec son père. On voit très vite se dessiner deux choses qui me semblent importantes. D’une part que Voltaire prend la vie avec légèreté, avec ironie tentent de montrer les auteurs, une ironie ravageuse que beaucoup de ses concitoyens ne comprendront jamais. D’autre part, que Voltaire fut en son temps un dramaturge reconnu, qu’il se considérait comme le successeur de Corneille et Racine, un talent que l’on a presque perdu de vue depuis car qui d’entre nous a lu ou vu au théâtre : Œdipe, Zaïre, La mort de César, Oreste ou Irène… Et j’en oublie car il a écrit plus de cinquante tragédies ! Certaines de ces pièces sont encore, de temps en temps, jouées mais avouons que l’on a un peu oublié cet aspect de Voltaire…

Un autre regard est posé sur Voltaire, son rapport à l’argent, la noblesse, la monarchie…Aujourd’hui, on a décrété que Voltaire était définitivement le père de la Révolution française (qu’il n’a jamais connue étant décédé en 1778) mais on a oublié qu’il souhaitait une monarchie constitutionnelle sur le modèle plutôt britannique, qu’il avait une haute valeur des nobles qui restaient en province pour s’occuper de leurs terres et de leurs « gens », enfin que son rapport à l’argent n’était certainement pas le modèle prôné par une certaine gauche révolutionnaire… Oui, Voltaire avait une certaine ambigüité, y compris dans le domaine religieux, lui qui aimait Dieu et détestait l’église catholique comme la calviniste…

Les auteurs de cette bande dessinée se sont accordés avec ce one shot une sorte de récréation, ils ont quitté l’ambiance de la Seconde Guerre mondiale (Amours fragiles) pour parler d’un sujet avec liberté, talent et bonheur… La narration graphique de Beuriot est d’une très grande qualité, en rien, ou presque, ressemblante à celle d’autres de ses albums, toute en délicatesse, en subtilité, en légèreté… Avec aquarelle délicatement posée sur un crayonné subtil… Splendide, digne d’une œuvre d’art ! En même temps, reconnaissons-le une bonne fois pour toutes, la bande dessinée est bien un art !!!

Donc, après vous avoir conseillé de lire ou relire Voltaire dans le texte, puisque l’été c’est fait pour lire, je terminerais cette chronique estivale en vous souhaitant bonne lecture de ce « Voltaire, le culte de l’ironie » !

Shelton
avatar 12/08/2021 @ 08:04:05
Mardi 10 août

L’été c’est fait pour lire et vous savez la place que je laisse aux romans policiers, aux « cosy mysteries » en particulier. Vous ne serez donc pas trop surpris de me voir ouvrir le tome 2 de la série Bretzel & beurre salé, Une pilule difficile à avaler, de Margot et Jean Le Moal.

Donc, situons la série policière pour ceux qui n’auraient pas lu (et c’est un petit tort qu’il faudra leur pardonner !) le premier volume, Une enquête à Locmaria. Tout d’abord, Locmaria est une petite bourgade côtière de la côte sud du Finistère, entre Quimper et Concarneau. Cathie Wald est venue s’y installer assez confortablement en faisant refaire une maison qui ressemble plus à une demeure de charme… avec une proximité avec l’Océan que tous les nageurs apprécieraient ! Cathie Wald est alsacienne et elle a ouvert un restaurant de spécialités de son pays à base de flamenküche, une sorte de galette qui se voudrait concurrencer la galette au sarrasin de chez nous… Non, je plaisante, la galette est irremplaçable et la flamenküche vaut le déplacement…Je dis cela pour ne pas me fâcher avec mon épouse qui est alsacienne, comme quoi les auteurs ne sont pas les seuls à se partager sur ces deux belles régions, la Bretagne et l’Alsace !

Revenons-en au roman, c’est bien un polar et plus particulièrement un cosy mystery. C'est-à-dire que l’on ne s’étendra pas sur les descriptions sanguinolentes, on ne tentera pas de faire frémir d’angoisse le lecteur, et la police et la gendarmerie ne seront pas aux premières loges. Ici, le principal de l’enquête est mené par des amateurs… Genre une restauratrice, un journaliste, une infirmière et le renfort d’un policier en vacances…

Bon, comme il s’agit bien d’un policier, il va y avoir un cadavre, et je peux vous en parler sans trop de souci ni risque de vous briser le suspense… Cathie descend se baigner un matin et elle trouve un cadavre sur « sa » plage !!! Horreur ! Elle se retrouve donc témoin et très vite, qui sait, suspecte !

Ce meurtre cache une affaire beaucoup plus complexe qui va mettre en danger Cathie, son restaurant, son cuisinier, ses amies…Bon, je ne dois pas vous en dire plus car le plaisir de la lecture, surtout dans un roman policier, c’est de tout découvrir au fur et à mesure du roman, dans l’ordre choisi par le romancier, enfin ici par les romanciers.

Le thème sera principalement celui de la drogue, du réseau, du milieu… Oui, il semblerait bien que le sud du Finistère devienne un enjeu pour certains mafieux ou apprentis mafieux… Quimper deviendrait-elle la nouvelle Chicago ? Mais n’est pas parrain le premier qui passe…

Enfin, quand on parle blanchiment, on pense aux laveries… mais il y a d’autres cheminements pour rendre à l’argent qui a une mauvaise odeur une allure d’honnêteté !

Enfin, pour ceux qui ont commencé à suivre les aventures de Cathie, certaines lumières arrivent pour nous faire découvrir cette femme d’une cinquantaine d’années en toute vérité… Mais, on n’en est pas encore là, ce qui est certain par contre, c’est qu’elle peut compter sur une belle équipe d’amis fidèles !

