Lacunaires de Serge Delaive
Catégorie(s) : Littérature => Francophone , Théâtre et Poésie => Poésie
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L'inquiétude en vers épurés
C’est le septième opus édité par Le Chat polaire que je lis et, avant de l’ouvrir, j’ai éprouvé un petit frisson comme avant d’ouvrir chacun des précédents car ils m’ont tous enchanté en m’emmenant dans des mondes différents, nouveaux souvent, sur les ailes de vers inventifs, émouvants, … Les auteurs sélectionnés par Le Chat polaire sont toujours créatifs, originaux, …, et Serge Delaive ne faillit pas à cette tradition qui semble s’installer chez cet éditeur comme une ligne éditoriale.
Ce dernier recueil se décompose en quatre parties introduites chacune par une superbe photo prise par l’auteur lui-même, la première intitulée, Inadvertances, évoque les nombreux séjours effectués par l’auteur dans un charmant coin du Frioul en Italie.
« Barcis Frioul neuf bars / trois cents habitants / allé de bar en bar pas plus loin / … », voilà un village où j’aimerais passer mes vacances et où, Serge, apparemment a passé lui aussi de bons moments mais pas que dans les bars d’après ses vers.
La deuxième partie du recueil, la plus longue, les pansements les rêves, évoque la vie, le monde qui nous entoure, avec parfois une certaine nostalgie comme dans le poème qui énumère nombre de dernières fois – « … / la dernière voix une dernière fois / puis survire parmi les disparus / … » -, un brin de mélancolie, des failles, une interrogation sur ce que serait vraiment l’existence et une série de petites choses, d’événements, d’anecdotes, des petits riens qui font la vie et le monde. « Parler de rien de la poussière / de la lumière ultime silence / … » . « Je me souviens de cette fissure / apparue entre nous et nous / sous des formes non cicatricielles ».
La troisième partie, En direction de mu (lettre grecque), est plus courte mais peut-être encore plus profonde, elle s’adresse à l’âme, au cœur, aux tripes, évoquant l’espoir né de la nuit, les amours de l’aube, la vie écrite avec le sang, la vie envolée, la femme qui donne la vie, « … / elle l’une t’a porté en elle / elle l’autre t’a accepté en elle / … » . Le recueil referme ses vers sur une dernière partie aux accents nihilistes, « Et ne plus rien écrire » . « Je n’écrirai plus / raison pour laquelle j’écris / malgré tout à foison / ces lignes depuis le champ des ruines / … ».
Ces textes m’ont enthousiasmé, ils m’ont porté sur la vague de l’angoisse de notre présent même s’ils ne sont pas toujours très iréniques, s’ils distribuent plus de crainte que d’espoir…Serge trie ses mots avec attention, il les tamise, les sasse, les blute, pour ne conserver que ceux qui sont indispensables pour le texte, ceux qui construisent les images qu’il met en vers pour dire son inquiétude et son angoisse. Sa démarche littéraire, les images qu’il crée, nourrissent mon intérêt pour ses poèmes allégés, dépoussiérés et pourtant si éloquents :
« Le monde est rempli / de morts qui n’ont plus soif / de morts absents de la mort / … »
« Ainsi ce serait donc ça vivre ? / surgir de la mort pour y retourner / surnager sur la réalité du vide / … »
« Et de l’espoir né au matin / d’une nuit qui n’a pas voulu de nous / ne demeurent qu’os blanchis / … »
Et pour conclure ce commentaire, je retiendrai ce ver qui pourrait résumer ce recueil : « La chute est le mouvement qui domine l’univers ».
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