Chroniques d'une société liquide de Umberto Eco

Chroniques d'une société liquide de Umberto Eco
(Pape Satàn Aleppe. Cronache di una società liquida)

Catégorie(s) : Littérature => Européenne non-francophone , Sciences humaines et exactes => Economie, politique, sociologie et actualités , Sciences humaines et exactes => Philosophie

Critiqué par Septularisen, le 23 juillet 2021 (Luxembourg, Inscrit le 7 août 2004, 56 ans)
La note : 10 étoiles
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COMME UN «ECO», DE LA SOCIÉTE CONTEMPORAINE!

En 1985, Umberto ECO (1932 - 2016) inaugure sa chronique «La Bustina di Minerva» («La petite enveloppe de Minerve» ), qu'il tiendra dans le journal «L'Espresso», pendant plus de 30 ans, jusqu'à sa disparition. De ce rendez-vous hebdomadaire, - et faisant suite à "Pastiches et postiches» (1996) (1) ; «Comment voyager avec un saumon» (1998) (2) et de «A reculons comme une écrevisse (2006) (3) -, «Chroniques d'une société liquide» rassemble donc une sélection de textes parus entre 2000 et 2015.

Le grand sémioticien italien nous y livre sa vision du monde, à travers de brèves réflexions toujours empreintes d'humour, d’ironie, et toujours avec son érudition, sa justesse, et son talent de visionnaire. C’est très surprenant, mais rien ni personne n’échappe à son regard! Sur les pas du sociologue Zygmunt BAUMAN (1925 – 2017), à qui il «emprunte» le concept de «société liquide», il s’interroge avec intelligence – aidé il est vrai par sa culture générale exceptionnelle et sa curiosité d'une rare acuité -, sur notre société «postmoderne».

S’ensuivent sur treize chapitres, l’analyse par M. ECO de quelques-unes de nos plus grandes «vicissitudes», en rapport avec la société dans laquelle nous vivons. On retrouvera donc entre autres : Internet, la politique, la télé-réalité, les téléphones portables, les rapports «jeunes» / «vieux», l’éducation, les médias, les réseaux sociaux, les conspirationnistes, les partisans de la «platitude» de la terre, la religion, le racisme, la mort, la philosophie, la société du «être vu» pour exister, etc. etc… Mais, notons-le bien, plus que tout autre chose M. Umberto ECO fustige notre absence de réflexion critique, notamment envers les réseaux sociaux -, qui nous font croire tout, n’importe quoi, et leur contraire -, et notre bêtise qui nous rend esclaves de notre propre technologie…

Il m’est bien sûr impossible d’évoquer toutes les «Bustine» reprises dans cet ouvrage, dans une si courte recension. Mais p ex. dans le chapitre «Sur les téléphones portables», il analyse le nouvel «Homo Cellularis», ou quand le téléphone devient: «un phénomène socialement et technologiquement fondamental»… Il nous parle du fait «qu’aujourd’hui la technologie est ce qui vous donne tout, tout de suite, vous effleurez une touche de votre portable et vous êtes immédiatement en contact avec Sydney»…
Pour lui: «Les mobiles ont radicalement changé notre monde de vie et sont des objets philosophiquement intéressants»… «Il est un fait que le portable est devenu un instrument de communication excessive entre mères et enfants, de fraude au bac, de photo-manie compulsive ; les jeunes ont abandonné la montre car ils ont l’heure sur leur mobile ; ajoutons à cela la naissance des SMS, des flux d’infos à la minute, le fait qu’avec le portable on se connecte à Internet et on reçoit ses mails, et que, sous ses formes les plus sophistiquées, il fonctionne comme un ordinateur de poche»…

Il est vrai que les «méfaits» de nos technologies actuelles sont une de ses cibles préférés, sans jamais diaboliser, ni ostraciser personne… Il n’hésite pas à se mettre en scène lui-même et pas forcément toujours dans le rôle du héros : «Que se serait-il passé si j’avais eu, comme chaque gamin aujourd’hui, un portable avec caméra intégrée ? Sans doute aurais-je filmé, pour montrer à mes amis que j’y étais, et puis j’aurais posté mon capital visuel sur YouTube, pour régaler d’autres adeptes de la "Schadenfreude", à savoir le délice que l’on éprouve à être témoin du malheur des autres»…
On est, comme toujours avec Umberto ECO, frappés par la justesse, la précision et la profondeur de son argumentation. Il nous amène à nous poser nos propres questions, à développer notre propre argumentation (pour ou contre lui d’ailleurs…), mais l’essentiel n’est-t-il pas ailleurs? À savoir, dans le fait qu'il arrive à nous faire «bouger», nos cellules grises?..

Je finis étonné, ébahi, étourdi, par la simplicité du style de l’auteur. C’est un livre très accessible et à la portée de tout un chacun, pour des réflexions pourtant de très haute volée. Je n’hésite donc pas à le recommander sans retenue à tous!

(1) Cf. ici sur CL : http://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/8082
(2) Cf. ici sur CL : http://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/542
(3) Cf. ici sur CL : http://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/13285

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