Sebkzo
avatar 07/07/2013 @ 18:16:31
J'ai aussi vu ce reportage sur les oiseaux, ceux sur une île au milieu de l'océan, tellement loin de tout que personne n'y vit et personne n'y va.
Le pire pour ces problèmes de plastiques, c'est que c'est seulement une question de mentalité.
J'aime à penser que ces mentalités suivent une évolution positive dans nos contrées (en Europe, Canada, etc... je veux dire), mais ici, on est encore loin du compte. J'avais remarqué cela en papouasie, et je le vois toujours tous les jours ici dans l'amazonie, l'emballage plastique est traité de la même manière que la peau d'un fruit, on la jette simplement par terre, il n'y a aucune différence. Il faut dire que la notion de biodégradabilité n'est pas simple pour une personne qui n'est jamais allé à l'école. Comment concevoir qu'un truc aussi insignifiant et finalement inutile qu'un emballage puisse poser autant de problèmes ?
Et finalement nous en revenons au même problème : la taille de l'univers d'un individu. On parle souvent de cette bulle personnelle qui entour chaque personne et qu'il est toujours désagréable de sentir envahie par un étranger, mais il existe cette autre frontière, beaucoup moins "tangible" et bien plus difficile à définir : celle qui délimite le territoire occupé par la pensée d'une personne.
En gros, ce territoire inclut les zones géographiques qui constituent tout ce qui est familier (lieu de vie, de travail, endroits où faire les courses, les endroits que l'on aime,...), mais aussi tous les endroits, toutes les personnes (même que l'on ne connait pas personnellement) vers lesquelles nos pensées sont activement dirigées (comme par quelqu'un qui s'intéresse à quelque chose en particulier dans le monde et qui se familiarise suffisamment pour que cela soit naturellement présent dans ses pensées). Donc, ce territoire est plus ou moins large en fonction des centres d'intérêt des gens, des rencontres qu'ils font,... les personnes ayant un univers large seront plus susceptibles d'être touchées profondément par une catastrophe survenue à plusieurs milliers de kilomètres de Paris.

Tellement de personnes vivent avec un univers personnel restreint qu'il leur est totalement impossible de se soucier de ce qui se passe à quelques kms de leur maison. Ici par exemple, les indigènes ont des univers très réduits, presque autant qu'en Papouasie mais avec une notion légèrement meilleure de ce qui se passe en dehors. Il y a la maison, la communauté, les jardins et la rivière, le village et de temps en temps la ville... presque rien au delà ! Alors comment leur expliquer que ce bout de plastique ou que cette couche sale qu'ils viennent de jeter par la fenêtre du bus est un problème ? Il n'y en a pas assez qui est jeté pour que cela soit réellement visible et de toute manière la prochaine pluie emmènera tout vers la rivière. Eux-mêmes ne voyagent pas suffisamment loin sur les rivières pour se rendre compte des accumulations de déchets sur les berges dans les courbes.

Alors une mauvaise conscience est un excellent départ, celui qui indique qu'un vrai changement des mentalités est en marche. Cela prendra du temps pour atteindre les zones les moins développées du monde, mais on y arrivera.

Yotoga

avatar 09/07/2013 @ 14:08:11
Moi ma principale faiblesse, ce sont les soldes surtout lorsque je convoite un objet .
La société de consommation est si habile à nous vendre plein de choses inutiles


Oui, principalement et depuis des années, j'ai l'impression que les publicités créent un besoin chez le consomateur. Je me pose souvent la question devant une devanture : mais en ai-je vraiment besoin ?
Avoir le dernier cri qui, dès acquis ne l'est plus, c'est dépenser de l'argent inutilement.
Dans 80% des cas, je n'achète pas, du coup.

Sauf pour les livres, là, je consomme, une vrai gloutonne...On a tous nos vices...

Sebkzo
avatar 09/07/2013 @ 15:44:59
Il faut dire qu'ils sont très forts, capables de faire acheter des trucs dont on a absolument pas besoin, pire, dont on a pas réellement envie !
Au moins au milieu de la jungle sans télé, nous sommes ce que l'on peut appeler "largués" ou en tout cas, si jamais j'avais vent d'une nouveauté, de toute manière je peux difficilement l'acheter.

