La fête au Bouc de Mario Vargas Llosa

La fête au Bouc de Mario Vargas Llosa
( La fiesta del Chivo)

Catégorie(s) : Littérature => Romans historiques , Littérature => Sud-américaine

Critiqué par Nano, le 14 septembre 2004 (Bordeaux, Inscrite le 10 septembre 2004, 51 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 10 avis)
Cote pondérée : 8 étoiles (539ème position).
Visites : 10 140  (depuis Novembre 2007)

Une dictature dans tout ses états.

A Saint-Domingue en 1961 sévit la dictature de Rafaël Léonidas Trujillo. Vargas LLosa nous ouvre plusieurs portes.
 
Il décrit l'univers glauque et effrayant du despote. On découvre les mécanismes du pouvoir sur le peuple mais également l'organisation interne de la dictature. Les draps de l'intimité et de la folie sont levés, on perçoit le dictateur de l'extérieur jusqu'à l'intérieur.
 
C'est aussi l'histoire de quatre dominicains qui s'unissent pour réaliser un attentat. Ils n'ont pas le même passé, pas les mêmes raisons mais le même objectif. On entre là chez le peuple dominicain.
 
Et puis c'est l'histoire d'Urania Cabral qui a vécu cette dictature et qui se décide après tant d'années de silence à se raconter.
 
Un livre passionnant qui m'a fait découvrir une période de l'histoire et un auteur. J'aime lorsqu'un écrivain s'immisce dans les personnages, c'est le cas.
Vargas Llosa, j'y retournerai c'est certain.

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Dur !

9 étoiles

Critique de Monocle (tournai, Inscrit le 19 février 2010, 64 ans) - 23 octobre 2019

Rafael Léonidas Trujillo Molina, homme d'état dominicain qui régna en maître sur Saint Domingue de 1930 à 1961.
Il instaura autour de lui un fort culte de la personnalité, se fit officiellement appeler « Son Excellence le généralissime docteur Rafael Léonidas Trujillo Molina, Honorable Président de la République, Bienfaiteur de la Patrie et Reconstructeur de l'Indépendance Financière », fit construire des milliers de statues à son effigie et rebaptise la capitale du pays Ciudad Trujillo. Il prit possession de plus du tiers des terres du pays et de 80 % des industries. À sa mort, sa fortune fut estimée à 800 millions de dollars, ce qui fait de lui l'un des hommes les plus riches de son époque.
Sa cruauté et celle de ses sbires était légendaire, ses mœurs particulièrement odieuses.

Vargas Llosa signe ici son meilleur texte. Comme ses autres romans, il est long, touffu et dur. Cette fois... très dur.
La structure du texte est assez complexe. L'histoire progresse par séquences.
Que vient donc faire cette jolie avocate américaine plus de 30 ans après les faits ?
Comment fonctionnait l'entourage de Trujillo ?
Peu à peu tout s'explique.

Mon dernier Vargas Llosa car je pense que j'en ai fait le tour, son roman indiscutablement le plus fort. Dur et parfois insoutenable il laisse un lecteur abasourdi et anéanti. Il ne s'oublie pas !

Tuer le bouc pour laver la corruption

10 étoiles

Critique de Justine J (, Inscrite le 19 mars 2013, 38 ans) - 5 juin 2013

Ce roman de Vargas Llosa est à mon avis un chef-d'œuvre.
Une œuvre qui passera les années, les décennies et plus encore, sans prendre une ride parce ce récit, bien qu'il réfère à l'Histoire d'un pays, est certes celui d'un temps, d'un lieu, d'un peuple, mais il est aussi une réflexion sur l'Homme.

En effet, le destin des habitants de Saint-Domingue soumis au dictateur Trujillo est tout à fait exemplaire.
L'ambivalence des rapports à un homme qui détient le pouvoir absolu et agit d'une manière autoritaire en sacrifiant toute liberté individuelle est forte: Trujillo est aussi considéré comme le Bienfaiteur, est le parrain de quantités de nouveaux nés, se révèle un généreux donateur. Et la corruption peut bien régner autour de ce personnage. Toutes les relations sous ce régime sont faussées, teintées de mensonges, le mal s'immisce partout...

