Les Thibault, tome 3 : Eté 1914 (suite et fin) - Epilogue de Roger Martin du Gard
Catégorie(s) : Littérature => Francophone

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La guerre
Le tome III des Thibault commence par le volume intitulé « L’Été 1914 (suite et fin) ». Dans ce volume on se prépare à la guerre, on mobilise, Paris est en effervescence, et le docteur Antoine Thibault est décidé à prendre les armes, par solidarité, parce que la patrie est en danger. Mais Jacques, son jeune frère, ne l’entend pas de cette oreille, il est contre la guerre qui massacre des innocents pour le profit des riches. Toutes les tentatives des communistes, auxquelles il a participé, pour engager les prolétaires de toute l’Europe à refuser de prendre les armes, ont échoué. Mais Jacques Thibault veut rester fidèle à ses convictions ; d’un autre côté, il ne veut pas « se planquer », alors que son frère et ses amis prennent les armes. Sa situation s’est encore compliquée parce qu’il est tombé amoureux de la sœur de son grand ami Daniel, qui lui, est officier et est déjà parti sur le front. Son cas de conscience est cornélien. Il est longuement développé dans ce volume et la décision qu’il prendra est racontée comme une histoire à suspense, et pourtant très logique, qu’il serait criminel de dévoiler ici.
Dans ce volume, toutes les théories des pacifistes sont bien développées à travers les réflexions de Jacques et elles sont justement contredites par ceux qui pensent que le devoir d’un homme de bien est de défendre sa patrie quand elle est en danger.
Ce que l’auteur parvient magnifiquement à restituer, à travers ses personnages, c’est l’ambiance de Paris dans ces heures cruciales qui vont chambouler l’Histoire de l’Europe. On est dans la rue, on lit les dernières dépêches, on entend les déclarations, souvent mensongères, des politiciens, on veut se persuader que la guerre ne sera qu’une formalité, ou même qu’elle n’aura pas lieu. Mais on se prépare au pire. Certains rentrent précipitamment de vacances sur de lourds chariots alors que des régiments de fantassins défilent déjà sur les grands boulevards de Paris. Et, tout à coup, avec l’assassinat de Jean Jaurès, tout espoir de paix est définitivement perdu, l’Europe va entrer dans une des plus incroyables catastrophes de son Histoire.
C’est tout l’art de Roger Martin du Gard de nous faire vivre ces moments extraordinaires à travers les personnages de son roman. Et si, comme toujours, le développement de l’action est lent, il n’y a jamais de longueur inutile et le lecteur reste passionné de bout en bout.
Le deuxième volume du tome III, le dernier de la saga des Thibault, s’intitule : « Épilogue ».
Nous sommes quatre ans plus tard, au mois d’août 1918, la guerre est plus que jamais indécise et promet d’être toujours plus meurtrière. Les personnages de la saga des Thibault, qui ont survécu à la guerre, sont blessés et reviennent terriblement meurtris. Ils se retrouvent à la maison de campagne des Thibault, à une trentaine de kilomètres de Paris, qui à été transformée en hôpital de guerre.
On le sait, les anciens combattants ne racontent que très difficilement leurs souvenirs de guerre. Mais parfois, entre eux, ils se confient des sensations qu’ils ont vécues dans les tranchées, pendant les nuits pluvieuses, passées parmi les excréments, les blessés qui agonisent et les morts en putréfaction… Mais tout ça est évoqué ici avec beaucoup de réserve et toujours sur le ton de la confidence entre anciens combattants. C’est toujours des histoires de 14/18 et c’est toujours pathétique mais le ton est tout à fait différent de ce qu’on a pu lire jusqu’à présent. On souffre avec ces malheureux, on les comprend, et on sait que leurs blessures morales ne cesseront jamais.
Dans ces récits, Roger Martin du Gard se révèle comme un des plus grands romanciers de son temps ; il nous fait vivre les événements de la guerre et nous montre son évolution à travers les témoignages de ses héros, et il nous fait entrer dans leurs confidences… C’est du grand art. Cette saga des Thibault lui a valu le prix Nobel de littérature en 1937 et c’est, à mon avis, largement mérité.
Et puis quand la guerre est enfin terminée, tout a changé : les caractères se sont aigris, on se rend compte qu’une génération a été sacrifiée. Mais certaines personnalités se sont révélées ; beaucoup de femmes se sont montrées héroïques, leur vie a changé, elles ont conquis leur liberté… du moins, c’est un début.
Et « Les Thibault » se termine après un total de plus de 2.360 pages, toujours lentement, mais sans jamais ni longueur ni rallonge inutile, et sans que jamais que s’amenuise le plaisir de lire, dans une écriture merveilleuse, un pan de notre Histoire qui est raconté à travers des personnages chargés d’humanité, auxquels le lecteur s’est attaché, et qui resteront, parmi tant d’autres, ses « héros de papier » inoubliables.
Les éditions
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Les Thibault, tome 3
de Martin du Gard, Roger
Gallimard
ISBN : 9782070304349 ; 10,20 € ; 09/10/2003 ; 639 p. ; Poche
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