D'un même point de vue, on sens les différences entre les cultures face à leur manière d'acheter. Par exemple, comme je le disais, dans la région les gens réutilisent tout, il n'y a pas grand chose pour les tenter (à part les derniers téléphones portables qu'ils payent 2 fois le prix normal), et les agences de kayakers américaines qui viennent faire les saisons d'hiver sont obligées de systématiquement venir avec du matériel neuf, leurs clients n'acceptant jamais les équipements de plus d'un an... donc tout est revendu au rabais à la fin de la saison (tant mieux pour nous, c'est un peu nos soldes pour ce genre d'équipements). Ce qu'ils utilisent 3 mois et jettent, on arrive à l'utiliser plusieurs années avec plaisir.

Un peu plus haut dans la conversation, je parlais d'excès de ritualisation de traits culturels particuliers. Ce principe s'applique à beaucoup de choses dans n'importe qu'elle société dès l'instant où le trait culturel en question perd de sa fonctionnalité à cause de l'ensemble de rituels qui l'accompagnent et qui définissent son identité.
Finalement, on pourrait presque se demander si nous ne rentrons pas dans un phénomène similaire en ce qui concerne notre relation à l'argent. Déjà qu'il est très compliqué de gérer cet argent, mais il semble systématiquement devoir s'accompagner d'une certaine forme de frustration, comme si la quantité que l'on a d'argent est toujours juste inférieure à nos envies. Sans même parler de nos envies (du dernier truc sorti par exemple), beaucoup dans nos grandes villes ont même l'impression que leurs besoins ne sont pas couverts.

Le système chez les Huli était intéressant dans le sens où les biens ne font que circuler (les familles étant autosuffisantes, les besoins vitaux sont couverts), l'homme "riche" est celui qui est condamné à tout perdre, en effet, l'importance du Bigman est déterminée par sa capacité à donner aux autres. Pas réellement par altruisme, mais il définit son importance en fonction de la dette morale que les autres ont envers lui. Un peu pervers comme système mais qui est un excellent moteur pour permettre de continuer à faire circuler les biens.
Imaginez si tous les milliardaires faisaient cela... mais non, chez nous l'importance sociale est aussi liée à la quantité d'argent que l'on a sur un compte, pire, il est même possible de donner l'illusion d'une importance sociale en se basant uniquement sur des apparences.

Dirlandaise

avatar 09/07/2013 @ 15:47:03
Yotoga, moi c'est le contraire : dans 80% des cas, j'achète. J'ai réalisé que j'avais un problème quand je me suis mise à acheter des objets que je possédais déjà juste parce qu'ils étaient soldés : j'ai trois fers à repasser, quatre cafetières, trois ordinateurs et pour les chaussures... je ne bats pas Imelda Marcos mais presque...

Je dois lire des livres pour adopter des stratégies de défense car c'est un comportement irresponsable et déréglé mais je m'améliore car j'arrive maintenant à détecter la fausseté des pub bien mieux qu'avant et leurs stratégies. Du coup, l'envie d'acheter descend considérablement. ;-)

Sebkzo
avatar 09/07/2013 @ 16:07:15
Une bonne publicité est celle qui arrive à te vendre quelque chose dont on a ni envie, ni besoin, même si la veille on n'avait aucune idée qu'il existait... et on l'achète parce qu'acheter est une forme de reconnaissance sociale ; comme le Bigman qui oblige les autres à reconnaître son importance.
Toutes les pubs aujourd'hui font passer le même message finalement : pour être quelqu'un, il faut avoir le dernier truc à la mode, avec le bon déo sous les bras on sera plus heureux car les filles se jetteront sur vous, avec le bon portable on aura l'air plus cool,... chaque petit objet qui ne sert pas plus que le vieux que l'on a déjà, vient apporter un fixe de bonheur... et on en redemande.

Dirlandaise

avatar 09/07/2013 @ 16:22:11
Oui et les gens vulnérables se font prendre dans cet engrenage terrible car ils croient accéder au bonheur et à la reconnaissance sociale en bourrant leur maison d'appareils coûteux et clinquants. J'ai même vu dernièrement une pub qui se moque gentiment de ce trait. Ils savent se rendre sympathiques et endormir notre conscience.

