De temps en temps

Je ne connaissais pas encore Philippe Colmant avant de lire ce recueil de poèmes courts composés de vers courts, parfois même très courts, légers, construits avec des mots simples, plutôt positifs et joyeux, plutôt nostalgiques qu’angoissés, empreints de résilience plutôt que de crainte. Des poèmes qui disent le temps, le temps qu’il fait comme le temps qui passe. Dans sa pertinente préface, Jean-Michel Aubevert écrit : « Age et climat, le temps nous produit dans le même temps qu’il nous détruit ». Ma lecture a suivi le même chemin que les propos liminaires de Jean-Michel. Les très belles Illustrations de Philippe Colmant lui-même comportent toutes une partie de bleu, peut-être bleu comme le temps qu’il fait quand le temps est au beau ? Mais les couleurs et les traits ne peuvent pas dire le temps qui passe…

Philippe évoque aussi le temps sous d’autres formes : le temps du passage qui comme l’automne marque le passage de la nature luxuriante à la nature endormie, « Le petit ciel d’automne /. Brumise sa lumière. / Les champs vont s’endormir. / Un soleil esseulé / Perd des ombres sans vie . Dans la pudeur des arbres ». Le temps que l’on porte comme un fardeau nécessaire à la vie quotidienne, « Chacun tire son temps / Comme un charriot de vivres ». Le temps mémoriel, le souvenir laissé dans le temps : « Aussi connu soit-on / Vient le jour où / L’ont fini enterré / Dans un trou de mémoire ». Le temps de l’amour si souvent chanté : « L’amour est un poème / Ecrit dans le secret / De la chambre du cœur, / Une lettre gravée / Au couteau de la vie / Dans l’écorce du temps ». Le temps de la vieillesse, le temps de vivre qui se réduit : « Le temps nous marque aux tempes / Puis nous pétrifie, / Lente métamorphose : / peau de chair, peau de pierre / Jusqu’aux mains qui naguère / Epuisaient la musique »…

Et ainsi de poèmes en poèmes, Philippe Colmant conjugue le temps qui passe avec le temps qu’il fait en une même ode à la vie qu’il voit en bleu comme dans ses illustrations même s’il sait que le temps est compté et mesuré. Qu’il est incertain et aléatoire comme une météo d’avril ou comme une vie dans la tourmente. « Le temps est incertain / Malgré ses certitudes // Moi-même je ne suis / Qu’hésitations et doutes // Sauf pour ton corps promesse / A mes paumes d’amour ».

C’est un véritable régale de lire ces vers nourris d’assonances, d’allitérations et de formules poétiques de la meilleure veine comme celle-ci que j’ai relevée : « Parfois un brin de rêve / Nous pousse à traverser / Le temps sans y penser, / Sans même regarder, // En espérant qu’un train / Nous happe et nous emporte / Comme le vent la feuille / Dans le grand tourbillon / D’un ciel à inventer »… ». Alors, volons sur les ailes des vers de Philippe !

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  Tectonique du temps

  de Colmant, Philippe Aubevert, Jean-Michel (Préfacier)
  Editions Le Coudrier
  ISBN : 9782390520474 ; 25/03/2023 ; 100 p. ; 14 x 20