En attendant la suite qui arrivera un jour c’est sûr, profitez de l’été pour lire soit les deux premiers romans soit juste le dernier et je suis certain que vous passerez un très bon moment de lecture ! Et comme l’été c’est fait pour lire, bonne lecture !!!

Shelton
avatar 13/08/2021 @ 18:50:12
Mercredi 11 août

L’été c’est fait pour lire et j’ai pensé qu’il serait bon cet été, comme je le fais assez souvent, de vous parler un peu d’Agatha Christie. Mais avant de se plonger ou replonger dans un des grands romans policiers de cette autrice exceptionnelle, je vous invite à découvrir la reine du crime en compagnie d’une historienne, Marie-Hélène Baylac. Cette spécialiste de la gastronomie mais aussi d’Hortense de Beauharnais, a publié une excellente biographie d’Agatha Christie, « Agatha Christie, les mystères d’une vie ». Une très belle façon de se préparer à dévorer les romans…

Alors, me direz-vous, pourquoi lire cette biographie alors que l’autrice a produit une autobiographie où elle dit tout d’elle-même ? En fait, et c’est bien là le souci, Agatha Christie dans son autobiographie oublie beaucoup d’éléments de sa vie, ne serait-ce que sa disparition soudaine en décembre 1926 ou certains de ses échecs au théâtre… L’autobiographie n’est pas une biographie et c’est bien pour cela que cet ouvrage de Baylac m’a beaucoup intéressé. Il faut préciser aussi que cette historienne ne se place pas en admiratrice, en lectrice, en ennemie… Elle est historienne et regarde la femme Agatha Christie de façon très objective même si l’objectivité n’existe jamais entièrement…

Pourquoi prendre cet ouvrage dans une liste estivale ? Tout simplement parce qu’il est très bien écrit, agréable à lire et que l’on dévore la vie d’Agatha Christie avec la même jubilation que l’on aurait en lisant sur la plage « Le crime de l’Orient Express » ou « Mort sur le Nil »… Enfin, pour en prendre deux avec Hercule Poirot, l’enquêteur à succès d’Agatha Christie, je n’ai pas dit « l’enquêteur bien aimé » puisqu’on apprend très clairement qu’elle ne l’aimait pas même s’il lui avait donné une certaine prospérité financière…

On peut d’ailleurs, avec le livre de Marie-Hélène Baylac comprendre mieux les rapports entre l’autrice et ses enquêteurs, découvrir que celle avec qui elle a le plus d’atomes crochus est Ariane Oliver que l’on retrouve dans sept romans et une nouvelle (et donc pour cet été, pourquoi pas relire « Une mémoire d’éléphant » ?) et enfin découvrir comment et pourquoi ont été écrits les deux romans qui clôturent les cycles d’Hercule Poirot et de Miss Marple, « Hercule Poirot quitte la scène » et « La dernière énigme ».

Dans les informations importantes de cette étude historique, je citerais sans hésiter tous les faits qui concernent la vie d’Agatha Christie et Max Mallawan (le second époux d’Agatha), l’archéologue qu’elle va suivre en orient de très nombreuses fois, voyages qui inspireront grand nombre de ses romans… Puisqu’il faut vous en citer au moins un pour cet été, prenons « Meurtre en Mésopotamie »…

N’oublions pas de dire que l’autrice de cette remarquable étude parlera plusieurs fois de Mary Westmacott, pseudonyme d’Agatha quand elle écrivait des romances et pour elle, il s’agissait de romans importants aussi…

Enfin, elle parle d’un roman qui me tient à cœur, que j’ai lu et relu, qui met en scène Miss Marple mais surtout l’Angleterre d’après guerre, quand le moral n’est pas encore remonté au beau fixe, « Un meurtre sera commis le… ». Marie-Hélène Baylac parle beaucoup de la Seconde Guerre mondiale pour Agatha et Max car ce sera une période difficile à vivre : guerre, séparation, tensions financières…

Pour finir, une belle présentation d’Agatha femme de théâtre, un aspect de sa vie que certains connaissent beaucoup moins (plus de 25 pièces ou adaptations) alors qu’une de ses pièces a battu presque tous les records, « La Souricière »…

Voici donc une belle biographie à découvrir cet été, une liste de romans policiers à lire ou relire, et comme l’été c’est fait pour lire, bonne lecture à toutes et tous !

Shelton
avatar 14/08/2021 @ 09:29:36
Jeudi 12 août

L’été c’est fait pour lire et puisque nous avons découvert ensemble une biographie d’Agatha Christie, tentons de mettre en valeur plus spécifiquement des romans moins connus, des pièces de théâtre oubliées ou des nouvelles que vous n’avez peut-être jamais lues… Comme la biographie met en valeur Agatha dramaturge, nous allons commencer par une pièce de théâtre !

J’aime beaucoup Agatha Christie mais quand on me parle d’elle je pense avant toute chose aux romans, à ses grands enquêteurs, parfois même aux nouvelles, jamais aux pièces de théâtre. D’ailleurs, avouons-le, je n’ai jamais vu une seule pièce de théâtre d’Agatha Christie sur scène…

Alors, bien sûr, je l’avoue, je lui trouve aussi un aspect humoristique indéniable et incroyable car elle peint la société dans laquelle elle vit et elle fait bien souvent preuve d’humour, de dérision, de cynisme et tout cela devient drôle. D’ailleurs ses personnages fétiches d’Hercule Poirot, Miss Marple ou ce couple incroyable que sont Tommy et Tuppence Beresford constituent une galerie de personnages plutôt critiques envers la société, parfois agaçants, tantôt attachants, et finalement drôles même si on ne rit pas à chaque page des romans de la reine du crime… Et c’est pour cela que certains se sont très vite demandé si tout cela ne serait pas un filon théâtral de qualité…

Seulement, elle n’a jamais été très satisfaite des adaptations réalisées par les autres, si brillants furent-ils et elle a estimé qu’elle était la seule à pouvoir le faire. Puis, elle a pris goût au théâtre, à l’écriture spécifique de la scène, à la mise en scène (elle ne la réalisait pas mais discutait toujours beaucoup avec celui qui se lançait dans l’aventure) et à la fin elle préférait même écrire une pièce plutôt qu’un roman !