Moi lorsque je me refrène depuis longtemps, j'explose et paf, du coup je peux dépenser dans une même journée tout ce que j'ai réussi à ne pas acheter pendant des mois. Le démon de l'achat est logé profondément dans le subconscient et l'objet désiré est en latence et ressort lorsque les soldes arrivent. C'est très difficile à corriger car on dirait que le cerveau a enregistré le désir et rien ne peux l'en déloger. Il n'y a pas une citation d'un écrivain qui disait que la meilleure façon de se libérer d'une envie, c'est d'y succomber...

Tu as raison Seb, c'est comme une drogue. Nous sommes des drogués de la consommation et chaque objet acheté nous fait vivre une euphorie et lorsque tout retombe, nous ne pensons qu'à recommencer et les publicitaires savent tout cela et connaissent l'être humain à fond donc leur stratégies sont de plus en plus raffinées et efficaces. Mais il faut garder à l'esprit qu'ils ne veulent pas notre bien mais notre argent point barre. Il faut donc penser à long terme comme le conseille monsieur Jarilowsky mais c'est très difficile.

Sebkzo
avatar 10/07/2013 @ 20:11:55
Ce même principe s'applique à beaucoup de choses, c'est dans la nature humaine, même ces petits plaisirs sont importants pour une personne. Je ne crois pas qu'il y ait quelqu'un qui puisse dire qu'il n'éprouve pas de plaisir à s'acheter quelque chose de sympa.
Jusqu'à encore il n'y a pas longtemps, les missionnaires essayaient de faire l'évangélisation des Huaorani. Ceux-ci sont très réticents (sans doute à cause d'une longue expérience) à l'idée de laisser entrer les missionnaires sur leurs territoires. Alors l'idée est venue de rendre ces populations dépendantes d'objets de la vie courante, sans avoir à s'approcher de leurs territoires : ils ont commencé à parachuter des caisses remplies de tout un tas de choses dont les Huaorani avaient réussi à se passer parfaitement, dans le simple espoir que ça les obligerait à eux-mêmes chercher le contacte lorsque les objets seraient usés ou cassés et alors négocier un début d'évangélisation... bon, je crois au final qu'il y a eu plus de missionnaires disparus dans la forêt que de nouvelles commandes de bibelots, et depuis le gouvernement a passé une loi interdisant l'accès aux territoires Huaorani pour les missionnaires (ça faisait désordre aux infos, ils les perdaient par groupes entiers).

Même pour les Huli, qui vivent pourtant dans une région très reculée et relativement difficile d'accès, l'envie de tout un tas de choses est bien ancrée dans les esprits. Ils ne voient que très peu de choses de nos vies, mais ils aiment beaucoup ce qu'ils voient, même s'ils ne comprennent pas toujours notre manière de faire les choses.

Petite anecdote : un bon ami (Rick) directeur médical à la compagnie de gaz de Hides, a décidé un jour d'emmener son collègue laborantin Nelson (Huli vivant un peu au-delà de Kerniba, mais qui a fait quelques études spécialisées dans une grande ville) aux Etats-Unis pour une convention de la compagnie... évidemment, il l'a emmené à Disneyworld. Durant le show avec des dinosaures mécanisés, Nelson s'est exclamé tout haut et en anglais : "ah vous les blancs, vous êtes vraiment stupides ! Toute cette viande et personne ne la mange !".

Dirlandaise

avatar 11/07/2013 @ 03:41:56
C'est mignon comme tout cette histoire de dinosaures mécanisés...

Je n'ai pas encore commencé tes carnets de voyage car j'ai acheté un nouveau pc il y a deux jours (ben oui...) et il est tellement cool que je n'arrive pas à faire autre chose pour l'instant. ;-)