De nombreux protagonistes sont dépeints comme souvent chez Vargas Llosa : les portraits sont étonnants, saisissants et suscitent chez le lecteur de véritables passions. Ici, en l'occurrence, le dégoût pour certains personnages est fort.
On passe de chapitre en chapitre de la grande Histoire à la petite dans une alternance subtile qui lie une destinée personnelle à ce grand tout dévorateur, ravageur. C'est l'histoire de la fille du sénateur Cabral, Urania, qui revient dans son pays d'origine qu'elle a quitté, retrouve une famille avec laquelle elle avait rompu, et qui fait ressurgir les souvenirs d'un traumatisme dont on n'aura la révélation qu'à l'extrême fin du roman.

Aussi, par cet entrelacement des récits extrêmement maîtrisé, par la justesse des interrogations que le roman soulève, par cette parole qui n'approche jamais le pathos, qui est toujours rigoureuse, par les jugements sans appel, Mario Vargas Llosa nous offre avec la Fête au Bouc plus que l'histoire d'un pays, un regard sur la nature humaine dans ce qu'elle peut avoir de plus pervers.

Cette fête (l'assassinat du dictateur), finalement, on se met à l'espérer, on veut la célébrer comme une délivrance pour des millions d'hommes, mais elle semble, étrangement, pour beaucoup d'entre eux, laisser un goût amer.

Condamnation ferme d'une dictature ubuesque

10 étoiles

Critique de Veneziano (Paris, Inscrit le 4 mai 2005, 46 ans) - 20 avril 2012

Tout système politique autoritaire verrouillé et paranoïaque aboutit à des montagnes d'incohérences, d'aberrations, de désastre social et humanitaire.
Ici, les arcanes du pouvoir sont décortiquées, et il apparaît dans son jour le plus cynique, le plus sordide et le plus glauque. Le lecteur y est amené à le constater de l'intérieur, au point qu'il se prête à espérer qu'il s'agisse d'un roman fictif, mais il s'agit bien d'un retour sur une réalité, la République dominicaine des années 1960.
Les histoires personnelles se croisent, se mêlent, jusqu'au projet d'attentat, jusqu'au retour de l'avocate, fille en exil d'un pilier du régime, qui ressasse ses souvenirs.

La charge est efficace, et est richement illustrée. L'auteur, péruvien fortement engagé, s'est solidement documenté, pour nous offrir un portrait clinique d'un régime verrouillé mais rouillé, à chaque instant au bord de choir. Un autre Prix Nobel de littérature, sud-américain, Gabriel Garcia Marquez, a pu traiter d'un sujet similaire sur le mode burlesque, dans l'Automne du patriarche.
Ce livre est à recommander pour toutes celles et ceux qui cherchent à connaître le fonctionnement des régimes autoritaires, qui s'intéressent aux fresques historiques ou sont curieux du passé de pays peu connus.

Mort d'un tyran

10 étoiles

Critique de Poignant (Poitiers, Inscrit le 2 août 2010, 58 ans) - 27 juin 2011

Après plus de 30 ans d’absence, Urania, brillante avocate d’affaire New Yorkaise, revient dans son pays d’origine, la République Dominicaine. Toute jeune, elle s’est enfuie aux Etats-Unis pour fuir la dictature de Trujillo, dont son père était l’un des dignitaires…

Quatre heures du matin, un jour de mai 1961. Rafael Trujillo se lève dans son palais de Santo Domingo (Trujillo Ciudad à l’époque). Alors qu’il se lave et s’habille, son esprit est préoccupé par le blocus économique des Etats-Unis et par l’opposition de l’église catholique à son régime…

A la fin de la même journée, sur un boulevard de Santo Domingo, quatre hommes attendent le passage de la voiture de Trujillo pour l’assassiner. Pour tuer le temps, ils se replongent dans leur passé…

A travers ces trois récits superposés, Mario Vargas Llosa décrit avec puissance et maestria un moment clé de l’histoire de la République Dominicaine. Le fonctionnement du régime de Trujillo, archétype de toutes les dictatures sanguinaires, y est disséqué au scalpel.

Mais ce roman est tout autant une nouvelle version de la condition de l’être humain face à son destin et aux soubresauts de l’histoire.
Les thèmes sont riches et variés : la lâcheté, le courage, la condition de la femme, la nostalgie, la liberté, la folie, la tyrannie, le pouvoir, la peur, la manipulation, l’humiliation, la vengeance. Leur subtil assemblage digne de Gabriel Garcia Marquez et d’André Malraux est écrit avec sobriété et élégance par un écrivain au sommet de son art, justement récompensé par le prix Nobel 2010.