Je trouve que c’est dans ses pièces de théâtre que son humour apparait le plus et en particulier dans une pièce comme « Le visiteur inattendu » (pièce originale de 1958)… On est là dans une pièce criminelle par excellence puisque tout commence aux douze coups de minuit, en plein hiver, avec un cadavre, bien sûr…

Tous les clichés seront présents avec la femme suspecte et vénale, l’amant ballot qui s’est fait manipuler, l’observateur neutre qui ne l’est pas tant que cela, les policiers engoncés dans leur rôle et stupides, la mère de la victime parfois surprenante, un petit frère amoureux ou pas, des suspects à foison, des fausses pistes en grand nombre…

Une écriture léchée, des répliques cinglantes et des mots parfaitement ajustés comme il en faut au théâtre, une dose de cynisme certaine mais juste ce qu’il faut pour que le tout reste crédible, dramatique et véridique… Quel bonheur !

Certes, j’aurais aimé avoir la chance de voir cette pièce au théâtre mais même en la lisant on imagine totalement le jeu des acteurs, on entend les phrases résonner…

Pour le reste je ne peux pas vous en dire plus sans tout vous gâcher, suspense et lecture !

Précision, on trouve dans le commerce, très facilement, la version adaptée en roman de la pièce de théâtre… mais c’est la pièce qu’il vous faudra trouver car c’est elle qui est magnifique à lire ou, si vous avez de la chance, à voir !!!

Puisque l’été c’est fait pour lire, très bonne lecture et à très vite pour parler encore de la reine du crime !

Shelton
avatar 14/08/2021 @ 09:30:11
Vendredi 13 août

L’été c’est fait pour lire et nous avons vu avec Marie-Hélène Baylac et sa biographie consacrée à Agatha Christie que la Seconde Guerre mondiale avait été une rude épreuve pour Agatha et Max. En effet, non seulement il y eut cette guerre avec la Bataille de Londres mais Max eut le plus grand mal à trouver une utilité au sein de la défense car il était d’origine autrichienne par son père et n’avait aucune formation militaire. Heureusement, il va réussir à se faire une place dans un service de renseignement…

Agatha Christie, elle, est une anglaise pure et dure qui a souffert avec tout le peuple britannique. Dès la déclaration de guerre, elle reprend du service dans un hôpital, comme pendant la Première Guerre mondiale, du côté de la pharmacie… et de ses poisons, bien sûr ! Il est donc tout à fait normal de la voir chercher à mettre dans certains de ses romans des éléments de ce long conflit qui s’est bien déroulé en Grande Bretagne, contrairement aux idées reçues, du moins si on prend bien en compte les bombardements de l’île par les Allemands et les longues traques des espions, la fameuse troisième colonne !

« N ou M ? » est donc bien un roman de circonstances qui permet de mesurer l’état d’esprit des Britanniques durant cette guerre. Pour cela elle a voulu trouver de véritables héros et elle n’a pas hésité à ressortir ceux qu’elle avait utilisés durant la première guerre mondiale, Tuppence et Tommy Beresford. Ceux qui les ont déjà croisés ne seront pas surpris du ton du roman car avec eux Agatha Christie se transforme en autrice plus légère, avec une certaine proximité de l’Exbrayat des aventures d’Imogène. Oui, notre couple, il s’agit bien de mari et femme, cherche un moyen de reprendre du service, de se rendre utile à la nation et il se retrouve dans une recherche d’espions qui mettent, de l’intérieur, la Grande Bretagne en péril… On voit le lien avec une situation rencontrée par Max…

Nous ne sommes donc pas dans un roman policier classique comme la reine Agatha sait les écrire. Pas d’enquêteur sur-jouant avec ses cellules grises ou comptant les mailles de son tricot. Ici action, humour, coup de sang et patriotisme alternent pour embarquer le lecteur dans une affaire à la fois passionnante et improbable ! Les spécialistes de l’espionnage n’y retrouveront pas leurs petits, les codes sont bafoués, la politique incompréhensible… Que reste-t-il ? Tuppence et Tommy ! Et c’est déjà beaucoup ! Enorme même !

J’ai pris beaucoup de plaisir à lire ce roman malgré sa « folie » ou grâce à elle ! Plusieurs fois je me suis dit qu’heureusement nos « amis » anglais avaient de meilleurs agents que ces deux-là…

Par ailleurs, la description de la pension familiale où vivent les différents protagonistes de cette histoire est assez réaliste. On a réellement l’impression d’avoir loué une chambre, de partager un espace restreint avec tous ces illuminés, d’aller jouer au golf avec un officier retraité, d’aller au bout de la digue croiser quelques pêcheurs désœuvrés, d’être obligé de boire du thé avec Sheila, Mrs Perenna, Mrs Sprot…

Un bon roman à découvrir pour tous ceux qui ne l’on jamais croisé sur leur route car il n’appartient pas aux grands classiques d’Agatha et on est bien loin de ses grands romans à énigme. Voici donc, puisque l’été c’est fait pour lire, une nouvelle façon de découvrir Agatha Christie… et ce n’est pas terminé !

Donc, très bonne lecture à toutes et à tous !