Sebkzo
avatar 12/07/2013 @ 23:47:00
Pour en revenir a des considérations plus anthropologico-littéraires, il y a un aspect important de la vie d'anthropologue qui est très important sur le terrain, ou en tout cas avant d'arriver sur le terrain : quels sont les livres que l'on emporte sachant que ça pèse lourd et que l'on doit tout porter parfois sur de grandes distances ?
Beaucoup diraient que le Kindle règle ce problème, mais cela implique d'avoir un bon panneau solaire, plus batterie pour pouvoir le recharger... et dans les montagnes ça n'est pas toujours une option viable durant la saison des pluies.
Cela revient finalement à cette éternelle question des livres que l'on emporterait sur une île déserte. Lors de mon deuxième séjour, j'ai fait l'erreur énorme de vouloir être sérieux et d'emporter principalement des livres académiques, pour travailler, apprendre la langue plus en profondeur... j'en ai souffert. Je n'avais que 4 romans pour 5 mois et je me suis retrouvé à être forcé de lire Harry Potter et le prisonnier d'Azkaban 11 fois ! C'est pas très bon pour la tête et on fait des rêves bizarres.
Aujourd'hui, les avancées technologiques permettent d'avoir accès à des panneaux solaire et batteries miniaturisées suffisamment efficaces pour faciliter la vie des anthropologues, mais à l'époque, je surfais la révolution technologique avec un lecteur enregistreur sur mini-discs (cherchez pas, ça n'a pas tenu longtemps et même disparu presque aussitôt). Parois, je me dis que sur mes terrains aujourd'hui, je pourrais voyager beaucoup plus léger tout en ayant une infinité de livres et de musique, mais c'est aussi amusant de me dire que je l'ai fait "à l'ancienne"... ouch !

Dirlandaise

avatar 14/07/2013 @ 17:05:19
J'en suis à la moitié de tes carnets de voyage Seb et je suis enchantée de ma lecture. Comme c'est passionnant, tu es un homme de terrain sans conteste et tu décris si bien ton périple. L'arrivée à Tari, la fusillade au marché, les conditions d'hygiène déplorables, les transports hasardeux, ton angoisse, comme tout est vivant et intéressant. Tu es maintenant installé à Kulu dans la maison d'un Huli dont j'ai oublié le nom, celui qui a plusieurs enfants je crois, et tu partages ta chambre avec les rats qui nichent dans le toit et se laissent tomber sur le sol pendant la nuit. Je me demande si j'aurais pu supporter de telles conditions.

J'ai trouvé très amusant le coup de la casserole qu'il faut dénicher dans les maisons voisines quand vient le temps de cuisiner tellement le matériel est restreint, ton aversion pour les patates douces, le tabac que tu distribues parcimonieusement et le vieil homme qui en cachait pour en avoir plus. Enfin, le récit est truffé de faits étonnants et il constitue un dépaysement certain. Il se lit comme un récit d'aventures.

C'est vraiment une lecture très instructive et enrichissante. ;-)

Sebkzo
avatar 14/07/2013 @ 17:26:42
Effectivement, l'épisode de la fusillade lors de mon arrivée à Tari... pas forcément le meilleur de mes souvenirs. Ce jour-là, après plus de 2 jours de voyage et alors que je n'avais presque aucune idée de l'endroit où je devais aller, je serais franchement bien volontiers remonté dans l'avion illico.
Initialement, j'avais déterminé une région relativement éloignée de Kulu pour faire mon terrain, je l'avais choisie sur une carte en fonction de quelques malheureux critères géographiques et quelques références lues dans des livres oubliés. Je vais pas mentir, j'avais un peu touché le fond, tout ce qu'il me restaient étaient des doutes, des peurs, mais aucune certitude. Mais encore une fois, il y a toujours un chemin qui s'ouvre si l'on sait regarder, et celui de Kulu s'est ouvert et tout était parfait... les rats, les désagréments (la faim surtout parfois), tout cela n'avait plus aucune importance, je pouvais gérer au jour le jour.

J'ai toujours remarqué, et c'est peut-être personnel, que lorsque j'ai une direction solide tout va bien, j'avance sans peine, sans même me poser trop de questions... d'un autre côté, si je m'étais posé trop de questions, j'aurais disparu de la Papouasie le jour de la fusillade.

Dirlandaise

avatar 14/07/2013 @ 17:31:01
J'ai aussi constaté que lorsqu'on est consumé par une cause ou qu'on possède un but auquel on s'accroche, on peut supporter n'importe quoi, on devient presque invincible.

Dirlandaise

avatar 16/07/2013 @ 03:25:59
Seb, j'ai lu un autre petit bout de ton journal. Le chapitre au sujet des armes et là, j'entame celui sur les cochons mais il y a quelques concepts que je ne saisis pas encore très bien, il fait une telle chaleur (32 degrés C.) que j'ai du mal à me concentrer sur ma lecture. Je crois que je vais attendre à demain pour m'y remettre.

