La Dame blanche de Philippe Remy-Wilkin

La Dame blanche de Philippe Remy-Wilkin

Catégorie(s) : Littérature => Francophone , Littérature => Nouvelles

Critiqué par Débézed, le 30 décembre 2022 (Besançon, Inscrit le 10 février 2008, 76 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (25 297ème position).
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La vengeance brûlante

Philippe Remy-Wilkin passe du noir au blanc après avoir publié un roman noir, « Sœurs noires », il propose chez Lamiroy, dans la collection Crépuscule, une histoire toute aussi noire intitulée cette fois « La Dame blanche ». La collection Crépuscule et la version noire de la collection Opuscule des Editions Lamiroy, des nouvelles d’un petit format d’une cinquantaine de pages écrites chaque semaine par un nouvel auteur .

Cette dernière nouvelle raconte la vengeance d’une fille sauvagement brûlée pendant la dernière guerre mondiale dans la région de Malmedy à la frontière belgo-allemande où les germanophiles et les belgophilies cohabitent particulièrement mal au moment où Hitler veut rattacher cette région belge à son Reich. Après la guerre, les stigmates des combats et des différends culturels et politiques sont encore à vif. Par une nuit, dans la vallée de la Warche, Walter Schmald, notaire, ancien résistant belge, emmène Josef Braggard à la rencontre de son frère Paul qu’il n’a pas vu depuis l’invasion allemande. Josef fait partie des « Malgré nous » ceux qui ont été enrôlés de force dans la Wehrmacht parce qu’ils appartenaient aux minorités allemandes. Paul, lui, a pu échapper à la conscription et se réfugier aux Pays-Bas pendant que son frère combattait sur le front de l’Est.

Josef a été dupé, ils sont rejoints dans un bois où ils ont fait halte, par deux membres des forces collaboratrices belges ralliées à Hitler. Le notaire et les deux collabos ainsi réunies le neutralisent et exigent qu’il révèle où est caché le trésor que son grand père aurait caché quand il s’enrichissait en pratiquant la contrebande aux confins de l’Allemagne, la Belgique et la Hollande. Ce trésor n’a jamais existé, sa sœur l’a imaginé pour épater la fille du notaire. Josef est sauvé par l’intervention d’une voix de femme qui hurle et par un voile blanc qui se déplace dans les ruines d’un château voisin, les crapules prennent peur, l’allusion a une vieille légende locale les effraie…

Cette nouvelle évoque les règlements de comptes, les purges aveugles, les éliminations opportunes pour certains, …, toutes les exactions commises trop souvent par ceux qui ont attendu le dernier moment pour être sûrs de rejoindre le bon camp, celui des vainqueurs. Il pose aussi le problème des territoires frontaliers ballotés entre deux nations toujours concurrentes dont les populations sont les premières victimes de tous les conflits les opposant.

La marge est parfois si mince entre les bourreaux et leurs victimes que Josef s’interroge, après son passage sur le front de l’Est dont il s’est évadé miraculeusement : « il y a déjà eu tant et tant de malheurs dans notre communauté…. L’heure de la réconciliation est-elle venue ? ». Cette histoire mythologie et fantastique mais tellement réelle apporte les premiers éléments de réponse à cette brûlante question.

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Bourreaux et victimes

8 étoiles

Critique de Kinbote (Jumet, Inscrit le 18 mars 2001, 65 ans) - 6 août 2023

Paul Bragard, « la vingtaine ténébreuse », et Walter Schmald, « la cinquantaine mince et élégante », notaire de son état, cheminent dans les environs de Malmédy vers le site d’un ancien château médiéval.

C’est l’été 1946 et les affres de la guerre imprègnent encore les esprits et les mémoires. Paul a vécu l’épopée du Front de l’Est où il a été engagé de force dans la Wehrmacht. Walter est présenté comme l’ancien chef d’un réseau de résistance. Bientôt ils allument un feu sous la pleine lune.

Mais qu’est-ce qui pousse ces deux hommes dans ces lieux ? Et qui est cette mystérieuse Dame blanche qui donne son titre au récit ?
L’intrigue ne va pas manquer de rebondissements entre ceux qu’on attend et qui ne viennent pas et ceux qui surviennent contre toute attente.

Dans le même temps où, dans ces récits et romans, il nous tient en haleine, Philippe Remy-Wilkin nous documente sur la façon dont un morceau d’histoire a pesé, mis en valeur la crise sous-jacente à une région, et révélé la nature de certains hommes, de certaines femmes. En particulier dans la région aujourd’hui appelée des Cantons de l’Est, tiraillée entre la Belgique et l’Allemagne, là où aussi, durant la guerre, la frontière entre collaborateurs et résistants était poreuse, non clairement définie.

L’auteur montre de même que les bourreaux et les victimes d’un temps et d’un lieu donnés ne valent que pour une situation singulière et « qu’un des bourreaux peut mettre son existence dans la balance à un autre moment dans un élan humaniste, qu’un des condamnés peut, à contrario, s’avérer un lâche, un traître, un assassin, une ordure sans nom »…

On trouve aussi dans ce récit forcément crépusculaire un subtil traitement des thèmes du feu, des ténèbres et de la lumière et aussi l’illustration d’états de conscience qui peuvent altérer l’appréciation du réel.

Malgré l’évident caractère tragique de la nouvelle, elle ne manque pas d’allumer une flamme d’espérance, comme un mode de vie à adopter pour continuer à cheminer dans ce monde de tout temps obscur, guidé par les quelques rares étoiles d’humanité qui en font tout le prix, toute la beauté.

"La dame blanche" est la seconde excellente nouvelle que donne Philippe Remy-Wilkin, après "Encres littorales", pour les collections de formats courts des Editions Lamiroy.

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