Shelton
avatar 14/08/2021 @ 09:30:46
Samedi 14 août

L’été c’est fait pour lire et nous ne manquons pas de lire ou relire certains grands romans policiers d’Agatha Christie comme Mort sur le Nil ou Le crime de l’Orient-Express… Mais si Agatha, la reine du crime, a bien écrit 67 romans dont le plus grand nombre est passé à la postérité (Agatha Christie serait l’autrice britannique la plus lue après Shakespeare !), elle est aussi la créatrice de 25 pièces de théâtre et la rédactrice de plus de 190 nouvelles. Or, en France, il se dit que la nouvelle se lit moins, qu’elle est moins appréciée… Il ne faudrait donc pas les oublier et dans notre démarche de mettre en valeur les ouvrages perdus de vue d’Agatha Christie, intéressons-nous aujourd’hui à certaines nouvelles… C’était l’époque où Jane Marple fréquentait le Club du mardi…

Dans les nombreux personnages qu’elle a créés, Agatha Christie à choisi de mettre un homme célibataire, d’une intelligence hors norme mais imbu de lui à l’extrême, Hercule Poirot ; une femme, célibataire aussi, modeste et simple, habitant le petit village de St Mary Mead, Miss Jane Marple ; un couple, avec des caractères très différents, lui sérieux, ordonné et méticuleux dans ses enquêtes, elle, passionnée et enthousiaste, délirante et rapide à se décider, tous les deux fous amoureux, Thomas et Tuppence Beresford ; nous pourrions ajouter à cette liste des personnages plus atypiques comme Ariadne Oliver, Mr Quinn ou le professeur Parker Pyne…

Chacun de ces personnages mène les enquêtes à son rythme et, du coup, Agatha Christie offre aux lecteurs des genres différents. Dans le cas de Miss Marple, il s’agit d’un fonctionnement par similitude : la bonne Jane observe et cherche dans sa mémoire des affaires similaires qui pourraient la mettre sur le chemin de la vérité. Les preuves, les aveux, les actions violentes ou périlleuses, tout cela elle le laisse aux autres, à la police en particulier. L’enquête se passe sur canapé en tricotant…

Tout commence avec une soirée paisible, un mardi, et une discussion qui en vient à l’évocation des mystères non résolus. Il y a là Raymond West, un bon écrivain, Joyce Lemprière, une artiste, sir Henry Clithering, ancien superintendant du Scotland Yard, Pender, le pasteur de la paroisse et Mr Petherick, le notaire… sans oublier Jane Marple. On rencontre aussi, ne les oublions pas car ils reviendront souvent par la suite, le colonel Bantry et son épouse… C’est comme un jeu, mardi après mardi, chacun à son tour raconte une histoire et les autres doivent découvrir la nature du mystère. Ce ne sont pas que des crimes, mais il y en a aussi…

Miss Marple est celle qui devient la grande championne. Chaque cas concret lui rappelle un fait, une personne, un épisode de la vie de St Mary Mead… Oui, ce village semble paisible au premier abord mais il s’y passe de bien drôle d’affaire à moins que ce soit Jane Marple qui se fasse en permanence un film…

Certes, chaque nouvelle, histoire, de ce recueil de nouvelles aurait pu faire l’objet d’un roman et le lecteur est un peu frustré même si certaines énigmes sont excellentes. La façon dont chacun des personnages enrichit fortement le mécanisme et permet au lecteur de cheminer, d’éliminer les fausses solutions et de comprendre comment Marple trouve, elle, la bonne solution à l’énigme du jour… C’est pour autant un art difficile, en si peu de pages, de poser tous les éléments de l’énigme jusqu’à sa résolution. Agatha maitrise la nouvelle, pour elle c’est jubilatoire, c’est un jeu… Parfois, certains textes seront repris dans un roman ou une pièce de théâtre, mais pas du tout systématiquement… Il faut dire que les Anglais aiment beaucoup les nouvelles, que la presse les pré-publie, les amateurs les dégustent durant le breakfast…

S’il fallait en mettre une en avant, dans ce recueil « Miss Marple au Club du mardi » (1932), je choisirais « Le seuil ensanglanté » mais je ne peux pas vous en dire plus car ces nouvelles courtes ne peuvent pas être abordées sans détruire le suspense… donc à vous de lire !

Et comme l’été c’est fait pour lire, bonne lecture à tous !

Shelton
avatar 14/08/2021 @ 19:46:22
Dimanche 15 août

L’été c’est fait pour lire et quand on aime, on ne compte pas. Il n’est donc pas étonnant de me voir arriver avec mes gros sabots et un livre d’Agatha Christie sous le bras, encore un ouvrage peu connu du grand public…

Ce sera donc la dernière escale chez Agatha Christie, du moins pour cet année, avec encore un recueil de nouvelles que j’aime beaucoup et dont je vous ai déjà parlé… Ce recueil de nouvelles a été publié une première fois en Grande-Bretagne sous le nom de « Le mystère de Listerdale et autres histoires » en 1934 avant de paraître en France en 1963 sous le nom de « Douze nouvelles », avant, enfin, en 1968, de retrouver son titre original de « Le mystère de Listerdale ».

Agatha Christie, dans cet ouvrage, nous démontre qu’elle n’a pas besoin systématiquement d’un crime pour créer des personnages, pour nous plonger dans une ambiance, pour nous émouvoir, nous faire rêver et nous tenir en haleine… Une histoire, même la plus banale et nous sombrons dans l’angoisse et le vertige le plus dangereux, celui du suspense sur papier. Oui, Agatha n’est pas seulement la reine du meurtre et de l’empoisonnement, elle excelle dans le jeu des mots, celui terrible qui nous fait prendre des vessies pour des lanternes, ou, plus simplement, des assassins pour des innocents et réciproquement…

La première nouvelle, celle qui offre son nom au recueil, voit une brave dame, pauvre et angoissée par l’avenir, trouver une demeure, avec personnel, pour trois fois rien. Sa fille peut ainsi assurer son mariage sans apeurer son fiancé et trouver le bonheur, tandis qu’elle-même se réhabitue à une vie paisible et heureuse… mais que cache cette proposition d’un logement avec maître d’hôtel ? Qu’est devenu, d’ailleurs, le propriétaire, ce fameux Lord Listerdale ?