Le chapitre sur les armes est très intéressant. Ils sont débrouillards pour réussir à fabriquer des armes par eux-mêmes. Je les comprends de devoir s'armer pour se défendre contre leurs ennemis. Tu as dû éprouver beaucoup d'angoisse face à la situation tendue que tu décris pour en arriver à écourter ton séjour de deux mois. La description des arcs est passionnante. J'aurais aimé en voir une tellement cela me semble une véritable oeuvre d'art de la façon dont tu détailles tout le travail minutieux dont ils font preuve.

Je poursuis ma lecture demain, je lirai plus attentivement les concepts au sujet des échanges et de la valeur des cochons. Ils ne peuvent les manger sous peine de s'appauvrir, c'est quand même curieux...

Sebkzo
avatar 16/07/2013 @ 20:05:07
J'avoue que la présence d'armes a feu me mettait très mal à l'aise, surtout quand c'est une arme de ce genre (http://cazaudehore.files.wordpress.com/2013/04/…). J'avais beau savoir que presque aucun n'avait de munitions, ce n'était pas totalement rassurant.
Quand aux armes fabriquées, le chien et le percuteur est un système fait avec un ressort et un clou ! Exactement le genre de truc qui peut partir tout seul. et si le travail est particulièrement minutieux, c'est qu'ils savent que s'ils le font mal, le fusil devient un danger pour celui qui le porte, les cartouches pouvant exploser sans quitter le tuyau et blesser le tireur.
Lorsque s'est déclenché ce premier conflit dans la région de Kulu, j'entendais les guerriers patrouiller toute la nuit autour des habitations et au travers des jardins, on entendais parfois les voix chuchoter dans le noir et soudainement un coup de feu au loin... bref, une situation très stressante. Au début, c'était une aubaine pour récupérer des commentaires à chaud directement auprès des guerriers, les entendre raconter leurs hauts faits de guerre, comment ils ont réussi à être plus malins que leurs ennemis durant la nuit ; mais rapidement, il n'y a plus que les guerriers qui restent. Les premiers jours, j'accompagnais les enfants à l'école car tous savaient qu'ils seraient en sécurité en ma présence, mais les jours suivants, tous les enfants avaient fini par rejoindre leurs mères pour se cacher dans la jungle. La situation devenait trop tendue, parfois une maison avait été brûlée... donc ce fut le signal pour moi d'aller visiter la côte, les plages et les cocotiers pour une quinzaine de jours le temps qu'ils se calment tous.
Étrangement, durant tout ce conflit, et ce malgré la présence de la compagnie dans le secteur, la police n'a pas essayé d'intervenir. J'imagine que ce sont les personnes de la compagnie qui leur ont demandé de ne pas le faire. Cela pourrait paraître injuste d'empêcher la police de mettre fin au conflit, mais en réalité, comme les policiers n'ont aucun moyen de suivre les Huli dans la jungle pour leur demander d'arrêter de se battre, ils font la seule chose qui leur aura semblé utile, ils brûlent les maisons de personnes qui se battent en représailles pour avoir enfreint la loi... généralement, au lieu de calmer les esprits, les Huli finissent par s'échauffer un peu plus et prennent parfois les flics pour cible (c'est rare, mais ça arrive).

Dirlandaise

avatar 17/07/2013 @ 04:17:13
J'ai terminé les carnets de voyage. Je suis un peu triste car je n'ai plus rien à lire de toi. J'attendrai ton prochain livre. :-)

Pour les carnets, j'ai bien aimé le chapitre sur les relations hommes/femmes que je relirai sûrement tellement il est intéressant. Je trouvais bizarre le fait que les maisons des Hulis étaient parfois incendiées par la police et tu m'as donné l'explication dans ton dernier message.

Je vais relire quelques chapitres d'ailleurs afin de bien tout comprendre car avec la chaleur, j'ai eu du mal à me concentrer. Aujourd'hui, dix degrés de moins au thermomètre, c'est mieux.

On sent bien à la fin ta tristesse de devoir tout quitter. J'ai tellement aimé cette lecture, cela est aussi palpitant qu'un livre d'aventures et beaucoup plus instructif.