A l’époque des révolutions des pays arabes et de l’affaire DSK, « La fête au bouc » reste totalement d’actualité.
Passionnant, fascinant et bouleversant.

Pour mieux comprendre St Domingue

8 étoiles

Critique de Tanneguy (Paris, Inscrit le 21 septembre 2006, 85 ans) - 5 janvier 2011

Le roman commence par la démarche d'Urania, une dominicaine de près de 50 ans,brillante avocate à New-york, qui retourne dans son île natale qu'elle a quitté 35 ans plus tôt en 1961 à la veille de l'attentat qui a coûté la vie au dictateur Raphaël Trujillo. On ne connaîtra qu'à la fin du roman les raisons de cet exil volontaire.

Entre temps Vargas Llosa décrira par le détail la dictature de Trujillo, les conditions de l'exercice du pouvoir, puis la mise en place de l'attentat, sa réalisation, sa répression et le redémarrage de la république sur des bases un peu plus démocratiques. Dans cette partie fort documentée, pas de roman, tous les noms sont réels, les personnages et les situations sont précisément analysés. C'est un document remarquable, précieux pour tous ceux qui s'intéressent à cette partie du monde, en particulier après que Haïti, qui partage l'île avec la République de St Domingue, a fait la une de l'actualité ces derniers mois.

L'attribution du Prix Nobel a remis l'auteur dans l'actualité littéraire ; on ne peut que s'en féliciter

Quand la réalité dépasse la fiction

10 étoiles

Critique de Oburoni (Waltham Cross, Inscrit le 14 septembre 2008, 41 ans) - 29 juillet 2010

Moi aussi je découvre une période de l'histoire et un auteur, et je ne suis pas déçu !

Rafael Trujillo, le Chef, le Bienfaiteur, le Generalissimo fut un dictateur qui maintint la République Dominicaine sous terreur pendant plus de trente ans, de 1930 à 1961.

Mario Vargas Llosa a le talent immense de revenir sur cette ère, nous la racontant sous les yeux de différents personnages appartenant à différentes époques -contemporains ou trente ans après les faits-, regards qui se superposent comme un mille-feuilles avec la précision d'une horloge et une finesse, spécialement en ce qui concerne la psychologie des héros, remarquable.

On suit le dictateur, ses ministres et sa famille dans leur pompe, le faste et la corruption d'un pouvoir absolu perverti jusque dans une misérable débauche sexuelle. On vit aux côtés des conspirateurs qui ont piloté son assassinat, tout comme on partage les conséquences terribles qui en résultent. On découvre une femme revenant dans son pays après plus de trente ans passés à New-York pour régler des comptes avec un père, ex-homme de main de Trujillo, qui osera commettre l'impensable pour s'attirer les faveurs du Chef. On suit avec agitation les conséquences de l'attentat, découvre les faits comme s'ils nous étaient racontés aujourd'hui même dans la presse ( encore une fois je ne connaissais rien de l'ère Trujillo avant de livre ce live ).

C'est en effet toute une histoire qui redéfile en filigrane sous nos yeux : le massacre de Parsley en 1937 qui verra la mort de plus de 20 000 haïtiens, les relations tendues avec les Etats-Unis, l'invasion ratée par Cuba le 14 juin 1959, la tentative d'assassiner le président vénézuélien Betancourt, la terreur menée par le SIM, cette police politique dont la cruauté culminera avec le meurtre des soeurs dissidentes Mirabal etc... "La Fête au Bouc" est avant tout un roman, on y apprend pourtant énormément.

Je pèse mes mots : un chef-d'oeuvre.

Les rouages de la dictature

8 étoiles

Critique de Saint-Germain-des-Prés (Liernu, Inscrite le 1 avril 2001, 56 ans) - 23 septembre 2006

Il est toujours instructif de lire des « romans » (entre guillemets car si la forme du livre est bien un roman, le fond est véridique) qui traitent de dictatures vues de l’intérieur : être conscient, théoriquement, de l’horreur d’une dictature, c’est une chose, mais la vivre à travers des personnages pendant 581 pages en est une autre… Pour le lecteur, forcé de penser à l’impensable, l’abject devient concret, il lui est impossible de détourner les yeux. Il m’est arrivé, devant des passages proches de l’insoutenable, de manquer physiquement d’air : je ne m’étais pas rendu compte que j’avais retenu ma respiration, comme si je voulais échapper aux vapeurs pestilentielles de la torture, de l’indigne, de l’atroce.

