L'immoraliste de André Gide
Catégorie(s) : Littérature => Francophone
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Le soleil...
Grand admirateur de Gide, je suis récemment tombé - et j'en remercie le hasard - sur ce petit livre, caché qu'il était au fond de mon "hénaurme" étagère pleine à craquer. Je l'ai fini en une journée (il se lit en 3 bonnes heures), et il m’a laissé une marque inversement proportionnelle à sa taille (les newtoniens me suivront) ; un vrai choc, si vous voulez.
Le « récit » (vous savez peut-être déjà que Gide ne donne le nom de roman qu’au chef-d’œuvre que sont Les Faux-Monnayeurs) se construit en deux parties, et narre l’histoire que Michel raconte lui-même à ses amis – histoire que celui-ci a vécu de son côté durant les quelques années qui les ont séparé. Michel est un rat de bibliothèque, chercheur en histoire, timide, pas à l’aise dans la vie, souvent malade… vous voyez le genre. La première partie conte son voyage en Afrique du Nord après son mariage, puis son retour dans une propriété de campagne (Normandie si je ne m’abuse), et enfin son installation à Paris. Durant cette partie, Michel reste ce personnage plutôt renfermé, et finalement apollinien, qu’il était au début. Cependant, au milieu du livre, intervient un personnage fabuleux de mystère – un certain Ménalque, tout droit sorti de l’antiquité romaine, de par son nom, sa force rhétorique, et sa philosophie (je n’en dis pas plus). Cet « immoraliste » va, comme par magie, retourner le récit comme on retourne un sablier : l’histoire va alors se passer à l’envers (après Paris, Michel va retourner dans sa demeure de Normandie, puis finalement en Afrique). Mais cet inversement est aussi et surtout moral (d’où le titre) et physique : Michel change complètement, devant un personnage solaire, dionysiaque, vivant. Il prône une « terre en vacances d’œuvres d’art » ; il ne lit plus, il vit, sans maladies, cultivant son corps et sa jouissance toute matérielle. L’inversement a cependant une contrepartie, et Michel inocule toutes ses anciennes « tares » à sa femme… jusqu’au dénouement que je tairai.
Je fus long, pardonnez-moi. Pour résumer : livre nietzschéen (que je meure si Gide n’a pas lu Nietzsche peu avant l’écriture de ce livre !), solaire, valorisant la liberté salvatrice des pulsions, et l’instant présent (le récit passe admirablement d’un passé constant au début à une utilisation de plus en plus récurrente du présent, surtout vers la fin). Une merveille absolue, d’un style fabuleux qui transmet le soleil dormant au creux de ces lignes ; un peu autobiographique aussi, puisque Gide lui-même a effectué un voyage en Afrique où il apprit à assumer son homosexualité.
Je conclurai sur ces mots, tirés du récit : « J’ai cherché, j’ai trouvé ce qui fait ma valeur : une espèce d’entêtement dans le pire ».
Les éditions
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L'Immoraliste [Texte imprimé] André Gide
de Gide, André
Gallimard / Collection Folio.
ISBN : 9782070362295 ; 1,99 € ; 31/12/1995 ; 181 p. ; Poche
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Les critiques éclairs (8)
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Un texte qui interpelle
Critique de Pucksimberg (Toulon, Inscrit le 14 août 2011, 44 ans) - 20 octobre 2024
Cela faisait bien longtemps que je n'avais pas lu un roman d'André Gide. Il possède toujours une écriture avec un certain charme et un emploi parfait de la conjugaison. Il y a tout de même quelque chose de désuet dans son écriture qui ne rebute pas pour autant. Il aborde un sujet un peu scabreux avec pudeur tout en nommant les choses.
Son personnage semble fuir ses pulsions, mais Ménalque est un personnage qui lui ouvrira une voie. Les deux compères débattent sur un plan philosophique et moral, sans nul doute nourri par Nietzsche. Sur un plan abstrait, leurs discussions sont intéressantes et interpellent. La place qu'occupe la morale aussi pourra interroger le lecteur surtout quand il voit ce qu'en fait Michel. Les dernières phrases du roman sont marquantes et mettent le lecteur en relation avec un personnage qui dérange aussi.
