Contre tous chacaux de Éric Dejaeger, Roger Lahu

Contre tous chacaux de Éric Dejaeger, Roger Lahu

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Débézed, le 22 juillet 2022 (Besançon, Inscrit le 10 février 2008, 77 ans)
La note : 7 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (25 713ème position).
Visites : 1 716 

Bob Morane revisité

Quelle surprise en découvrant ce petit recueil, je connais les deux auteurs et je n’aurais jamais pensé qu’ils se connaissaient entre eux jusqu’au point d’écrire ensemble, c’est tellement intime d’écrire ! Eric Dejaeger, le poète du Pays noir comme j’aime l’appeler, est un Carolorégien dont j’ai commenté au moins une vingtaine de titres, peut-être plus en ajoutant tous ceux qu’il a écrits avec d’autres. Il fait partie des premiers auteurs dont j’ai chroniqué un livre. Roger Lahu est lui un concitoyen à la mode Hollande, nous faisons partie de la même région, chacun citoyen de l’une des deux parties rassemblées par Hollande pour n’en faire plus qu’une. J’ai lu deux des recueils qu’il a écrits. Comme dit Eric dans sa « Postfrasque », « … on s’est bien marré en revisitant quarante aventures de Bob (Morane) et de Bill (Ballantine) ».

Et là est ma grande déception, le Bob et le Bill n’ont jamais franchi les rivières et vallées délimitant le plateau sur lequel je suis né. Dans mon village natal pas un môme n’avait ces romans ou BD chez lui, je n’ai donc jamais lu les aventures de ces deux énergumènes que je connais un peu plus maintenant même s’ils ont été remodelés par mes deux amis. J’ai ressenti sous la plume d’Eric la mauvaise influence de Maigros vite réprimée par l’autre auteur, comme ils se définissent souvent dans leurs textes. J’ai aussi humé des flaveurs suant directement des produits des côteaux du Mâconnais ou de la Côte chalonnaise dont Roger semble garnir méticuleusement sa cave.

Ainsi à travers ses petits textes, Eric et Roger revisitent les aventures héroïques des deux énergumènes en leur donnant un côté loufoque, burlesque, surréaliste souvent hilarant et quelque peu satirique. Ils charrient volontiers ces héros picaresques en moquant leurs exploits tellement improbables et si peu crédibles. Mais tout ça n’est qu’une vaste rigolade entre deux amis férus des belles lettres toujours à la recherche de mots rares, peu usités et enrichissants pour le vocabulaire du lecteur.

Et près cette lecture gouleyante comme un vin du Mâconnais, il faut aussi réécouter la fameuse chanson du groupe Indochine, « L’aventurier » :

« Égaré dans la vallée infernale
Le héros s'appelle Bob Morane
À la recherche de l'Ombre Jaune
Le bandit s'appelle mister Kali Jones
Avec l'ami Bill Ballantine
Sauvé de justesse des crocodiles
Stop au trafic des Caraïbes
Escale dans l'opération Nadawieb
…. »
Gros Textes

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BOB MORANE à l'épreuve du wokisme et de la fluidité de genre

9 étoiles

Critique de Kinbote (Jumet, Inscrit le 18 mars 2001, 65 ans) - 24 juillet 2022

Roger LAHU et Éric DEJAEGER (et/ou inversément, comme indiqué sur la couverture) ont passé une partie de l’été 2021 à s’aventurer, plume affûtée à la main, sur les terres du Bob Morane d’Henri VERNES, né Charles-Henri Dewisme, quelques jours après son décès en juillet 2021 à l’âge de 102 ans. L’histoire ne dit pas si les deux complices ont (re ?)dansé sur le trépidant titre d’Indochine évoquant l’Aventurier.

Une quarantaine de titres (sur les plus de 200 que comprend la collection) ont ainsi été revisités par le duo qui s’accordent au ton d’Henri Vernes, en faisant autant preuve d’imagination et d’exotisme que lui dans les dialogues et les situations les plus rocambolesques.

Sur deux ou trois pages par aventure, les amateurs de la série retrouveront « l’univers de Bob Morane », le fringant commandant de l’armée de l’air et son compère, le géant écossais Bill Balantine, mais aussi l’Ombre jaune, Tania Orloff, Miss Ylan Ylang, Aristide Clairembart, le docteur Xhatan…

Avec, de plus, une bonne dose d’humour et un ancrage dans la contemporanéité, surtout dans ce qu’elle a de risible.

Les auteurs jouent sur les interdits qui frappaient alors naturellement cette série destinée à la jeunesse que sur ceux à l’œuvre depuis quelques années autour du mouvement Metoo et du wokisme, en moquant au passage les sensitivity readers employés dans certaines maisons d’édition mais jamais verser dans un mauvais esprit.

Ainsi, quand les personnages risquent de déborder dans leur expression, comme lorsque, Balantine exprime son goût pour le Zat 77, son whisky préféré, ou tend à qualifier lestement des membres de la gent féminine, l’éditeur les rappelle à l’ordre afin d’éviter tout dépôt de plainte. Il les engage à être plus woke, plus gender fluid, et même, le fourbe, à pratiquer l’écriture inclusive.

Il intervient pareillement pour mettre en garde contre « l’insistance de Ballantine sur les fonctions corporelles les plus basses [qui] peut choquer notre jeune lectorat ».
Les auteurs interviennent de même, de temps à autre, pour du placement de produit ou des apartés entre eux ou avec l’éditeur.

Ce recueil de 132 pages (pour 8 € seulement), dans un format de poche, constitue un hommage bien dans l’esprit du créateur, une plongée, pour certain(e)s, dans le temps des premières lectures, qui devrait plaire aux amateurs de la série et pas que, vu que, à ma grande honte, je n’avais jamais lu d’aventures de Bob Morane (mais suivi naguère des épisodes de la série télé des années 60 tirée des ouvrages).

L’illustration de couverture est de Jean-Paul VERSTRAETEN.

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