Les flash-backs multiples ont par contre ralenti ma lecture : j’ai décroché à plusieurs endroits car ce rythme coupé qui passe d’un personnage à l’autre, d’un temps à l’autre me faisait sortir de l’histoire. Mais ceci n’est qu’un détail… que d’autres semblent avoir apprécié…

En tout cas, à conseiller à ceux qui votent extrême-droite…

Vraiment très bon !

8 étoiles

Critique de Jules (Bruxelles, Inscrit le 1 décembre 2000, 80 ans) - 18 avril 2006

Ici, nous sommes dans la dictature la plus sombre, une sorte de Staline au soleil... Trujillo, s'il n'adhère pas à toutes les idées d'Hitler, l'admire pourtant aussi. Tous les mécanismes de la dictature nous sont exposés ici, y compris le culte de la personnalité. Se faire appeler "le Bienfaiteur", donner à sa mère le titre ridicule de "Sublime Matrone", à sa femme celui de "Très Honorable Dame", me paraît friser les sommets de la mythomanie. Quant à ses collaborateurs les plus proches ils ont droits à des surnoms aussi agréables que "Caboche" pour le président du sénat et d' "Ivrogne Constitutionnaliste" pour le sénateur Chirinos. Cela n'est encore rien à côté du fait de nommer son fils général à 7 ans et chef d'Etat Major à douze ! Et tout le corps diplomatique qui doit le saluer et le féliciter le jour de sa promotion. Ici, nous pouvons vraiment dire que le ridicule ne tue pas et que le côté dictatorial du régime est clairement étalé !

Trujillo partage avec Staline une profonde méfiance envers son entourage et joue à faire peur à chacun en permanence. Il joue...

Le livre est parfaitement bien construit avec ses retours fréquents sur images et la montée du suspense. Ce ne sera que dans les dernières lignes que nous connaîtrons le pourquoi des décisions d'Uranita ainsi que le résultat de la tentative de complot contre le Bienfaiteur.

Des scènes de tortures, des plus réalistes, ne nous seront pas épargnées.

Nous pouvons mettre ce livre en parallèle avec "La saga moscovite" d'Axionov et "Le zéro et l'infini" de Koestler, comme certains livres sur Hitler ou Franco (les scènes de tortures détaillées en plus ).

Vraiment à lire car, outre le côté très réaliste et parfaitement documenté, ce livre est passionnant à lire.

Une horreur humaine de plus...

8 étoiles

Critique de Manu55 (João Pessoa, Inscrit le 21 janvier 2004, 51 ans) - 27 septembre 2004

Pourquoi une brillante avocate new-yorkaise retourne-t-elle, après trente ans d'absence, à Saint-Domingue . Pourquoi n'a-t-elle pas donné de nouvelles à sa famille restée là pendant toutes ses années . Pourquoi a t'-elle tant de haine envers son père, vieillard sénile ?
La réponse est distillée tout au long de ce roman qui nous plonge dans l'enfer de la dictature trujilliste. Le retour d'Urania, fille d'un ancien pilier du pouvoir va raviver le passé. L'auteur nous fait partager les derniers instants du règne du Generalissime Rafael Leonidas Trujillo.
Petit à petit, minute après minute, le lecteur prend conscience de l'horreur de la dictature, de ses aberrations, de ses folies. Les mécanismes machiavéliques du pouvoir sont décortiqués. Le dictateur est mis à nu. Froid et calculateur, Son Excellence manipule, torture, élimine toutes les personnes autour de lui pour s'assurer le pouvoir absolu. Les opposants au régime sont éliminés. L'humain n'a plus de valeur et sa vie est entre les mains du Chef. L'humain est prêt à tout pour plaire au Chef, pour avoir sa place dans son organisation.
Le lecteur suit également les différents itinéraires des membres du complot qui vont éliminer le Bouc. Opposants de la première, anciens fervents trujillistes dépassés par la folie de leur guide, tous ont des raisons de tout sacrifier, d'entraîner tout leur entourage avec eux, pour éliminer Trujillo.

"Il y a au secrétariat un traître ou un incapable. J'espère que c'est un traître. Les incapables sont encore plus nuisibles."

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