Un été avec Baudelaire de Antoine Compagnon

Un été avec Baudelaire de Antoine Compagnon

Catégorie(s) : Littérature => Francophone , Sciences humaines et exactes => Critiques et histoire littéraire

Critiqué par Alceste, le 2 septembre 2020 (Liège, Inscrit le 20 février 2015, 63 ans)
La note : 9 étoiles
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Baudelaire ne déçoit jamais

D’emblée, Antoine Compagnon le reconnaît : il est moins aisé de passer un été avec Baudelaire qu’avec Montaigne, son précédent sujet d’étude. Baudelaire offre des aspérités qui l’empêchent de « cocher les bonnes cases » de nos valeurs en vogue. Il déteste le rire, le suffrage universel, la philanthropie, la photographie, la presse, le progrès en général, et ne parlons pas de sa misogynie ou de son refus de l’émotion facile. On est loin de l’idéologie du « sympa ».
Comment rendre donc cette compagnie agréable ? Tout naturellement en lisant et en écoutant Baudelaire. C’est donc ce que fait Antoine Compagnon qui multiplie les citations, thème par thème, et qui les commente, rentrant ainsi au cœur de la sensibilité du poète. Et cela nous donne droit à quelques pensées roboratives telle que :
« Etre un homme utile m’a toujours paru quelque chose de bien hideux. » Ou :
« Par le suffrage universel, l’homme cherche la vérité dans le nombre comme dans un miroir. » Ou encore :
« Paris, tu m’as donné ta boue et j’en ai fait de l’or ».
Amusant d’apprendre qu’il a fait acte de candidature à l’Académie française.
Comme souvent, Proust est de ceux qui ont fait les observations les plus fines sur Baudelaire : « Rien n’est si baudelairien que Phèdre, rien n’est si digne de Racine que les Fleurs du mal. » Plus loin, Il saisit bien le côté torturé de Baudelaire, quasi janséniste, adepte d’une « théologie désolée. ». Selon Anatole France, « Baudelaire n’est pas le poète du vice ; c’est le poète du péché, ce qui est bien différent. »
Proust encore comprend bien le tragique qui imprègne toute la vie de Baudelaire : « Dans sa dureté, dans les souffrances qu’il raille, qu’il présente avec cette impassibilité, on sent qu’il les a ressenties jusqu’au fond de ses nerfs. » A mettre en rapport avec ce vers singulier :
« Les morts, les pauvres morts, ont de grandes douleurs. »
Peu de vers d’anthologie, en somme, mais bien des lignes qui mériteraient d’y figurer.

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