Chaque nouvelle aurait pu être un roman policier… Enfin, presque, puisque les crimes ne sont pas automatiques… Certaines sont presque belles, enfin au sens de beaux contes et pas des tableaux noircissant l’humanité. Parfois, on y croise des êtres peu sympathiques, pire franchement désagréables ; tandis que certaines personnes, fruits de l’imagination d’Agatha Christie, mériteraient de figurer au Panthéon de l’humanité ou de la littérature.

On peut regretter, dans ce genre d’ouvrage, la taille des histoires. Oui, pour en faire tenir douze dans un espace généralement consacré à un roman policier, l’auteur doit aller à l’essentiel, faire au plus vite… On peut en souffrir, se sentir frustré… Oui, j’aurais aimé, par exemple, que la dernière nouvelle, « Le chant du cygne », soit développée en un roman à part entière. Les personnages l’auraient mérité, sans aucun doute, en particulier cette cantatrice, La Nazorkoff…

Il est à noter que plusieurs nouvelles se terminent par une happy end. C’est un aspect fleur bleue de la romancière que l’on ne perçoit pas toujours dans ses romans. En effet, bien souvent quand on arrive aux dernières pages, il est plus question d’arrêter un coupable que de se préoccuper d’un mariage, d’un amour naissant, d’un avenir à construire… Pourtant, Agatha Christie a écrit six romans, sous le nom de Mary Westmacott où on trouve des sentiments comme amour et jalousie hors d’un contexte criminel… une sorte de littérature plus sentimentale. Mais ces livres eurent beaucoup moins de succès et je ne connais pas beaucoup de lecteurs qui les aient dévorés !

Ce recueil est donc un ensemble cohérent, plaisant à lire, qui saura réconcilier certains lecteurs avec Agatha Christie car, ici, il y a du concis, du précis, de l’efficace… Certains préfèrent cela à des romans plus construits et psychologiques… A vous de choisir !

Et comme l’été c’est fait pour lire je ne peux que vous souhaiter « Bonne lecture » !

Veneziano
avatar 15/08/2021 @ 18:49:39
Après Critique de la raison pure, d'Emmanuel Kant, et Terre promise de Barack Obama, sont inscrits dans mes prévisions de lecture :
- La Bretagne mise en scène ;
- L'Aéroport mis en scène ;
- L'Etat contre le les Juifs, de Laurent Joly ;
- Le Cahier rouge du château de Versailles ;
- Leçons d'un siècle de vie, d'Edgar Morin ;
- Critiques de la raison pratique et Opuscules sur l'histoire, d'Emmanuel Kant ;
- les poèmes de Versailles et de la poésie italienne.


D'autres livres peuvent venir s'agréger, et je ne vous garantie pas de l'ordre de ces découvertes.

Il ne m'a pas échappé que l'été a déjà commencé ; je me permets de vous renvoyer à la liste de mes critiques.


Au sein du programme, il a été inséré un cycle consacré à Simone Veil, le premier tome des romans de la saga Jalna, les deux autres Critiques de Kant, de la raison pratique et de la faculté de juger, les lectures consacrées au philosophe devant être ponctuées par une analyse globale par Luc Ferry.
Les deux courts ouvrages sur le cinéma sont lus, tout comme L'Etat contre les Juifs et le livre d'Edgar Morin.

Shelton
avatar 18/08/2021 @ 07:23:23
Lundi 16 août

L’été c’est fait pour lire et comme la lecture pousse aussi à la réflexion, on peut affirmer que l’été nous fait grandir en quelque sorte. C’est une occasion de revenir sur un fait ou un autre grâce à un livre, un article, un débat, un spectacle… Cela a le mérite aussi de prendre un peu de recul avant d’aller trop vite dans nos affirmations…

Par exemple, on a tous vu ces images du président de la République française se faisant claquer par un citoyen français qui s’était positionné dans le public lors d’un déplacement en Province… A cette occasion, on a beaucoup parlé de manque de respect, du laisser aller de l’éducation, de la perte de citoyenneté… Mais on n’a jamais été plus loin en dehors de ceux qui souhaitaient une punition exemplaire (sans d’ailleurs préciser laquelle serait à leurs yeux bien adaptée).

Le 5 janvier 1757, Robert-François Damiens se précipite sur Louis XV avec un canif et le perce sur le côté. Aucun organe important n’est touché, le roi reste alité une dizaine de jours et cet évènement le fait beaucoup réfléchir… Mais, le régicide, lui, va être jugé très sévèrement et condamné le 26 mars 1757 et exécuté le 28 mars… Mais à quoi fut-il condamné très précisément ? Voici sa condamnation :

« à la place de Grève, sur un échafaud qui y sera dressé, il sera tenaillé aux mamelles, bras, cuisses et gras des jambes, sa main droite tenant en icelle le couteau dont il a commis le dit régicide, brûlée au feu de soufre, et sur les endroits où il sera tenaillé, jeté du plomb fondu, de l'huile bouillante, de la poix résine brûlante, de la cire et soufre fondus et ensuite son corps tiré et démembré à quatre chevaux et ses membres et corps consumés au feu, réduits en cendres et ses cendres jetées au vent ». Oui, on ne rigole pas avec un régicide !