Sebkzo
avatar 19/07/2013 @ 21:39:56
C'est vrai qu'en partant de ce dernier séjour en Papouasie, il y avait beaucoup de tristesse. C'est d'ailleurs cette tristesse, peu à peu transformée en nostalgie qui est à l'origine de "la tourmente du Serpent". Ce qui est "amusant" c'est qu'on se dit toujours que l'on va revenir, on y croit... même encore aujourd'hui, je me dis régulièrement que j'y retournerais un jour. Mais ce ne sont pas les jours qui passent, mais bien les années.
La nostalgie est quelque chose d'étrange, surtout lorsque c'est rattaché à un lieu en particulier. Normalement, nous sommes plus facilement nostalgiques d'une époque, d'un moment de sa vie je pense, de quelque chose que l'on ne peut pas retrouver parce que le temps l'a changé et qu'il ne sera plus à même d'offrir le bonheur qu'il a un jour offert. Dans le cas de la Papouasie, je suis certain que si j'y retourne demain, très peu de choses auront changé (à part les gens qui auront prit 10 ans, Potabe ne sera plus vraiment un gamin effectivement), donc c'est vraiment la nostalgie d'un lieu, d'odeurs, de sons particuliers,...
J'irais pas jusqu'à dire que même Port Moresby me manque et que je serais heureux d'y retourner, mais un peu, comme passage obligé vers les montagnes ou vers la côte (je n'ai malheureusement pas exagéré l'insécurité dans la capitale, c'est terrifiant).

Vivre dans les montagnes, c'est un peu comme vivre dans l'Amazonie (c'est certainement pour cela que je me plais ici), le temps nous appartient beaucoup plus, le jour où j'ai eu l'idée pour le deuxième roman, j'ai pu me dire que je me posais derrière un ordi pendant 3 semaines d'affilée jusqu'à ce qu'il soit écrit, cela ne posait aucun problème, tout ce temps m'appartenait de toute manière.
J'ai toujours senti l'équilibre d'un personne reposer sur 3 piliers : personnel, professionnel, relationnel. Quelqu'un qui privilégie l'un de ces trois piliers risque toujours de le faire au détriment d'un ou des deux autres, comme celui qui travaille 12 heures par jour avec passion et plaisir, celui-ci n'aura pas le temps de profiter de son salaire pour s'épanouir personnellement, même ses vacances ne seront là que pour l'aider à recharger les batteries pour reprendre le travail.
En Papouasie, et même ici dans les communautés indigènes, les considérations professionnelles sont remplies dès l'instant où une personne observe son ouvrage avec fierté, le pilier personnel est solide car chaque personne est libre d'utiliser son temps comme bon lui semble et de faire ce qui est important à ses yeux, le pilier relationnel est tout aussi solide car rien ne peut se faire sans entretenir de bonne relations avec son entourage, relations qu'il faut soigner en permanence (cela vaut aussi pour les relations conjugales, des disputes trop fréquentes avec sa ou ses femmes peut sérieusement compliquer la vie d'un homme).

Finalement, j'ai toujours vu le temps comme étant la véritable monnaie de nos sociétés, c'est principalement ce que l'on achète aujourd'hui : une quantité de temps, et une qualité de temps.

Dirlandaise

avatar 20/07/2013 @ 18:07:58
Ah oui le temps c'est très important. Je plains les gens qui n'en disposent pas pour se cultiver, apprendre et lire. Ces gens se retrouvent à la retraite sans grande culture et une conversation plus que limitée. Ils ne parlent que de ce qu'ils connaissent soit leur travail et quelques autres trucs qu'ils ont réalisés et c'est tout. Je me sens très mal en compagnie de ces gens car je dois me réajuster constamment et m'enligner sur leurs intérêts ce qui n'est pas toujours facile. Souvent, je voulais parler livres et les livres lus par eux étaient soient médiocres soient inintéressants pour moi donc je souffrais en silence... Un de mes ex est à sa retraite et il emploie son temps à voyager en touriste lambda. Je le plains sincèrement de ne pas plus vouloir se cultiver mais enfin, chacun trouve son bonheur où il le veut.

Par contre, d'autres étalent leur culture honteusement et ne font pas preuve d'humilité, ils croient tout savoir et cela aussi m'horripile.

J'ai été étonnée de lire que les Huli (avec un s ou pas...) étaient souvent victimes d'ennui. Je croyais que dans la jungle, on ne s'ennuyait jamais mais il semble bien que non. C'est comme un petit village où rien ne se passe et les journées sont toutes semblables j'imagine. C'est la raison pour laquelle l'arrivée d'un avion est un si grand événement, si couru et apprécié sans doute.

Aujourd'hui, il fait moins chaud, je suis contente...

