Athalie de Jean Racine

Athalie de Jean Racine

Catégorie(s) : Littérature => Francophone , Théâtre et Poésie => Théâtre

Critiqué par Fanou03, le 31 décembre 2020 (*, Inscrit le 13 mars 2011, 48 ans)
La note : 7 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (22 897ème position).
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« Aux promesses du ciel pourquoi renoncez-vous ? »

La première tragédie biblique de Jean Racine, Esther avait de toute évidence dû fort plaire j’imagine à sa commanditaire Madame de Maintenon puisque celle-ci lui demande d'en écrire une deuxième quelques années plus tard, qui sera Athalie, ultime œuvre du grand dramaturge. Dans la droite ligne de Esther, Athalie se caractérise par sa coloration religieuse et mystique, qui n’enlève rien à la qualité de l’écriture de Jean Racine. Mais rien à faire: je ne parviens pas malgré tout à apprécier Athalie autant que ses œuvres profanes.

Athalie nous conte un épisode de l’ancien testament. Athalie est une reine cruelle qui gouverne le Royaume de Juda après avoir éliminé toute sa famille (mari, enfants, petits-enfants...) en guise de vengeance. Elle a rétabli le culte de Baal qu’elle favorise au détriment du Judaïsme, rentrant en conflit avec le Grand Prêtre du Temple, Joas. Les hébreux tremblent qu’un jour la Reine ne décide de les persécuter ouvertement et de souiller le Temple par quelque sacrilège. Oui mais voilà : un des petits-fils d’Athalie, Joad, a été sauvé du massacre par sa tante Josabet (elle-même épouse du Grand-Prêtre) et élevé selon les plus pur principe du Judaïsme. Joas entends bien faire reconnaître l’enfant au peuple de Juda afin de renverser Athalie.

Contrairement à Esther, on retrouve le format classique des œuvres raciniennes : la pièce se compose de cinq actes. Mais Jean Racine ne profite pas de cette longueur pour creuser les rebondissements : j’ai trouvé pour ma part que le récit est assez linéaire. Et ce qui me manque surtout je pense c’est que les personnages principaux ne sont pas tellement déchirés par leurs propres dilemmes, leurs tourments, leurs fêlures, leurs faiblesses. Joas le grand-prêtre et son épouse Josabet sont intègres, montrant peu de doutes, de même que Abner ; tandis que le félon Mathan est caricatural. À mon sens, seule Athalie, heureusement, rehausse la pièce par la complexité de son caractère.

C’est une vraie chef d’État, qui revendique ses réussites diplomatiques, et un personnage de tragédie, fort sombre, qui a massacré sa famille pour une sombre histoire de vengeance, qu’elle assume. C’est une très belle femme (plusieurs fois l’adjectif « superbe » est utilisée), on l’imagine aussi fière que cruelle, voir décadente dans sa résolution de réimplanter le culte de Baal. Vraiment, incroyable figure que cette Athalie, hantée par la prémonition de sa chute (le passage où elle relate son terrible songe est un des grands moments de la pièce). Racine lui-même ne s’y est pas trompé car même si elle incarne sans ambiguïté le rôle de la « méchante » (elle en vient même à mourir en maudissant les descendants de David), la pièce porte son nom…

Pourtant, paradoxalement, le but de l’œuvre est clairement de rejeter Athalie, de faire des Croyants, qui résistent aux persécutions grâce à leur foi, un modèle, de mettre en valeur le jugement de Dieu et son infaillibilité. De ce point de vue là le « cahier des charges » est tout à fait réussi même si cela parfois s’avère un peu édifiant pour mon goût personnel. Les vers n’en sont pas moins magnifiques (« Aux promesses du ciel pourquoi renoncez-vous ? », « C’était pendant l’horreur d’une profonde nuit ») mais comme je le disais sans me l’expliquer vraiment je trouve que l’ensemble manque de rythme. Je n’arrive pas non plus décidément à me faire aux chœurs, qui font offices de psaumes et sont là pour chanter les louanges de l’Éternel.

Athalie est donc une pièce à part dans l’œuvre de Jean Racine, au même titre que Esther. Elle est sans doute à réserver aux inconditionnels du dramaturge, où en tout cas à ceux qui ne sont pas rebutés par le souffle puissant de la religion et de la spiritualité.

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L'apothéose de l'alexandrin

10 étoiles

Critique de Alceste (Liège, Inscrit le 20 février 2015, 62 ans) - 18 octobre 2022

La carrière du Racine tragédien s’achève en apothéose avec cette pièce qui contient selon moi deux sommets de tout le théâtre classique , et peut-être au-delà : le terrible « songe d’Athalie » d’abord, et ensuite la scène de la confrontation entre la même Athalie et le jeune Joas.

La première tirade citée, au-delà de sa force d’épouvante, est centrale dans l’économie de la pièce , puisque elle conditionne tout le mouvement narratif ultérieur : quel sort réserver à cet enfant élu : le proclamer roi pour chasser l’usurpatrice ou l’éliminer pour apaiser sa colère ?

Quant à la grande scène évoquée plus haut, elle tient en haleine par l’aplomb de l’enfant qui, inspiré par Dieu sans doute (« Daigne mettre, grand Dieu, ta sagesse en sa bouche »), tient tête à la vieille reine, laquelle ne peut reconnaître en lui son petit-fils.

Mais dans quelle pièce classique – Le Cid excepté- peut-on assister à un tel cortège d’alexandrins étincelants qui sonnent comme des médailles d’argent pur, à commencer par le premier : « Oui, je viens en son temple adorer l’Eternel » ?

Quelques-unes de ces pépites en guise de conclusion :

Vers 61 et 62
Celui qui met un frein à la fureur des flots
Sait aussi des méchants arrêter les complots.

Vers 94
Benjamin est sans force, et Juda sans vertu.

Vers 450
Voici votre Mathan, je vous laisse avec lui.

Tous les vers de 490 à 506
« Le songe d’Athalie »

Vers 563 à 566
A d’illustres parents s’il doit son origine,
La splendeur de son sang doit hâter sa ruine.
Dans le vulgaire obscur si le sort l’a placé,
Qu’importe qu’au hasard un sang vil soit versé.

Vers 632
Daigne mettre, grand Dieu, ta sagesse en sa bouche.

Vers 633 à 700
Le dialogue entre Joas et Athalie

Vers 736
Adieu, je sors contente ;
J’ai voulu voir, j’ai vu.

Vers 876
Elle flotte, elle hésite ; en un mot, elle est femme.

Vers 1814 à 1816
Apprenez, roi des Juifs, et n’oubliez jamais
Que les rois dans le ciel ont un juge sévère,
L’innocence un vengeur, et l’orphelin un père.

1698




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