Pour comprendre la différence entre les deux situations, Pierre Chevalier, historien (1913-1998), dans son ouvrage « Les régicides », explique avec précision le statut du corps du Roi, du Roi lui-même. Le corps du Roi est sacré car le Roi est le lieutenant de Dieu dans le royaume de France. Il est le père de la Nation, un être intouchable d’essence divine… Bien sûr, cela peut aujourd’hui nous sembler d’un autre temps mais la monarchie était en lien serré et étroit avec Dieu et la religion, même si un roi comme Louis XV n’était pas trop croyant et vivait une vie à la limite de la débauche…

A l’inverse, le président de la république incarne la France mais n’est pas le père de la Nation, n’a aucun lien spécifique avec chaque Français et ne peut se revendiquer d’aucune relation avec Dieu. Il est un Français comme les autres mais que nous avons élu pour un mandat à la tête de la Nation… et encore, il faudrait modérer l’expression car il n’est pas à la fois l’exécutif, le législatif et le judicaire… Rassurez-vous, je ne souhaite pas que l’on revienne à des exécutions comme celle de Damiens mais j’avoue que cet ouvrage fait réfléchir au lien avec nos dirigeants…

Pierre Chevalier propose sa réflexion historique en abordant les trois régicides depuis Hugues Capet (avant les choses sont plus complexes) : Clément (assassin d’Henri III), Ravaillac (assassin d’Henri IV) et Damiens (qui a tenté d’assassiner Louis XV). C’est un excellent ouvrage historique et thématique qui ouvre à la réflexion avec des implications contemporaines…

Et donc, puisque l’été c’est fait pour lire, je n’ai plus qu’à vous souhaiter « Bonne lecture » !

Shelton
avatar 19/08/2021 @ 08:12:39
Mardi 17 août

L’été c’est fait pour lire et on peut parfaitement lire un ouvrage d’une personne que l’on apprécie que fort peu… En effet, on nous a appris jadis en prépa à ne pas mélanger l’auteur et l’homme, celui qui écrit et celui qui vit une époque avec ses engagements, ses actions, ses haines… Mais, ce raisonnement a ses limites surtout quand dans l’œuvre écrite transparait l’idéologie portée par l’homme… Ceci étant, reconnaissons que le temps fait son œuvre et que lorsque les ouvrages sont bons, que les écrits sont de qualité, on relativise les aspects politiques et idéologiques pour ne garder que le texte. C’est ainsi que lire de la poésie de François Villon n’implique pas de devenir ou soutenir les bandits de grands chemins… et ainsi de suite…

Quand j’étais plus jeune (oui, je l’ai bien été même si cela commence à remonter loin dans le temps), on avait ainsi des auteurs plus ou moins maudits à cause de l’alcoolisme, de la drogue, des idées politiques, de l’homosexualité, de l’engagement pronazi, de la pédophilie… Et ce n’était pas toujours si simple de s’y retrouver, c'est-à-dire de chercher la littérature pour la littérature, les mots pour les mots…

Aujourd’hui, les choses ont un peu changé et on voudrait oublier toutes les littératures qui ne rentrent pas dans un regard « acceptable » ce qui n’est pas sans poser de questions fortes pur cette littérature. Par exemple, faut-il oublier Corneille parce que ses pièces sont portées par un christianisme fort, les textes de Racine parce qu’il était Janséniste, les lettres de Voltaire car l’origine de sa fortune a un lien avec l’esclavagisme, les textes de Rousseau parce qu’il n’a pas pu élever correctement ses enfants, les romans du XIX° siècle par ce les romanciers étaient trop misogynes, la poésie de Baudelaire, Verlaine, Rimbaud ou Apollinaire parce qu’ils étaient des dépravés alcooliques et drogués, l’œuvre de Gide car il était pédophile, « Voyage au bout de la nuit » parce que Céline termina dans le camp de la collaboration, la poésie d’Aragon parce qu’il fut communiste… et j’en passe et des meilleures !

Chacun prendra bien sûr ses responsabilités, chacun suivra ses goûts, ses idées, et se constituera une sorte de bibliothèque personnelle. Personne n’aura le droit de venir y toucher car c’est intime et ce n’est pas le fruit d’une mode, d’un embrigadement, c’est juste le fruit d’une lecture qui année après année s’enrichit… Cela devient votre culture comme j’ai la mienne…

Dans ma bibliothèque personnelle, celle de ma mémoire, de mon cœur, de ma vie, certains auteurs se côtoient dans la « tension » sans que cela me gène le moins du monde… Rabelais l’humaniste et paillard est bien là non loin de Bossuet et de ses « Oraisons funèbres », les œuvres complètes d’Aragon et d’Eluard regardent d’un mauvais œil « Le marchand d’oiseaux » de Brasillach et « Voyage au bout de la nuit » de Céline, « La porte étroite » de Gide est située non loin de « La pesanteur et la grâce » de Simone Weil… et ainsi de suite ! Cela est ainsi et tant pis si certains sont surpris. Chaque lecture fut une circonstance particulière de ma vie, une rencontre, une opportunité… et je ne changerai rien de tout cela même si certains livres ont été oubliés depuis…

Alors que puis-je vous conseiller de lire ou relire cet été dans ces ouvrages maudits ou rejetés ? Par goût, je vous inviterais bien à découvrir la richesse de Rabelais et de son « Gargantua » car cet ouvrage ne ressemble pas du tout à l’image que nous en donne trop souvent l’école. Ce texte est d’une richesse incroyable, une source d’humanisme considérable, une pépite pour tous ceux qui s’interrogent sur l’éducation, le gouvernement des peuples, la démocratie, Dieu, la guerre… Bref, Rabelais est un universaliste qui touche à tout et qui m’a toujours rendu heureux !!!