Sebkzo
avatar 20/07/2013 @ 18:35:39
De mon point de vue (personnel), l'ennui n'est pas une question de culture ou de lieu de vie, mais de personne. L'ennui est un état mental modifiable, quelqu'un qui trouve toujours quelque chose à faire ou à penser ne peut pas s'ennuyer. Pour les Huli (avec ou sans "s", je sais, ça dépend des écrits, et je n'ai jamais réussi à me décider à choisir... ça c'est une question qui devrait plaire dans ce forum), tous occupent leurs journées à différentes activités, les heures sont bien remplies, et il est fréquent de voir que lorsque quelqu'un voit une période de sa journée se vider, il va décider d'aller rendre visite à telle ou telle personne dans le village à côté, prétextant une raison vague.

Je dis cela, car je faisais la même chose. même s'il on ne fait rien, le simple fait de marcher est suffisant pour occuper l'esprit à quelque chose. Par exemple, une journée particulièrement vide, je me décidais à aller passer un coup de fil en France... cela revenait à marcher 2 heures jusqu'à une sorte de mission, demander gentiment si je pouvais utiliser leur radio (attendre que le responsable de la radio arrive), connecter la radio à un système à Goroka (ville dans les Highlands avec un téléphone) pour que la radio soit connectée à un téléphone, appeler un relais à Port Moresby pour appeler la France... le plus incroyable, c'est que le système fonctionne très bien, mais surtout, presque toute ma journée était remplie.

Enfin, c'est très souvent que j'avais les vieux du village qui venaient me rendre visite. Eux étaient ceux qui risquaient le plus l'ennui (comme chez nous j'imagine finalement). On s'asseyait, ils m'apprenaient à fabriquer de menus objets tout en me racontant leurs histoires ou m'aider à corriger mes erreurs de prononciation.

Dirlandaise

avatar 20/07/2013 @ 18:58:42
Et pour "soit ou soient", j'aurais dû écrire "soit" car utilisé comme conjonction il est invariable. ;-)

Je crois que l'ennui est la pire des choses qu'un humain ait à subir au cours de son existence en plus de tout le reste d'autant plus que le milieu urbain nous enferme chacun dans notre petite cage comme des bêtes. Je souffre horriblement de ne plus avoir de terrain pour cultiver des fleurs et des légumes comme je le faisais à Longueuil mais bon, inutile de geindre éternellement. J'avais même des arbres fruitiers... Ah zut, je cesse car là je vais sombrer dans une mélancolie malsaine.

Sebkzo
avatar 20/07/2013 @ 23:20:49
Personne n'a a subir l'ennui je pense. Pour qu'elle raison quelqu'un devrait-il s'ennuyer ? Les penseurs ont toujours quelque chose à penser, les bricoleurs ont toujours quelque chose à faire de leurs mains, les lecteurs lisent,... par contre, j'ai remarqué que s'il y a bien une activité qui peut provoquer l'ennui c'est bien la télé. Mais à part cela, la fin de l'ennui se trouve toujours au coin de la rue. L'ennui n'est pas un fait, c'est un concept que personne n'est obligé d'embrasser ni même d'accepter.
Même à vivre ici, où j'ai beaucoup de temps de loisir, je suis heureux parfois de pouvoir me poser et de ne rien faire du tout pendant une heure, juste à écouter la jungle autour de moi (depuis le bord de la piscine quand même).
Bref, je ne me rappelle pas m'être ennuyé beaucoup dans ma vie. Non pas parce qu'il se passe toujours quelque chose de nouveau, mais parce que j'ai toujours l'esprit accaparé par quelque chose... cela n'empêche pas que je déteste profondément lorsque quelqu'un me fait perdre mon temps ; ici, je deviens chèvre parfois, l'Amérique du Sud est aussi fameuse pour les retards que tous accumulent pour tout. "Un petit moment" est une unité de temps comprise entre 5min et 5 heures, et nous avons des expressions du genre "Il est parti pour revenir"... Là, toute mon expérience d'anthropologue ne suffit plus, je m'arrache les cheveux. Evidemment que je me doute que s'il est parti de chez lui, il va forcément revenir, cette expression est vide de sens, n'apporte rien à la conversation et ne peut rien résoudre... Ils sont simplement toujours à la bourre ! Rien à y faire, il faut se résigner et surtout réussir à ne pas voir cela comme un manque de respect. Pas facile de garder son calme certains jours.

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