Sur les franges de l'essentiel suivi de Ecritures de Claude Luezior

Sur les franges de l'essentiel suivi de Ecritures de Claude Luezior

Catégorie(s) : Littérature => Francophone , Théâtre et Poésie => Poésie

Critiqué par Débézed, le 26 octobre 2022 (Besançon, Inscrit le 10 février 2008, 76 ans)
La note : 9 étoiles
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Ecrire pour vivre

Avant d’évoquer ce que j’ai trouvé dans ce recueil je voudrais déjà parler de l’objet livre : un magnifique ouvrage au format portrait, presque carré, orné de la photographie d’une magnifique peinture de Jean-Pierre Moulin. Le papier utilisé pour la couverture comme pour les pages intérieur est de très belle qualité, l’impression et la mise en pages sont très soignées, c’est presque un objet collector. Ce livre comme l’indique le titre comporte deux textes : un recueil de poésie en partie en prose et en partie en vers et un autre texte en forme d’essai sur l’écriture, l’art d’écrire, la raison, d’écrire, la manière d’écrire, tout ce qui apporte une motivation à l’écrivain et développe son talent potentiel.

Claude Luezior, je l’ai découvert il y a peu à travers la lecture de son P’tit Cactus, Emeutes, édité chez Cactus inébranlable éditions, un recueil d’aphorismes qui met bien valeur sa profonde culture et son art de jongler avec les mots. Dans le présent recueil, le texte poétique se décompose en deux parties : des poèmes en vers très courts écrits en caractères d’imprimerie et des textes en poésie en prose présentés en italique. La partie en prose semble servir à exposer l’esprit de ce qui suit en vers, comme si ces textes en prose introduisaient un nouveau chapitre, un nouveau thème, une partie d’un tout évoquant l’écriture, son histoire, l’art d’écrire, la finalité de l’écriture, la nécessité de l’écriture, … Tout ce que l’écriture apporte à la vie et tout ce qui rattache l’homme à l’écriture.

L’écriture c’est aussi un message que Claude lance avec force : « On me rebat les oreilles avec les robots et l’intelligence artificielle. / A quand les vraies oreilles pour entendre les cris des affamés ? … ». Claude en raconte l’histoire à travers sa poésie pour que les hommes comprennent le rôle qu’elle joue dans leur vie depuis l’origine de l’humanité, depuis que les hommes préhistoriques ont laissé des messages sur les parois des grottes. « Les dessins des cavernes ou ceux des pyramides ont survécu durant des millénaires, les volumes et codex, quelques siècles. Alors que les électrons de nos ordinateurs ne seront peut-être plus lisibles dans une vingtaine d’années ». Certains supports ne sont déjà plus lisibles aujourd’hui faute de matériel adapté pour les lire et certains langages informatiques sont déjà oubliés.

Ecrire est un art que la machine n’apprendra jamais, « Le langage du poète est tellement confidentiel qu’aucune notice « Secret », qu’aucun tampon « Défense » ne sera nécessaire ». Seul l’écriture manuelle peut conserver l’humanité nécessaire à la vie. Et peut-être que les poètes deviendront, dans un avenir incertain, les vedettes des années à venir. « Qui sait ? Robots et ordinateurs en convulseront d’envie. / je ne suis d’ailleurs pas sûr que les artisans de la plume d’oie en seront aise ».

Cet art d’écrire, Claude le possède à l’excellence, il l’expose dans ce texte où, comme il y a le fin du fin dans tout ce que nous pouvons évoquer, il y a de la poésie dans la poésie. J’ai pris cet exemple qui m’a particulièrement épaté : « A main feutrée, je profusionne des caresses que je dénoue au gré de tes courbes ». Son vocabulaire est d’une grande richesse : choix des mots exacts, les mieux adaptés au texte et à son sens, les plus éloquents, les plus précis mais aussi ceux qui coulent, sonnent le mieux dans la musique et le rythme du texte.

Ainsi, le texte de Claude est d’un parfait esthétisme, il est enchanteur est pourtant il comporte une dose d’amertume en évoquant le temps qui passe provoquant la déchéance physique. « Pour le salut / de leur corps // à l’abandon / sous mes yeux / dans mes mains // ce corps igné par l’insupportable / magie / coup de fouet / du dire // … ». Un certain agacement aussi devant l’humanité qui perd de plus en plus la sienne. « Mais pourquoi donc Dieu a-t-il légué à l’Homme sa folie inventive ? ». Ce texte a une dimension testamentaire, Claude, comme moi, a déjà vécu une partie conséquente de sa vie, il s’interroge sur ce qu’il est, ce qu’il a fait, ce que les hommes ont fait et feront encore, Pourquoi vivre ? Il questionne dans un poème,« Vivre ? », dont je ne cite qu’une partie : « Fleurir / … // rugir / … // courir / … // , souffrir / face aux décrépitudes qui sonnent la charge dans mes viscères / … ». Le corps faiblit, l’écriture accueille l’inquiétude, l’angoisse, la vision de la fin qui se profile de moins en moins loin. L’écriture et la vie se fondent dans une même fusion pour transmettre un message de vigilance, d’attention et d’espoir aussi aux générations futures. « … / pour que survive / en manière d’essentiel / nous avons calligraphié / sur l’épiderme de nos chairs / écrouelles, cicatrices / et spasmes insensés / que l’on appelle poésie ».

Et la poésie sera toujours la vie comme sous la plume de Claude.

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