Alors, puisque l’été c’est fait pour lire, bonne lecture à toutes et à tous et à table ! Aucun rapport, me direz-vous ? Mais attendez d’avoir lu « Gargantua » et vous comprendrez !

Shelton
avatar 20/08/2021 @ 09:56:13
Mercredi 18 août

L’été c’est fait pour lire et j’avoue que j’aime bien céder à l’appel de la littérature de province, surtout quand je séjourne quelque part en France… Dès le premier matin, ou presque, je me précipite dans une librairie et je demande quels sont les auteurs locaux, ceux qui tentent de nous faire découvrir ou aimer leur région à travers un texte historique, une romance, un polar… Ce n’est pas toujours un coup de foudre mais c’est indiscutablement une façon d’éviter un parisianisme trop convenu et trop élitiste… Pour le reste, ce n’est après qu’une question de point de vue, de sentiments, d’émotions et il en faut pour tous les goûts !

Depuis que ma fille s’est installée à Albi, je traverse la France par le Massif Central et je découvre progressivement le Sud-ouest, là j’entends réellement le grand quart Sud-ouest, celui qui englobe le Quercy, le Limousin, l’Aquitaine, le Poitou, la Saintonge, l’Occitanie… et qu’importe les nouveaux ou anciens noms de ces régions ! C’est ainsi qu’en suivant Jean-Pierre Alaux, auteur originaire du Quercy, j’ai découvert un grand nombre de lieux de son Sud-ouest : Pays Basque, Bordelais, Rocamadour, Cahors… Le roman que je vous invite à découvrir, un de ses derniers (2020), aura pour cadre la ville de Bordeaux.

En effet, avec « Fontaine, je ne boirai pas de ton sang ! », l’auteur invite ses héros, Séraphin Cantarel, sa femme Hélène et son numéro deux Théo Trélissac, mais aussi ses lecteurs, à découvrir la Fontaine des Girondins (et il ne s’agit pas là de football !). Séraphin Cantarel étant conservateur des monuments français, tous les éléments historiques et architecturaux de cette série sont authentiques et l’auteur met un point d’honneur à écrire un roman, un livre d’histoire de sa région et souvent même une sorte de guide touristique très précis !

Pour la partie romanesque, c’est passionnant. La fontaine en question a été entièrement démontée dans le temps et il s’agit de retrouver tous les éléments, de les nettoyer, restaurer et de remonter l’ensemble dans Bordeaux à sa place initiale, place des Quinconces. L’ensemble est constitué de plusieurs jets d’eau et de 34 statues ! Dans le roman nous sommes en 1982, et dans la réalité c’est en 1983 que la fontaine a retrouvé sa place. Là encore, nous suivons bien l’histoire réelle… Mais…

Mais, durant les travaux de rénovation, un cadavre est trouvé quai des Chartrons dans les ateliers de rénovation… Attention, même si le maire, Jacques Chaban-Delmas crie au complot, nous sommes bien dans le roman policier. Séraphin et Théo, tout en travaillant d’arrache-pied pour restituer l’ensemble de 52 tonnes de bronze à la ville et ses habitants, ne peuvent pas s’empêcher de participer à la recherche de la vérité concernant ce meurtre… Bien sûr, la vérité arrivera et la fontaine sera reconstruite, plus exactement, tous les éléments seront réunis de nouveau pour le plus grand plaisir de tous !!!

J’aime beaucoup cette série policière qui, certes, est bien à classer dans la littérature régionale mais qui reste de très bonne qualité quant à l’écriture et la trame historique. De plus, dès le premier roman, elle s’installe dans la fin des années Giscard et le début des années Mitterrand ce qui lui donne un petit aspect, une couleur vintage pas désagréable du tout…

Donc, cet été, si vous allez ou êtes passés par le Mont-Saint-Michel, Albi, le Pays Basque, Reims, Rocamadour, Bordeaux, Cordouan… n’hésitez surtout pas à lire ou relire un des romans de cette série de qualité.

Et comme l’été c’est fait pour lire, bonne lecture à chacune et chacun d’entre vous !

Shelton
avatar 21/08/2021 @ 09:11:02
Jeudi 19 août

L’été c’est fait pour lire et j’adore ces ouvrages pour la jeunesse qui tentent, souvent avec succès, de redonner de la vie à de vieux contes, de vieilles œuvres, des mythes antiques…Ce sont bien ces œuvres, ces livres, ces spectacles qui font vivre l’humanité sur les traces qu’elle a creusées depuis des millénaires…

Alors, c’est vrai aussi, que revisiter un tel domaine n’est pas sans risque pour l’auteur. En effet, on a toujours tendance à comparer directement cette appropriation avec l’original et c’est toujours sans pitié. Pourtant, s’il s’agit d’un mythe ancestral, on devrait trouver normal que certains créateurs s’y attèlent car tout humain devrait se frotter à ces récits…

Prenons un petit exemple… Roméo et Juliette sont amoureux mais leurs familles se détestent. En fait, il s’agit bien de l’histoire de tous ceux qui aiment une personne. En effet, les familles ne sont pas toujours en guerre, les acteurs familiaux ne cherchent pas à se faire la guerre, mais lors des mariages et autres cérémonies d’union de deux personnes, on voit très souvent les deux familles repliées sur elles-mêmes, avoir peur de l’autre quand ce n’est pas plus… Et donc chaque fois qu’un artiste s’empare de ce thème, on a l’impression de plonger au cœur de l’humanité…

Mais laissons « Roméo et Juliette » pour poser notre regard sur « Coppélia », un conte d’Hoffmann. Là encore, on est dans le grand classique. Le thème est multiple : l’amour, le désir, la jalousie, les apparences, le mythe de recréer à la place de Dieu (en mieux bien sûr)… Il s’agissait donc pour l’autrice (Claude Clément) et son illustratrice (Daniela Cytryn) de s’attaquer à du lourd, un conte devenu ballet qui touche à de très nombreux aspects de la condition humaine…

