Ma vie avec Apollinaire de François Sureau

Ma vie avec Apollinaire de François Sureau

Catégorie(s) : Littérature => Francophone , Littérature => Biographies, chroniques et correspondances

Critiqué par Poet75, le 9 février 2021 (Paris, Inscrit le 13 janvier 2006, 68 ans)
La note : 8 étoiles
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Un compagnon de vie

Il ne faut pas s’attendre à une biographie en bonne et due forme, mais plutôt, comme l’indique fort précisément son titre, à l’histoire d’un compagnonnage. « Je n’ai jamais aimé les maîtres, écrit François Sureau, et je savais que Guillaume n’en serait pas un ». Apollinaire, qui n’était d’aucune école et qui n’en fonda aucune, ne saurait être considéré comme un chef de file, de quelque manière que ce soit. « J’ai aimé Apollinaire dès le début de mon adolescence », précise François Sureau. Et, bien sûr (tous ceux qui sont épris de ce poète le comprendront aisément), cette passion ne l’a jamais quitté : « Apollinaire m’aura hanté toute ma vie ».
Comment ne pas vibrer de cette même ferveur ? On sait bien que demeurera une énigme : « un poète est hors d’atteinte, affirme François Sureau. Impossible d’être, en écrivant sur lui, à la hauteur de l’émotion qu’il peut susciter par ses vers. » Cela est vrai, tout comme est réelle la simplicité d’un homme qui se garde de toute prétention, même et surtout quand, les dernières années de sa vie, il porte l’uniforme et participe à la Grande Guerre : « Il n’y a pas de forfanterie chez Apollinaire, écrit François Sureau. Il y avait en lui de la pitié pour lui-même et ses camarades. »
Avait-il retenu quelque chose de l’éducation qu’il avait reçu, à la fin de son enfance, chez les marianistes à Monaco, là où l’avait placé sa mère ? Sa mère qui, précise Sureau, « était pieuse comme une femme de mœurs légères ». Si oui, il avait bien compris que la préférence de Jésus allait aux échoués, aux éprouvés, aux filles perdues, aux soldats. Guillaume surprend, voire déboussole, les bien-pensants, les conformistes, les intégristes de la foi chrétienne, et c’est tant mieux. Car oui, lui qui eut des amours multiples, lui qui écrivit quelques romans érotiques, voire même pornographiques, n’en chercha pas moins, beaucoup plus sincèrement qu’on ne l’imagine, la vérité de la foi, son feu. « Guillaume avait cherché partout l’image du Sauveur, et même dans les endroits où l’on n’y songe pas. » Et quand, dans Zone, le premier poème d’Alcools, Apollinaire écrit que « Seul en Europe tu n’es pas antique ô Christianisme » ou encore que « C’est le Christ qui monte au ciel mieux que les aviateurs », ce ne sont pas de simples affèteries de poète, comme on le croit parfois. « Zone est aussi un poème de l’éternité, écrit François Sureau, car (…) Dieu est présent à l’instant même. »
Bien évidemment, dans son livre, François Sureau évoque quelques grandes étapes de la vie de celui qui, né sous le nom polonais de de Kostrowicki, se fit appeler Guillaume Apollinaire et mourut à 38 ans, deux jours avant l’armistice, le 9 novembre 1918 de la grippe espagnole. Blessé en mars 1916 par un éclat d’obus qui lui avait perforé la tempe droite, il avait dû être trépané peu de temps avant de contracter la grippe. Trop affaibli, il ne put la supporter. Mais auparavant, il avait eu le bonheur d’accéder enfin à la nationalité française et d’épouser Jacqueline (de son vrai nom Amélia Emma Louise Kolb).
C’est à rebours que François Sureau conte quelques épisodes de la vie d’Apollinaire, en commençant précisément par sa mort, puis par son engagement dans la Grande Guerre. Il y eut aussi, bien évidemment, les autres femmes qu’aima Apollinaire et dont certaines le rendirent bien malheureux (ce qui lui fit écrire l’une de ses œuvres poétiques les plus superbes, La Chanson du Mal-Aimé) : Marie Laurencin, Louise de Coligny-Châtillon (surnommé Lou) et Madeleine Pagès. Et l’on ne saurait oublier les nombreux artistes qu’il fréquenta : Picasso, Juan Gris, Max Jacob, André Salmon, entre autres. On ne saurait oublier non plus quelques péripéties, comme celle du 7 septembre 1911 où il fut accusé de complicité dans le vol de La Joconde, ce qui lui valut de passer une semaine à la prison de La Santé. Tout cela, François Sureau le conte, mais non pas en biographe ordinaire. Non, il écrit en complice : c’est sa vie avec Apollinaire. Et c’est passionnant. Surtout (mais pas seulement) pour tous ceux qui, semblable à l’auteur de ce livre, ont fait de cet inestimable poète un de leurs compagnons de vie.

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