La destruction de Kreshev de Isaac Bashevis Singer
Catégorie(s) : Littérature => Européenne non-francophone , Littérature => Anglophone
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Destruction volontaire
"A force de trop penser, il était devenu pervers. Il se réjouissait de tout ce qui faisait atrocement souffrir les autres. Un excès de sensualité l'avait rendu impuissant. Ceux qui connaissent bien la complexité de la nature humaine savent que la joie et la douleur, la laideur et la beauté, l'amour et la haine, la pitié et la cruauté et autres émotions contradictoires sont souvent intimement mêlées et que l'on ne peut guère les séparer l'une de l'autre. C'est ainsi que je réussis à détourner les êtres de leur Créateur et même à les détruire jusque dans leur corps, tout cela au nom d'une cause imaginaire."
"La destruction de Kreshev" est un récit qui ne prend pas une ride malgré le temps qui passe. Intégrisme religieux, bêtise humaine, interprétation trop légaliste des textes sacrés, superstition, clivage ville-village, peur de l'inconnu... autant de thèmes forts dans ce texte, qui s'appliquent à toutes les époques.
La jeune Lise, fille d'un riche hommes d'affaires venu s'installer à la campagne à cause de la santé déficiente de son épouse, se marie avec Shloimele, un étudiant qui ne tarde pas à l'envoûter et à lui faire perdre la tête, bafouer les lois ou la religion, sous prétexte qu'il lui enseigne la kabbale dans ce qu'elle possède de plus ésotérique et charnel. La jeune fille devient méconnaissable, se complait dans le vice et renie tous ses principes, au grand désespoir de son entourage. Le jeune homme n'est en réalité qu'un imposteur qui se fait passer pour kabbaliste intègre alors qu'il est un disciple de Sabbatai Zvi. Il avoue son crime et c'est sans doute à ce moment que le récit prend une autre tournure et que Singer joue, une fois de plus, avec talent de sa plume et de sa causticité.
Le jeune homme, un être pourtant abject, est quasiment pardonné de ses fautes car il a avoué et s'est repenti. Lise n'a d'autre choix que s'avouer coupable, elle sera humiliée et punie.
Révolte du lecteur qui s'est attaché à la jeune fille au fil des pages et pas vraiment à Shloimele. Colère devant cette interprétation subjective des textes sacrés, devant cette justice religieuse à deux vitesses et surtout devant l'immense stupidité qui s'est emparé de la plupart des habitants de Kreshev.
D'autant plus que dès le départ, Singer nous a pris par la main en confiant la narration de son récit à Satan lui-même, un être malfaisant mais pas détestable qui raconte comment il aime jouer avec les âmes et le pouvoir... ce dont, inutile de se mentir, nous avons tous rêvé de faire un jour ou l'autre. De quoi nous entraîner dans le sillage du démon qui place ses pions où bon lui semble et finir par nous demander si ses actes existent uniquement pour faire mal ou plus sournoisement pour démontrer que l'Homme peut souvent être bien idiot et se détruit lui-même sans l'aide de personne.
Du tout grand Isaac Bashevis Singer!
Les éditions
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La destruction de Kreshev [Texte imprimé] Isaac Bashevis Singer trad. de l'américain par Marie-Pierre Bay
de Bashevis Singer, Isaac Bay, Marie-Pierre (Traducteur)
Gallimard / Folio. 2 euros
ISBN : 9782070428700 ; 2,00 € ; 15/05/2003 ; 93 p. ; Poche
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Mémoires sataniques
Critique de Pierrequiroule (Paris, Inscrite le 13 avril 2006, 43 ans) - 14 août 2006
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