Le fils de Georges Simenon

Le fils de Georges Simenon

Catégorie(s) : Littérature => Francophone , Littérature => Policiers et thrillers

Critiqué par JEANLEBLEU, le 15 avril 2005 (Orange, Inscrit le 6 mars 2005, 56 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 3 avis)
Cote pondérée : 7 étoiles (3 094ème position).
Visites : 6 192  (depuis Novembre 2007)

Sublime !

Ce roman est la longue confession d'un homme de 48 ans pour son fils de 16 ans. Confession qu'il a décidé d'écrire le jour de l'enterrement de son propre père (mort à 78 ans).

Cette confession du narrateur a deux objets principaux :
- expliquer à son fils que son grand-père paternel était quelqu'un de remarquable (et non simplement le vieillard maniaque qu'il était à la fin de sa vie) dans son métier (préfet de La Rochelle) et dans sa vie familiale (vis à vis de sa femme et de ses 2 enfants).
- expliquer à son fils ce qu'a été sa propre vie et notamment un drame qui s'est produit quand il avait 20 ans (un drame qui explique toute la suite de sa vie).

De nombreux passages de ce roman, sur les relations père-fils (doubles puisqu'il y a un parallèle entre la relation père-fils du narrateur en tant que fils avec son propre père et celle en tant que père vis à vis de son propre fils), sont absolument sublimes, émouvants et d'une profondeur inouïe.

Ce thème du rapport père-fils, cher à Simenon et qui fait partie des thèmes récurrents de son oeuvre, est l'occasion de dévoiler (et même de sublimer) ce qu'était son propre père et les relations qu'il entretenait avec lui ainsi que les relations qu'il souhaitait nouer avec son propre fils.

Mais ceci reste un roman (le milieu de Simenon était petit-bourgeois alors que le milieu du narrateur, de son père et de son fils est grand-bourgeois ; les évènements familiaux sont également différents) et un roman d'une très grande force.

Un de mes plus marquants moments de lecture...

Ce roman étant (inexplicablement) épuisé en édition de poche, j'ai donc indiqué la seule édition actuellement disponible qui est la magnifique édition intégrale du centenaire de Simenon (25 volumes de romans & 2 volumes de mémoires avec pour chaque couverture une photographie réalisée par Simenon dans les années 30). "Le Fils" est le premier roman (sur 8) du tome 9.

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Les événements de 1928

9 étoiles

Critique de Millepages (Bruxelles, Inscrit le 26 mai 2010, 65 ans) - 3 octobre 2024

À 48 ans, Alain Lefrançois ressent le besoin impérieux d’éclairer son fils de 16 ans sur le passé de sa famille. Il le fait sous la forme d’une lettre poignante, ignorant encore en l’écrivant à quel âge l’adolescent la lira. Mais deux raisons principales le poussent à la rédiger dès maintenant : c’est qu’il a peur en devenant plus âgé que sa mémoire finisse par le trahir; et puis surtout, il vient d’enterrer son propre père.

Ce dernier événement lui fait prendre viscéralement conscience que son géniteur était son meilleur ami et aussi que « d’un jour à l’autre, lui-même a changé de génération, est devenu un aîné à son tour » comme il le confie dans sa missive. Il entreprend de raconter à Jean-Paul qui était réellement son grand-père, c’est-à-dire bien plus que le papy dont il n’a fatalement connu que les dernières années. Pris dans un élan épistolaire, il va aussi parler du reste de la famille, le plus souvent pour expliquer les personnalités qui se cachent derrière les gens que son fils a connus ces seize dernières années. Cette grand-mère qu’il a toujours vue assise dans son fauteuil, muette, ne laissant trahir aucune émotion ; cette maman toujours soucieuse, souvent jusqu’à l’excès, de le garder dans le droit chemin en oubliant parfois les écarts qu’elle-même commettait sans doute en tant qu’ado.

Mais c’est assurément la relation père-fils qui est la plus explorée dans cette lettre ; on sent qu’Alain Lefrançois voue une admiration sans borne à son père disparu. Il se demande aussi si son propre fils porte le même regard que lui à l’époque sur la figure paternelle ; il est assez anxieux de savoir comment Jean-Paul le considère, tout en étant extrêmement bienveillant envers cet être qu’il adore sans être vraiment capable de l’exprimer autrement que par des non-dit. Avec tout ça, Il recule sans cesse le moment où il va aborder le sujet qui l’a tant marqué dans sa propre jeunesse, les événements de 1928.

Simenon a eu le génie d’avoir créé et fait vivre le personnage attachant du commissaire Maigret. Mais ce sont certainement ses romans « durs » qui dévoilent le mieux sa personnalité et celui-ci est un chef-d’œuvre en la matière. La famille en général, les liens avec son père en particulier étaient un pivot essentiel de la vie de Georges Simenon.

Encore un excellent Simenon

9 étoiles

Critique de Catinus (Liège, Inscrit le 28 février 2003, 73 ans) - 8 avril 2013

On connaît « Lettre à ma mère « de Simenon. Voici « Lettre à mon fils » ; à part qu’ici, il s’agit d’une fiction. Ce roman ne s’adresse donc pas à ses fils ou singulièrement à un de ces fils, car pour cela, nous avons déjà le tout aussi célèbre : « Je me souviens « qui est devenu « Pédigrée «.
Alain Lefrançois, né en 1908, habite La Rochelle. Il est actuaire (s’occupe de statistiques dans une compagnie d’assurance). Il est marié, a un fils, Jean-Paul. Cet homme raconte sa vie sous forme d’une longue-longue lettre à son fils. Et on comprend vite que ce qui nous est conté là est la description de la vie d’une famille qui s’étale sur trois générations. Il s’est passé un véritable drame en 1928 et nous ne le connaîtrons, de façon extrêmement succincte mais avec une grande efficacité (en quelques lignes seulement) qu'à la toute fin du livre ; et par ce biais, ce récit palpitant nous démontre, une fois de plus, un des multiples talents de Simenon.

Nous trouvons également, dans ce remarquable roman, de petites phrases délicieuses et /ou percutantes. En voici quelques-unes :

Extraits :


- Cinq ans te paraissent long, mais les années deviennent de plus en plus courtes à mesure qu’on avance dans la vie, d’autant plus courtes qu’elles sont moins marquées par des événements importants.

- Quelque part aussi, j’ai lu qu’après notre mort, nous jouissons d’une survie d’environ cent ans, le temps, à peu près, pour ceux qui nous ont connus, puis pour ceux qui ont entendu sur nous un témoignage direct, de disparaître à leur tour. Après, c’est l’oubli ou la légende.

- Celui dont les goûts correspondaient aux miens il y a dix ans a évolué et j’ai évolué de mon côté, de sorte que les deux hommes que nous sommes aujourd’hui n’ont plus rien de commun.

- Mon père lisait ; c’est encore un homme qui lisait le crayon à la main, soulignant les passages, inscrivant d’une écriture minuscule, mais étonnamment nette, des notes en marge.

- Il m’a montré cette phrase dans le livre qu’il lisait : « Ce n’est que quand ils n’ont plus besoin de lui que les fils comprennent que leur père est leur meilleur ami. »

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