Le résultat, de toute évidence, est à la hauteur du défi, je dirais même qu’il s’agit d’un album grand format beau, fort, pétri d’humanisme et aux qualités artistiques indéniables… J’ai toujours affirmé qu’il fallait donner aux enfants des belles œuvres et des livres intelligents ! Ici, c’est exactement cela, un ouvrage magnifique dont chaque page est un tableau, un texte qui touche à l’épopée, des personnages crédibles que l’on a envie de suivre jusqu’au bout, des émotions qui jaillissent et nous touchent… Un livre qui nous parle de nous, un livre qui nous apprend, un livre que l’on a envie de partager avec de plus jeunes lecteurs… D’ailleurs, je l’ai relu à un de mes petits-fils pas plus tard qu’hier soir…

Vous pourriez me dire qu’un petit garçon de quatre ans n’est pas capable de comprendre l’histoire d’amour de Swanilda et de Frantz, le coup de foudre de Frantz pour la belle Coppélia, la volonté de Coppélius de créer la perfection, la jalousie de Swanilda… et je crois honnêtement que vous vous tromperiez. En effet, l’enfant ne comprendra pas strictement comme vous, je le concède, mais il entrera bien dans l’histoire, percevra la finesse des personnages, et ira même donner du sens au pardon final de Swanilda à Frantz… Oui, il se pourrait même que le petit garçon soit plus humain que beaucoup d’adultes !

C’est pour cela qu’il ne faut jamais hésiter à se lancer dans de grandes et belles lectures, celles qui apprennent la vie, qui font grandir, qui transforment (autant le lecteur que l’enfant qui vous écoute) et qui laissent un magnifique souvenir dans les cœurs et les esprits… Alors, puisque l’été c’est fait pour lire, n’hésitez pas à vous lancer et très bonne lecture à toutes et tous !

Shelton
avatar 22/08/2021 @ 07:12:43
Vendredi 20 août

L’été c’est fait pour lire et après avoir vu ensemble un conte d’Hoffmann transformé en opéra puis en album pour la jeunesse, voici, dans le même esprit, un conte traditionnel russe adapté en livre jeunesse en France. Il s’agit de l’album « Le gant » de Véronique Cauchy et Virginie Grosos, une adaptation du conte russe « La moufle ».

Au départ, ce conte russe raconte une vieille moufle abandonnée servir d’abri à des animaux. Le dernier arrivé fait éclater la moufle-abri. Il s’agit d’un conte énumératif permettant de citer et mémoriser les différents animaux rentrant au chaud. Par contre, la morale est douteuse… Il ne faut pas accueillir le dernier, l’animal de trop, car il détruit tout et remet l’ensemble des animaux au froid !

Dans cette nouvelle adaptation, 2020, les autrices nous proposent une histoire plus humaine (certains diront pétris de bons sentiments) qui donne aussi plus d’espérance dans la vie…

Au départ, tout est blanc, nous sommes dans le froid absolu et il y a là un gant abandonné, oublié, prêt à servir d’abri. Là, où tout commence par surprendre, c’est que le premier animal à arriver est une petite souris qui tient sans aucun problème dans le pouce. Il s’agit donc d’un grand gant ou d’un gant magique… Et ce n’est pas terminé car après on voit quand même entrer un hérisson, un lapin, une martre, un mouton… Les cinq doigts sont occupés, on peut dormir en paix !

Que nenni ! Imaginez que le froid pousse encore un animal, une pauvre biche transie de froid. Chez les Russes, elle entrerait et le gant éclaterait… Mais pas là et c’est bien ce qui enrichit considérablement ce conte illustré. Les animaux se concertent dans un premier temps. Que faire ? Peut-on laisser une pauvre biche dans le grand froid ? Comment être solidaires dans un espace si petit ?

Les animaux vont décider d’unir leurs forces, leurs savoir-faire et ils vont construire un sixième doigt adapté à la biche. Ainsi, l’accueil de la dernière venue peut se réaliser sans danger pour ceux qui sont arrivés avant elle et sans non plus s’appuyer sur un fallacieux argument : les premiers arrivés ont raison d’en profiter ! En humanité, il n’y a pas de premier arrivé, il ne doit y avoir que la solidarité !

« Ce qu’on est bien, à l’abri, entouré d’amis ! »

La chaleur animale (humaine ?) est de loin beaucoup plus efficace que laisser la loi du plus fort, du premier ou du plus « ce que vous voulez » s’installer, dans la moufle, le gant ou n’importe quelle contrée… C’est une leçon de solidarité qui pourrait bien nous servir d’exemple pour les temps que nous vivons… Il devrait y avoir de la place pour tout le monde sur cette planète même si parfois on peut sembler ne pas voir où est cette place… A nous tous de la construire pour accueillir le dernier venu !

Bon, j’entends bien ce que certains ne manqueront pas de dire… D’accord, ce n’est qu’un conte et le dernier arrivé n’est pas si facile à accueillir…Mais, quand même, si on faisait un petit effort ?

Ce qui est certain, c’est que le conte est un moyen de nous faire réfléchir, grandi, agir… On a tort, indiscutablement, d’avoir perdu de vue cette forme littéraire, d’avoir cru qu’il ne s’agissait que d’un petit blabla sans importance pour les enfants… Et si, au contraire, il s’agissait de la voie (et de la voix aussi) de la sagesse ?

Alors, comme l’été c’est fait pour lire, n’hésitons pas à redécouvrir les contes dès cet été…

Donc, bonne lecture à tous !


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