L'instant d'après de Max Alhau

L'instant d'après de Max Alhau

Catégorie(s) : Littérature => Francophone , Théâtre et Poésie => Poésie

Critiqué par Eric Eliès, le 25 janvier 2020 (Inscrit le 22 décembre 2011, 50 ans)
La note : 9 étoiles
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Vers l'instant premier

Ce recueil de courts poèmes en prose, très joliment imprimé sur un beau papier épais, impose une seconde lecture pour pénétrer l’étrangeté d’une marche en forme d’errance. Ce qui semblait être une promenade en bord de mer, à travers landes et falaises, dans l’éclat d’une lumière ambigüe, se transfigure peu à peu en paysage symbolique d’une présence qui se dévoile

Les roches, par leur dureté, épousent avec bonheur nos rêves les plus fragiles, tissant en face de nous un réseau incessant. La mer dans un lointain appel, nous signale au plus lourd de nos défaites une présence toujours accomplie, une rumeur émiettée, presque souterraine.

et nous confronte à ce qui se cache et se dérobe. La description prend l’accent d’une évocation et d’une invocation dans les ombres d’un clair-obscur permanent, hanté par la mort comme si le poète s’éloignait du pays des vivants… Le titre, un peu sibyllin (l'instant d'après... quoi ?), résonne d'un sens paradoxal, à la fois lumineux et mystérieux. L'instant est-il celui de la bascule de la vie vers la mort ? Le titre devient, comme les poèmes qui ne cessent jamais d’être obscurs, une énigme bruissant d’échos mêlant la présence et l’absence car, comme la lisière mouvante de la mer sur le sable ou les ténèbres qui naissent de l'éblouissement, tout est indistinct, sans frontière précise. Nous quêtons des signes mais seul l’inaccessible (la mort ?) nous offre, dans le lointain, un point de repère sûr.

Nous vivons de signes, de mots, de paroles absentes. Nul ne répond. Dans un pays sans mémoire, le temps nous délivre et nous égare. Nous marchons, nous guettons en chemin le vol d’un rapace, une crue à venir.
Notre ombre est notre miroir, notre oubli, notre espoir. Au loin, des sommets se découvrent, inaccessibles : cela seul importe qui n’est jamais franchi. Passer outre, clandestinement, suffit à nos illusions.

La mort n’est pas la fin : elle nous ramène à la source de l’éternité, où « l’instant d’après » est aussi « l’instant premier », et cette certitude d’échapper au temps affirme une présence infinie qui se manifeste dans l’éphémère de l’instant, dont la fugacité ne s’oppose pas à l’éternité mais, au contraire, la sublime et la justifie.

p.3 : (…) Notre existence connaîtra un goût acide et délicieux, cet attrait pour l’éphémère sans lequel est l’éternité n’est rien.

p.8 : (...) Si nous glissons, c'est vers l'amont, les yeux oublieux de toute échéance, fidèles à l'instant premier, aux gestes rituels, faiseurs de miracle sans croyance aucune.

p.23 : Le craquement d’une branche et le silence qui s’ensuit s’inscrivent en toutes lettres dans l’éternité de cet instant, acte exemplaire autant que définitif. Tout nous signale notre innocence, nous rappelle à des convictions que l’oubli ne pouvait faire siennes.

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