Dans l'enclos de Lorenzo Cecchi
Catégorie(s) : Littérature => Francophone , Littérature => Nouvelles
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Derrière l'arbre de chaque prénom...
Avec ce nouveau recueil de nouvelles, Lorenzo CECCHI, dont c’est le cinquième ouvrage du genre, nous documente sur les relations humaines, leur ressort, leur étirement, leur fin, souvent brutale et douloureuse.
Chaque nouvelle a comme titre un prénom, derrière l'arbre duquel comme l’indique une citation (de Pierre Le Rouzic), en exergue du volume, « se cache la forêt intérieure des sentiments et des actes ».
Des actes, plutôt qui, au fil des récits, révèlent des sentiments cachés, des pulsions refoulées trop longtemps, des désirs aussi de beauté, de communion idéale, que le quotidien a rongé ou qui n’ont pas trouvé à se réaliser. La plupart des personnages sont des écorchés vifs, des inadaptés de la vie, des (r)éprouvés.
Si certaines nouvelles ont le format habituel du genre, la plupart ne dépassent pas cinq pages et, singularité de l’ouvrage, certaines font une quinzaine de… vers brefs.
Si la tonalité générale se situe dans le registre réaliste, certaines nouvelles tirent vers le fantastique (Bert) ou la poésie. Il y a même une nouvelle dystopique (Stéphane) qui nous projette dans la Wallonie, sous domination frontiste, après les élections de 2024. Si on devine que certaines sont inspirées de la vie multiple de l’auteur, ce volume joue plus que les précédents, il m’a semblé, sur le fil de l’imaginaire.
Métro Delta, fin novembre. Adèle a rendez-vous avec Benjamin, le médecin qui l’a prise en charge aux urgences après son viol survenu un an plus tôt. Sur le quai, elle croit reconnaître son agresseur parmi un groupe d’ados chantant du rap. Elle prend une photo, compose le 112 avant de se prostrer. Conduite à l’hôpital, il apparaît que c’est la huitième fois qu’elle croit reconnaître son agresseur en des individus différents. (Adèle)
Dans le même registre, mais plus léger, un homme est pris de vertige, fait une chute, puis demande à la personne qui le secoure d’appeler Marie à un numéro donné. Sauf que c’est sa femme qui répond et informe qu’il voit régulièrement avant de perdre connaissance cette Marie, une très jeune fille… (Marie)
Dans un autre texte, fort touchant, c’est un vieux couple de soixante années de vie commune dont la chanson fétiche est Prends mon cœur de Petula Clark, sur lequel ils se sont rencontrés. Mais Alzheimer a frappé l’épouse qui altère les titres de ses chansons aimées… sauf celle-là. Et l’époux fait de son côté mine que c’est toujours elle qui mène la danse. (Petula)
Dans le registre résolument humoristique, on trouve ce récit à la première personne d’un client du supermarché qui, arrivé à la caisse, crève le sachet de pâtes en le déposant sur le tapis roulant et attire l’attention à la fois des autres clients et de l’escouade de nettoyage avec son chef, Valentin, peu commode. Le narrateur ne se laisse pas démonter et retourne dans les rayons acheter un autre sachet de pâtes. (Valentin)
Comme on le voit via ces quelques exemples, Lorenzo Cecchi parcourt, qui plus est, en cent quarante pages et une quarantaine de nouvelles soufflantes, le spectre des rapports humains et des drames existentiels. Au rythme choisi par l’auteur, plus rock que blues ou tango, cette fois, c’est forcément dense et riche, à la fois de délicatesse et de cruauté : les chutes sont terribles.
Dans l’enclos, au milieu de ces quarante-quatre prénoms incarnés, Lorenzo, en maître d’œuvre et tireur des ficelles, est à son meilleur.
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Quand tout bascule
Critique de Débézed (Besançon, Inscrit le 10 février 2008, 77 ans) - 13 septembre 2023
Ce nouveau recueils se compose de quarante-quatre bouts de vie, instants d’existence, moments où tout bascule après un long processus d’altération. Gordon qui fait le bilan de sa vie et finit par étouffer sa femme, Adèle n’oublie pas son viol et les traumatisme qui la poursuivent, Willy, un grand avocat, plaide son dernier procès et ne le supporte pas, … Ainsi dans ces quarante-quatre textes, la vie ne s’écoule pas forcément comme les acteurs l’avaient prévu mais pas non plus comme le lecteur l’attendait. Lorenzo à le talent et la créativité pour inventer des histoires insolites qui s’achèvent dans des chutes tout en finesse.
Une certaine fatalité se dégage de la somme de ces histoires, on a l’impression que les protagonistes ont l’art de se trouver au mauvais endroit au mauvais moment et que ceci ne perturbe pas spécialement l’auteur qui trouve dans cette fatalité plutôt matière à ironie, sarcasme, humour narquois… J’ai eu l’impression qu’il connaissait bien l’effet papillon, celui qui provoque une tempête en Mer de Chine après un battement d’ailes de papillon au-dessus de la Baie de Rio. Chez Lorenzo, la banalité de la vie quotidienne peut conduire à une explosion finale tout à fait inattendue.
A force de fréquenter les auteurs d’aphorismes chez Cactus inébranlable éditions, Lorenzo a développé son art de la concentration textuelle et de la fulgurance de ses chutes finales. Un recueil à poser sur la table de chevet pour en lire une, ou plusieurs histoires, chaque soir avant de dormir, même si ses histoires sont un parfois à dormir debout.
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