Adieu à Berlin de Christopher Isherwood

Adieu à Berlin de Christopher Isherwood
( Goodbye to Berlin)

Catégorie(s) : Littérature => Anglophone , Littérature => Romans historiques

Critiqué par Féline, le 25 décembre 2004 (Binche, Inscrite le 27 juin 2002, 46 ans)
La note : 7 étoiles
Moyenne des notes : 7 étoiles (basée sur 3 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (27 355ème position).
Visites : 5 114  (depuis Novembre 2007)

Un anglais à Berlin (1930-1933)

« Je suis une caméra braquée, absolument passive, qui enregistre et ne pense pas ». Voilà comment se définit Christopher Isherwood, « Herr Issyvoo » pour sa logeuse berlinoise Frl. Schroeder, auteur du roman et narrateur des quelques récits que comprend l’ouvrage.
Dans ce roman, qui inspira le célèbre film « Cabaret » avec Lisa Minelli, le romancier raconte l’installation du nazisme entre 1930 et 1933, année de l’élection d’Hitler, et comment la population allemande y a réagit. Tout cela vu par les yeux d’un britannique bourgeois, doté d’une bonne éducation classique. Comme son introduction le laisse entendre, il choisit le parti de montrer les faits tels qu’ils se sont déroulés d’une manière objective, sans prendre parti ni juger. Ce qui laisse parfois le lecteur dérouté mais montre finalement un regard totalement externe sur la situation à Berlin dans ces années là. Les sentiments du narrateurs ne sont pas dévoilés, on connaît d’ailleurs très peu ses pensées. Cette construction possède l’avantage de présenter le point de vue des allemands, notamment à travers les paroles de la logeuse de « Christoph » ou des Nowak, pauvre famille ouvrière chez qui le romancier logera. Mais nous découvrons aussi la manière dont les Juifs vivent ces évènements, en pénétrant l’univers des Landauers, riche famille propriétaire d’une chaîne de magasins.

Même si le roman est assez frivole, on suit la vie des fêtes berlinoises, notamment avec Sally Bowles (inoubliables Lisa Minelli), on sent le nazisme et l’antisémitisme devenir de plus en plus palpable, surtout dans la seconde moitié du livre.
Dès 1930, les Juifs sont persécutés. On oublie cela trop souvent, nous contentant d’isoler le nazisme et son terrible antisémitisme meurtrier aux seules années de guerre entre 1940 et 1945. Pourtant dès 1930, il est présent et s’insinue peu à peu dans l’esprit des gens, qui sans véritables arrières pensées et sans véritables griefs contre les Juifs, commencent à les rendre responsables de tout et de rien. La population prenait cela à la légère, sans avoir réellement conscience des dangers et des dérives possibles. Ils répétaient ce qu’ils entendaient. L’attitude de Mme Nowak est typique de cette attitude. Elle insulte les Juifs, en précisant qu’elle achète volontiers des costumes à un colporteur juif bien sympathique. « Peut-être bien que Lothar a raison, disait parfois Frau Nowak. Quand Hitler sera au pouvoir, il leur fera comprendre quelques petites choses à ces Juifs. Ca leur rabattra le caquet. »Mais un peu plus loin dans la conversation, elle ajoute : « Par ici, Herr Christoph : personne ne voudrait renvoyer les Juifs ». Cela peut effrayer et cette attitude peut se rapprocher de celle actuelle face à l’extrême droite : déni de sa dangerosité et refus de voir certaines similitudes.
En effet, les allemands, même ceux les plus opposés au national socialisme, se sont malgré tout peu à peu habitués au régime qui se mettait doucement en place. C’est d’ailleurs la constatation que fait Christopher Isherwood, à la veille de son retour définitif en Angleterre, au sujet de sa logeuse, Frl Schroeder : « La voici déjà en train de s’adapter, comme elle s’adaptera à n’importe quel nouveau régime. Ce matin, je l’ai même entendue prononcer sérieusement « Der Führer » en parlant avec la concierge. Si on lui rappelait qu’aux élections de novembre dernier elle a voté communiste, elle s’en défendrait sans doute énergiquement et avec une parfaite conviction. C’est tout simplement qu’elle s’acclimate, en vertu d’une loi naturelle, comme un animal qui change de pelage pour l’hiver. Des milliers de gens pareils à Frl Schroeder sont en voie d’acclimatation. Après tout, quel que soit le régime au pouvoir, ils sont bien obligés de vivre dans cette ville. »

Voilà donc un roman intéressant à plus d’un égard : divertissant par son côté chronique de la vie festive du Berlin des années 30 et documentaire par son approche de la montée du nazisme. Lecture que j’ai apprécié même si je n’y ai pas retrouvé toute l’atmosphère du film.

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Un regard ironique

7 étoiles

Critique de Béatrice (Paris, Inscrite le 7 décembre 2002, - ans) - 4 septembre 2005

Un aperçu de la société berlinoise à travers des portraits bien dessinés. L'auteur ne s'attache pas aux personnages. Il est de passage. Son regard est ironique. Mais ce n'est pas une ironie hautaine, ni sarcastique. C'est un regard indulgent, souvent amusé. La menace du régime n'est pas prise au sérieux, sauf à la fin du récit : en 33 lorsque Hitler a formé le cabinet, "personne ne croit que cela puisse tenir jusqu'au printemps". Isherwood se mêle aux prolétaires, il fréquente les bourgeois. Résultat: l'effet de contraste. Il n'y a pas de véritable fil narratif, et pourtant les fragments s'accordent pour former un tout. Un tout dominé par le personnage décalé de Sally Bowles. Si Isherwood vivait aujourd'hui, il serait cinéaste. Un Cédric Klapisch sociosatirique, sans jamais s'appesantir.

Berlin vu par un Anglais

8 étoiles

Critique de Hadrien (, Inscrit le 14 février 2005, 47 ans) - 25 avril 2005

Adieu à Berlin est vraiment un superbe roman.

L’écrivain est le narrateur, ce qui donne une forte impression de réalité. Isherwood étant à Berlin dans ces années-là et racontant ses expériences,la part de récit autobiographique est difficile à évaluer.

Isherwood, un écrivain Anglais expatrié à Berlin dans les années 1920-30, vit sa vie de manière apolitique dans une ville qui est alors le cœur des tensions qui divisent le monde. Le Berlin, des années 20-30, s’il est celui de la montée du nazisme et du communisme, est aussi la capitale culturelle, scientifique, artistique de l’Europe. Elle bouillonnait de vie, de création, d’intellectuels…

Isherwood choisit d’être neutre, simple observateur des changements politiques de cette époque. Cela donne, selon moi, encore plus de force à son récit. La gravite du contexte n’est pas la gravité du récit qui est lui tinté d’humour, et de légèreté.

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