Le personnage principal pourra agacer parfois car on a l'impression que rien de n'a de prise sur lui et il avoue avec simplicité ses attirances, comme un fait qu'il constate, pas comme quelque chose de fabriqué ou de provoqué. Il y a en l'homme plusieurs possibilités, certaines qui nous tirent vers le bien, d'autres vers le mal. Le personnage principal se sent entêté à aller vers le pire, tout en affirmant sa liberté. Le lecteur peut se trouver très embarrassé par rapport à certains désirs ou affirmations, mais le récit reste de facture classique. Le récit dévoile sans doute aussi des éléments sur Gide, son mariage blanc avec sa cousine Madeleine, son attirance pour les garçons ... Evidemment, l'écrivain ne fait aucune apologie ici et son personnage est intéressant pour les questions qu'il se pose.
Bien sûr.....
Critique de Fredericpaul (Chereng, Inscrit le 19 mai 2013, 63 ans) - 8 février 2017
Bien sûr le sujet ne peut qu'intéresser celles et ceux qui se questionnent sur eux-même, sur ce qu'ils veulent vraiment.
Bien sûr les descriptions des lieux (Normandie, Italie, Tunisie....) sont très bien rendues.
Mais .... son attrait - sensuel puis sexuel - pour les enfants rend le livre glauque. Alors ce "contemporain capital" apparaît sous sa face la plus noire. J'en ressens du malaise; celui d'avoir pu trouver du talent à un tel criminel.
La plume de Gide
Critique de Mallollo (, Inscrite le 16 janvier 2006, 42 ans) - 20 janvier 2015
Je le relirai donc avec plaisir, et j'ajoute Gide dans ma liste d'auteurs à approfondir.
La morale comme un boomerang
Critique de Kikiolf (Mulhouse, Inscrit le 4 septembre 2012, 42 ans) - 27 septembre 2012
Tout ce qu’il ressent dans son corps et dans son esprit est magnifiquement dépeint.
Trop court!
Critique de Virgile (Spy, Inscrit le 12 février 2001, 45 ans) - 6 mai 2011
La préface de Gide est chouette aussi, je ne sais pas si elle figure dans toutes les éditions.
Un grand Gide
Critique de Zagreus (, Inscrit le 16 novembre 2010, 40 ans) - 14 décembre 2010
Mais que faire ensuite de cette liberté ? "Arrachez-moi d'ici à présent, et donnez-moi des raisons d'être. Moi je ne sais plus en trouver. Je me suis délivré, c'est possible ; mais qu'importe ? je souffre de cette liberté sans emploi" demande, à la fin, Michel... En effet, "savoir se libérer n'est rien , l'ardu, c'est savoir être libre"...
Un récit limpide et concis, subversif aujourd'hui encore, aux résonances nietzschéennes, sur ce qui fait l'identité de l'individu, son autonomie... Un livre majeur, hélas trop méconnu, qui n'a rien perdu de sa modernité...
Honnête
Critique de Nance (, Inscrite le 4 octobre 2007, - ans) - 2 janvier 2008
l'entêtement dans le pire
Critique de B1p (, Inscrit le 4 janvier 2004, 51 ans) - 26 juillet 2007
Idem que Hlidskialf. A la lecture de l'"immoraliste", j'ai aussi pensé à Nietzsche. Comme j'ai pensé au "Querelle de Brest" de Genet où la fascination pour le mal est décuplée par la beauté des meurtriers. Comme j'ai aussi pensé au "Démon" de Hubert Selby Jr : comment un homme conforme à ce que la société attend de lui se laisse entraîner par son désir d'aventure et de violence. Bien sûr, Gide est bien avant ça, mais ces récits appartiennent bel et bien à la même famille. Si vous aimez les lectures au style et à l'époque surannés et à la déviance "light" (vu l'époque sans doute), choisissez Gide. Si vous êtes prêt à l'artillerie lourde, choisissez Hubert Selby Jr.
(p.s. C'est curieux, c'est la même phrase que Hlidskialf qui m'a interpellé. Répétons-là donc : « J’ai cherché, j’ai trouvé ce qui fait ma valeur : une espèce d’entêtement dans le pire ».)
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