Chronique des jours de cendre de Mia Couto

Chronique des jours de cendre de Mia Couto
( Vinte e zinco)

Catégorie(s) : Littérature => Africaine , Littérature => Européenne non-francophone

Critiqué par Sahkti, le 22 juillet 2004 (Genève, Inscrite le 17 avril 2004, 50 ans)
La note : 7 étoiles
Visites : 5 289  (depuis Novembre 2007)

L'indépendance du Mozambique

Mia Couto appartient à la génération de ceux qu’on nomme les "Blancs des pierres", des enfants de Portugais nés au Mozambique. "Chronique des jours de cendre" est dédié au régime colonial, aux années difficiles, avec deux dates à garder à l’esprit : avril 1974, Révolution des œillets et juin 1975, indépendance du Mozambique.
La chronique de Mia Couto ne s’étend pas sur une période très longue mais que d’événements en si peu de temps.
Si le Portugal connaît le changement dans l’intensité, l’indépendance du Mozambique s’effectue différemment, c’est une colonie qui s’efface progressivement (et pas toujours facilement).
Plutôt que raconter l’histoire, Mia Couto a préféré en faire un roman, narrer le réel grâce à la fiction et des personnages à la limite de la caricature. On préférerait d’ailleurs pour certains que cela ne soit que de la caricature tant ils sont vils et mauvais mais l’Histoire nous a appris que réalité et fiction se ressemblaient beaucoup.

Lourenço Castro est un membre actif de la police politique de Salazar, la Pide. C’est un homme brutal qui représente l’horreur de la colonisation blanche. On découvre pourtant rapidement que derrière ce visage froid et violent se cache un homme fragile qui dort avec un ourson et est hanté par l’image de son père mort devant lui, happé par des prisonniers qu’il jetait du haut de son hélicoptère pour les faire disparaître. Image terrible qui ne lâche pas Lourenço et le détruit, tout en lui donnant la hargne nécessaire à son sale boulot de tortionnaire.
Lourenço est blanc, ils ne sont plus très nombreux au Mozambique et leur isolement se fait de plus en plus grand. Si au moins ils acceptaient de côtoyer les Noirs… ce que fait d’ailleurs un jour la mère de Lourenço, choc incroyable et bouleversement total. Jamais elle ne se serait permis cela du temps de son mari ! Ce n’est pas comme la tante Irène qui s’est toujours fichue des conventions et ne s’est jamais considérée comme supérieure aux gens de couleur qu’elle fréquente avec assiduité. Sa blague favorite est de faire croire qu’elle attend un enfant bâtard métis, juste histoire de voir la trombine de sa famille. Délicat amusement, reflet d’une société figée en perdition qui cherche par tous les moyens à ne pas perdre la face. Dur dur quand le régime colonial se fait la malle avec les illusions et les garanties de pouvoir.

Avec beaucoup de réalisme mais aussi de subtilité, Mia Couto nous raconte, de manière romanesque, les dérives d’un régime politique, la folie des hommes, les certitudes qui volent en éclat, le pouvoir qui devient prison et la liberté qui se fait violente. En permanence, férocité et sensibilité se côtoient, flirtant avec la révolte et l’espoir.

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