Suite inoubliable de Akira Mizubayashi
Catégorie(s) : Littérature => Francophone

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la paix dans l'âme
Un merveilleux petit roman, hymne à la paix et à l’amour, où l’on retrouve avec le plus grand plaisir quelques-uns des personnages qui ont marqué nos lectures des deux précédents romans de cet auteur, "Âme brisée" et "Reine de cœur". Amour de la musique, amour tout court, et la mort, prégnante lorsqu’il s’agit d’évoquer cette période trouble de l’histoire du Japon où un empereur, avide de conquérir le monde et d’un pouvoir absolu sur ses "sujets", était considéré comme un dieu vivant incarnant le "peuple élu". Une époque heureusement révolue, du moins pour le moment, mais qui hante l’auteur et ses personnages. Le violoncelle, cet instrument si proche de la voix humaine, est mis à l’honneur à travers les six suites pour violoncelle seul de Jean-Sébastien Bach, dont la puissance évocatrice est minutieusement décrite dans l’interprétation qu’en donne le jeune virtuose Guillaume Walter. Le mystère est omniprésent, captant si besoin en était l’attention du lecteur, déjà accaparé par son attachement aux personnages, tant masculins que féminins. Décidément, on ne se lassera jamais de la prose de cet auteur japonais, écrivant merveilleusement bien dans une langue qui n’est pas sa langue maternelle mais dont il a su capter toutes les subtilités. Une petite merveille, avec un message humaniste faisant chaud au cœur en ces temps où nos oreilles de mélomanes sont douloureusement meurtries par des bruits de bottes…
Les éditions
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Suite inoubliable [Texte imprimé], roman Akira Mizubayashi
de Mizubayashi, Akira
Gallimard
ISBN : 9782073032119 ; 20,00 € ; 17/08/2023 ; 245 p. ; Broché
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Les critiques éclairs (3)
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Amour de la musique et détestation de la guerre

Critique de Poet75 (Paris, Inscrit le 13 janvier 2006, 68 ans) - 8 juin 2025
Cela commence avec un jeune homme du nom de Ken Mizutani, virtuose du violoncelle, à qui, parce qu’il a remporté le premier prix du concours international de Lausanne en 1939, est accordé le privilège du prêt d’un instrument prestigieux, un violoncelle de 1712, d’une valeur inestimable, fabriqué par le luthier vénitien Matteo Goffriller. Dès lors et plus que jamais, le violoncelliste voudrait ne plus se consacrer qu’à servir la musique. Mais la folie des hommes, celle qui s’est emparée, entre autres, du Japon, en décide autrement, en ces années où ce pays se voue au spectre hideux et terriblement meurtrier de la guerre au nom d’idéaux nationalistes. Le jeune prodige du violoncelle ne peut échapper à l’appel à servir un pays en proie au démon de la guerre.
Tout ne s’arrête pas là cependant. Bien des années plus tard, en 2016, c’est un violoncelliste du nom de Guillaume Walter qui, alors qu’il joue en concert le concerto pour violoncelle d’Edward Elgar, perçoit un « imperceptible changement de sonorité » dans son instrument qui n’est autre que le Goffriller de 1712. Le concert peut néanmoins se poursuivre mais, plus tard, appelé à la rescousse, le luthier Jacques Maillard diagnostique une « fracture d’âme » qu’il charge sa collaboratrice Pamina de réparer. Et c’est ainsi, en examinant l’instrument, que cette jeune femme découvre, dissimulée dans le tasseau, une lettre soigneusement écrite, lettre datée du 2 avril 1945 et signée par un certain Ken Mizutani.
Dès lors, le roman prend la forme d’une sorte d’enquête entre l’aujourd’hui et l’hier et ce, d’autant plus qu’il existe un violoncelle exactement semblable au Goffriller de 1712 mais fabriqué beaucoup plus récemment par une femme, une luthière, du nom d’Hortense Schmidt, ayant caché, elle aussi, une lettre dans son instrument, instrument auquel elle a donné le nom de « Pax animae ». Quels sont les liens qui unissent les personnages et les instruments dont il est question dans le roman ? Avec un art consommé du récit polyphonique, Akira Mizubayashi rassemble les morceaux du puzzle afin de composer un roman vibrant d’amour pour la musique et de détestation de la guerre. Et puisque c’est le violoncelle qui est mis à l’honneur, c’est le chant d’un des violoncellistes les plus célèbres qui est convoqué in fine, celui de Pablo Casals (1876-1973) qui sut si bien dire non à la guerre. Ainsi s’exprime Guillaume Walter à la suite d’un concert où il joue les Suites pour violoncelle seul de Bach et Le Chant des Oiseaux de Casals : « Il paraît que Casals a dit, dans un discours qu’il a prononcé à l’ONU à l’occasion de la remise de la médaille de la Paix, que les oiseaux en Catalogne chantaient : « Peace, peace, peace… ». Nous entendons, en effet, dans ce chant à la fois merveilleux et si profondément triste, sa douleur devant le spectacle des atrocités de la guerre et la force de sa prière pour la paix qui monte vers le ciel à l’image de l’envolée des oiseaux catalans. C’est magnifique, tout simplement. J’aimerais tant que ce chant résonne sur tous les champs de bataille, dans la tête des présidents qui commandent les armées, dans la conscience des soldats qui se livrent à des tueries aussi bien que dans le cœur de ceux qui tirent profit de l’industrie et du commerce des armes… Ce chant, je voudrais le croire, c’est peut-être parce que je suis musicien, possède une puissance susceptible d’attirer l’attention de ceux qui sont capables de rentrer en eux-mêmes dans le calme de leurs passions… ».
Fracture d'âme

