La vallée des mammouths de Michel Peyramaure

La vallée des mammouths de Michel Peyramaure

Catégorie(s) : Littérature => Francophone , Littérature => Voyages et aventures

Critiqué par Froidmont, le 25 février 2024 (Laon, Inscrit le 28 octobre 2022, 33 ans)
La note : 10 étoiles
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Une histoire dans la préhistoire

- Ô dis-nous, grand ancêtre à la mémoire large, quelle est cette figure gravée à la marge ? Il semble un souvenir qu’on aurait mis pour soi dans quelque coin obscur pour qu’on ne le voie pas.
- C’est très exactement ce qu’est cette gravure.
Il parlait toujours peu, répondait à mesure. Jamais un complément, jamais un mot de trop : une réponse courte et tournée comme il faut. Mais en disant cela il déplaça son corps entre les yeux avides et l’ombreux décor.
- Grand ancêtre, dis-nous, qui gardes en mémoire tant les hauts que les bas de toutes nos histoires, toi qui gardes les yeux tournés vers le passé et la langue au présent pour nous le raconter, quel était donc cet homme que cache ton coude ?
- Cet homme répondait au glorieux nom d’Ayud.
- Raconte-nous, ancêtre, un seul de ses exploits !
- Il a vengé son père et risqué pour cela la haine et le rejet de toute sa tribu.
- La geste est honorable et vaut qu’on soit imbu. Mais ancêtre, œil plongé dans l’infini des cieux, dis-nous qui a tracé cette ombre au mur pierreux !
- C’est un homme affligé qui était son ami autant qu’il lui était un terrible ennemi. Il l’a aimé, haï, mêlé son sang au sien, un bourreau à regret, presque son assassin.
Un silence se fit dans la grotte glacée. Ce n’était pas souvent que l’ancêtre parlait ; les enfants sentaient bien que l’ombre sur le mur remuait des ténèbres beaucoup plus obscures que celles qui régnaient au fond de cette grotte, de celles qu’il ne faut pas que le curieux frotte. Mais l’innocence est telle qu’elle veut savoir, qu’encore elle interroge pour creuser l’histoire.
La femme de l’ancêtre cousait en silence. Comme si elle avait à fuir la remembrance, elle posa au sol l’ouvrage inachevé, se leva et sortit sans vouloir déranger.
Les enfants insistaient pour savoir les détails, mais l’ancêtre fixait près de la triste paille la peau abandonnée dont trois fils s’échappaient. Un brusque souffle d’air vint de l’obscurité, emporta l’un des fils qui ne tenait qu’à peine, perdu dans l’infini là où le vent l’emmène.


Il n’est pas très fréquent dans un roman de voir une action qui se passe dans la préhistoire, et c’est rafraîchissant que d’aller aussi loin dans un passé commun que nous connaissons moins, je dirais même que l’âge préhistorique revêt d’une manière un parfum exotique. Et lorsque le roman se révèle être bon, le plaisir est immense et comme un puits sans fond : on tombe pour longtemps au fond de ses délices et la chute persiste depuis ses prémices et jusqu’à bien longtemps après l’avoir fermé. On est de ce plaisir en quelque sorte hanté.
Écrivant cet avis au moins 20 jours après, je revois clairement les scènes et les traits du visage d’Ayud que je me figurais, la douceur de Yawna et la brutalité de Deïwo écrasant la tête de Toloo que mon esprit rêveur n’imaginait que beau, le visage si fin et presque lumineux que Kuecô arborait tranquille auprès du feu, et le puissant Orka, le colérique Awah. C’est un roman qu’on sent, c’est un roman qu’on voit.
De plus il est bien fait dans sa composition. Tous les événements et toutes les mentions trouvent leur raison d’être au fil de ce récit. Rien n’y semble de trop et rien n’en est omis.

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