A la colonie disciplinaire et autres récits de Franz Kafka

A la colonie disciplinaire et autres récits de Franz Kafka
( In der Strafkolonie)

Catégorie(s) : Littérature => Européenne non-francophone

Critiqué par Banco, le 12 août 2004 (Cergy, Inscrit le 6 août 2004, 42 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 3 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (25 429ème position).
Visites : 7 384  (depuis Novembre 2007)

Déroutant

Œuvre violente et quasi-expressionniste, A la colonie pénitentiaire est l'illustration même de l'œuvre de Kafka, si brève et si lisse qu'on est tenté d'y voir de l'ésotérisme et qu'on sort qu'avec doute et perplexité.

Un homme, en voyage d'étude dans une lointaine colonie pénitentiaire, est aussitôt appelé à arbitrer entre les usages cruels et sadiques hérités des croyances et de la discipline de l'ancien commandant, qu'il ne peut que condamner, et les droits de l'homme nouvellement introduits. Dans l'espoir de le gagner à sa cause solitaire, le dernier fidèle de l'ancien commandant l'invite même à observer une exécution capitale à l'aide de la machine inventée par l'ancien commandant pour inscrire la faute dans la chair du criminel. Indisposé par cette mise à mort sadique qui n'a plus de sens après la disparition de la foi qui l'a fondé, le voyageur ne peut que refuser l'offre de la défendre, bien qu'il ne puisse accepter non plus la bassesse et la veulerie du nouveau commandant. Déçu par ce refus de juger, le dernier fidèle choisit de se mettre à mort lui-même avec la machine mais celle-ci se brise soudain lui offrant une mort horrible et absurde.

Absurde, l'histoire d'A la colonie pénitentiaire l'est aussi. Ou plutôt incompréhensible. La nouvelle, comme toutes les autres œuvres de Kafka, échappe à l'explication, au commentaire. En dehors de l'image proposée, il n'y a pas de signification. Le sens fait ici corps avec le texte, il est l'explicite du texte. Kafka n'a jamais cherché à illustrer ou écrire autre chose que les mots tracés, laissant à toute son œuvre cette impression d'inachevé et de sombre absurdité qui ont fait sa célébrité posthume malgré la perplexité que son œuvre a toujours suscitée.

Face à cette histoire qui ne veut rien dire d'autre que ce qu'elle dit, il ne reste au lecteur que le désemparement et la perplexité. La même perplexité qu'éprouve le voyageur, dérouté par cet arbitrage entre l'ancien usage et les nouveaux aussi condamnables les uns que les autres parce la foi et l'idéal qui les a fondées. A la colonie pénitentiaire est une mise en abîme, involontaire, de l'importance du sens. C'est une œuvre pathétique et violente dont l'objet principal est une machine d'horreur et la matière un coup de théâtre. L'absurdité du thème est encore souligné par l'attitude indifférente, indifférente à la signification, des personnages du soldat et du condamné. Ceux-ci sont la preuve même laissée par Kafka qu'il n'y a rien d'autre que l'histoire racontée. Les idéaux sont chimériques dans cette histoire à l'image de toute l'œuvre de Kafka, sombre et poignante.

Mais l'œuvre de Kafka n'est sombre que parce qu'elle refuse de donner un autre sens, un sens transcendant aux histoires qu'elle décrit. C'est pour cela qu'elle est devenue une œuvre incontournable de l'histoire du roman.

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7 étoiles

Critique de Bernard2 (DAX, Inscrit le 13 mai 2004, 75 ans) - 15 octobre 2011

Lire Kafka n'est pas chose aisée. Ce recueil de nouvelles est peut-être une manière de découvrir un auteur complexe, à l'esprit tourmenté, et qui traduit de manière allégorique dans ses écrits un mal-être permanent. En lisant, j'avais la vision d'un homme faisant crisser ses ongles contre un mur rugueux...
Les récits figurant dans ce livre sont d'un intérêt inégal, et certains sont très courts (quatre pages pour « Premier chagrin »).
Le plus fort est le premier, qui donne son titre au livre entier. J'ai également beaucoup apprécié « Un champion de jeûne », ainsi que « Le terrier ». A chaque fois s'exprime une solitude, due à un isolement, une peur du monde, et une incommunicabilité quasi-maladive.
Faut-il donner ici des précisions sur chacune des histoires de ce livre ? Leur sens premier importe peu. Ce qui compte, c'est le sentiment général qui s'en dégage, la manière dont on le perçoit, comment on réagit, et comment on interprète les symboles.
Un livre d'une grande richesse, mais qui demande un réel effort de lecture.

Aucun sens cachés

8 étoiles

Critique de Neithan (, Inscrit le 19 juin 2005, 37 ans) - 22 juin 2005

Les récits qui parsèment ce recueil de nouvelles sont pour moi des chefs-d'oeuvre, en ce sens où elles échappent à toute interprétation, à toute symbolique pure... Aucun message n'est à déchiffrer à l'intérieur, ce qui fera de ces textes des sources de réflexion intense mais inutile chez les nombreux lecteurs de Kafka...

Comme il est dit dans la préface, toutes les élucubrations ont été commises à l'époque sur l'oeuvre: "Un personnage du Chateau était-il en train de repriser un bas, ce bas était la botte italienne, et donc Rome, et donc le Pape et donc la religion catholique, qu'on opposait à la foi juive."

Par exemple, Kafka nous raconte l'histoire d'un père de famille, qui nous fait une description rapide de chacun de ses onze fils, et... C'est tout! Le récit s’arrête subitement, sans plus de détails... Je peux comprendre que ceci reste obscur et rebute des lecteurs, mais ces traces de mystère qui parsèment ses textes sont une merveilleuse source d'imaginaire pour moi...

La nouvelle "A la colonie pénitentiaire", nous raconte quant à elle l'histoire d'un homme chargé malgré lui d'arbitrer entre deux pensées différentes, d'un côté les façons cruelles de procéder de l'Ancien commandant et les façons du Nouveau, issues directement quant à elles des droits de l'homme... L'histoire finit sans épilogue et reste en suspens...

C'est ici que se trouve, pour moi, le charme de ces nouvelles, absurdes et incompréhensibles, création du maître incontesté qu'est Kafka... Cet écrivain représente beaucoup pour moi, qui fut un de mes premiers auteurs, la façon qu'il a de rendre sa tristesse et sa mélancolie sur le papier est grandiose...

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