Critique de Marvic (Normandie, Inscrite le 23 novembre 2008, 66 ans) - 27 août 2024
Mais ce jour de 1945, Ken est venu dire au revoir à sa luthière ; il a reçu le "fatidique papier rouge" l’informant de sa mobilisation alors que le pays est en plein désastre.
Pour quelques heures , ils oublient leurs 10 années de différence, pour une dernière nuit, loin de la barbarie·
Avant de partir il lui laisse son Goffriller, violoncelle exceptionnel, rare et ancien, fabriqué en 1712 dont il avait l’usage pour 7 ans. Charge à Hortense de le rapporter à la fondation Lorenzetti à Lausanne.
2016. Guillaume Walter, lors d’un concert croit entendre "un petit dérèglement" à l’intérieur de son violoncelle. Le lendemain, il se rend chez son luthier de 89 ans Jacques Maillard-Rei Mizusawa, qui lui présente son apprentie, une jeune et brillante luthière Pamina Schmidt. Celle-ci est troublée par le violoncelle : "cet instrument qu’elle n’avait jamais vu mais qu’elle avait quand même déjà vu quelque part."
Pamina chargée de vérifier et détabler l’instrument y découvre une lettre cachée.
Guillaume, intrigué par cette découverte, part à la recherche de l’histoire des grands-parents de Pamina.
Je retrouve dans ce merveilleux roman, tout ce qui m’avait séduit dans Âme brisée. Akira Mizubayashi n’est pas seulement un grand écrivain, un grand musicien, il maîtrise superbement l’art de nous offrir un voyage musical avec des lettres et des mots, dans le silence d’une lecture passionnante, sur les traces d’un passé douloureux et d’un présent lumineux.
La musique contre la guerre !

Critique de CHALOT (Vaux le Pénil, Inscrit le 5 novembre 2009, 77 ans) - 20 mars 2024
C'est par hasard que j'ai pris ce livre sur le présentoire de la bibliothèque de Vaux-le-Pénil.
Je l'ai ouvert ce matin et je viens de le terminer il y a dix minutes.
Je suis conquis.
L'auteure nous transporte d'une époque à une autre, d'un pays à l'autre.
Nous commençons en France pour partir avec l'un des héros avec son violoncelle à Tokyo et au Japon.
C'est le déclenchement de la deuxième guerre qui se prépare , Ken retourne au Japon après avoir appris le français et gagné un grand concours de musique.
Il est pris dans l'engrenage où il devient la victime de la folie de l'Empereur du Japon qui décide de sacrifier la jeunesse de son pays pour sa propre grandeur.
Ce musicien et d'autres, ivres de musique et amoureux de la paix vont disparaître lors de combats dont ils ne comprennent ni les raisons qui poussent les belligérants ni la réaction passive d'une immense majorité de la population.
« Le gouvernement militaire, malgré la débâcle générale, continue à faire croire à la nation entière à la victoire finale du « Pays divin » ? »
Gare aux pacifistes même si leurs armes sont à priori inoffensives : les notes et les sons sont craintes par les dictateurs.
Les puissants dans leurs folies n'aiment ni les romances, ni la culture ni l'art !
Longtemps après, à notre époque, ou presque, des musiciens retrouvent par hasard les noms et les traces de certains de ces disparus et notamment de Ken.
Le violoncelle ou plutôt les violoncelles vont livrer leurs secrets et ce roman nous appelle à la réflexion sur la folie de gouvernants, sur l'égoïsme des fomenteurs de guerres et sur la musique et l'amour qui se veulent plus forts que la violence.
Bach et ses suites inoubliables pour la paix nous accompagnent durant ce roman.
Jean-François Chalot
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